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29/06/2023 | FRANCE | N°21/05071

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 juin 2023, 21/05071


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZZV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02449



APPELANT



Monsieur [W] [T]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représenté par

Me Willy LEDANOIS, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



ELAFA MJA, prise en la personne de Maître [G] [L], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK HOLDING,

[Adresse 1]

[Lo...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZZV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02449

APPELANT

Monsieur [W] [T]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Willy LEDANOIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

ELAFA MJA, prise en la personne de Maître [G] [L], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK HOLDING,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [G] [L], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST DES AGS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023 à 9h00 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 9 novembre 2015, la société Artdesk a embauché M. [W] [T] en qualité de chef de projets, statut cadre, position 3.1, coefficient 170 moyennant une rémunération brute mensuelle de 3 500 euros, outre une prime annuelle d'un montant maximal de 3 500 euros versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés.

Les sociétés Artdesk et Artdesk Holding étaient membres du groupe Artdesk, qui exerçait dans le domaine de l'architecture d'intérieur.

Par « avenant au contrat de travail initial du 5 janvier 2015 » en date du 1er avril 2016, les parties ont convenu de fixer la rémunération brute mensuelle fixe du salarié à la somme de 3 900 euros avec, en sus de son salaire fixe, une rémunération variable sous forme d'une prime annuelle de 3 900 euros bruts en fonction d'objectifs qualitatifs dont la nature est revue chaque année et précisés dans une annexe au contrat de travail.

Toujours par « avenant au contrat de travail initial du 5 janvier 2015 » en date du 1er avril 2017, les parties ont convenu que M. [T] était « engagé » en qualité d'expert réalisation, statut cadre, position 3.1, coefficient 170 moyennant une rémunération brute mensuelle fixe de 4 380 euros avec, en sus de son salaire fixe, une prime annuelle d'un montant maximum de 4 380 euros versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils en date du 15 décembre 1987.

Le contrat de travail a pris fin le 9 novembre 2018.

Sollicitant le paiement d'un reliquat de sa prime sur objectifs 2016-2017, de sa prime sur objectifs pour les exercices 2017-2018 et 2018-2019 et de ses primes de vacances, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 6 avril 2020.

Le 9 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés Artdesk et Artdesk Holding et la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G] [L] a été désignée mandataire judiciaire.

Le 4 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre des sociétés Artdesk et Artdesk Holding et la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [G] [L] a été désignée liquidateur judiciaire.

Par jugement du 16 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [T] de ses demandes ;

- débouté l'AGS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] au paiement des dépens.

Par déclaration du 4 juin 2021, M. [T] a régulièrement interjeté appel du jugement notifié le 27 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [T] demande à la cour de:

infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- débouté de ses demandes ;

- condamné au paiement des dépens ;

statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 7 928,60 euros au titre des primes sur objectifs qui lui sont dues ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 752,17 euros au titre des primes de vacances qui lui sont dues ;

- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2019 ;

- condamner la société MJA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk et ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding à inscrire ces sommes dans le relevé des créances salariales qu'il lui incombe d'établir ;

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS et que celle-ci devra sa garantie au titre des créances salariales à défaut de fonds disponibles dans les sociétés ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la résistance abusive des sociétés Artdesk et Artdesk Holding ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2020 ;

- débouter la société MJA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk et ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding, ainsi que l'AGS, de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, au montant des dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Artdesk et Artdesk Holding demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

- limiter le montant d'une éventuelle condamnation au paiement de 390 euros bruts à titre de prime de vacances 2016, 438 euros bruts à titre de prime de vacances 2017 et 438 euros bruts à titre de prime de vacances 2018 ;

en tout état de cause,

- le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest (ci-après l'AGS) demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire, et si la cour devait infirmer le jugement par rejet des motifs précités :

- limiter le montant de la prime de vacances à 1% de la rémunération annuelle de M. [T] ;

en tout état de cause, sur sa garantie :

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, sa garantie n'est due qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sous réserve qu'un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire ;

- dire et juger qu'en tout état de cause sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte de la salariée, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution ou pour cause de rupture du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou de l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* Sur les primes sur objectifs

M. [T] soutient que d'anciens salariés ont obtenu le versement de primes sur objectifs qu'ils avaient réclamées. Il fait valoir qu'il a perçu une prime sur objectifs pour l'exercice 2016-2017 de 3 900 euros mais que cette prime a été calculée sur douze mois au lieu de quinze mois soit du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017 puisque, pour des raisons internes au groupe Artdesk, il a été décidé au cours de l'année 2016 d'étendre l'exercice 2016 jusqu'au 31 mars 2017. Il réclame un reliquat de 872,60 euros pour la période du 1er janvier au 31 mars 2016. Il fait valoir qu'il n'a rien perçu au titre des exercices 2017-2018 et 2018-2019 et qu'il lui est dû 4 380 euros pour l'exercice 2017-2018 et 2 676 euros pour l'exercice 2018-2019. Il fait encore valoir qu'en dépit de ses demandes, l'employeur ne lui a pas versé ces sommes. Il estime que l'employeur savait que ces primes étaient dues eu égard aux courriels envoyés à d'autres salariés en juillet 2019.

Ce à quoi Maître [L] ès qualités réplique que l'employeur peut fixer unilatéralement les conditions d'attribution de la part variable de la rémunération ; qu'en l'occurrence, en juin 2017, il avait été indiqué que le paiement des primes pour 2017 et 2018 était gelé de sorte qu'aucune prime sur objectifs n'était due à M. [Y].

L'AGS réplique, pour sa part, que la société s'était réservée la possibilité de réviser chaque année tant le principe que les conditions d'attribution de la prime et qu'en 2017, elle avait annoncé aux salariés un gel de cette prime pour 2017 et 2018.

L'article 6 du contrat de travail du 9 novembre 2015 stipule notamment :

« En sus de son salaire fixe, le salarié bénéficiera d'une prime annuelle d'un montant maximum de 3 500 euros (trois mille cinq cents euros) bruts versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés. Les critères de déclenchement et d'obtention de la prime feront l'objet d'une communication spécifique au début de chaque début d'exercice. 

En cas de suspension du contrat de travail ou de résiliation du contrat en cours de période, cette prime sera due et calculée au prorata du temps de travail effectué, y compris les périodes assimilées à un travail effectif dans la mesure où les objectifs sont atteints à date.

L'absence pour maladie ou accident d'une durée supérieure à 15 jours entraînera le paiement des primes variables au prorata.

Il est précisé que cette prime pour l'année 2015 et ce, en fonction de l'atteinte des objectifs, sera versée au prorata de la date d'arrivée de Monsieur [W] [T] ; la prime serait donc d'un montant brut de 584 euros (cinq cent quatre-vingt-quatre euros). »

L'article 6 de l'avenant du 1er avril 2016 stipule notamment :

« En sus de son salaire fixe, Monsieur [W] [T] bénéficiera d'une rémunération variable sous forme d'une prime annuelle de 3 900 euros (trois mille neuf cents euros) bruts versée en fonction d'objectifs qualitatifs. La nature des objectifs est revue à chaque début d'exercice ; lesdits objectifs qualitatifs seront précisés selon annexe au contrat de travail.

En cas de suspension du contrat de travail ou de résiliation du contrat en cours de période, cette prime sera due et calculée au prorata du temps de travail effectué, y compris les périodes assimilées à un travail effectif dans la mesure où les objectifs sont atteints à date.

L'absence pour maladie ou accident d'une durée supérieure à 15 jours entraînera le paiement des primes variables au prorata. »

L'article 6 de l'avenant du 1er avril 2017 stipule notamment :

« En sus de son salaire fixe, le salarié bénéficiera d'une prime annuelle d'un montant maximum de 4 380 euros bruts (quatre mille trois cents quatre-vingt euros) versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés. Les critères de déclenchement et d'obtention de la prime feront l'objet d'une communication spécifique au début de chaque début d'exercice. 

En cas de suspension du contrat de travail ou de résiliation du contrat en cours de période, cette prime sera due et calculée au prorata du temps de travail effectué, y compris les périodes assimilées à un travail effectif dans la mesure où les objectifs sont atteints à date.

L'absence pour maladie ou accident d'une durée supérieure à 15 jours entraînera le paiement des primes variables au prorata. »

Aux termes de l'article L. 3221-3 du code du travail, constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier.

Si l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, subordonner l'obtention d'une prime à la réalisation d'objectifs fixés par lui, il ne peut, en revanche, décider unilatéralement de la suppression de cette prime qui fait partie de la rémunération du salarié.

Si les objectifs ne sont pas fixés par l'employeur ou s'ils ne sont pas portés à la connaissance des salariés, les conditions d'octroi de la prime sur objectifs deviennent inopposables par l'employeur qui est alors de fait obligé au versement de la prime.

Or, l'employeur, en l'occurrence la société Artdesk représentée désormais par son liquidateur judiciaire, ne rapporte pas la preuve qu'elle avait fixé des objectifs à M. [T] ni même qu'elle avait notifié aux salariés se trouvant dans une situation identique un « gel » de la prime litigieuse.

* sur le reliquat de la période du 1er janvier au 31 mars 2016

Cette demande relève de l'application du contrat de travail du 9 novembre 2015. M. [T], qui sollicite un complément de prime portant sur la période du 1er janvier au 31 mars 2016 au motif que la prime qui lui a été versée a été calculée sur douze mois (période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017) alors que, l'exercice 2016 ayant été étendu jusqu'au 31 mars 2017, sa prime aurait dû être calculée sur quinze mois. Il n'est pas utilement contredit sur ce point par l'employeur. M. [T] est donc fondé à obtenir la somme de 872,60 euros dans la limite de la somme réclamée.

* sur les exercices 2017-2018 et 2018-2019

Contrairement à ce que soutient M. [T], la société Artdesk n'a pas reconnu que le versement de ces primes était acquis en son principe mais a indiqué qu'elle allait procéder à l'étude des stipulations contractuelles pour apporter une réponse à la question des primes non versées.

La cour déduit, de l'ensemble des éléments qui précèdent, que M. [T] est fondé à obtenir les sommes de 4 380 euros pour l'exercice 2017-2018 et de 2 664,50 euros suivant un prorata temporis effectué pour la période allant du 1er avril au 9 novembre 2018.

Aucun élément de la cause ne permet de conclure que la société Artdesk Holding a eu la qualité d'employeur de M. [T] de sorte que les créances du salarié seront fixées uniquement au passif de la société Artdesk.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* Sur les primes de vacances

M. [T] soutient que les primes de vacances prévues par la convention collective ne lui ont jamais été versées. Il fait valoir, à titre de comparaison, qu'une autre salariée, Mme [F], a perçu une prime de vacances de 500 euros en 2015 pour une rémunération mensuelle de 2 300 euros et en déduit que, pour une rémunération mensuelle de 3 900 euros, il aurait dû percevoir 847,83 euros en 2016, et pour une rémunération mensuelle de 4 380 euros, 952,17 euros en 2017 et 952,17 euros en 2018. M. [T] fait également valoir que les conditions pour une substitution de la prime de vacances par la prime sur objectifs ne sont pas réunies.

Ce à quoi le liquidateur judiciaire ès qualités réplique que la prime sur objectifs s'est substituée à la prime de vacances en faisant valoir que les primes sur objectifs ont un caractère aléatoire puisqu'elles peuvent être nulles, qu'elles sont versées entre le 1er mai et le 31 octobre et qu'elles représentent 1% de la masse salariale.

A titre subsidiaire, le liquidateur judiciaire ès qualités réplique que, dans l'hypothèse où la prime de vacances devrait être versée, son montant devrait être limité à 10% de la rémunération mensuelle du salarié soit 390 euros bruts pour 2016, 438 euros bruts pour 2017 et 438 euros bruts pour 2018.

L'AGS conclut que M. [T] ne justifie sa demande de rappel de primes de vacances ni en son principe ni en son montant et fait valoir que la salariée a été remplie de ses droits au moins jusqu'à l'année 2017 incluse.

L'article 31 de la convention collective dans sa rédaction applicable à la relation contractuelle prévoit :

« L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 p. 100 de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 p. 100 prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »

Seul l'employeur est en mesure de produire les éléments permettant de déterminer un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés et, le cas échéant, de démontrer qu'une autre prime a pu valablement se substituer à la prime de vacances et qu'elle a été effectivement versée entre le 1er mai et le 31 octobre.

Or, il ne produit aucun élément permettant à la cour de connaître le montant correspondant à au moins 10% de la masse globale des indemnités de congés payés. De plus, il ressort des éléments de la cause qu'aucune autre prime n'a été effectivement versée entre le 1er mai et le 31 octobre 2017 et entre le 1er mai et le 31 octobre 2018 puisque ces périodes correspondent aux années pour lesquels l'employeur a allégué un « gel » du versement de la prime sur objectifs ' seule prime dont il est allégué qu'elle se serait substituée à la prime de vacances.

Si le bulletin de salaire de Mme [F] de juillet 2015 mentionne une « prime » sans autre précision et ne peut, au moins à ce titre, servir de référence pour le calcul des primes de vacances suivantes, la carence de l'employeur à fournir les éléments nécessaires justifie d'allouer au salarié les sommes réclamées par lui au titre des années 2016, 2017 et 2018 soit respectivement 847,83 euros, 952,17 euros et 952,17 euros.

Aucun élément de la cause ne permet de conclure que la société Artdesk Holding a eu la qualité d'employeur de M. [T] de sorte que la créance du salarié sera fixée uniquement au passif de la société Artdesk.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce soit en l'espèce le 9 juin 2020. En conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt.

* sur l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS

Il résulte des dispositions de l'article L. 3253-15 du code du travail que l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables.

* sur la garantie de l'AGS

La cour rappelle que l'AGS doit sa garantie dans les limites légales.

* sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

M. [T] soutient que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi en ne lui versant pas les primes dont il avait reconnu qu'elles étaient dues et en ne donnant pas suite à ses demandes renouvelées. Il considère donc que la résistance abusive de l'employeur lui a causé un préjudice en le privant de ces sommes et en l'obligeant à agir en justice.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, M. [T] estime que la mauvaise foi de l'employeur résulte de ce que celui-ci avait admis que le versement des primes réclamées était acquis en son principe. Or, il ne résulte pas des courriers en réponse de l'employeur au salarié qu'il avait admis que les primes litigieuses étaient dues alors qu'il s'était uniquement engagé à examiner les demandes relatives à ces primes. Eu égard aux éléments de la cause, l'abus allégué par le salarié n'est pas caractérisé. Il sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

M. [T] soutient qu'il a été affecté par le fait de ne pas percevoir les primes qui lui étaient dues : incompréhension de voir que d'anciens collègues avaient perçu leurs primes ; légèreté et mépris de l'employeur qui, en dépit de ses promesses, n'a jamais répondu à ses demandes. Ainsi invoque-t-il un préjudice moral.

Cette demande en dommages-intérêts pour le préjudice moral allégué relève du même raisonnement que celui tenu pour la précédente demande en dommages-intérêts. A cet égard, M. [T] invoque un comportement fautif similaire à celui allégué au soutien de la demande d'indemnisation pour résistance abusive. Or, la cour a considéré que la faute exigée par l'article 1240 du code civil n'était pas établie. De plus, sur les trois attestations versées aux débats, seule celle de M. [U] [X] est accompagnée d'une pièce d'identité et elle n'est pas circonstanciée puisque si M. [X] déclare avoir perçu sa prime sur objectifs pour son activité relative à la période du « 31 » septembre 2017 au 31 mars 2019, il ne précise pas les dates des versements.

En conséquence, M. [T] échoue à caractériser la faute requise par l'article 1240 précité. Il sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk sera condamné aux dépens de première instance et en appel. La décision des premiers juges sera donc infirmée en ce qu'elle avait condamné M. [T] aux dépens.

Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk sera condamné à payer à M. [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'AGS sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et la décision des premiers juges l'ayant déboutée de sa demande au titre de ces frais sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [T] de ses demandes en dommages-intérêts et de ses autres demandes dirigées à l'encontre de la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding et sauf en ce qu'il a débouté l'association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE les créances de M. [W] [T] au passif de la société Artdesk aux sommes suivantes :

- 872,60 euros au titre du reliquat pour la période du 1er janvier au 31 mars 2016 ;

- 4 380 euros au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2017-2018 ;

- 2 664,50 au titre de la prime sur objectifs prorata temporis pour l'année 2018-2019 ;

- 847,83 euros au titre de la prime de vacances pour l'année 2016 ;

- 952,17 euros au titre de la prime de vacances pour l'année 2017 ;

- 952,17 euros au titre de la prime de vacances pour l'année 2018 ;

CONDAMNE la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk à payer à M. [W] [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce soit en l'espèce le 9 juin 2020 et que les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt ;

RAPPELLE qu'en application de l'article L. 3253-15 du code du travail, l'association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables ;

RAPPELLE que l'association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest doit sa garantie dans les limites légales ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05071
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.05071 ?
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