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29/06/2023 | FRANCE | N°21/04767

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 juin 2023, 21/04767


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° 2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04767 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYC3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02444





APPELANTE



Madame [P] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée

par Me Willy LEDANOIS, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [N] [K], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK

[Adresse 1]

[Adre...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° 2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04767 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYC3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/02444

APPELANTE

Madame [P] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Willy LEDANOIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [N] [K], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [N] [K], ès qualités de Mandataire Liquidateur de la SARL ARTDESK HOLDING

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Guy ALFOSEA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA [Localité 4] DES AGS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 5 septembre 2016, la société Artdesk a embauché Mme [P] [R] en qualité d'architecte d'intérieur, statut cadre, position 1.1, coefficient 95 moyennant une rémunération brute mensuelle fixe de 2 600 euros. Une prime annuelle d'un montant maximum de 2 600 euros bruts versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés est également prévue au contrat.

La société Artdesk et la société Artdesk Holding font partie du groupe Artdesk dans le domaine de l'architecture d'intérieur.

Par lettre remise en main propre le 27 avril 2018 à la « responsable RH du groupe Artdesk », Mme [R] a présenté sa démission. Son contrat de travail a pris fin le 27 juillet 2018 à l'issue d'un préavis de trois mois.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils en date du 15 décembre 1987.

Ayant vainement sollicité en juin et octobre 2019 puis le 6 février 2020 le paiement de ses primes sur objectifs et de vacances auprès de la société Artdesk, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 6 avril 2020.

Le 9 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés Artdesk et Artdesk Holding et la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [N] [K] a été désignée mandataire judiciaire.

Le 4 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre des sociétés Artdesk et Artdesk Holding et la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [N] [K] a été désignée liquidateur judiciaire.

Par jugement du 16 avril 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté Mme [R] de ses demandes ;

- débouté l'AGS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [R] au paiement des dépens.

Par déclaration du 25 mai 2021, Mme [R] a interjeté appel du jugement notifié le 5 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [R] demande à la cour de :

infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- déboutée de ses demandes ;

- condamnée au paiement des dépens ;

statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 3 440,55 euros au titre des primes sur objectifs qui lui sont dues ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 1 130,44 euros au titre des primes de vacances qui lui sont dues ;

- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2019;

- condamner la société MJA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk et ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding à inscrire ces sommes dans le relevé des créances salariales qu'il lui incombe d'établir ;

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS et que celle-ci devra sa garantie au titre des créances salariales à défaut de fonds disponibles dans les sociétés ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la résistance abusive des sociétés Artdesk et Artdesk Holding ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- déclarer que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2020;

- débouter la société MJA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk et ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding, ainsi que l'AGS, de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer sa créance au passif de la société Artdesk et au passif de la société Artdesk Holding, dans le cadre des liquidations judiciaires confiées à la société MJA, au montant des dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Artdesk et Artdesk Holding demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

- limiter le montant d'une éventuelle condamnation au paiement de 260 euros bruts à titre de prime de vacances 2017 et 260 euros bruts à titre de prime de vacances 2018 ;

en tout état de cause,

- la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 4] (ci-après l'AGS) demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire, et si la cour devait infirmer le jugement par rejet des motifs précités :

- limiter le montant de la prime de vacances à 1% de la rémunération annuelle de Mme [R] ;

en tout état de cause, sur sa garantie :

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, sa garantie n'est due qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sous réserve qu'un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire ;

- dire et juger qu'en tout état de cause sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte de la salariée, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution ou pour cause de rupture du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou de l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge;

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

MOTIVATION

Tout d'abord, Mme [R] soutient, dans ses dernières conclusions, qu'elle a conclu un contrat de travail avec la société Artdesk Holding le 5 septembre 2016 et que ce contrat a ensuite été transféré à la société Artdesk sans qu'elle en soit informée. La cour observe toutefois que le contrat de travail à durée indéterminée daté du 5 septembre 2016 et versé aux débats par Mme [R] fait clairement apparaître que ce contrat est passé avec la société Artdesk et non la société Artdesk Holding.

Sur l'exécution du contrat de travail

* Sur les primes sur objectifs

Mme [R] soutient que d'anciens salariés ont obtenu le versement des primes sur objectifs qu'ils avaient réclamées. Elle fait valoir qu'en dépit de ses demandes, l'employeur ne lui a pas versé ses primes annuelles sur objectifs pour les exercices 2017-2018 et 2018-2019. Elle considère que le principe du versement de ces primes est acquis car, selon elle, la société Artdesk a reconnu qu'elles étaient dues et que seules les modalités restaient à déterminer. Elle précise avoir perçu la prime sur objectifs pour l'exercice 2016-2017.

Ce à quoi Maître [K] ès qualités réplique que l'employeur peut fixer unilatéralement les conditions d'attribution de la part variable de la rémunération ; qu'en l'occurrence, en juin 2017, il avait été indiqué que le paiement des primes pour 2017 et 2018 était gelé de sorte qu'aucune prime sur objectifs n'était due à Mme [R].

L'AGS réplique, pour sa part, que la société s'était réservée la possibilité de réviser chaque année tant le principe que les conditions d'attribution de la prime et qu'en 2017, elle avait annoncé aux salariés un gel de cette prime pour 2017 et 2018.

L'article 6 du contrat de travail stipule notamment :

« En sus de son salaire fixe, la salariée bénéficiera d'une prime annuelle d'un montant maximum de 2 600 euros bruts (deux mille six cents euros) versée en fonction de la réalisation d'objectifs préalablement fixés. Les critères de déclenchement et d'obtention de la prime feront l'objet d'une communication spécifique au début de chaque début d'exercice. 

En cas de suspension du contrat de travail ou de résiliation du contrat en cours de période, cette prime sera due et calculée au prorata du temps de travail effectué, y compris les périodes assimilées à un travail effectif dans la mesure où les objectifs sont atteints à date.

L'absence pour maladie ou accident d'une durée supérieure à 15 jours entraînera le paiement des primes variables au prorata.

Il est précisé que cette prime pour l'année 2016 et ce, en fonction de l'atteinte des objectifs, sera versée au prorata de la date de prise de poste de Madame [P] [R], soit le 5 septembre 2016. La prime serait donc d'un montant brut de 1516 euros (mille cinq cent seize euros). »

Contrairement à ce que soutient Mme [R], la société Artdesk n'a pas reconnu que le versement de ces primes était acquis en son principe mais a indiqué qu'elle allait procéder à l'étude des stipulations contractuelles pour apporter une réponse à la question des primes non versées.

La salariée réclame les primes des exercices 2017-2018 et 2018-2019 mais aucun élément du dossier ne permet d'établir que les exercices considérés ne correspondent pas à l'année civile. Bien plus, dans le contrat de travail, une stipulation règle précisément le quantum de la prime pour 2016 calculé selon un prorata et subordonné à la réalisation des objectifs fixés. Par conséquent, la cour en déduit que, eu égard à la date à laquelle le contrat de travail a pris fin, 27 juillet 2018, Mme [R] ne peut réclamer que la prime sur objectifs de l'exercice 2017 et celle de l'exercice 2018 pour la période de janvier à juillet, sans préjudice des objectifs à atteindre.

Aux termes de l'article L. 3221-3 du code du travail, constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier.

Si l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir de direction, subordonner l'obtention d'une prime à la réalisation d'objectifs fixés par lui, il ne peut, en revanche, décider unilatéralement de la suppression de cette prime qui fait partie de la rémunération du salarié.

Si les objectifs ne sont pas fixés par l'employeur ou s'ils ne sont pas portés à la connaissance des salariés, les conditions d'octroi de la prime sur objectifs deviennent inopposables par l'employeur qui est alors de fait obligé au versement de la prime.

Or, l'employeur, en l'occurrence la société Artdesk représentée désormais par son liquidateur judiciaire, ne rapporte pas la preuve qu'elle avait fixé des objectifs à Mme [R] ni même qu'elle avait notifié aux salariés se trouvant dans une situation identique un « gel » de la prime litigieuse.

Partant, Mme [R] est fondée à obtenir les sommes suivantes :

* 2 600 euros au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2017 ;

* 1 516,66 euros au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2018 au prorata de sa présence dans la société Artdesk ' l'application d'un prorata temporis avait été expressément stipulée dans le contrat de travail pour l'année 2016 de sorte qu'un prorata temporis sera également appliqué pour l'année 2018.

Aucun élément de la cause ne permet de conclure que la société Artdesk Holding a eu la qualité d'employeur de Mme [R]. Partant, les créances de la salariée seront fixées uniquement au passif de la société Artdesk.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre

* Sur les primes de vacances

Mme [R] soutient que les primes de vacances prévues par la convention collective ne lui ont jamais été versées. Elle fait valoir, à titre de comparaison, qu'une autre salariée, Mme [L], a perçu une prime de vacances de 500 euros en 2015 pour une rémunération mensuelle de 2 300 euros et en déduit que, pour une rémunération mensuelle de 2 600 euros, elle aurait dû percevoir 565,22 euros en 2017 puis en 2018. Mme [R] fait également valoir que les conditions pour une substitution de la prime de vacances par la prime sur objectifs ne sont pas réunies.

Ce à quoi le liquidateur judiciaire ès qualités réplique que la prime sur objectifs s'est substituée à la prime de vacances en faisant valoir que les primes sur objectifs ont un caractère aléatoire puisqu'elles peuvent être nulles, qu'elles sont versées entre le 1er mai et le 31 octobre et qu'elles représentent 1% de la masse salariale.

A titre subsidiaire, le liquidateur judiciaire ès qualités réplique que, dans l'hypothèse où la prime de vacances devrait être versée, son montant devrait être limité à 10% de la rémunération mensuelle de la salariée soit 260 euros pour 2017 et 260 euros pour 2018.

L'AGS conclut que Mme [R] ne justifie sa demande de rappel de primes de vacances ni en son principe ni en son montant et fait valoir que la salariée a été remplie de ses droits au moins jusqu'à l'année 2017 incluse.

L'article 31 de la convention collective dans sa rédaction applicable à la relation contractuelle prévoit :

« L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 p. 100 de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 p. 100 prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »

Seul l'employeur est en mesure de produire les éléments permettant de déterminer un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés et, le cas échéant, de démontrer qu'une autre prime a pu valablement se substituer à la prime de vacances et qu'elle a été effectivement versée entre le 1er mai et le 31 octobre.

Or, l'employeur ne produit aucun élément permettant à la cour de connaître le montant correspondant à au moins 10% de la masse globale des indemnités de congés payés. De plus, il ressort des éléments de la cause qu'aucune autre prime n'a été effectivement versée entre le 1er mai et le 31 octobre 2017 et entre le 1er mai et le 31 octobre 2018 puisque ces périodes correspondent aux années pour lesquels l'employeur a allégué un « gel » du versement de la prime sur objectifs ' seule prime dont il est allégué qu'elle se serait substituée à la prime de vacances.

Si le bulletin de salaire de Mme [L] de juillet 2015 mentionne une « prime » sans autre précision et ne peut, au moins à ce titre, servir de référence pour le calcul de la prime de vacances de Mme [R], la carence de l'employeur à fournir les éléments nécessaires justifie d'allouer à la salariée la somme réclamée par elle au titre de l'année 2017 soit 565,22 euros et celle réclamée au titre de l'année 2018 soit 565,22 euros.

Aucun élément de la cause ne permet de conclure que la société Artdesk Holding a eu la qualité d'employeur de Mme [R] de sorte que les créances de la salariée seront fixées uniquement au passif de la société Artdesk.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce soit en l'espèce le 9 juin 2020. En conséquence, les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt.

* sur l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS

Il résulte des dispositions de l'article L. 3253-15 du code du travail que l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables.

* sur la garantie de l'AGS

La cour rappelle que l'AGS doit sa garantie dans les limites légales.

* sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

Mme [R] soutient que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi en ne lui versant pas les primes dont il avait reconnu qu'elles étaient dues et en ne donnant pas suite à ses demandes renouvelées. Ainsi considère-t-elle que la résistance abusive de l'employeur lui a causé un préjudice en la privant de ces sommes et en l'obligeant à agir en justice.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, Mme [R] estime que la mauvaise foi de l'employeur résulte de ce qu'il avait admis que le versement des primes réclamées était acquis en son principe. Or, il ne résulte pas des courriers en réponse de l'employeur à la salariée que celui-ci avait admis que les primes litigieuses étaient dues alors qu'il s'était uniquement engagé à examiner les demandes relatives à ces primes. De plus, la circonstance selon laquelle l'employeur n'a pas donné suite et répondu expressément aux réclamations ne suffit pas à caractériser l'abus allégué. Mme [R] sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme [R] soutient qu'elle a été affectée par le fait de ne pas percevoir les primes qui lui étaient dues : incompréhension de voir que d'anciens collègues avaient perçu leurs primes ; légèreté et mépris de l'employeur qui, en dépit de ses promesses, n'a jamais répondu à ses demandes. Ainsi invoque-t-elle un préjudice moral.

Cette demande en dommages-intérêts pour le préjudice moral allégué relève du même raisonnement que celui tenu pour la précédente demande en dommages-intérêts. A cet égard, Mme [R] invoque un comportement fautif similaire à celui allégué au soutien de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive. Or, la cour a considéré que la faute exigée par l'article 1240 du code civil n'était pas établie. De plus, sur les trois attestations versées aux débats, seule celle de M. [Y] [C] est accompagnée d'une pièce d'identité et elle n'est pas circonstanciée puisque si M. [C] déclare avoir perçu sa prime sur objectifs pour son activité relative à la période du « 31 » septembre 2017 au 31 mars 2019, il ne précise pas les dates des versements.

En conséquence, Mme [R] échoue à caractériser la faute requise par l'article 1240 précité. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk sera condamné aux dépens de première instance et en appel. La décision des premiers juges sera donc infirmée en ce qu'elle avait condamné Mme [R] aux dépens.

Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk sera condamné à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'AGS sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et la décision des premiers juges l'ayant déboutée de sa demande au titre de ces frais sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [P] [R] de ses demandes en dommages-intérêts et de ses autres demandes dirigées à l'encontre de la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk Holding et sauf en ce qu'il a débouté l'association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 4] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE les créances de Mme [P] [R] au passif de la société Artdesk aux sommes suivantes :

- 2 600 euros au titre de la prime sur objectifs pour l'année 2017 ;

- 1516,66 euros au titre de la prime sur objectifs prorata temporis pour l'année 2018 ;

- 565,22 euros au titre de la prime de vacances pour l'année 2017 ;

- 565,22 euros au titre de la prime de vacances pour l'année 2018 ;

CONDAMNE la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk à payer à Mme [P] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce soit en l'espèce le 9 juin 2020 et que les créances indemnitaires ne produisent pas intérêt ;

RAPPELLE qu'en application de l'article L. 3253-15 du code du travail, l'association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 4] avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire et que les décisions de justice lui sont de plein droit opposables ;

RAPPELLE que l'association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 4] doit sa garantie dans les limites légales ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Artdesk aux dépens de première instance et en appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04767
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.04767 ?
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