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29/06/2023 | FRANCE | N°21/06202

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 juin 2023, 21/06202


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n°2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06202 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEA2F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00439





APPELANT



Monsieur [C] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté

par Me Valérie LEMERLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1853





INTIMEE



S.A.S. CIMATEX

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Irene ALESSANDRELLO, avocat au barreau de PARIS





C...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n°2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06202 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEA2F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/00439

APPELANT

Monsieur [C] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie LEMERLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1853

INTIMEE

S.A.S. CIMATEX

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Irene ALESSANDRELLO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogé à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail verbal à durée indéterminée du 1er octobre 2012, la société Cimatex (ci-après la société) a embauché M. [C] [J] en qualité de responsable dépôt, statut employé, pour une durée de travail de 76 heures par mois, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 552 euros.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective des salariés du négoce des matériaux de construction et la société employait moins de onze salariés lors de la rupture de cette relation.

M. [J] était également associé de la société Cimatex puisqu'il y détenait des parts sociales à hauteur de 40%.

Par lettre du 16 novembre 2018, M. [J] et son épouse, secrétaire au sein de la société, ont été mis en demeure de se présenter le 26 novembre suivant et de justifier de leur absence. M. [J] ne s'est pas présenté mais il a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 21 novembre 2018, d'une demande en paiement de son salaire du mois de juillet 2018 et de ses congés payés pris en août et septembre 2018.

La société lui a réglé son salaire et ses congés payés des mois de juillet à novembre 2018 par virement du 17 décembre 2018.

Le 8 février 2019 le conseil de prud'hommes de Bobigny a donné acte à M. [J] de son désistement d'instance et d'action et s'est déclaré dessaisi.

Par lettre du 16 janvier 2019, la société avait à nouveau mis en demeure M. [J] et son épouse de justifier de leur absence.

M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 13 février 2019, d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre du 28 février 2019, la société a convoqué M. [J] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 mars 2019.

Par lettre du 3 avril 2019, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par jugement du 28 juin 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration du 8 juillet 2021, M. [J] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [J] demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement et, statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 4 333,32 euros nette à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 333,33 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 533,33 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 18 666,66 euros nette à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 000 euros nette au titre des frais de justice irrépétibles ;

- condamner la société aux dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir ;

- débouter la société de ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Cimatex demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes et condamné M. [J] aux dépens ;

- infirmer le jugement pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

in limine litis,

- déclarer M. [J] irrecevable en l'ensemble de ses demandes du fait du désistement d'action précédemment régularisé et constaté le 08 février 2019 ;

à titre subsidiaire,

- déclarer la société fondée et recevable en toutes ses demandes ;

- juger que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

par conséquent,

- dire n'y avoir lieu de prononcer la résolution judiciaire du contrat ;

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre reconventionnel,

- constater que M. [J] était dans une situation de cumul d'emploi irrégulier à partir du 1er novembre 2016 ;

- constater que M. [J] a reçu le 14 décembre 2018 un important trop-perçu de sa part ;

- constater que les demandes formées par M. [J] constituent un abus de droit d'ester en justice ;

par conséquent,

- condamner M. [J] à lui restituer tout salaire perçu depuis le mois de novembre 2016;

- condamner M. [J] à lui verser la somme de 7 209,98 euros à titre de remboursement du trop-perçu ;

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre d'amende civile ;

- condamner M. [J] à lui verser la somme 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, principalement sur le fondement de la responsabilité délictuelle, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;

en tout état de cause,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la fin de non-recevoir tirée du désistement d'action constaté le 8 février 2019

La société soutient que M. [J] s'est expressément désisté devant la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins d'extinction de l'instance et de l'action sans limiter l'effet de son désistement à l'instance en référé ou aux demandes présentées dans le cadre de cette instance. La société en déduit que M. [J] a renoncé à exercer son droit lui-même et qu'il ne pouvait pas saisir, quelques jours après ce désistement, le conseil de prud'hommes au fond pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour les mêmes motifs que ceux invoqués au cours de l'instance en référé, à savoir le retard de paiement des sommes réclamées en référé.

Ce à quoi M. [J] réplique que le désistement d'action ne rend irrecevable toute demande nouvelle que si elle est dirigée contre la même personne assignée en la même qualité, qu'elle a le même objet et qu'elle est fondée sur les mêmes faits ; que le désistement d'action produit les effets attachés à l'autorité de la chose jugée. Il fait valoir qu'il n'a pas présenté de demande aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail dans le cadre de l'instance en référé de sorte qu'il n'est pas irrecevable à la présenter au fond ; que seule sa demande en paiement de son salaire du mois de juillet 2018 et de 37,5 jours de congés payés est concernée par le désistement d'action.

Suivant l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Il résulte des deux premiers alinéas de l'article 384 du code de procédure civile que, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie ; que l'extinction de l'instance est constatée par une décision de dessaisissement.

Et l'article 398 du même code précise que le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance.

En l'espèce, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes en référé le 21 novembre 2018 en paiement de son salaire de juillet 2018 et de ses congés payés (37,5 jours).

Dans sa décision du 22 février 2019, le conseil de prud'hommes a constaté que, par lettre du 8 février 2019, M. [J] se désistait de son instance et de son action et que la société avait accepté ce désistement. Il a donné acte aux parties de ce désistement.

Dans ces conditions, la renonciation à l'action ne peut concerner que le paiement du salaire de juillet 2018 et des 37,5 jours de congés payés. Le désistement d'action ne prive pas M. [J] de son action en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement des indemnités liées à la rupture de ce contrat.

Par conséquent, M. [J] est recevable en ses demandes et la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [J] rappelle que le paiement du salaire est une obligation fondamentale du contrat de travail. A l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [J] invoque l'absence de règlement de ses salaires pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2018 jusqu'au 17 décembre 2018 - le conseil de prud'hommes ayant été saisi en référé entretemps. M. [J] fait valoir que ce retard de paiement de cinq mois avait pour but de le contraindre à céder ses parts sociales dans la société pour un euro symbolique. Il fait également valoir qu'il était à son poste en juillet 2018 et qu'en août, septembre et octobre 2018, il prenait, avec l'accord de l'employeur, ses 122 jours de congés payés cumulés; que n'ayant pas été payé de ces mois-là, il a légitimement suspendu sa prestation de travail en novembre et décembre 2018 sur le fondement de l'exception d'inexécution. Il fait encore valoir que le manquement de l'employeur est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société.

Ce à quoi la société réplique que M. [J] a été continuellement absent de son poste de travail à compter du mois d'août 2018 puis notamment entre le 2 janvier 2019 et la date de son licenciement pour faute grave sans qu'aucun lien ne puisse être établi avec un prétendu retard de paiement de salaire. La société fait valoir qu'un retard d'un mois dans le versement de salaire n'est pas constitutif d'un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail alors que, par ailleurs, M. [J] avait la qualité d'associé et qu'en tout état de cause, en dépit de la régularisation intervenue le 14 décembre 2018 dans le paiement, M. [J] n'a jamais repris son poste de travail et n'a pas justifié son absence. La société fait ensuite valoir que le licenciement pour faute grave était, de ce fait, justifié et que la saisine du conseil de prud'hommes au fond n'avait pour objet que de contester de manière détournée la procédure de licenciement fondée sur son absence injustifiée. La société fait également valoir que le licenciement ayant été notifié le 3 avril 2019, la demande en résiliation judiciaire est devenue sans objet; que le licenciement n'est pas une mesure de rétorsion à l'action en justice de M. [J]; que le salarié n'a pas contesté en temps utile son reçu pour solde de tout compte ni son attestation pour Pôle emploi de sorte qu'ils ont un effet libératoire pour l'employeur - M. [J] ayant reconnu que la société ne lui devait aucune somme.

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il lui appartient de rapporter la preuve des faits, manquements ou agissements d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, M. [J] justifie que la société a opéré deux virements à son bénéfice le 14 décembre 2018 :

- l'un d'un montant de 2 013,54 euros correspondant à son salaire du mois de juillet 2018 ;

- l'autre d'un montant total de 10 846,45 euros net correspondant à ses salaires des mois d'août, septembre, octobre et novembre 2018 (4 x 2 552 euros) et à ses congés payés (3 190 euros).

Ces éléments résultent d'ailleurs d'un document établi par l'employeur et produit par M. [J] en pièce n°18. De plus, la réalité des deux virements en date du 14 décembre 2018 est établie par les relevés bancaires avec une date de valeur au 17 décembre 2018.

La privation de tout salaire pendant cinq mois consécutifs alors que le salaire a un caractère alimentaire constitue un manquement particulièrement grave de l'employeur à ses obligations qui n'est justifié par aucun motif. La régularisation de ce manquement n'est, de plus, intervenue qu'une fois l'action en référé engagée et finalement peu de temps avant la saisine du conseil de prud'hommes au fond par le salarié. La régularisation intervenue dans de telles conditions n'atténue que peu le manquement qui reste suffisamment grave et persiste à rendre impossible la poursuite du contrat. La résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J] aux torts de la société sera donc prononcée à la date du 3 avril 2019, date de notification du licenciement pour faute grave.

La circonstance selon laquelle M. [J] s'est vu remettre une attestation Pôle emploi et un solde de tout compte qu'il a certes signé mais qui ne mentionne expressément aucune somme est sans incidence sur le prononcé de cette résiliation.

En conséquence, la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les conséquences de la résiliation judiciaire

* sur l'indemnité compensatrice de préavis 

Suivant l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article 2.6.1.2 de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [J] correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de deux mois soit la somme de 5 104 euros, outre la somme de 510,40 euros au titre des congés payés afférents.

* sur l'indemnité légale de licenciement

L'article L.1234-9 du code du travail dispose :

Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Selon l'article R.1234-1 du code du travail, l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Par application de l'article R.1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

En application de ces dispositions plus favorables que celles de la convention collective et de la moyenne la plus favorable calculée sur les douze derniers mois de salaire, M. [J] est fondé à obtenir une somme de 4 035,20 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Partant, la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre 1,5 et 7 mois de salaire.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 49 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies ' M. [J] ne produisant aucun élément sur sa situation actuelle - il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 10 208 euros, suffisant à réparer son entier préjudice.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur le remboursement d'un trop perçu par le salarié

La société soutient que M. [J] a cumulé son emploi dans la société avec un emploi dans une société Bativi dont il était président et salarié et que ce cumul d'emploi était irrégulier au regard de la durée maximale de travail et du conflit d'intérêts en résultant. Elle en conclut que M. [J] doit lui rembourser le salaire perçu à partir de ce cumul irrégulier d'emploi car il a cessé à partir de juillet 2018 d'exécuter sa prestation de travail mais elle demande le remboursement des salaires versés depuis novembre 2016.

Ce à quoi M. [J] réplique qu'il n'est pas salarié de la société Bativi mais qu'il en perçoit une rémunération en sa qualité de président et que s'agissant d'une SAS, il se voit délivrer des bulletins de salaire car il cotise au régime général de la Sécurité sociale. M. [J] conteste l'existence d'un trop perçu dès lors qu'il a travaillé en juillet 2018 et qu'il a ensuite pris ses congés payés puisqu'il cumulait, selon son bulletin de salaire de mai 2018, 92 jours plus 30 jours de congés payés ; que le quantum sollicité en référé avait été adapté à la nature de cette procédure et que la société lui a payé en décembre tout ce qui lui était effectivement dû. Il en veut pour preuve qu'elle ne lui a d'ailleurs reproché son absence qu'à compter de janvier 2019 dans le cadre de la procédure de licenciement.

Aux termes de l'article L. 8261-1 du code du travail, aucun salarié ne peut accomplir des travaux rémunérés au-delà de la durée maximale du travail, telle qu'elle ressort des obligations légales de sa profession.

L'article 1302 du code civil dispose, dans son premier alinéa, que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

En l'espèce, la société ne rapporte pas la preuve du cumul d'emploi allégué ni a fortiori de son incidence sur la durée maximale de travail de M. [J] ou de l'existence d'un conflit d'intérêts ' la cour relevant, par ailleurs, que M. [J] était rémunéré par la société pour un travail à temps partiel de 76 heures par mois.

Elle ne démontre pas davantage que M. [J] aurait cessé d'exécuter sa prestation de travail à compter de novembre 2016 et qu'un trop perçu de salaire en serait résulté.

Partant, la société sera déboutée de sa demande en répétition de l'indu ' étant souligné que cette demande est présentée pour la première fois en appel.

* sur l'amende civile

L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Aucun abus dans l'exercice de son action en justice ne justifie de condamner M. [J] à une amende civile. Cette demande présentée pour la première fois en appel sera donc rejetée.

* sur les dommages-intérêts réclamés par la société

La société se fonde également sur l'article 32-1 du code de procédure civile pour solliciter des dommages-intérêts en invoquant une procédure abusive.

Toutefois, comme il a d'ores et déjà été répondu, aucun abus dans l'exercice de son action judiciaire ne peut être reproché à M. [J] de sorte que la société sera déboutée de sa demande présentée également pour la première fois en appel.

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et en appel ' la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre.

La société sera également condamnée à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. La décision des premiers juges est confirmée en ce qu'elle avait débouté la société de sa demande au titre de ces frais.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Cimatex et tirée du désistement d'instance et d'action de M. [C] [J] en référé ;

EN CONSÉQUENCE, déclare M. [C] [J] recevable en ses demandes dans le cadre de la présente instance au fond ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [J] aux torts de la société Cimatex à la date du 3 avril 2019 ;

CONDAMNE la société Cimatex à payer à M. [C] [J] les sommes suivantes :

- 5 104 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 510,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- 4 035,20 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 10 208 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

CONDAMNE la société Cimatex à payer à M. [C] [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Cimatex aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/06202
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.06202 ?
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