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30/06/2023 | FRANCE | N°16/09025

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 30 juin 2023, 16/09025


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 30 JUIN 2023



(n° , 15 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09025 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZETS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 février 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRÉTEIL RG n° 14-00952



APPELANTE

Madame [J] [X]

[Adresse 5]

[Localité 8]

comparante en personne, assi

stée par Me Rachel SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : W04, substituée par Me Sylvie ASSOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tot...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 30 JUIN 2023

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/09025 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZETS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 février 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRÉTEIL RG n° 14-00952

APPELANTE

Madame [J] [X]

[Adresse 5]

[Localité 8]

comparante en personne, assistée par Me Rachel SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : W04, substituée par Me Sylvie ASSOUNE, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015666 du 13/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉES

Société [10]

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparante, non représentée

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Madame Bathilde CHEVALIER, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,initialement prévu le 02 juin 2023 , prorogé au 30 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur renvoi après expertise médicale ordonnée par la cour par arrêt du 7 février 2020 statuant sur les appels interjetés par [J] [X] (l'assurée) et la S.A.R.L. [10] ([10]) (la société) contre un jugement rendu le 17 février 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige les opposant, en présence de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les faits ont été exposés dans l'arrêt rendu le 7 février 2020 par la cour d'appel de Paris auquel il est renvoyé.

Par cet arrêt, la cour a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription de l'action de l'assurée en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;

- infirmé le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- dit que la société a commis une faute inexcusable ;

- dit que la majoration de la rente allouée à l'assurée sera portée à son taux maximum ;

- ordonné une expertise médicale judiciaire et désigné le docteur [I] [Z] avec pour mission de :

* entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de l'assurée ;

* convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;

* examiner l'assurée ;

* entendre les parties ;

- dit qu'il appartient à l'assurée de transmettre sans délai à l'expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tout document utile à l'expertise, dont le rapport d'évaluation du taux d'IPP ;

- dit qu'il appartient au service médical de la caisse de transmettre à l'expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l'accident, et notamment le rapport d'évaluation du taux d'IPP ;

- dit qu'il appartient au service administratif de la caisse de transmettre à l'expert sans délai le dossier administratif et tout document utile à son expertise ;

- rappelé que le demandeur devra répondre aux convocations de l'expert et qu'à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l'expert, l'expert est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses ;

- dit que l'expert devra :

* décrire les lésions strictement occasionnées par les maladies professionnelles de l'assurée prises en charge le 29 août 2012 par la caisse ;

* Fixer les déficits fonctionnels temporaires en résultant, total et partiels ;

* les souffrances endurées, en ne différenciant pas dans le quantum les souffrances physiques et morales ;

* le préjudice esthétique temporaire et permanent ;

* le préjudice d'agrément existant à la date de consolidation, compris comme l'incapacité d'exercer certaines activités régulières pratiquées avant l'accident ;

* le préjudice sexuel ;

* dire si l'assistance d'une tierce personne avant consolidation a été nécessaire et la quantifier ;

* fournir tous éléments utiles de nature médicale à la solution du litige ;

- dit que l'expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

- dit que l'expert pourra en tant que de besoin être remplacé par simple ordonnance du président de la chambre 6.13 ;

- ordonné la consignation par la caisse auprès du régisseur de la cour dans les 60 jours de la notification du présent arrêt de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert ;

- dit que l'expert devra de ces constatations et conclusions rédiger un rapport qu'il adressera au greffe social de la cour ainsi qu'aux parties dans les 4 mois après qu'il aura reçu confirmation du dépôt de la consignation ;

- rappelé qu'aux termes de l'article R. 144-6 du code de la sécurité sociale, les frais liés à une nouvelle expertise sont mis à la charge de la partie ou des parties qui succombent en leurs prétentions, à moins que la cour, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie ;

- alloué à l'assurée une provision de 3 500 euros à valoir sur son indemnisation ;

- rappelé que la caisse avancera l'ensemble des sommes allouées à la victime, y compris au titre de la provision et de la consignation des frais d'expertise, et en récupérera le montant auprès de la société ;

- sursis à statuer sur les autres demandes des parties ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de la chambre 6.13 du lundi 8 février 2021 à 09h00 ;

- dit que la notification de la décision vaudra convocation des parties à cette audience.

L'expert a déposé son rapport le 27 novembre 2020.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'assurée demande à la cour de :

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2023, n° 20-23.673, Publié au bulletin ;

- fixer la réparation des préjudices indemnisables et ayant été évalués dans le rapport d'expertise du 26 novembre 2020, comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire : 1 316,25 euros ;

- souffrances endurées temporaire : 10 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros ;

- préjudice d'agrément temporaire : 5 000 euros ;

- Préjudice sexuel temporaire : 6 500 euros ;

- assistance temporaire par une tierce personne : 3 280 euros ;

- préjudice souffrances endurées définitives : 7 500 euros ;

- préjudice esthétique définitif : 7 500,00 euros ;

- préjudice sexuel définitif : 15 000 euros ;

- assistance définitive par une tierce personne : 79 288 euros ;

- préjudice permanent exceptionnel : 15 000 euros ;

- dire que le paiement de ces sommes sera avancé par la caisse, laquelle pourra exercer une action récursoire en paiement à l'encontre de la société ;

- ordonner un complément d'expertise pour évaluer le déficit fonctionnel permanent (DFP) de l'assurée, dont la réparation du préjudice sera fixée lors d'une audience ultérieure ;

- condamner la société à réparer le préjudice consécutif à cette faute inexcusable ;

- faire application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, en allouant au conseil de l'assurée la somme de 3 000 euros, cette dernière renonçant à percevoir l'indemnité due au titre de l'aide juridictionnelle ;

Subsidiairement,

- allouer à l'assurée une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.

Par ses conclusions écrites après expertise, soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

Vu le rapport d'expertise du docteur [I] [Z] ;

- prendre en considération les observations formulées par les concluants ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre de l'assistance définitive par une tierce personne à hauteur de 79 288 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du pretium doloris définitif à hauteur de 7 500 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément temporaire à hauteur de 5 000 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément définitif à hauteur de 7 500 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice sexuel temporaire à hauteur de 6 500euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice sexuel définitif à hauteur de 15 000 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice permanent exceptionnel à hauteur de 15 000 euros ;

- débouter l'assurée de sa demande d'expertise complémentaire ;

En tout état de cause, réduire et fixer les postes de préjudices indemnisables comme suit :

- 761 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 512 € au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

- 4 000 € au titre du pretium doloris temporaire ;

- 500 € au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 1 500 € au titre du préjudice esthétique définitif ;

- déduire du total des sommes allouées la somme de 3 500 euros déjà versée à titre de provision ;

- dire que la caisse fera l'avance de l'ensemble des sommes allouées par la cour en réparation des préjudices subis par l'assurée ;

- réduire à de plus justes proportions la somme qui pourrait lui être allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites reprises oralement par son conseil, la caisse demande à la cour de :

- ramener à de plus justes proportions les demandes formulées au titre :

* du déficit fonctionnel temporaire total et partiel ;

* des souffrances endurées temporaires et définitives ;

* du préjudice d'agrément temporaire ;

* du préjudice sexuel ;

* de l'assistance temporaire par tierce personne ;

- débouter l'assurée de ses demandes formulées au titre :

* du préjudice d'agrément définitif ;

* de l'assistance définitive par tierce personne ;

- lui donner acte qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour en ce qui concerne l'existence d'un préjudice permanent exceptionnel et que dans l'hypothèse où ce préjudice serait reconnu, ramener à de plus justes proportions la demande formulée par l'assurée à ce titre ;

- dire que la caisse fera l'avance de l'ensemble des sommes allouées à l'assurée ;

- dire que la caisse récupérera auprès de la société les montants versés à l'assurée, c'est-à-dire la majoration de rente et les sommes versées au titre de chaque poste de préjudice, et qu'elle récupérera également auprès d'elle les frais d'expertise.

Oralement le conseil de la caisse a ajouté qu'elle s'en rapportait sur la demande au titre du déficit fonctionnel permanent, en faisant valoir toutefois que l'expertise devait être prononcée sur la question.

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties à l'audience et visées par le greffe pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties.

SUR CE :

La faute inexcusable de la société a été retenue. Aucune faute de l'assurée n'a été retenue.

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

La réparation de ces préjudices est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Au cas d'espèce, l'assurée travaillait dans le nettoyage des avions en extérieur, en utilisant une grande perche, et en intérieur de l'aéronef. Le jour de l'expertise médicale, elle était au RSA depuis environ trois ans.

L'assurée a été prise en charge au titre de quatre pathologies professionnelles le 29 août 2012, à savoir : une ténosynovite gauche ; une ténosynovite droite ; un syndrome du canal carpien gauche ; un syndrome du canal carpien droit. Elle était âgée de 48 ans. Elle avait deux enfants âgés de 24 et 13 ans vivant à son domicile au moment de la prise en charge des quatre pathologies.

L'état de santé de l'assurée a été considéré consolidé au 31 juillet 2014 au titre des pathologies professionnelles. Elle était âgée de 50 ans. Un taux d'IPP de 5 % a été fixé au titre du canal carpien droit. Un autre de 9 % a été fixé au titre du canal carpien gauche. Aucun taux d'IPP n'est invoqué au titre des deux autres pathologies.

Le jour de l'expertise médicale, à savoir le 17 novembre 2020, l'assurée était âgée de 56 ans et vivait toujours avec ses deux enfants âgés de 30 et 19 ans.

1/ Les souffrances endurées temporaires et définitives :

Les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent sont réparables en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, l'expert dans son rapport a fixé à 3 sur 7 l'importance des souffrances endurées en retenant comme éléments constitutifs les lésions reconnues au titre des maladies professionnelles et l'ensemble des soins en rapport avec ces lésions. L'expert ne distingue pas les souffrances temporaires et les souffrances définitives.

L'assurée sollicite la réparation des souffrances endurées telles qu'évaluées par l'expert par une indemnité de 10 000 euros au titre des souffrances temporaires et de 7 500 euros au titre des souffrances définitives.

La société réplique que cette évaluation correspond à des souffrances endurées dites modérées et qu'elle peut donner lieu à une indemnisation comprise entre 3 500 et 6 000 euros. Elle soutient par ailleurs que les souffrances définitives sont indemnisées par la rente majorée et ne peuvent donner lieu à une indemnisation supplémentaire.

La caisse rappelle que les juridictions allouent généralement une indemnisation comprise entre 4 000 et 8 000 euros pour une évaluation à 3/7 de ce poste de préjudice.

Il convient de relever que la rente majorée ne répare pas les souffrances endurées définitives qui n'entrent ni dans les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ni dans le déficit fonctionnel permanent (Voir : Cass., Civ. 2, 20 janvier 2023, n° 20-23.673).

Eu égard aux faits de l'espèce et de l'indemnisation des souffrances endurées avant et après la consolidation, il y a lieu d'octroyer à l'assurée la somme totale de 10 000 euros.

2/ Le préjudice esthétique temporaire et définitif :

L'expert dans son rapport a retenu un préjudice esthétique temporaire de 1,5 sur 7 pour la période du 6 janvier 2012 au 2 avril 2013 pour la première intervention chirurgicale du canal carpien gauche puis de 2 sur 7 pour la période du 3 avril 2013 au 31 juillet 2014 pour la seconde intervention chirurgicale de la ténosynovectomie des fléchisseurs du majeur droit.

En outre, l'expert dans son rapport a conclu à un taux de préjudice esthétique permanent de 1,5 sur 7 au regard des cicatrices persistantes à la date de consolidation.

L'assurée sollicite une indemnité de 3 500 euros au titre du premier préjudice temporaire et de 4 500 euros au titre du second. Elle sollicite également la somme de 9 500 euros au titre du préjudice esthétique définitif.

La société réplique que les demandes sont disproportionnées au regard du préjudice esthétique de deux fois un mois et du préjudice permanent retenu de 1,5 %.

La caisse fait valoir que pour un préjudice évalué à 2/7 les juridictions accordent généralement une indemnisation comprise entre 2 000 et 4 000 euros.

Il y a lieu en conséquence de faire droit au principe de l'indemnisation des deux préjudices distincts subi chacun pendant un mois, mais en limitant l'indemnisation à la somme de 2 500 euros pour le premier préjudice temporaire et de 3 000 euros pour le second préjudice temporaire. Le préjudice définitif sera réparé par l'allocation de la somme de 2 500 euros. Le préjudice esthétique temporaire et définitif sera ainsi réparé par la somme de 8 000 euros.

3/ Le préjudice d'agrément temporaire et définitif :

L'assurée a déclaré à l'expert que les mercredis, vendredis et dimanches, elle préparait la messe (tables et chaises) dans une église et avait cessé cette activité au décours de la première intervention chirurgicale le 6 janvier 2012.

L'expert a expliqué qu'il n'y avait pas lieu de retenir de préjudice d'agrément, l'assurée devant être, selon lui, considérée comme médicalement apte à effectuer les mêmes activités déclarées qu'elle effectuait plusieurs fois par semaine dans son activité de bénévole dans une église.

L'assurée expose que les conclusions de l'expert sont critiquables et en contradiction, notamment, avec le rapport motivé du taux d'incapacité permanente. Elle fait valoir qu'elle pratiquait le badminton avec ses deux enfants et que désormais, comme en attestent ses enfants, elle ne peut plus tenir la raquette très longtemps. Elle reproche à l'expert d'avoir estimé que la pratique du badminton en famille n'était ni un sport ni un loisir entrant dans la notion d'agrément puisqu'il n'a même pas évoqué cette activité dans son rapport.

En outre, elle explique qu'elle occupait une partie de son temps libre à l'exercice d'activités bénévoles au sein de son église comme en attestent son pasteur qui indique qu'elle travaillait dans « le département de ménage, nettoyage de locaux et de services à table » et que depuis 2012 elle ne pouvait plus exercer ces activités au sein de la communauté en raison de ses problèmes au niveau de ses mains, et une éducatrice spécialisée avec qui elle servait au « département social » en s'occupant de tout ce qui est entretien des locaux. Elle reproche à l'expert de se tromper quand il considère qu'elle doit être considérée comme médicalement apte à effectuer les mêmes activités déclarées qu'elle effectuait plusieurs fois par semaine dans son activité de bénévole dans une église. Elle fait valoir que cela est méconnaître l'exigence que requiert le service à table de gens d'église, l'aspect rituel qui demande de la précision, sans parler de la valeur des pièces de service pour n'évoquer que cet aspect de l'aide qu'elle apportait à son église (Association [9]). Elle ajoute que c'est également faire peu de cas de sa culture que de ne pas admettre que de ne plus pouvoir s'occuper des enfants de sa famille, au sens large du terme, c'est-à-dire comprenant les petits-enfants et les enfants de ses s'urs mais aussi des membres de son église, ne constitue pas un préjudice d'agrément alors qu'elle y prenait un plaisir immense et tirait de la satisfaction et de l'orgueil d'être celle à qui l'on confie en toute confiance ses enfants au nom de sa douceur et de son savoir-faire.

Pour toutes ces considérations, l'assurée sollicite une indemnisation de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément temporaire et une autre de 7 500 euros au titre du préjudice d'agrément définitif.

La société oppose que l'expert n'a retenu aucun préjudice d'agrément et que la Cour de cassation a jugé que le préjudice d'agrément temporaire n'est pas susceptible de faire l'objet d'une indemnisation de manière autonome, celui-ci étant inclus dans le déficit fonctionnel temporaire. Elle relève que l'assurée invoque la pratique du badminton pour la première fois devant la cour et qu'elle ne produit que les attestations de ses enfants pour étayer ses dires et non une carte d'abonnement à un club, une licence sportive ou d'autres éléments probants. Elle ajoute qu'il ressort de son recours hiérarchique du 23 mars 2015 adressé au ministre de l'Intérieur (pièce n° 49 de l'assurée) que l'assurée est atteinte d'une maladie grave et invalidante depuis 2005 qui doit grandement limiter voire interdire la plupart des pratiques sportives, en particulier lorsqu'elles entraînent un effort physique important, une augmentation cardiaque, etc., comme c'est le cas dans le badminton.

La caisse fait valoir que l'expert n'a retenu aucune contre-indication médicale à l'activité de bénévolat dans une église mais que l'assurée était fondée à demander la réparation du préjudice d'agrément uniquement au titre de l'activité de badminton qu'elle effectuait avec ses enfants en la ramenant à de plus justes proportions et seulement pour le préjudice temporaire.

Le préjudice d'agrément se limite à l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Au cas d'espèce, la pratique du badminton est attestée par les enfants de l'assurée et la société ne rapporte pas la preuve contraire, peu important que cette pratique n'ait pas été poursuivie dans un club spécialisé. La caisse admet ce préjudice mais seulement pour la période temporaire et demande que la demande soit ramenée à de plus justes proportions.

Il est constant que le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire, qui répare la perte de qualité de vie de la victime et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique, intègre le préjudice d'agrément temporaire pendant cette période de sorte qu'il n'y a pas lieu d'indemniser séparément ce poste de préjudice (Cass., Civ. 2, 5 mars 2015, n° 14-10.758).

En outre, il n'y a pas lieu de limiter le préjudice d'agrément lié au badminton au préjudice temporaire, a fortiori lorsque cette activité a été nécessairement interrompue pendant la période couverte par le déficit fonctionnel temporaire puis abandonnée progressivement après la date de consolidation ou n'a pas été reprise après cette date.

Dans ces conditions, il convient d'allouer à l'assurée la somme de 2 000 euros au titre de l'impossibilité définitive de jouer avec ses enfants au badminton en raison de l'impossibilité de tenir une raquette, impossibilité qui ressort du rapport médical pour la fixation du taux d'IPP.

En revanche, l'expert médical a considéré l'assurée médicalement apte à effectuer les mêmes activités déclarées qu'elle effectuait plusieurs fois par semaine dans son activité de bénévole dans une église. Si cette dernière invoque un service de table nécessitant une grande précision rituelle, elle ne rapporte aucune preuve de sa participation aux activités cultuelle, le pasteur de l'église protestante à laquelle elle appartient et l'autre bénévole avec laquelle elle travaillait ayant attesté qu'elle ne participait qu'au « département de ménage, nettoyage de locaux et de services à table » et « social », ni même le maniement de vaisselle cultuelle précieuse comme elle l'invoque. Il s'ensuit qu'une indemnité ne peut être allouée au titre des activités bénévoles au sein de l'église de l'assurée dont aucune impossibilité ou limitation d'exercice n'est justifiée après consolidation.

4/ Le préjudice sexuel temporaire et définitif :

Devant le médecin expert, l'assurée a indiqué être gênée lors des relations sexuelles à cause de la diminution de sensibilité au niveau de ses deux mains.

L'assurée explique que le préjudice sexuel représente la privation d'un besoin vital pour tout être humain, en particulier pour une personne adulte vivant en couple. Elle rappelle qu'il ne peut être inclus dans le chef de préjudice d'agrément qui répare les privations des joies usuelles de l'existence, qu'une simple gêne positionnelle ne peut exclure la réparation de ce préjudice qui comprend l'ensemble des préjudices touchant la sphère sexuelle, qu'enfin, il existe trois types de préjudice de cette nature : le préjudice morphologique lié à l'atteinte des organes sexuels résultant des dommages subis ; le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose dans la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel ; le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté de procréer. Elle fait valoir qu'elle était âgée de 46 ans en 2011 et qu'elle était gênée lors des relations sexuelles en raison de la diminution de sensibilité au niveau de ses deux mains, comme en atteste son compagnon. Elle sollicite dès lors la somme de 6 500 euros au titre de ce préjudice temporaire. L'assurée ajoute que ce préjudice n'a pas été pris en compte lors de la fixation du taux d'incapacité permanente partielle et sollicite la somme de 15 000 euros au titre de ce préjudice définitif.

La société réplique que l'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice et qu'en tout état de cause le préjudice sexuel temporaire est intégré dans le déficit fonctionnel temporaire. Elle ajoute que l'éventuelle perte partielle de sensibilité au niveau des deux mains ne peut à l'évidence rentrer dans l'un des trois types de préjudices sexuels distingués par l'assurée elle-même. Elle ajoute que cette demande ne repose que sur l'attestation de l'ex-compagnon de l'assurée. Enfin elle soutient qu'en principe en l'absence d'atteinte morphologique, les doléances relatives à la réalisation de l'acte sexuel sont prises en compte dans le taux d'IPP comme appartenant aux conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

La caisse fait valoir que le préjudice sexuel recouvre trois aspects, pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement, à savoir : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels ; le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité) ; la fertilité. Toutefois dans la mesure où l'assurée note uniquement une perte de sensibilité au niveau des deux mains, sa demande doit être ramenée à de plus justes proportions.

Au cas d'espèce, il convient de rappeler que le préjudice sexuel temporaire, c'est-à-dire l'impossibilité de réaliser l'acte sexuel avant la consolidation, est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire (Cass. Civ. 2, 11 décembre 2014, n° 13-28.774).

Ensuite, le préjudice invoqué par l'assurée est lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lie' a' l'accomplissement de l'acte sexuel, et en particulier dans une atteinte de la capacite' physique de réaliser l'acte sexuel ou d'accéder au plaisir, lequel est suffisamment établi par l'attestation du compagnon de l'assurée, peu important qu'ils se soient depuis séparés.

Ce préjudice définitif en raison d'un taux d'IPP affectant chacune des deux mains, sera réparé par une indemnisation de 2 000 euros.

5/ L'assistance d'une tierce personne à titre temporaire et définitif :

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise qu'une aide temporaire humaine non spécialisée a été médicalement justifiée à raison de 4 heures par semaine pendant un mois principalement pour l'aide à la préparation aux repas en rapport avec les suites de chaque intervention chirurgicale, soit du 7 janvier au 7 février 2012 et du 4 avril au 4 mai 2013.

L'assurée fait valoir que l'indemnité allouée à ce titre ne saurait être réduite en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. Elle fait valoir que la cour d'appel de Paris retient un taux horaire de 20 euros. Elle observe qu'il résulte du rapport d'expertise que cette indemnisation doit se faire sur la base de 35 h soit 18 h pour la première période et 17 h pour la seconde période. Elle ajoute qu'au regard des deux périodes postopératoires pendant laquelle elle ne pouvait pas se servir de sa main opérée et de l'affaiblissement de l'autre, il est évident que 4 h par semaine sont en-deçà de la réalité de ses besoins, tout comme le fait de circonscrire cette aide à la préparation des repas. Elle soutient en conséquence qu'elle est fondée à solliciter 5 heures par semaine soit 22,5 heures pour la première période et 21,5 heures pour la seconde. Elle ajoute que compte tenu de ses séquelles, elle devait aussi être aidée à hauteur de 2 heures par semaine entre les deux périodes retenues par l'expert pour faire les courses, passer l'aspirateur, faire le repassage, les vitres, éplucher les légumes et porter les casseroles d'eau chaude de l'évier à la gazinière et inversement, de sorte que 2 heures par semaine du 8 février 2012 au 3 avril 2013, soit 60 semaines, doivent s'ajouter au préjudice total soit 164 heures à raison de 20 euros par heure, soit une indemnisation de 3 280 euros pour le préjudice temporaire.

L'assurée critique le rapport d'expertise en ce qu'il n'a pas prévu d'heure d'assistance définitive par une tierce personne et soutient que cela relève du pur déni des séquelles dont celle-ci souffre et du handicap supplémentaire pour une femme face aux tâches ménagères. Elle se prévaut de diverses attestations qui établissent son handicap définitif et son besoin d'une tierce personne a minima à raison de 2 heures par semaine jusqu'à la fin de ses jours. Elle soutient qu'étant âgée de 57 ans et que l'espérance de vie étant de 85,3 ans pour les femmes selon l'Insee en 2021, on doit calculer cette aide jusqu'au 31 décembre 2047, jour de ses 83 ans. Elle conclut que le préjudice de tierce personne à titre définitif doit être indemnisé à hauteur de 79 288 euros (3 536 h + 68 h = 3 604 h x 20 € = 72 080 € + 10% de congés payés afférents, soit 7 208 euros).

La société réplique qu'il faut retenir à la lumière du rapport d'expertise 32 heures (4h x 4 semaine x 2 mois) avec un taux horaire compris entre 16 et 25 euros en fonction de la spécialisation de la tierce personne, de la gravité du handicap, des difficultés de prise en charge comme les troubles du caractère de la victime. La société soutient qu'au cas d'espèce il ne s'agit que des actes les plus simples de la vie courante qui ne justifient qu'un taux horaire de 16 euros. Ensuite, la société s'oppose à la demande formée au titre d'un préjudice définitif qui n'a pas été retenu par l'expert et soutient qu'en tout état de cause, il s'agit d'un dommage couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale. Elle relève enfin que les attestations versées par l'assurée font état d'une perte sensivo motrice surtout de la main gauche alors que l'intéressée est droitière.

La caisse fait valoir que le calcul du préjudice définitif est purement hypothétique et sans fondement. Elle observe que l'expert n'a pas retenu ce préjudice. Elle ajoute que le préjudice temporaire doit être indemnisé sur les bases du rapport d'expertise et un taux horaire de 15 euros.

Au cas d'espèce, il convient de rappeler que la localisation des blessures, leur nature et leur importance n'ont justifié que deux périodes post-opératoires à raison de quatre heures par semaine selon l'expert médical qui n'est guère utilement contredit par de simples considérations générales sur les tâches domestiques d'une personne, qui en tout état de cause n'est pas isolée, et les attestations qui ne visent pas essentiellement la main dominante de l'intéressée.

L'assurée a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne pour la préparation des repas pendant ces deux périodes. Aucune autre aide n'est établie par les productions de l'assurée.

Rien ne justifie les deux heures invoquées par l'assurée entre les deux périodes post-opératoires.

Compte tenu de la jurisprudence habituelle au regard de la nature de l'aide en cause, il y a lieu de retenir une base forfaitaire de 16 euros par jour et d'allouer à l'assurée les sommes suivantes au titre du préjudice temporaire :

- 4 heures x 4,3 semaines x 16 euros = 275,20 euros

- 4 heures x 4,2 semaines x 16 euros = 268,80 euros

Soit au total la somme de 544 euros en réparation du préjudice d'assistance par une tierce personne à titre temporaire.

Ensuite, le préjudice invoqué à titre définitif du jour de la consolidation jusqu'au jour théorique de la fin de vie de l'assurée n'est étayé par aucun élément sérieux et n'a pas été retenu par l'expert. En outre, ce préjudice, lorsqu'il est avéré, est indemnisé par diverses dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, notamment celles de l'article L. 355-1 de ce code.

La demande formée au titre du même préjudice à titre définitif sera rejetée.

6/ Sur le préjudice permanent exceptionnel

L'assurée rappelle qu'il est de jurisprudence constante que le préjudice permanent exceptionnel réparable correspond à un préjudice extrapatrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats. Elle ajoute que doit être constatée l'existence d'un handicap permanent et la caractérisation de l'atypique afin de distinguer ce préjudice du poste de déficit fonctionnel permanent.

L'assurée fait valoir qu'elle a nécessairement subi ce préjudice atypique dans la mesure où le ministre chargé des naturalisations ajourne systématiquement ses demandes de naturalisation au motif que son parcours professionnel, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permet pas de considérer qu'elle a pleinement réalisé son insertion professionnelle puisqu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes et stables. Ne disposant d'aucune qualification professionnelle, elle a toujours occupé des emplois de type manuel et compte tenu des séquelles de sa maladie professionnelle, elle est désormais dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle nécessitant l'usage normal de ses mains. Elle expose qu'elle est le seul membre de sa famille à son domicile à ne pas avoir pu accéder à la nationalité française et parachever son intégration alors même que son neveu né au Congo et venu travailler en France a déjà obtenu la nationalité française depuis plus d'une dizaine d'années. Elle soutient que cette absence de naturalisation la place dans une situation d'infériorité par rapport au reste de sa famille en France et donne à ceux qui sont restés au pays l'impression qu'elle n'est pas parvenue à atteindre son but. De plus elle est exclue de la vie politique française et ne peut participer à aucune élection. Elle demande en conséquence la réparation de ce préjudice permanent exceptionnel par la somme de 15 000 euros.

La société réplique que les pièces versées par l'assurée correspondent à une demande de naturalisation de 2015 qui n'avait pas été refusée mais ajournée pendant deux ans. Elle ajoute que l'assurée a été expertisée le 17 novembre 2020 et a déposé des conclusions devant la cour en 2022 sans justifier d'aucune démarche depuis 7 ans. De même elle fait valoir que l'assurée ne produit aucun élément sur une recherche d'emploi ou tentative de reclassement depuis 8 ans sur des emplois non manuels, ni bilan de compétences, ni justification de sa situation professionnelle actuelle depuis 2015. Elle observe par ailleurs que l'assurée est atteinte d'un taux d'invalidité de 5 % et 9 %. La société conclut que l'assurée, à l'évidence, ne fait partie d'aucune des situations particulières visées par la nomenclature Dintilhac.

La caisse fait valoir que l'argumentation relative à l'activité professionnelle s'apparente davantage à un préjudice lié à l'incidence professionnelle qui correspond à une dévalorisation sur le marché du travail. La caisse s'en remet à l'appréciation de la cour et au cas où ce préjudice serait retenu lui demande de ramener à de plus justes proportions les prétentions de l'assurée.

En droit, le poste de préjudice permanent exceptionnel doit permettre, le cas échéant, d'indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais. Ce préjudice doit prendre une résonnance toute particulière soit en raison de la situation de la victime, soit en raison des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage.

Au cas d'espèce, l'assurée invoque une dévalorisation sur le marché du travail à laquelle elle impute le refus de naturalisation qui lui a été opposé, absence de naturalisation qui serait à l'origine d'un préjudice permanent exceptionnel.

Néanmoins, l'assurée ne verse que des pièces relatives à une suspension de décision prise en 2015 sans établir un lien entre cette suspension et les séquelles de l'accident assez proche de cette date et qui ne pourrait en aucun cas justifier à cette date une insertion insuffisante dans la société française sur de simples critères économiques apparus depuis l'accident. En outre, aucune autre démarche n'est établie et aucun lien entre un éventuel refus de naturalisation et les séquelles de l'accident n'est établi ni en 2015 ni après cette date.

Dans ces conditions, cette demande ne peut être que rejetée.

7/ Sur le déficit fonctionnel temporaire et définitif :

Le déficit fonctionnel temporaire

Il résulte des conclusions de l'expert qu'à la suite des maladies professionnelles de l'assurée, elle a subi six périodes de déficit fonctionnel temporaire :

* déficit fonctionnel temporaire total (première intervention chirurgicale du canal carpien) : le 6 janvier 2012 ;

* déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 25 % : du 7 janvier 2012 au 7 février 2012 ;

* déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 20 % : du 8 février 2012 au 2 avril 2013 ;

* déficit fonctionnel temporaire total (deuxième intervention chirurgicale de la ténosynovite du 3e doigt) : le 3 avril 2013 ;

* déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 25 % : du 4 avril 2013 au 4 mai 2013 ;

* déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 15 % : du 5 mai 2013 au 31 juillet 2014.

L'assurée sollicite l'indemnisation de ce préjudice sur la base d'un forfait de 27 euros par jour « en application du principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour tenir compte de l'inflation », soit au total la somme de 1 316,25 euros sur la base des dates retenues par l'expert mais l'intéressée ayant retenu 80 jours au titre de la période du 5 mai 2013 au 31 juillet 2014.

La société ne conteste pas les dates et taux retenus par l'expert, mais demande que l'indemnisation soit fixée sur la base d'un forfait de 20 euros par jour.

La caisse rappelle que la cour retient habituellement la somme de 25 euros.

Au cas d'espèce, il convient de relever que les parties s'entendent pour retenir les périodes de déficit retenues par l'expert médical. Cependant, l'assurée estime que la période du 5 mai 2013 au 31 juillet 2014 correspond à 80 jours, ce que la société reprend sans le discuter ainsi que la caisse. Or il apparaît qu'entre le 5 mai 2013 et le 31 juillet 2014, il n'y a pas 80 jours.

Il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats sur cette question pour permettre aux parties de s'expliquer.

Le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent est indemnisable et n'est pas compris dans la rente versée au titre de l'IPP fixée dans le cadre d'un accident du travail. Néanmoins, ce poste de préjudice n'a pas été apprécié par le médecin expert qui n'en avait pas reçu mission.

L'assurée sollicite une expertise complémentaire sur ce poste de préjudice. La société s'oppose à cette demande en faisant valoir que les souffrances physiques et morales ont d'ores et déjà été traitées par l'expert judiciaire en charge du dossier. La caisse ne s'oppose pas à cette demande.

En droit, le déficit fonctionnel permanent tend a' indemniser la réduction définitive après consolidation du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte a' l'intégrité anatomo-physiologique, a' laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve. Ce préjudice doit être distinct des préjudices résultant des incidences professionnelles des mêmes phénomènes, a fortiori dans le cadre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle où ces préjudices sont indemnisés par la rente.

Pour pouvoir apprécier, le cas échéant, ce poste de préjudice, il convient d'ordonner un supplément d'expertise médicale confiée au même médecin expert.

8/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il sera sursis à statuer sur la demande formée au titre des frais irrépétibles et des dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

VU l'arrêt du 30 novembre 2018,

FIXE l'indemnisation des préjudices personnels subis par [J] [X] du fait de la faute inexcusable de la S.A.R.L. [10] ([10]) en sa qualité d'employeur à :

- 10 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées temporaires et définitives ;

- 8 000 euros au titre des préjudices esthétiques temporaires et définitif ;

- 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément définitif ;

- 2 000 euros au titre du préjudice sexuel définitif ;

- 544 euros titre de l'assistance tierce personne temporaire ;

DIT que ces sommes seront avancées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne qui en récupérera le montant auprès de la S.A.R.L. [10] ([10]), conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

DÉBOUTE [J] [X] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice d'agrément temporaire, du préjudice sexuel temporaire, de l'assistance par une tierce personne à titre définitif et du préjudice permanent exceptionnel ;

Avant dire droit sur les autres demandes,

ORDONNE la réouverture des débats et invite les parties à s'expliquer sur le nombre de jours retenus pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire ;

ORDONNE un complément d'expertise médicale sur le déficit fonctionnel permanent ;

DÉSIGNE pour y procéder :

le docteur [I] [Z]

[Adresse 2]

Tél. : [XXXXXXXX01]

Email : [Courriel 11]

Avec pour mission :

- d'entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de [J] [X] ;

- de convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;

- d'examiner [J] [X] ;

- d'entendre les parties ;

DIT qu'il appartient à l'assurée de transmettre sans délai à l'expert ses coordonnées (téléphone, adresse de messagerie, adresse postale) et tous documents utiles à l'expertise, dont le rapport d'évaluation du taux d'IPP ;

DIT qu'il appartiendra au service médical de la CPAM du Val-de-Marne de transmettre à l'expert sans délai tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l'accident, et notamment le rapport d'évaluation du taux d'IPP ;

DIT qu'il appartiendra au service administratif de la CPAM du Val-de-Marne de transmettre à l'expert sans délai le dossier administratif et tous documents utiles à son expertise ;

RAPPELLE que [J] [X] devra répondre aux convocations de l'expert et qu'à défaut de se présenter sans motif légitime et sans en avoir informé l'expert, l'expert est autorisé à dresser un procès-verbal de carence et à déposer son rapport après deux convocations restées infructueuses ;

DIT que l'expert devra en tenant compte de la date de consolidation fixée par la caisse, et au regard des lésions imputables aux pathologies professionnelles :

- indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ;

- le cas échéant, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux ;

- fournir tous éléments utiles de nature médicale à la solution du litige ;

DIT que l'expert constatera le cas échéant que sa mission est devenue sans objet en raison de la conciliation des parties et, en ce cas, en fera part au magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

DIT que la CPAM du Val-de-Marne devra consigner à la régie de la Cour avant un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt une provision de 800 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et qu'à défaut la désignation de l'expert sera caduque ;

DIT que l'expert devra communiquer ses conclusions aux parties dans un pré-rapport, leur impartir un délai pour présenter leurs observations, y répondre point par point dans un rapport définitif, et remettre son rapport au greffe et aux parties dans les quatre mois de sa saisine ;

RAPPELLE que si l'expert ne dépose pas son rapport dans le délai prévu au premier alinéa du présent article, il peut être dessaisi de sa mission par le président de la chambre sociale 6.13 à moins qu'en raison de difficultés particulières, il n'ait obtenu de prolongation de ce délai ;

ORDONNE le renvoi de l'affaire à l'audience du :

Lundi 12 février 2024 à 09h00 heures

Salle Huot-Fortin 1H09,

Escalier H, secteur pôle social, 1er étage,

DIT que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience ;

RÉSERVE les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 16/09025
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;16.09025 ?
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