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29/06/2023 | FRANCE | N°21/19437

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 29 juin 2023, 21/19437


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19437 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUI7



Décision déférée à la Cour : jugement du 18 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/09025





APPELANTES



Madame [J] [X]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Née le

[Date naissance 3] 1989 à [Localité 12]

Représentée par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistée par Me NICOLAS Thomas, avocat ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19437 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUI7

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 octobre 2021 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/09025

APPELANTES

Madame [J] [X]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 12]

Représentée par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistée par Me NICOLAS Thomas, avocat au barreau de PARIS

S.A.M.C.V. MACIF

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistée par Me NICOLAS Thomas, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [T] [U]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 18]

Représentée et assistée par Me Véronique CLAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1008

Société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

Assistée par Me KLATZMANN Gaïa, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport et de Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 janvier 2017, à [Localité 15] (78), vers 19 heures, M. [F] [G], piéton, alors âgé de 14 ans, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel étaient impliqués le véhicule conduit par Mme [T] [U], assuré auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich) et le véhicule conduit par Mme [J] [X], assuré auprès de la société MACIF.

La société MACIF qui a pris en charge la procédure d'indemnisation en application de la convention IRCA, a versé à titre de provisions, la somme de 70 000 euros au bénéfice de M. [G], la somme de 2 000 euros, à la mère de ce dernier, Mme [M] [B] [D] et la somme de 162 642,97 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 18] (la CPAM).

Par acte d'huissier en date du 4 juillet 2019, Mme [J] [X] et son assureur, la société MACIF, ont assigné en garantie Mme [T] [U] et la société Zurich devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- dit que Mme [T] [U] n'a pas commis de faute de conduite lors de l'accident de la circulation du 3 janvier 2017,

- débouté en conséquence Mme [J] [X] et la société MACIF de leur demande d'être « relevées et garanties indemnes », par Mme [T] [U] et la société Zurich, de toutes sommes qu'elles ont versées et/ou qu'elles seraient amenées à verser au titre des conséquences de l'accident subi par M. [G] le 3 janvier 2017,

- dit en conséquence qu'en l'absence de faute prouvée à la charge de Mme [T] [U] dans cet accident corporel de la circulation, la contribution à la dette entre assureurs se fera par parts viriles entre les deux assureurs concernés sur le fondement des articles 1240 et 1242 du code civil,

- débouté Mme [T] [U] de sa demande de réparation d'un préjudice moral,

- condamné in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à payer à Mme [T] [U], la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à payer à la société Zurich la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF aux entiers dépens,

- accordé aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 9 novembre 2021, la société MACIF et Mme [J] [X] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant expressément chacune de ses dispositions, hormis celle ayant débouté Mme [T] [U] de sa demande de réparation d'un préjudice moral.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société MACIF et de Mme [J] [X], notifiées le 9 janvier 2023, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

Vu l'article R. 413-17 du code de la route,

Vu l'article 1240 du code civil,

- reformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que Mme [T] [U] n'a pas commis de faute de conduite lors de l'accident de la circulation du 3 janvier 2017,

- débouté en conséquence Mme [J] [X] et la société MACIF de leur demande d'être relevées et garanties par Mme [T] [U] et la société Zurich,

- dit que la contribution à la dette entre assureurs se fera par parts viriles,

- condamné in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à payer à Mme [T] [U] 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à la société Zurich 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- juger que Mme [J] [X] n'a commis aucune faute à l'origine de l'accident du 3 janvier 2017 et ne pouvait éviter le contact entre son véhicule, alors arrêté, et le corps de la victime projeté par le choc survenu avec le véhicule de Mme [T] [U], assurée auprès de la société Zurich,

- juger que Mme [T] [U] a commis des fautes de conduite à l'origine de l'accident en :

- ne voyant pas arriver le piéton faute d'attention normale,

- n'ayant manifestement pas adapté sa vitesse aux circonstances,

- n'ayant pas su rester maître de son véhicule,

- juger que ces fautes de conduite sont à l'origine de l'accident du 3 janvier 2017,

En conséquence,

- condamner la société Zurich et Mme [T] [U] à relever et garantir Mme [J] [X] et la société MACIF indemnes de toutes sommes qu'elles ont versées et/ou qu'elles seraient amenées à verser au titre des conséquences de l'accident subi par M. [G] le 3 janvier 2017,

- condamner les mêmes à verser à la société MACIF la somme de 234 642,97 euros en remboursement des provisions qu'elle a d'ores et déjà réglées à ce jour,

- déclarer irrecevable la demande de Mme [T] [U] au titre d'un prétendu préjudice moral ou, à défaut, l'en débouter,

- condamner la société Zurich à verser à la requérante une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Zurich également aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [R] [C], dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Zurich, notifiées le 26 janvier 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation,

Vu les articles 1241 et 1346 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [J] [X] et la société MACIF de toutes demandes formulées à l'encontre de la société Zurich,

Y ajoutant,

- condamner Mme [J] [X] et la société MACIF à verser à la société Zurich une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner ces mêmes parties aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Patrice Gaud, associé de la société AGMC Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de Mme [T] [U], notifiées le 14 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article R.413-17 du code de la route,

Vu l'article 1240 du code civil,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter Mme [J] [X] et la société MACIF de toutes leurs demandes formées à l'encontre de Mme [T] [U],

- condamner in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à verser à Mme [T][U] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

- condamner in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à verser à Mme [U], la somme de 6 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contribution à la dette

Les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de faute prouvée à l'encontre de Mme [T] [U], la répartition de la charge finale de l'indemnisation des préjudices de M. [F] [G] devait se faire par parts égales entre les assureurs des deux véhicules impliqués, la société MACIF et la société Zurich.

Mme [J] [X] et son assureur, la société MACIF, concluent à l'infirmation du jugement.

Ils soutiennent que Mme [J] [X] sur la voiture de laquelle le corps de M. [F] [G] a été projeté, n'a commis aucune faute, alors que Mme [T] [U] a commis plusieurs fautes de conduite ayant concouru à la survenance de l'accident ou à tout le moins à l'aggravation des dommages.

Elles font valoir que si Mme [T] [U], conductrice d'un véhicule de marque Mercedes, avait été attentive lors de la conduite de celui-ci, elle aurait dû voir M. [F] [G] plusieurs secondes avant le choc et donc ralentir et l'éviter, ce qu'elle n'a pas fait.

Elles précisent que selon le rapport en accidentologie établi à leur demande par le cabinet Erget sur la base des éléments recueillis dans le procès-verbal de police, la conductrice de la Mercedes avait à l'approche du feu tricolore, environ à 25 mètres de la collision, une vue dégagée sur le carrefour et que le piéton était nécessairement dans son champ de vision.

Elles ajoutent que la reconstitution de l'accident proposée par la société Zurich démontre que le piéton était engagé sur le passage protégé et visible pour Mme [T] [U], plusieurs secondes et plusieurs dizaines de mètres avant le choc, de sorte que si elle n'avait pas été fautivement inattentive, elle aurait nécessairement vu et évité le piéton ou à tout le moins ralenti, de sorte que les blessures de M. [F] [G] auraient été moindres.

Elles soutiennent, en outre, que dans la mesure où il faisait nuit, que la chaussée était mouillée, qu'il y avait un léger brouillard et que Mme [T] [U] approchait d'un feu de signalisation et d'un passage pour piétons, elle aurait dû réduire sa vitesse comme l'a fait Mme [X] qui roulait à 30 km/h, et qu'en s'abstenant de le faire, elle a violé les dispositions de l'article R. 413-17 du code de la route.

Mme [J] [X] et la société MACIF font valoir, enfin, que la présence aux abords d'une gare de piétons pressés n'est pas imprévisible et que Mme [T] [U] qui effectuait un trajet qu'elle connaissait parfaitement entre son lieu de travail et son domicile et arrivait à un croisement où se trouvaient des passages pour piétons, dont celui conduisant à l'unique accès à la gare ferroviaire et routière, ne pouvait ignorer la forte probabilité qu'un ou plusieurs piétons surgissent à cet endroit.

Elles ajoutent que l'accident n'était nullement inévitable puisque comme le relève le cabinet Erget, en réduisant sa vitesse à 30 km/h, le piéton serait arrivé dans la zone de collision environ une seconde avant la Mercedes et aurait eu le temps de finir de traverser avant même que la voiture atteigne le passage pour piétons.

Elles en déduisent que Mme [T] [U] et la société Zurich doivent garantir intégralement Mme [J] [X] et la société MACIF de toutes sommes déjà versées ou qu'elles seraient amenées à verser en réparation des conséquences dommageables de l'accident subi par M. [F] [G] le 3 janvier 2017.

La société Zurich, assureur du véhicule conduit par Mme [T] [U], conclut à la confirmation du jugement en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs des véhicules impliqués.

Elle soutient que son assurée roulait normalement sur sa voie de circulation, que le feu de signalisation était vert pour les automobilistes et rouge pour les piétions, que si Mme [T] [U], encore sous le choc de l'accident a indiqué lors de son audition devant les services de police qu'elle roulait à une vitesse comprise entre 40 km/h et 50 km/h, cette évaluation a été affinée par l'expertise en accidentologie réalisée à sa demande par le cabinet GM consultant qui a retenu qu'elle circulait à la vitesse de 41,4 km/h, que cette vitesse inférieure à la limite autorisée était parfaitement adaptée aux conditions de la circulation sur une longue ligne droite de 340 mètres bénéficiant d'un éclairage puissant, qu'aucun défaut de vigilance n'est établi à l'encontre de Mme [T] [U] et que cette dernière n'a pu éviter la collision avec M. [F] [G] qui a surgi à très vive allure et de façon soudaine sur la chaussée en dehors du passage pour piétons, ne permettant pas à l'intéressée de l'apercevoir à temps pour entreprendre une manoeuvre d'évitement.

Mme [T] [U], qui développe des arguments similaires à ceux de son assureur, ajoute que l'accident résulte d'une action soudaine, imprévisible et irrésistible de M. [F] [G].

*****

Sur ce, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles 1240 et 1346 du code civil.

La contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives et, en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, elle se fait à parts égales.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de police que l'accident s'est produit le 3 janvier 2017, vers 19 heures, sur [Adresse 14] à [Localité 15] (78), voie à double sens de circulation longeant la gare de [Localité 15] et formant une intersection « en T » avec l'avenue de la Gare.

Ils ont précisé que la vitesse maximale autorisée était de 50 km/h et ont relevé qu'au moment de l'accident, il faisait nuit, que la chaussée était légèrement mouillée, qu'il y avait un léger brouillard mais que les éclairages public fonctionnaient bien.

Selon leurs constatations, Mme [T] [U] circulait au volant de sa voiture de marque Mercedes sur [Adresse 14] en direction de [Localité 17] et Mme [J] [X] circulait sur cette même voie en sens inverse au volant de son véhicule de marque Renault.

Les fonctionnaires de police ont précisé qu'au niveau de l'intersection entre [Adresse 14] et l'avenue de la gare, les feux de signalisation tricolores étaient en fonctionnement tant pour les voitures que pour les piétons.

Il résulte du croquis de l'accident et des photographies annexées au rapport de police qu'un passage pour piétons est implanté à proximité de l'intersection, sur l'avenue de la Gare, et qu'un second passage protégé, dont la traversée est réglée par des feux de signalisation pour piétons, est implanté sur [Adresse 14].

Les fonctionnaires de police ont relevé que ce second passage protégé était le seul endroit permettant aux piétons d'accéder à la gare routière par une ouverture dans la barrière métallique longeant [Adresse 14].

Ils ont dans leur procès-verbal de transport et de constatations, décrit les circonstances de l'accident de la manière suivante : « un piéton provenant de l'avenue de la Gare et se dirigeant vers la gare routière, a traversé en courant au milieu de la route. Ce dernier rejoignait le passage piéton, seul endroit permettant de rejoindre la gare routière. En effet une barrière est présente le long de la voie séparant la chaussée de la gare routière. Le feu des véhicules se trouvait au vert et celui piéton était au rouge. En traversant, le jeune homme a uniquement regardé vers la gauche et n'a pas vu le véhicule arrivant sur sa droite. Il a été percuté à hauteur du passage piéton par un véhicule Mercedes classe B immatriculé [Immatriculation 13]. La victime a ensuite rebondi sur un véhicule Renault modus immatriculé [Immatriculation 11] ».

Ils ont établi un schéma de l'accident sur lequel ils ont localisé le point de choc initial à proximité du point d'accès à la gare routière sur le passage protégé implanté sur [Adresse 14] et positionné le corps de la victime, après sa projection sur le véhicule Renault conduit par Mme [J] [X], devant le capot de ce véhicule.

Ils ont constaté que le véhicule Mercedes conduit par Mme [T] [U] présentait des dégradations au niveau de l'aile et de la porte avant gauche et qu'une trace d'impact assez large était visible sur le pare-brise en partie haute, à gauche.

L'examen du véhicule Renault de Mme [J] [X] a permis de relever, notamment, que l'aile avant gauche était enfoncée, le capot cabossé et qu'une trace d'impact était présente sur le pare-brise.

Entendue le jour même de l'accident, Mme [J] [X] a déclaré : « Je circulais avenue des Prés, en direction de la zone artisanale des chênes. J'ai vu l' individu courir vers l'avenue de la gare en direction des bus. Je précise que le feu était vert pour les voitures. L'individu a traversé en regardant à gauche mais il n'a pas regardé à droite. Il courait vite. La conductrice de l'autre véhicule n'a pas pu l'éviter. L'individu a heurté la Mercedes. Il a rebondi sur notre voiture. »

Lors de sa seconde audition devant les services de police, le 4 janvier 2017, Mme [J] [X] a précisé que le jour des faits, elle était allée chercher sa mère à la gare, qu'elle venait de redémarrer et qu'arrivée à la hauteur du feu de signalisation se trouvant à l'angle de [Adresse 14] et de l'avenue de la Gare, elle avait alors vu un homme arriver sur sa voie de circulation avant le passage piéton ; elle a ajouté que selon elle, la victime venait de l'avenue de la Gare et avait « traversé d'un coup en courant très vite, mais pas au passage piéton ».

Mme [S] [X], passagère du véhicule, a confirmé lors de son audition devant les services de police que sa fille roulait à une vitesse de 30 km/h, qu'en voyant une personne arriver en courant elle avait ralenti, que le jeune homme avait traversé la route «d'un coup, en courant », qu' il avait été percuté par un véhicule et avait « rebondi » sur leur voiture.

Mme [T] [U] a déclaré au fonctionnaires de police le 5 janvier 2017 que le jour de l'accident, elle sortait du travail et regagnait son domicile, qu'elle circulait avenue des Prés en direction de [Localité 17] pour rejoindre la nationale 10, qu'arrivée à la hauteur du feu de signalisation à l'angle de l'avenue de la Gare qui était vert, elle avait poursuivi sa route, qu'elle devait rouler à une vitesse de 40 ou 50km/h, qu'elle n'avait vu personne sur le passage piéton, qu'elle avait passé le passage piéton lorsqu'elle avait entendu un grand choc contre son véhicule et s'était arrêtée.

Mme [K] [Y], conductrice du véhicule suivant immédiatement celui de Mme [J] [X] a déclaré que leurs deux véhicules roulaient à une vitesse de 30 ou 40 km/h, qu'arrivée à la hauteur du feu tricolore qui était vert, le véhicule la précédant avait freiné, qu'elle avait vu quelque chose être projeté et avait entendu un bruit de choc.

Elle n'a pas, en revanche, été en mesure d'apporter d'autres éléments d'information sur les circonstances de l'accident, indiquant seulement qu'elle n'avait pas vu le piéton traverser, qu'elle ne savait pas d'où il venait et n'avait pas été témoin du choc.

M. [F] [G] n'a pu être entendu au cours de l'enquête pénale, compte tenu de son état de santé, et sa mère, Mme [M] [B], a indiqué que le jour des faits, il devait aller chez le coiffeur au centre commercial de [Localité 16] puis rentrer en bus.

La société MACIF, assureur du véhicule conduit par Mme [J] [X] et la société Zurich, assureur du véhicule conduit par Mme [T] [U] ont chacune désigné un cabinet d'expertise en accidentologie afin de reconstituer le processus accidentel.

Le cabinet Erget, désigné par la société MACIF, est parti du postulat que M. [F] [G], au lieu de traverser le passage protégé situé sur l'avenue de la Gare, puis celui implanté sur [Adresse 14] pour rejoindre la gare routière, avait couru en diagonale entre ces deux points et a estimé en fonction de cette donnée que la vitesse du véhicule de Mme [T] [U] était d'au moins 45 km/h, qu'elle avait de réelles possibilités de voir le piéton suffisamment tôt pour entamer une manoeuvre d'urgence et éviter l'accident, ou en limiter les conséquences dommageables en ralentissant avant la collision, et que si elle avait circulé à une vitesse plus adaptée de 30 km/h, l'accident aurait été évité sans aucune action de sa part.

Le cabinet GM consultant, désigné par la société Zurich a, quant-à lui, retenu que M. [F] [G] avait longé le trottoir de gauche de l'avenue de la Gare en marchant puis, arrivant au niveau du passage pour piéton situé sur [Adresse 14], avait couru à une vitesse estimée à 5 m/s, correspondant à l'accélération moyenne d'un jeune entre 11 et 15 ans sur une distance de 10 mètres ; il a estimé que la vitesse de circulation de Mme [T] [U] était de 41,4 km/h et que compte tenu de la vitesse de déplacement de la victime, elle ne pouvait éviter la collision et n'aurait pas pu l'éviter davantage en roulant à 30 km/h.

Or, force est de constater qu'aucun des éléments objectifs de l'enquête ne permet de déterminer avec précision la trajectoire de la victime, hormis le fait qu'elle venait de l'avenue de la Gare sans autre précision concernant le trottoir, droit ou gauche, sur lequel elle se trouvait et qu'elle se rendait à la gare routière dont l'accès n'est possible pour les piétons que par un unique point situé au niveau du passage pour piétons implanté sur [Adresse 14].

L'hypothèse, retenue par le cabinet Erget, d'une trajectoire en diagonale de la victime entre les deux passages protégés n'est pas ainsi établie et repose sur de simples conjectures.

Par ailleurs si Mme [J] [X] et sa mère, qui sont les seules à décrire les déplacements de M. [F] [G], ont indiqué qu'il avait traversé [Adresse 14] avant le passage piéton en courant très vite, aucun élément ne permet d'établir avec exactitude sa vitesse de déplacement avant d'arriver au niveau de la chaussée ni de retenir que sa vitesse de course était de 5 m/s pendant sa traversée, comme l'a avancé le cabinet GM consultant.

Les conclusions de ces deux rapports d'expertise , réalisés à l'initiative d'une partie, qui reposent sur des données qui ne sont pas étayées par des éléments objectifs ne peuvent ainsi être retenues.

Au vu des éléments de l'enquête pénale, il n'est pas établi que la vitesse du véhicule de Mme [T] [U], comprise selon ses déclarations, entre 40 et 50 km/h était excessive ou inadaptée aux conditions de la circulation, alors qu'elle circulait sur une ligne droite, que le feu de signalisation était vert pour les automobilistes, et que si la chaussée était mouillée et qu'il y avait un léger brouillard , il ressort des photographies réalisées par la police, dont un exemplaire en couleur est annexé au rapport du cabinet Erget, que l'éclairage public assurait une bonne visibilité.

Il ne peut davantage être reproché à Mme [T] [U] une inattention fautive ou un défaut de vigilance, alors qu'il ressort des déclarations de Mme [J] [X], confirmées par sa mère, que M. [F] [G] a « traversé d'un coup en courant très vite», et que « la conductrice de l'autre véhicule n'a pas pu l'éviter », ce qui permet d'établir que la brusque traversée de la chaussée par la victime à vitesse rapide ne permettait par à Mme [U] de l'apercevoir à temps pour entreprendre une manoeuvre d'évitement.

Dès lors qu'il n'est ni allégué ni justifié que Mme [J] [X] aurait commis une faute, il convient de confirmer le jugement qui, en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs des deux véhicules impliqués dans l'accident, a jugé que la contribution à la dette entre la société MACIF et la société Zurich devait se faite par parts égales.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [T] [U]

Le tribunal a débouté Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts par un chef de dispositif dont elle n'a pas relevé appel incident, l'intéressée demandant à la cour dans le dispositif de ses conclusions d'intimée de « confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions ».

Il en résulte que la cour n'est pas saisie de ce chef de dispositif.

En revanche, Mme [T] [U] fait valoir que l'appel injustifié de Mme [J] [X] et de la société MACIF lui a causé un préjudice de stress son négligeable qui a entraîné des insomnies et sollicite leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

La cour est valablement saisie de cette demande relative à la procédure d'appel sur laquelle les premiers juges ne se sont pas prononcés et qu'il convient d'examiner.

Mme [J] [X] et la société MACIF concluent au rejet de la demande en relevant que Mme [T] [U] ne produit aucune pièce de nature à la justifier.

Sur ce, il n'est établi à l'encontre de Mme [J] [X] et de la société MACIF aucune faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'exercer les voies de recours prévues par la loi, ce que ne suffit pas établir la seule méconnaissance de l'étendue de leurs droits.

La demande de dommages-intérêts de Mme [T] [U] pour appel injustifié sera, en conséquence, rejetée.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [J] [X] et la société MACIF qui succombent en leur recours supporteront la charge des dépens d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Zurich une indemnité de 2 500 euros et à Mme [T] [U] celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de Mme [J] [X] et de la société MACIF formulées au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Constate que la cour n'est pas saisie, en l'absence d'appel incident, de la disposition du jugement déféré ayant débouté Mme [T] [U] de sa demande de réparation d'un préjudice moral,

- Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

- Déboute Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour appel injustifié,

- Condamne in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 2 500 euros et à Mme [T] [U] celle de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Rejette la demande de Mme [J] [X] et de la société MACIF formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum Mme [J] [X] et la société MACIF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/19437
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.19437 ?
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