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29/06/2023 | FRANCE | N°21/04965

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 juin 2023, 21/04965


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04965 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZKT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F18/00274





APPELANTE



S.A.S. K PAR K agissant poursuites et diligences de son Président domiciliÃ

© en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053



INTIME



Monsieur [U] [C]

[A...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04965 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZKT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F18/00274

APPELANTE

S.A.S. K PAR K agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

INTIME

Monsieur [U] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 22 Novembre 1980 à [Localité 5]

Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à effet au 1er janvier 2010, M. [U] [C], qui travaillait déjà pour cette société depuis le 21 novembre 2007 en qualité de voyageur repésentant placier (VRP) a été engagé par la société K par K en qualité de représentant VRP, responsable des ventes, position cadre, moyennant une rémunération mensuelle fixe de 2 000 euros brut outre une partie variable composée de commissions calculées sur la base des commandes réalisées par lui personnellement et des commandes mensuelles de l'équipe magasin. Aux termes de son contrat, il était chargé des fonctions suivantes : démarchage, animation de l'équipe de ventes de son magasin d'affectation, planification et contrôle des résultats des actions marketing, distribution à la clientèle des services financiers, établissement d'un rapport hebdomadaire.

M. [C] a subi un accident du travail le 4 décembre 2017 ayant entraîné des arrêts de travail et n'a pas repris son activité depuis.

La relation de travail était soumise à l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975.

Soutenant que le statut de VRP ne lui était pas applicable, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 31 janvier 2018 afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, des rappels de salaires, notamment sur heures supplémentaires, et diverses indemnités au titre de l'exécution et la rupture du contrat travail.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 12 juin 2018, l'employeur lui reprochant en substance d'avoir commis une violation de ses obligations de loyauté et d'exclusivité en exerçant une activité professionnelle pour son propre compte pendant son arrêt de travail.

Par jugement du 5 mars 2021 auquel la cour renvoie pour plus ample exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section encadrement, statuant en formation de départage, a :

- fixé la moyenne de salaire à la somme de 6 000 euros,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat travail aux torts de la société K par K à la date du 12 juin 2018,

- dit que la résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société K par K à verser à M. [C] les sommes suivantes :

avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018 :

* 18 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 800 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 11 100 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de rupture,

* 50'000 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 5 000 euros brut au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

* 24 000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15'000 euros net à titre d'indemnité pour manquement par la société K par K à l'obligation de sécurité,

- débouté M. [C] de ses demandes en :

* rappel de salaire,

* indemnité compensatrice de tickets restaurant,

* dommages-intérêts pour absence de repos compensateur,

* indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- ordonné d'office le remboursement par la société K par K des indemnités de chômage versées par Pôle emploi à M. [C] à la suite de son licenciement dans la limite de trois mois,

- condamné la société K par K à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société K par K de sa demande sur ce même fondement,

- condamné la société K par K aux dépens.

La société K par K a régulièrement relevé appel du jugement le 27 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 4 avril 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société K par K prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des chefs de condamnations prononcées à son encontre, subsidiairement, limiter à un mois le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de ses autres demandes,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [C],

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 2 000 euros au titre des frais exposés en appel,

- condamner M. [C] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident n° 2 notifiées par voie électronique le 27 mars 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a

- fixé la moyenne des salaires à 6 000 euros,

- prononcé la résiliation du contrat travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société K par K à lui verser les sommes de':

* 18 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 800 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018,

* 15'000 euros net à titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné d'office le remboursement des indemnités de chômage versées à la suite de son licenciement dans la limite de trois mois,

- condamné la société K par K à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté la société K par K de ses demandes,

- condamné la société K par K aux dépens,

- confirmer sur le principe, réformer les quantum et condamner la société K par K à lui verser les sommes de :

* 72'000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018, subsidiairement 24 000 euros,

* 24 000 euros de dommages-intérêts à titre d'indemnité conventionnelle de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018, subsidiairement 11 100 euros,

* 187 680,60 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018 outre 18 768,06 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement 145 818,76 euros outre 14 581,87 euros au titre des congés payés afférents, à titre infiniment subsidiaire, 50'000 euros outre 5 000 euros au titre des congés payés afférents,

- infirmer la décision en ce qu'elle a dit que le statut de VRP s'appliquait et l'a débouté de ses demandes au titre du rappel de salaires pour les années 2015 à 2017, l'indemnité compensatrice de tickets restaurant, les dommages-intérêts pour inégalité de traitement, absence de repos compensateur obligatoire et congés payés afférents les années 2015 à 2017, dommages-intérêts pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour harcèlement moral,

statuant à nouveau :

- condamner la société K par K sur les points suivants :

* 7 200 euros à titre de rappel de salaires pour les années 2015 à 2017,

* 6 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de tickets restaurant,

* 45'000 euros de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, absence de repos compensateur obligatoire et congés payés afférents pour les années 2015 à 2017,

* 36 000 euros de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

* 30'000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

* 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

* les entiers dépens exposés en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur l'application du statut de VRP :

Aux termes de l'article L. 7311-3 du code du travail, ' Est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui :

1° Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;

2° Exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant ;

3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ;

4° Est liée à l'employeur par des engagements déterminant :

a) La nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat ;

b) La région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter ;

c) Le taux des rémunérations.

Il en résulte que le bénéfice du statut de VRP est soumis aux conditions suivantes :

- activité de représentation, c'est à dire, la prospection en vue de la prise de commande et la transmission d'ordre,

- pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, de façon exclusive et constante,

- à l'exclusion de toute activité pour le compte personnel de l'intéressé,

- l'activité doit nécessairement consister en la vente ou l'achat de produits ou de services,

- le secteur géographique d'activité doit être déterminé,

- la rémunération doit être fixée à l'avance.

Ce sont les conditions de fait d'exercice de l'activité telles qu'elles sont énoncées par la loi qui déterminent si un représentant a ou non le statut de VRP statutaire nonobstant toute stipulation expresse du contrat. Lorsque les conditions légales du statut ne sont pas réunies, le salarié ne peut se voir opposer le statut de VRP, nonobstant la référence à ce statut figurant dans son contrat de travail. Il appartient au salarié qui conteste son statut de VRP d'établir que les conditions légales d'application du statut stipulé au contrat de travail ne sont pas remplies.

M. [C] soutient que le statut de VRP ne lui était pas applicable dès lors que :

- il n'avait pas la maîtrise de l'organisation de son travail et de ses horaires,

- il n'exerçait qu'une faible activité de représentation.

La société K par K conclut au débouté en soutenant que toutes les conditions légales du statut étaient remplies nonobstant le fait qu'une partie des missions de M. [C] n'était pas vouée à la prospection dès lors que celle-ci demeurait son activité principale, que certains clients étaient amenés par elle dès lors qu'il demeurait libre de les visiter ou non et qu'aucun horaire ne lui était imposé à l'exception d'une réunion le matin nécessitée par l'organisation du service.

Sur l'absence d'indépendance du salarié dans l'organisation de son travail :

M. [C] soutient qu'il ne disposait d'aucune latitude quant à l'organisation de son travail dès lors que la société K par K lui imposait des horaires précis et contrôlables, une activité journalière déterminée, une organisation de travail impérative dont le non-respect était sanctionné et une obligation de rendre des comptes.

Il verse aux débats des attestations dont il ressort selon lui que la société demandait aux équipes de prendre les rendez-vous à partir de la fin de réunion de débrief de 14 heures à 15 heures et ce jusqu'à 18h30 ou 20h30, émanant de clients, de salariés ou d'anciens salariés ainsi que les livrets de formation décrivant la journée type de travail. Ces éléments en raison de leur caractère général, s'agissant des livrets de formation ne suffisent pas à prouver que M. [C] n'aurait pas dû se voir appliquer le statut de VRP dès lors que':

- il n'est pas justifié que le non-respect des horaires types était sanctionné,

- il ressort des agendas de M. [C] qu'il ne respectait pas forcément la journée type résultant des livrets de formation, et par ailleurs, l'employeur est fondé à donner à son salarié des directives pour la tâche de prospection qui lui est confiée,

- la réunion du matin était nécessaire à l'organisation du service étant rappelé que M. [C] était par ailleurs responsable des ventes d'un magasin,

- M. [C] étant salarié, l'obligation de rendre les comptes est inhérente au pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur.

M. [C] ne démontre pas que l'activité de prospection qu'il exerçait était résiduelle, occasionnelle ou intermittente et ne constituait pas son obligation principale alors que le VRP peut exercer une activité autre que celle de prospection pour le compte de son employeur dès lors qu'il ne s'agit pas de son activité principale.

Enfin, il importe peu que certains des prospects soient fournis par l'employeur et non par l'activité de prospection personnelle du salarié dès lors que celui-ci n'établit pas qu'il n'avait aucune autonomie en la matière et que les prospects fournis par l'employeur représentaient une part déterminante de cette activité.

Par ailleurs, il n'est pas discuté que les autres conditions légales exigées pour l'application du statut de VRP étaient remplies': rémunération minimum garantie fixée à l'avance, secteur géographique déterminé, commandes pour le compte de l'employeur, aucune activité pour son compte personnel.

La cour considère en conséquence que M. [C], sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas qu'il n'exerçait pas une activité exclusive et constante de représentant, qu'il ne disposait pas d'autonomie et d'indépendance dans l'organisation et l'exercice de son travail de représentation le statut de VRP de sorte que le statut pouvait valablement être appliqué au salarié. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les demandes relatives à la réglementation sur la durée du travail :

M. [C] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la réglementation de la durée du travail lui était applicable puisqu'il était soumis à un horaire déterminé.

L'employeur conclut au débouté.

La cour rappelle que si les VRP du fait que leur activité s'effectue en dehors de tout établissement et de l'indépendance dont ils bénéficient dans l'exercice de leurs fonctions, ne sont, en principe pas soumis aux dispositions légales relatives à la règlementation de la durée du travail, il en va autrement au cas où une convention collective comporte sur ce point des dispositions particulières aux VRP dans la branche d'activité ou lorsqu'ils sont soumis par l'employeur à des horaires déterminés.

M. [C] soutient que tel était le cas puisqu'il était tenu d'être présent tous les matins à 8h45 pour préparer le briefing quotidien dont il était l'animateur, qu'en qualité de responsable des ventes; il était tenu de respecter le planning de la semaine type et qu'en principe chaque semaine, le mardi, se tenait une réunion jusqu'à 13 heures, organisée de façon systématique. Il s'appuie sur les documents de formation faisant état de ces horaires et de cette organisation et sur des attestations de salariés indiquant être soumis à ces horaires.

Toutefois la cour observe qu'il ne verse aucun éléments aux débats de nature à établir que les documents de formation, au delà de conseiller une méthodologie, devaient impérativement être respectés par les salariés sous peine de sanction. Par ailleurs, la seule obligation de présence aux réunions organisées par le supérieur hiérarchique telle que prévue dans le contrat de travail ne suffit pas à établir que M. [C] était soumis à un horaire déterminé d'autant qu'en qualité de responsable de vente, il fixait lui-même les heures des réunions, le caractère coercitif des horaires de la journée type telle qu'elle résulte des plans de formation n'étant pas démontré. Il n'est pas non plus justifié d'une quelconque sanction de l'employeur en raison du non respect des horaires et par ailleurs, la cour observe que les attestations de salariés faisant état de soumission à un horaire émanent soit de salariés sous la subordination d'un autre salarié que M [C] soit font état d'horaires décidés par M. [C] comme il a été indiqué soit sont relatives à une période antérieure à celle concernée par les demandes de M. [C]. La cour considère en conséquence qu'il n'est pas établi que M. [C] était soumis à un horaire déterminé.

M. [C] est donc débouté des demandes formées au titre du non-respect de la réglementation de la durée du travail, des heures supplémentaires et du travail dissimulé.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

M. [C] soutient qu'il a subi un harcèlement moral lié aux méthodes de gestion le soumettant à des objectifs intensifs aux pressions et au rythme de travail effréné imposé par la société K par K. Il invoque également le comportement de son supérieur hiérarchique, M. [A], caractérisé par de nombreuses discussions animées et injustifiées l'ayant fait fondre en larmes.

La société K par K conclut au débouté.

La cour considère, eu égard à la solution du litige, que M. [C] ne peut valablement se prévaloir du non-respect de la législation sur la durée du travail pour soutenir qu'il a subi des agissements de harcèlement moral.

S'agissant du comportement de M. [A], M. [B] se réfère dans ses écritures aux pièces suivantes :

- l'attestation de M. [W], imprécise et non circonstanciée sur les propos tenus, les pressions morales et le harcèlement moral évoqués ou les circonstances dans lesquelles il a vu M. [C] en larmes,

- l'attestation de M. [V] qui est imprécise sur les pressions morales alléguée et se contente d'indiquer que M [A] se référait au chiffre de la région et à la prime, faisait des visites surprises, indique avoir assisté à des scènes lui ayant 'fait froid dans le dos' sans les décrire et précise avoir vu M. [C] en pleurs mais sans circonstancier les faits, tout en ajoutant que les pressions exercées par M. [A] étaient verbales et sans témoin,

- l'attestation de M. [B], dont la cour relève qu'il est également en litige avec la société K par K, qui indique avoir entendu M. [A] dire à M. [C] 'n'oublie pas c'est moi qui ta recruté et c'est moi qui peut te viré' et affirme l'avoir vu en larmes à trois reprises et que [A] en était fier. Enfin il indique que lors d'une réunion à Oke, M. [A] s'en est verbalement pris à M. [C] en lui disant : 'tu es une merde et tu a intérè à te sortir les doigts du cul sur la semaine qui arrive,'

- une attestation d'un vendeur, M. [R], selon laquelle M. [A] appelle au moins deux fois par jour M. [C] et lui crie dessus sous le prétexte du manque de résultats'à tel point qu'il a du intervenir plus d'une fois car M. [A] sous l'effet de la colère allait en venir aux mains,

- l'attestation M. [E], ancien salarié qui sans plus de précision dénonce les pressions morales subies par M. [C] entre 2009 et 2010,

- l'attestation de M. [X], toujours salarié dans l'entreprise qui fait état sans plus de précision de ce que M. [C] 'était moralement épuisé sous la pression morale que lui faisait subir M. [M] [A]',

- l'attestation de M. [D], toujours salarié de l'entreprise qui indique sans aucune précsion avoir à plusieurs reprises 'vu et entendu M. [A] [M] des pressions à M. [C] [U] pour qu'il finisse meilleur vendeur France',

- l'attestation de M. [G], ancien VRP au sein de l'entreprise qui fait état de la grosse pression subie par M. [C],

- l'attestation de M. [N], ancien VRP de la société qui indique lui aussi sans détail ni précision avoir 'assisté à deux reprises à des pressions verbales reçues par M. [C] de la part de M. [A] à prorpos du chiffre d'affaires',

- l'attestation de M. [P] ancien VRP qui indique defaçon imprécise et non circonstanciée avoir vu M. [A] 'mettre la pression verbale' à M. [C] sur le chiffre d'affaires,

- l'attestation de M. [H], toujours salarié au sein de la société qui indique lui non plus sans aucune précision avoir vu M. [C] travailler 'sous la pression verbale en terme d'horaires et de résultat de M. [A]',

- l'attestation de M. [S], ancien VRP qui atteste de la 'pression considérable' qui pesait sur M. [C], sans détail ni précision.

La cour considère que ces attestations ne suffisent pas à caractériser la pression morale qu'exerçait M. [A] sur M. [C], se contentant d'en affirmer l'existence sans aucunement l'expliciter et la définir. Par ailleurs, la seule phrase relevée par M. [B] malgré sa grossièreté consitue un fait unique, n'est pas rapportée par d'autres salariés ou anciens salariés, de sorte qu'à elle seule, elle ne permet pas de caractériser des faits laissant supposer des agissements de harcèlement moral.

La cour le déboute de la demande présentée au titre du harcèlement moral le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire':

M. [C] sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents pour la période courant de 2015 à 2017 en faisant valoir qu'à compter de 2012, la société aurait dû lui appliquer une augmentation automatique de 200 euros sur son salaire fixe mensuel.

La société K par K conclut à la confirmation du jugement.

Aucune des parties ne présente de moyen à l'appui de ses prétentions et M. [C] n'indique pas pour quelles raisons il aurait nécessairement dû être augmenté de 200 euros par mois à compter de 2012. Sa demande est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, absence de repos compensateur obligatoire et congés payés afférents pour les années 2015 à 2017 :

La cour n'a pas retenu que la législation de droit commun sur la durée du travail était applicable de sorte que M. [C] n'est pas fondé à se prévaloir d' une faute de l'employeur à ce titre. Par ailleurs, il ne présente aucun moyen à l'appui de sa demande relative au non respect du principe de l'égalité de traitement de sorte que sa demande est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur la demande présentée au titre des tickets restaurant :

M. [C] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 6 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de tickets restaurant.

Il expose que le paragraphe III de l'article du contrat de travail consacré à la ressource minimale trimestrielle des VRP prévoyait que 'Au même titre que la Rémunération, les ressources minimales [...] comprennent à concurrence de 30 % de leurs montants, le remboursement forfaitaire des frais professionnels de toute nature que vous aurez exposés dans le cadre de votre activité' et que sauf accord exprès et préalable de la société, le VRP ne pouvait prétendre à quelque autre remboursement que ce soit. Il fait valoir que dans la mesure où le statut de VRP ne s'appliquait pas, ces dispositions contractuelles ne peuvent servir de prétexte à l'écarter du bénéfice de l'indemnité compensatrice de restaurant et il sollicite en conséquence une somme de 6 000 euros à titre d'indemnité. Eu égard à la solution du litige, la cour ayant retenu que le statut de VRP était applicable, la demande d'indemnité présentée par M. [C] est rejetée. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande présentée au titre de la violation de l'obligation de sécurité :

M. [C] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 15 000 euros net de dommages-intérêts. Il fait valoir qu'outre le non repect de la durée légale de travail, l'employeur ne justifie pas des mesures prises pour assurer la protection de sa santé alors que ses planning démontrent l'amplitude de ses journées de travail et que d'autres salariés ou clients en attestent également.

L'employeur conclut au débouté en faisant valoir qu'il n'a commis aucun manquement et que M. [C] ne justifie d'aucun préjudice.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptée.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

L'employeur tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité.. Ne méconnait pas son obligation, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce l'employeur se contente d'alléguer n'avoir commis aucun manquement sans justifier des mesures prises pour assurer la protection de la santé de M. [C] alors que ses plannings et les attestations communiquées démontrent une quantité importante de travail peu important à cet égard que les règles de droit commun sur la durée du travail ne lui soit pas applicables en raison du bénéfice du statut de VRP.

La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a condamné la société K par K à verser à ce titre à M [C] la somme de 15 000 euros net de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

La cour rappelle que tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

À l'appui de sa demande, M. [C] invoque':

- le harcèlement moral subi,

- le non paiement des heures supplémentaires et le défaut d'octroi de repos compensateur,

- la violation de l'obligation de sécurité.

La cour a retenu la violation de l'obligation de sécurité à l'exclusion des autres manquements invoqués et considère que le manquement de l'employeur à cette obligation essentielle découlant du contrat de travail durant plusieurs années est de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 12 juin 2018, date de la notification du licenciement.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La cour retenant une moyenne de salaire de 6 000 euros non critiquée par les parties, confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société K par K à verser à M. [C] les sommes de :

- 18 000 euros au titre de l'indemnité de préavis, le délai congé étant contractuellement fixé à trois mois outre 1 800 euros au titre des l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 11 100 euros net au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, en application de l'article 13 de l'ANI, M. [C] eu égard à son statut de VRP ne pouvant valablement prétendre à se voir appliquer la convention collective nationale de la mesuiserie contrairement à ce qu'il revendique.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [C] qui justifie d'une ancienneté de 10 années complètes et travaillait dans une entreprise comprenant au moins onze salariés est fondé à percevoir une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 10 mois de salaire brut. Eu égard aux circonstances du licenciement, à l'âge du salarié, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour condamne la société K par K à lui verser la somme de 50 000 euros à ce titre suffisant à réparer son entier préjudice ; le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

La cour confirme le jugement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal portant sur les créances salariales au 14 février 2018, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation. Les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

La société K par K doit remettre au salarié une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un certificat de travail conformes à la présente décision.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a fait application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois d'indemnités.

La société K par K, partie perdante, est condamnée aux dépens, et doit indemniser M. [C] des frais exposés par lui devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en sus de la somme allouée sur ce même fondement en première instance, le jugement étant confirmé de ce chef et sa propre demande étant rejetée.

PAR CES MOTIFS':

LA COUR statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf du chef de la condamnation à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents et sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société K par K à verser à M. [U] [C] la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [U] [C] de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société K par K,

CONDAMNE la société K par K aux dépens et à verser à M. [U] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04965
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.04965 ?
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