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29/06/2023 | FRANCE | N°20/02212

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 29 juin 2023, 20/02212


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02212 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTMC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03365





APPELANTE



Madame [U] [T]

[Adresse 2]

[Loca

lité 1]

Représentée par Me Emilie VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002







INTIMEE



Société AMADA MACHINE TOOLS EUROPE GMBH

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02212 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTMC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/03365

APPELANTE

Madame [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Emilie VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMEE

Société AMADA MACHINE TOOLS EUROPE GMBH

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Magali GUIGUES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [U] [T] a été engagée par la société Amada Machinery Europe GMBH, suivant contrat à durée indéterminée en date du 10 mai 2005, avec reprise d"ancienneté au 9 mars 2005, en qualité de comptable au statut employé, niveau III, échelon 3, coefficient 255 de la convention collective nationale de la Métallurgie de la région parisienne pour les non-cadres.

La société Amada Machinery Europe GMBH est une société de droit allemand disposant d'une petite succursale située à [Localité 5] et comptant 16 salariés. Elle est spécialisée dans la vente de machines et accessoires destinés à la découpe des métaux et dispose, également, d'une activité de maintenance de ces machines.

Dans le dernier état des relations contractuelles, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 3 388,83 euros (moyenne sur les trois derniers mois).

Le 13 août 2018, la salariée s'est vu notifier un licenciement pour faute lourde, libellé dans les termes suivants :

"Au cours de cet échange vous avez été invitée à prendre le temps nécessaire pour apporter l'ensemble des observations que vous estimiez utiles à la compréhension des graves faits que nous vous reprochons et qui vous ont été exposés. Ceux-ci tiennent à des dénonciations réitérées de faits de harcèlement sexuel et moral que vous avez effectuées de parfaite mauvaise foi. A notre sens, cette dernière est caractérisée à double titre :

- non seulement par votre parfaite connaissance de leur caractère mensonger,

-mais également par votre intention évidente de nuire à l'un de vos collègues, ainsi qu'à votre responsable hiérarchique (dans le but notamment d'obtenir leur licenciement) et de déstabiliser la société.(...)

Nous vous avons d'abord rappelé le contexte dans lequel ces faits ont été portés à notre connaissance. Pour mémoire, le 14 juin dernier, au cours d'un précédent entretien préalable à sanction, consécutif à une altercation vous impliquant le 3 mai dernier, vous avez pour la première fois porté à notre connaissance des faits graves caractérisant, selon vous, une situation de harcèlement sexuel, dont vous estimiez être victime jusqu'en 2012, de la part de l'un de vos collègues, Délégué du personnel, Monsieur [H] [O].

Toujours au cours de notre entretien (14.06.2018), vous avez également indiqué subir, de la part de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [E] [Y], des faits susceptibles de recevoir selon vous, la qualification de harcèlement moral.

Vous avez en outre réitéré l'ensemble de ces dénonciations par courrier du 2 juillet dernier. A connaissance de ces graves situations, conformément à nos obligations légales en matière de sécurité, nous avons immédiatement diligenté une vaste enquête interne. Pour ce faire, nous avons reçu individuellement et dans des conditions garantissant les plus absolues neutralité et confidentialité, la totalité des 16 salariés de la société, les 12 et 13 juillet derniers.

La synthèse des verbatim de ces entretiens a donné lieu à un rapport cosigné le 27 juillet dernier par la Direction et Monsieur [W] [I], membre du CHSCT de la Société AMADA S.A., invité en cette qualité à assister à l'ensemble des auditions et le cas échéant, à formuler ses préconisations et éventuelles recommandations immédiates.

L'Inspection du travail d'une part et notre Médecin du travail d'autre part, ont été étroitement associés à ce dispositif tant dans sa phase de conception que dans sa mise en 'uvre concrète et la définition des mesures devant in fine s'imposer.

Or, il ressort de ce rapport qu'aucun des salariés interrogés n'a été en mesure de confirmer en qualité de témoin direct ou indirect ou simplement d'étayer vos dénonciations tant sur le harcèlement sexuel que sur le harcèlement moral.

En effet, La plupart des personnes entendues (12 sur 16) nous a indiqué ne pas croire à ces dénonciations en raison de votre propension - largement reconnue - depuis plus de 5 ans, à alimenter à tout va des polémiques et à diligenter des procédures inconsistantes, à l'encontre de l'ensemble de vos supérieurs hiérarchiques successifs.

En outre, une majeure partie des salariés interrogés (plus de 10 sur 16) a indiqué rencontrer avec vous de grandes difficultés relationnelles, vous décrivant comme une personnalité agressive et polémique. Ils ont à ce titre très majoritairement précisé préférer limiter leurs rapports avec vous par peur des représailles et des fausses accusations.(...)

Ainsi la mauvaise foi que nous vous reprochons dans le "cadre" des dénonciations que vous avez effectuées et qui constitue le seul motif de votre licenciement, se caractérise à plusieurs égards :

- par votre parfaite connaissance de la fausseté des faits de harcèlements moral et sexuel que vous avez dénoncés ;

- par votre volonté de nuire à vos collègues : d'une part à Monsieur [H] [O], Délégué du personnel et d'autre part à Monsieur [E] [Y], votre supérieur hiérarchique ;

- et plus généralement une volonté évidente de déstabiliser ou de dénigrer l'entreprise ;

En premier lieu, sur votre parfaite connaissance du caractère mensonger des dénonciations en cause :

Comme indiqué, elle est avérée sur deux points : la dénonciation de faits de harcèlement sexuel (i) et la dénonciation de faits de harcèlement moral (ii) (...)

Notre conviction quant à votre parfaite connaissance de la fausseté de vos dénonciations de faits de harcèlement sexuel ressort en effet du faisceau d'indices suivants :

1. Par la concomitance de celles-ci avec le déclenchement d'une procédure disciplinaire le 8 juin 2018. Ces faits ont en effet été portés ' très opportunément - à la connaissance de la Direction Générale au cours de votre entretien préalable du 14 juin dernier bien que datant d'avant 2012 ;

2. Par l'absence de mention ou simple allusion à ces faits, qui par ailleurs remonteraient selon vous à plusieurs années (2012), dans l'ensemble des courriers polémiques que vous n'avez pas manqué d'adresser tant à la société, qu'à l'Inspection et au médecin du travail depuis plus de 5 ans ;

3. Par l'absence de toute mention ou simple allusion à ces faits en 2012, lorsque vous avez brutalement refusé la mise en 'uvre d'une commission mixte paritaire que nous avions suggéré de mettre en place, non seulement pour faire le point sur les difficultés que vous indiquiez rencontrer dans l'exécution de vos tâches, mais également et surtout dans le but de restaurer une perception objective et sans opportune dénaturation de vos conditions de travail ;

Interrogée sur ces points, vous avez confusément expliqué avoir reçu des avances de Monsieur [H] [O] tantôt 1 fois, tantôt 4 fois, tantôt 3 fois. Vous avez précisé votre propos en indiquant que pour la première proposition, vous ne souhaitiez pas en faire part à la Direction Générale, mais que si ça continuait vous le feriez. Lorsque nous vous avons questionnée sur la raison pour laquelle pour les 2ème, 3ème ou 4ème fois (où il vous aurait fait des propositions de nature sexuelle), vous n'avez pas alerté la société, vous n'avez pas fourni d'explication et êtes restée évasive. Vous n'avez pas davantage été en mesure de préciser pour aucune de ces prétendues « fois » ni les dates, circonstances et natures exactes de ces propositions ou comportements.

Vous avez mentionné que ces faits ont donné lieu de votre part à une main courante en juin 2018, suite à l'entretien disciplinaire du 04 juin. Vous avez également indiqué ne pas comprendre pourquoi la version de Monsieur [H] [O], qui réfute vos accusations, « a été retenue » en dépit de cette main courante. Or, nous vous avons expliqué que la version de Monsieur [H] [O] était étayée par l'ensemble du personnel, contrairement à la vôtre. Tous les témoignages sont en effet concordants sur ce point. De votre côté, à aucun moment, vous n'avez apporté d'élément précis et vérifiable, de nature à établir la matérialité du harcèlement dont vous auriez été victime.

De plus, sur l'absence de témoin, vous soulignez le fait que Monsieur [H] [O] aurait agi « de façon sournoise », précisant « qu'il n'allait pas prendre de mégaphone ».

Vos explications ont par ailleurs été confuses sur la présence de Monsieur [P] [R], que vous désignez pourtant comme témoin oculaire d'une scène au magasin en 2012. Or, nous vous avons indiqué que Monsieur [R] avait expressément attesté du contraire, ce qui ne peut que nous conforter dans notre appréciation de la situation.

4. Des pressions extérieures au personnel de l'entreprise que vous avez suscitées et provoquées : notamment en demandant à votre conjoint et en lui transmettant à ce titre certaines données personnelles de vos collègues (notamment leurs numéros de téléphone personnels, que vous avez d'ailleurs reconnu détenir) de prendre directement contact non seulement avec Monsieur [H] [O] mais également avec certains de vos collègues en vue, soit de menacer Monsieur [H] [O], soit de convaincre ces derniers de produire une attestation en votre faveur.

En effet, vous n'avez pas hésité à inciter votre compagnon à prendre directement contact, par téléphone, avec Monsieur [H] [O] sur son lieu de travail, dans le but de l'accuser de graves faits de harcèlement sexuel et de le menacer, ce comportement ayant d'ailleurs conduit son médecin traitant à lui notifier une ITT de 45 jours. (...)

5. Des graves rumeurs relatives à l'existence d'autres faits de harcèlement sexuel que vous avez créées de toutes pièces, alimentées et diffusées dans notre entreprise notamment auprès du personnel récemment embauché ou ne travaillant pas sur site Elles se sont s'étant toutes révélées inexactes ;

A ce titre nous vous reprochons d'avoir délibérément créée de toutes pièces, pour étayer des dénonciations que vous saviez pourtant inexactes, inconsistantes et mensongères, et leur conférer ainsi l'apparence d'un crédit, de graves rumeurs à caractère sexuel impliquant deux autres salariées, assistantes commerciales de notre société (Madame [A] [N] et Madame [V] [L]) elles aussi prétendument victimes de Monsieur [O].

Confrontées à ces accusations l'ensemble des personnes impliquées a vigoureusement contesté la réalité de ces rumeurs ; l'une d'entre elle particulièrement choquée ayant même demandé une confrontation ... D'autres, informés de l'existence de ces rumeurs, ont indiqué être particulièrement inquiets et choqués par cette situation, craignant de manière évidente d'être un jour ou l'autre concernés par ces accusations...

Par ailleurs vous avez prétendu sans davantage de précision (date, nom de société etc') qu'une cliente de la société aurait subi les mêmes propositions à caractère sexuel de la part de Monsieur [H] [O]. Or, nous ignorons encore à ce jour l'identité de cette prétendue cliente qui n'a en tout état de cause pas pris contact avec la société à ce sujet. (...)

(ii) Il ressort des éléments de l'enquête interne que vous avez dénoncé à l'encontre de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [E] [Y], de façon réitérée, de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant, pour la grande majorité d'entre eux, sur aucun élément et dont vous vous êtes d'ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, vous en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux et imprécis.

Pour mémoire, nous attirons votre attention sur le fait que l'ensemble des personnes interrogées a unanimement précisé n'avoir jamais été témoin, directement ou indirectement, de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral à votre égard.

Cette dichotomie entre les déclarations concordantes de vos collègues et vos fausses dénonciations nous convainc quant au fait qu'elles n'ont pas été portées par simple légèreté ou

désinvolture ; mais en toute connaissance de leur caractère mensonger. Elles constituent en effet de graves accusations, réitérées, voire calomnieuses, et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu'à l'employeur, accusé de vous laisser en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de son obligation d'assurer votre sécurité et de préserver votre santé.

A ce titre notamment, vous avez indiqué le 13 juillet dernier en quoi le harcèlement moralconsistait. Puisque vous vous êtes contentée de contester « la mauvaise foi » que nous vous reprochons en précisant que vous n'étiez pas une menteuse (alors que nous ne vous reprochions pas d'avoir dénoncé des faits s'étant finalement avérés inexacts), nous avons de nouveau, lors de l'entretien du 08 août, écouté vos précisions à ce titre :

1. 13 juillet : Que Monsieur [E] [Y] aurait manifesté une grave légèreté à l'occasion de la passation de vos dossiers antérieurement à votre premier arrêt de travail du mois de novembre 2017. Or, il ressort de l'enquête que nous avons réalisée, que ce fait est inexact. La salariée devant reprendre vos dossiers ayant confirmé que vous ne lui aviez accordé, à dessein, que 5 minutes pour lui montrer quoi faire (dans le but évident de ne pas lui permettre de mener les tâches à bien), alors que Monsieur [E] [Y] lui avait précisément demandé de se rapprocher de vous au plus vite pour préparer au mieux cette passation.

08 août : Sur ce premier élément, vous confirmez que la passation n'a pas été faite, rejetant la faute sur Monsieur [Y], sans apporter davantage d'exemples concrets.

2. 13 juillet : Que vous auriez fait l'objet d'un traitement défavorable à l'occasion du déménagement de votre bureau lors de la nouvelle disposition des bureaux ; or aucun des salariés n'a été en mesure d'étayer ce point pas plus que vous n'avez été capable d'apporter de précision à ce titre ;

08 août : Sur ce second point, vous avez précisé qu'il s'agissait non pas du mobilier, mais des boites d'archives, que vous ne pouviez manipuler seule, faute de pouvoir lever les bras. Vous avez indiqué réfuter l'argument selon lequel Monsieur [E] [Y] ne vous aurait pas aidée pour ne pas déranger votre classement.

3. 13 juillet : Que vous auriez été victime d'une forte pression de votre supérieur hiérarchique à votre retour d'arrêt de travail début 2018, alors que vous n'avez pas été en conséquence en mesure de nous donner des exemples concrets en ce sens ;

08 août : Vous avez précisé que c'est seulement 3 jours après votre retour que Monsieur [Y] vous aurait demandé où vous en étiez.

4. 13 juillet : Que Monsieur [E] [Y] ne superviserait pas votre travail sans apporter d'exemples concrets à ce titre ;

08 août : vous confirmez sans donner davantage d'éléments.

5. 13 juillet : Que Monsieur [E] [Y] vous aurait insultée alors que ce point n'a été confirmé par aucun de vos collègues, deux d'entre eux ayant en revanche clairement indiqué que, selon eux, vous seriez davantage l'auteur d'un harcèlement moral contre Monsieur [E] [Y] et non l'inverse ! (...)

En second lieu, sur votre volonté établie de nuire à Messieurs [O], [Y], et à l'entreprise :

- Volonté de nuire à [H] [O] :

La mauvaise foi que nous vous reprochons ressort encore clairement de votre volonté, se faisant, de nuire en premier lieu à Monsieur [H] [O], Délégué du personnel.

Ce point ressort en effet sans aucune ambiguïté du rapport d'enquête. Certains de vos collègues ayant clairement précisé que vous leur aviez demandé des attestations en vue de « faire virer » Monsieur [H] [O].

Vous n'avez à ce titre pas hésité à inciter votre mari à prendre contact directement avec Monsieur [H] [O] en vue de le menacer et de l'accuser au point que celui-ci a dû être arrêté par son médecin traitant, tant il a été bouleversé par la nature des accusations en cause.

Votre volonté de nuire à Monsieur [H] [O] ressort, outre des manipulations décrites ci-avant visant à fomenter des preuves contre lui, encore et sans aucune ambiguïté des insultes et surnoms que vous lui donnez et qui nous ont été unanimement rapportés dans le "cadre" de l'enquête interne : « Dédé l'enflure ». (NDLR : Dédé = Délégué de la Direction)

Sur ce sobriquet, vous niez l'avoir utilisé et précisé qu'il vient de « 8 personnes qui font des ragots » alors même que vos collègues confirment majoritairement à votre endroit « elle le déteste, elle ne le respecte pas. »

- Volonté de nuire à [E] [Y] :

La mauvaise foi que nous vous reprochons ressort encore clairement de votre volonté réitérée de nuire en deuxième lieu à Monsieur [E] [Y], votre supérieur hiérarchique.

Ce point ressort encore de l'enquête interne que nous avons diligentée, vos collègues nous ayant unanimement rapporté les insultes « trou du cul, connard » et surnoms dont vous l'affubliez : « c'est un incompétent, un limonadier, un barman, il fait du bricolage », démontrant notamment le total manque de respect à l'égard de votre supérieur.

Ou encore : « c'est un bon à rien » un salarié de l'entreprise ayant précisé que vous auriez souhaité sa mort.

Cette volonté ancienne et systématique de nuire à vos responsables hiérarchiques successifs ressort encore de la multiplication de vos courriers depuis 5 ans, vos collègues ayant par ailleurs souligné à ce titre : « Il y a longtemps qu'elle accuse tout le monde : Monsieur [Z], Monsieur [Y], Monsieur [O], moi-même ' »

Dans ce contexte, force est de constater que les dénonciations réitérées de harcèlement moral que vous avez effectuées n'ont d'autre but que de nuire à vos supérieurs hiérarchiques successifs et en dernier lieu à Monsieur [E] [Y].

- Volonté de nuire à la Société :

La mauvaise foi que nous vous reprochons ressort encore clairement de votre volonté, de nuire plus généralement et en dernier lieu à votre employeur, pour trois raisons : d'une part par la multiplication des procédures inconsistantes depuis plusieurs années, et d'autre part, suite à votre refus en 2015 de participer à la commission mixte paritaire que nous avions appelée de nos v'ux pour restaurer une perception objective de votre situation qui n'aurait pas manqué de vous desservir. Enfin, par votre choix de diriger vos accusations envers un Délégué du personnel. (...)

Votre « stratégie », et plus généralement votre comportement, portent encore et inévitablement atteinte à vos obligations de bonne foi et de loyauté dans l'exécution de votre contrat de travail.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits constituent une faute lourde, établissant votre volonté de nuire à l'entreprise, ainsi qu'à certains de ses collaborateurs clairement identifiés, rendant strictement impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise".

Le 16 novembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny pour contester son licenciement et solliciter des dommages intérêts pour défaut de formation, non-respect de la classification conventionnelle, harcèlement moral et sexuel, manquement à l'obligation de prévention, licenciement brutal et vexatoire, préjudice de retraite, non-respect des dispositions légales en matière de congés payés, perte de la portabilité de la mutuelle.

Le 20 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny, dans sa section Industrie, a statué comme suit :

- requalifie le licenciement pour faute lourde de Mme [U] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse

- condamne la société Amada Machinery Europe GMBH à payer à Mme [U] [T] les sommes suivantes :

* 6 374,86 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 637,48 euros au titre des congés payés afférents

* 1 440,22 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire

* 144,02 euros au titre des congés payés afférents

* 10 475,44 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelle que ces montants porteront intérêts au taux légal :

* pour les créances salariales à compter du 20/11/2018 date de convocation de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation

* pour les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement

- déboute Mme [U] [T] du surplus de ses demandes

- déboute la société Amada Machinery Europe GMBH de ses demandes reconventionnelles

- condamne la partie défenderesse aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 mars 2020, Mme [U] [T] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 14 février 2020

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 12 avril 2023, aux termes desquelles

Mme [U] [T] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement et juger, sur le fondement des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral et sexuel

- condamner la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts la somme de 30 000 euros

- infirmer le jugement et juger, sur le fondement de l'article L. 4121-1 du code du travail, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de prévention des risques

- condamner la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts la somme de 15 000 euros

- infirmer le jugement et juger, sur le fondement de l'article L. 6321-1 du code du travail, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de formation

- condamner la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts la somme de 10 000 euros

- infirmer le jugement et juger que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de la convention collective applicable en matière de classification et, en conséquence, repositionner Madame [T] au niveau "cadre" de la convention collective applicable, payer aux organismes de retraite complémentaire les cotisations afférentes et condamner la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts la somme de 15 000 euros

- infirmer le jugement et juger, à titre principal, sur le fondement des articles L. 1152-3 et L. 1153-4 du code du travail, que le licenciement de Madame [T] est nul

- condamner, sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, la société à payer à Madame [T] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis :

o à titre principal (statut "cadre" 3 mois) : 10 166,49 euros et 1 016,64 euros de congés payés afférents

o à titre subsidiaire (statut non "cadre" 2 mois) : 6 777,66 euros et 677,76 euros de congés payés afférents

* rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1 694,41 euros

* congés payés sur mise à pied conservatoire : 169,44 euros

* indemnité de licenciement :

o à titre principal (statut "cadre") : 23 111,14 euros

o à titre subsidiaire (statut non "cadre") : 12 324,05 euros

* indemnité pour licenciement nul : 70 000 euros

- infirmer le jugement et juger, à titre subsidiaire, que le licenciement de Madame [T] est sans cause réelle et sérieuse

- condamner, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, la société à payer à Madame [T] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis :

o à titre principal (statut "cadre" 3 mois) : 10 166,49 euros et 1 016,64 euros de congés payés afférents

o à titre subsidiaire (statut non "cadre" 2 mois) : 6 777,66 euros et 677,76 euros de

congés payés afférents

* rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 1 694,41 euros

* congés payés sur mise à pied conservatoire : 169,44 euros

* indemnité de licenciement :

o à titre principal (statut "cadre") : 23 111,14 euros

o à titre subsidiaire (statut non "cadre") : 12 324,05 euros

* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 70 000 euros

- infirmer le jugement et condamner, sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail, la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire la somme de 10 000 euros

- infirmer le jugement et condamner, la société à payer à Madame [T] à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice de perte de retraite la somme de : 64 112,50 euros

- infirmer le jugement et condamner, sur le fondement de l'article L. 3141-24 du code du travail, la société à payer à Madame [T] la somme de 875,23 euros

- infirmer le jugement et condamner, sur le fondement de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la société à payer à Madame [T] la somme de 1 675,44 euros

- ordonner à la société de remettre à Madame [T] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document que la cour se réservera le droit de liquider

- condamner la société à payer la somme de 4 500 euros à Madame [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens

- dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil

- débouter la société de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 9 décembre 2022, aux termes desquelles la société Amada Machinery Europe GMBH demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement de Madame [U] [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse

Et dès lors :

- ordonner le remboursement des sommes versées par l'employeur selon bulletin de paie du 01.05.2020

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles

Et dès lors :

- condamner Madame [U] [T] à payer à la société Amada Machinery Europe GMBH les sommes suivantes :

* 10 000 euros en réparation des préjudices subis

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile

* 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouter Madame [U] [T] du surplus de ses demandes non liées à la requalification de son licenciement

Et dès lors :

- débouter Madame [U] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le manquement à l'obligation de formation

Mme [U] [T] reproche à l'employeur de ne pas l'avoir fait bénéficier de formations durant la relation contractuelle, à l'exception d'un Congé Individuel de Formation, qui lui a été accordé, à sa demande insistante, entre novembre 2011 et juin 2012.

Considérant que ce défaut de formation l'a empêchée d'être promue au statut de "cadre", la salariée appelante sollicite une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

L'employeur n'articulant aucun moyen en réponse à cette demande et ne justifiant pas avoir proposé à la salariée de formation, durant la relation contractuelle, ce qui aurait pu lui permettre d'évoluer dans son parcours professionnel, il sera alloué à Mme [U] [T] une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi.

2/ Sur le non-respect des dispositions conventionnelles et le repositionnement au statut de cadre

Il est rappelé que la classification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions réellement exercées. En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum afférent à ce coefficient. Il incombe au salarié d'établir que sa classification n'est pas en adéquation avec les fonctions qu'il occupe.

La salariée appelante rapporte qu'elle a été engagée au statut d'employée et avec la classification niveau III, échelon 3, coefficient 255, alors que ce coefficient correspondait à l'échelon 1 du niveau IV. Elle prétend, donc, que, dès son embauche, elle a été

sous-positionnée par l'employeur.

En novembre 2011, elle a été promue à l'échelon 2, niveau IV, coefficient 270, et cette classification n'a plus évolué jusqu'à son licenciement en août 2018.

Or, Mme [U] [T] précise, qu'à son embauche, elle était titulaire d'un diplôme Bac + 2 et qu'en septembre 2012, elle a obtenu un diplôme de Master I Adjoint Dirigeant (PME/PMI) octroyé par l'université de [Localité 4] (pièce 5).

Elle ajoute que l'annexe I « Seuils d'accueil des titulaires de diplômes professionnels » de l'accord du 21 juillet 1975 portant sur les classifications des Accords Nationaux de la Métallurgie prévoit, qu'en cas d'obtention d'un diplôme universitaire de technologie (DUT), le classement du salarié ne doit pas être inférieur au 3ème échelon du niveau IV (coefficient 285), après dix-huit mois de travail effectif dans l'entreprise.

La salariée appelante en déduit qu'elle aurait dû être classée au niveau IV, échelon 3, coefficient 285 depuis octobre 2006, ce qui lui aurait permis d'accéder plus rapidement au statut de "cadre".

Elle affirme, à cet égard, qu'elle exerçait bien des responsabilités de cadre, ainsi qu'en atteste un de ses collègues (pièce 61 employeur) et rappelle, qu'avant de rentrer chez Amada, elle occupait déjà un emploi de comptable confirmé. Elle souligne, aussi, que le salarié qui a été embauché pour lui succéder, postérieurement à son licenciement, a été classé comme "cadre".

En conséquence, la salariée appelante demande à être repositionnée au statut "cadre", qu'il soit ordonné à l'employeur de payer aux organismes de retraite complémentaire les cotisations afférentes et qu'il lui soit alloué une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions conventionnelles sur sa classification.

Mais, ainsi que le relève l'employeur, Mme [U] [T] ne satisfait pas à la charge de la preuve qui lui incombe en termes de repositionnement conventionnel puisqu'elle ne s'explique pas sur la nature des attributions et des responsabilités qui auraient justifié qu'elle puisse prétendre au statut de "cadre". Or, il n'est pas contesté que la salariée était placée sous la subordination d'un chef de service et qu'elle n'avait aucun salarié sous ses ordres. En outre, dans les moyens qu'elle développe au soutien de ses demandes au titre du harcèlement moral, la salariée se plaint d'avoir été affectée à des tâches élémentaires et sans travail d'analyse, ce qui ne correspond pas à un emploi de "cadre".

La cour rappelle, aussi, que les cadres de la Métallurgie dépendent de la convention collectives des ingénieurs et cadres de la Métallurgie, distincte de celle appliquée à la salariée. Cette convention collective précise qu'elle n'est applicable qu'aux salariés titulaires de deux diplômes universitaires de type maîtrise ou licence mais à la condition que le second diplôme ait été obtenu avant l'âge de 24 ans et qu'il soit un complément du premier. Force est de constater que la salariée ne satisfaisait pas à ces conditions et qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû se voir appliquer le statut de cadre ou qu'elle est légitime à être repositionné à ce niveau. C'est donc à bon escient que les premiers juges l'ont déboutée de ses demandes de ce chef.

En revanche, il est acquis que si le diplôme de technicien en comptabilité et gestion informatisée dont la salariée était titulaire ne lui permettait pas d'être classée au coefficient 285 à compter de son embauche, à défaut d'avoir été délivré par un Institut Universitaire de Technologie, l'obtention d'un master I Adjoint Dirigeant (PME/PMI), le 4 septembre 2012, aurait dû se traduire par sa classification, à compter de cette date au coefficient 285.

A défaut pour l'employeur d'avoir respecté la grille de classification de la convention collective applicable, il sera alloué à l'appelante une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi.

3/ Sur le harcèlement moral et sexuel

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit crèent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Est assimilée au harcèlement sexuel, toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits au profit d'un tiers.

En application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application de ces textes, le salarié présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [U] [T] prétend, qu'à compter de la fin de l'année 2012, elle a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son manager, M. [E] [Y] et du Directeur Général de la société, M. [Z], qui a quitté ses fonctions en 2015.

Elle se plaint, notamment :

- d'avoir été confinée à des tâches élémentaires dépourvues de tout travail d'analyse

- d'avoir été isolée dans un bureau

- de ne pas avoir connu d'évolution professionnelle et hiérarchique durant 13 années

- d'avoir été en butte à l'hostilité permanente de M. [E] [Y] (pièces 7, 17, 20)

- d'avoir obtenu une augmentation de salaire inférieure à celle de ses collègues

- d'avoir subi des pressions visant à la faire démissionner

- d'avoir été l'objet de propos déplacés

- d'avoir été confrontée à une charge de travail très importante à son retour d'arrêt maladie au début de l'année 2018.

La salariée appelante affirme, aussi, qu'elle a été victime d'un harcèlement sexuel de la part de M. [H] [O], délégué du personnel, entre 2011 et 2012, l'intéressé lui faisant des avances et lui proposant de le suivre dans un hôtel pour y avoir des relations sexuelles (pièces 20, 22, 23, 27).

Mme [U] [T] souligne que ces agissements ont dégradé ses conditions de travail et sa santé et qu'elle a engagé un suivi pendant 2 ans et demi, dans le cadre d'une thérapie comportementale et cognitive (pièce 43), avant d'être suivie par un relaxothérapeute (pièce 38).

Mme [U] [T] indique que, le 14 décembre 2012, elle a averti sa direction des faits de harcèlement moral dont elle était victime de la part de Messieurs [Y] et [Z] mais qu'elle a préféré taire le harcèlement sexuel qu'elle avait subi de la part de M. [H] [O] puisque, à la suite des refus fermes qu'elle lui avait opposés, il avait finalement cessé ses agissements.

La salariée appelante reproche à l'employeur de ne pas avoir été diligent dans l'organisation d'une commission d'enquête destinée à examiner son signalement puisque celle-ci n'a été mise en place qu'au mois de juin 2013, soit six mois après la dénonciation des faits. De surcroît, elle considère que cette commission n'a respecté aucune condition d'objectivité et de neutralité puisque sa supervision a été confiée à un salarié mandaté par les deux auteurs désignés de son harcèlement moral, à savoir Messieurs [Z] et [Y], ce qui mettait nécessairement en question son impartialité.

M. [H] [O] a, également, participé à cette commission d'enquête, en sa qualité de délégué du personnel, alors même qu'un contentieux l'opposait à la salariée. Après avoir demandé à l'employeur de lui expliquer le cadre juridique dans lequel devait intervenir le travail de cette commission (pièce 11), la société a fait traîner en longueur la mise en place de cette entité pendant de très nombreux mois, pour finalement y mettre un terme sans avoir entendu la salariée.

Cependant, quatre ans plus tard , Mme [U] [T] soutient qu'elle était toujours victime des mêmes faits de harcèlement moral de la part de son manager, M. [E] [Y] (pièces 17, 19, 20, 21). Elle a écrit, en avril 2018, à l'Inspection du travail pour se plaindre de l'ambiance de travail toxique dans laquelle elle évoluait, en soulignant que "Monsieur [Y] tout pour pourrir l'existence depuis avait porté plainte pour harcèlement en 2012" (pièce 18). Par ailleurs, à cette même époque, la salariée explique qu'elle continuait à être victime du comportement de M. [H] [O], qui se plaisait à la rabaisser devant les autres salariés en raison de son refus de céder à ses avances. Son mari a, d'ailleurs, contacté le délégué du personnel, le 3 mai 2018, pour lui enjoindre de cesser ses agissements à l'encontre de son épouse.

Le 11 juin 2018, Mme [U] [T] précise qu'elle a adressé un nouveau signalement à sa hiérarchie pour dénoncer les faits de harcèlement moral commis par M. [E] [Y] et les faits de harcèlement sexuel subis de la part de M. [H] [O] (pièce 21). Si l'employeur a diligenté une nouvelle enquête à la suite de ces révélations, la salariée appelante considère que les investigations n'ont pas été menées de manière impartiale et que les conclusions de cette enquête, qui ont écarté l'existence des faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel, sont inopérantes. En effet, alors qu'il a été considéré, qu'en l'absence de témoins des agissements imputés à M. [H] [O], la preuve était rapportée que ces faits n'avaient jamais existé, la salariée objecte que ce n'est pas parce que personne n'a assisté aux propositions indélicates qui lui ont été adressées par ce salarié qu'elles n'ont pas existées. Elle relève, d'ailleurs, que, dans le cadre des investigations, pas moins de quatre salariés ont révélé avoir reçu ses confidences, en mai/juin 2018, sur le harcèlement sexuel subi (pièce 9 employeur page 11, pièce 44: verbatim n°1 page 5, pièce 47 : Verbatim n° 4 page 5, pièce 57 : Verbatim n°14 page 5). Un salarié a, aussi, déclaré ne pas être surpris par ces révélations parce qu'il avait constaté que M. [O] avait tendance "à faire des avances" et qu'une employée s'était plainte qu'il était trop "collant" (pièce 44 verbatim n°1 page 3). Enfin, trois salariés font état d'une situation impliquant une cliente de la société à l'égard de laquelle M. [H] [O] aurait tenu des propos sexistes. Lors de son audition durant l'enquête, M. [H] [O] a, d'ailleurs, admis qu'il avait dû s'expliquer auprès du directeur de la succursale française sur cette situation. Si la société intimée lui reproche de n'avoir révélé les agissements de M. [H] [O] qu'après avoir été convoquée dans le cadre d'une procédure disciplinaire, Mme [U] [T] explique que, l'altercation entre son mari et M. [H] [O] ayant eu pour origine le harcèlement qu'elle subissait de la part de ce salarié, elle s'est trouvée contrainte de s'expliquer, à cette date, sur le contexte dans lequel étaient intervenus ces faits. Elle rappelle, aussi, que dans un mail du 16 mars 2018, soit trois mois avant la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire, elle avait écrit à M. [Y] qu'elle n'avait aucune confiance en M. [O] (pièce 54 employeur).

Concernant les faits de harcèlement moral reprochés à M. [E] [Y], Mme [U] [T] prétend que des salariés, entendus dans le cadre de la commission d'enquête de 2018, ont bien relaté avoir été témoins de relations tendues entre elle et son supérieur hiérarchique et du fait qu'elle se sentait, depuis longtemps, victime d'une situation professionnelle discriminatoire (pièce 44 : Verbatim n°1 du 12 juillet 2018 page 3, pièce 45 Verbatimn°2 du 13 juillet 2018 page 3, pièce 78 employeur, pièce 55 : Verbatim n°12 du 13 juillet 2018 page 2).

En conséquence, la salariée appelante sollicite une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement moral et sexuel.

La cour retient au vu de ses éléments, qui pris dans leur ensemble, relatent de manière concordante un syndrome dépressif avéré ainsi que l'imputation par la salariée de ce dernier à ses conditions de travail, que cette dernière présente des éléments de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il appartient dès lors à l'employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur soutient que les accusations de la salariée sont fallacieuses, tant s'agissant des faits de harcèlement moral que ceux de harcèlement sexuel.

Il rappelle, qu'en décembre 2012, lorsque la salariée a dénoncé les faits de harcèlement moral qu'elle prétendait subir de la part de Messieurs [Y] et [Z], elle n'a jamais fait état d'une quelconque situation de harcèlement sexuel imputable à M. [H] [O], alors qu'elle lui reproche, désormais, des agissements commis en 2011/2012. La société intimée rapporte qu'à la suite des révélations de harcèlement moral de décembre 2012, elle a décidé de mettre en place une commission d'enquête, dès le mois de janvier 2013, ce dont elle a informé la salariée et l'Inspection du travail. Par la suite, elle a accepté de revoir la composition initiale de la commission en raison de la méfiance exprimée par Mme [U] [T] quant à la présence de deux cadres. Pour autant, lors de son entretien par la commission, prévue le 4 juin 2013, la salariée appelante a purement et simplement refusé de répondre aux questions et n'a eu de cesse, ensuite, de polémiquer et de s'opposer à la tenue des opérations d'investigation (pièces 42 à 46). Dans ces conditions, la commission n'a pas été en capacité d'enquêter sur les faits dénoncés et elle s'est vue contrainte de clore le dossier sur les conseils de l'Inspection du travail.

En 2018, alors que la salariée était convoquée dans le cadre d'une procédure disciplinaire, pour s'expliquer sur une altercation avec un collègue, elle a adressé à la société intimée, un courrier daté du 11 juin pour dénoncer, une nouvelle fois, le harcèlement moral de son supérieur hiérarchique M. [E] [Y] et des faits de harcèlement sexuel commis par M. [H] [O]. L'employeur souligne que la concomitance entre les révélations de la salariée et sa convocation à un entretien préalable à sanction suffit à laisser peser un doute sur la réalité des faits qu'elle dénonçait.

En outre, les investigations qui ont conduit à entendre l'intégralité des salariés de la société ont permis de mettre en évidence que les collègues de Mme [U] [T] n'avaient jamais assisté à des faits de harcèlement moral de la part des deux salariées mis en cause mais, qu'en revanche, c'était la salariée appelante qui se plaisait à adopter une attitude vindicative, agressive et insultante à l'égard des salariés concernés. Les salariés entendus ont, également, dénoncé le fait qu'ils avaient été approchés par Mme [U] [T] et son conjoint pour rédiger des attestations mettant en cause Messieurs [Y] et [O]. L'employeur accuse, aussi, la salariée appelante d'avoir véhiculé, dans l'entreprise, des rumeurs fallacieuses sur le fait que M. [H] [O] aurait harcelé sexuellement une cliente de la société et d'autres salariées féminines.

La société intimée en déduit, donc, que les accusations de harcèlement moral et sexuel formulées par Mme [U] [T] n'ont eu d'autre objet que de lui fournir un prétexte pour se soustraire à la procédure disciplinaire engagée à son encontre et qu'elle n'a pas hésité à chercher à nuire à deux autres salariés de l'entreprise et à porter atteinte aux intérêts de cette dernière.

Cependant, au regard des pièces versées aux débats, la cour observe qu'il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient l'employeur, que Mme [U] [T] aurait refusé de s'expliquer devant la commission mise en place en 2013 pour enquêter sur les faits de harcèlement moral dont elle accusait déjà, à cette date, M. [E] [Y]. Il est simplement justifié que la salariée a demandé à être informée sur les règles régissant cette procédure avant d'être entendue, ce que l'employeur a refusé de faire.

Il n'est pas davantage démontré que c'est en raison d'entraves de l'appelante que les investigations n'ont pu être menées à cette époque et encore moins que c'est l'Inspection du travail qui a demandé à l'employeur de clôturer cette procédure. Concernant les faits de harcèlement moral, dont Mme [U] [T] prétend qu'ils se sont poursuivis postérieurement aux années 2012/2013, il est établi par la salariée que d'autres salariés de la société ont constaté des tensions entre elle et M. [E] [Y] et un comportement agressif de ce dernier à son égard. En outre, la dégradation des conditions de travail de la salariée appelante l'a poussée à adresser un courrier de signalement à l'Inspection du travail, en avril 2018, soit deux mois avant l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre.

Il ne peut, non plus, être valablement avancé que les accusations de harcèlement sexuel à l'encontre de M. [H] [O] ont été suscitées par la nécessité dans laquelle se serait trouvée Mme [U] [T] de se défendre dans le cadre d'une procédure disciplinaire puisque l'employeur reconnaît, lui-même, dans la lettre de licenciement et dans ses écritures, qu'antérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire, le mari de la salariée avait pris à partie M. [O] en raison de son comportement à l'égard de son épouse. Par ailleurs, des collègues de la salariée ont bien signalé qu'elle s'était ouverte auprès d'eux des difficultés qu'elle rencontrait avec le délégué du personnel et ce, quelques semaines avant la mise en 'uvre de la procédure disciplinaire.

Il s'en déduit que, contrairement à ce qui a été considéré par l'employeur, les révélations de harcèlement moral faites par la salariée à deux occasions et celles de harcèlement sexuel ne peuvent avoir pour origine la convocation adressée à la salariée à un entretien préalable à sanction. En outre, les pièces produites aux débats, comme les témoignages relatant les tensions entre Mme [U] [T] et les deux salariés concernés, le signalement adressé en avril 2018 par l'appelante à l'Inspection du travail, les attestations faisant état d'un comportement parfois ambivalent de M. [O], l'intervention du mari de Mme [U] [T] pour faire cesser les agissements du délégué du personnel viennent corroborer les accusations de la salariée alors que l'employeur ne peut que lui opposer une enquête inexistante en 2013 et l'absence de constat par d'autres salariés des faits de harcèlement sexuel de M. [O], qui ne permet pas pour autant de conclure à leur inexistence dès lors que ce type d'agissements interviennent rarement en public, eu égard à leur nature. Enfin, il est justifié par Mme [U] [T] que les agissements dénoncés ont eu un retentissement médicalement constaté sur son état de santé. Il sera donc jugé que la salariée a subi des faits de harcèlement moral et sexuel. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef et il lui sera alloué une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi.

4/ Sur le manquement à l'obligation de prévention

La salariée appelante reproche à l'employeur de ne pas avoir traité avec célérité et sérieux sa dénonciation de faits de harcèlement moral à l'encontre de Messieurs [Y] et [Z] en décembre 2012. Or, en l'absence de réponse de l'employeur à son signalement, ces faits de harcèlement se sont poursuivis jusqu'en 2018, date à laquelle elle s'est vu à nouveau contrainte de les signaler à l'Inspection du travail et à sa hiérarchie après en avoir subi les conséquences dans l'exécution de son travail et quant à leurs répercussions sur son état de santé.

En réparation du préjudice occasionné, elle revendique une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Il ressort des pièces versées aux débats qu'après avoir été rendu destinataire d'un courrier de dénonciation de faits de harcèlement moral de la part de la salariée, l'employeur a entrepris de constituer une commission d'enquête. Alors que la salariée avait manifesté son souhait d'être informée sur les règles régissant cette procédure avant d'être entendue par la commission d'enquête, aucune réponse ne lui a été apportée et aucune investigation n'a été diligentée de manière à s'assurer qu'aucune atteinte n'était portée à sa dignité, à sa santé et à ses conditions de travail. L'employeur ayant manqué à son obligation de prévention, ce qui a entraîné la poursuite d'agissements de harcèlement moral à l'encontre de Mme [U] [T], il sera alloué à cette dernière une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

5/ Sur le licenciement pour faute lourde

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque. La faute lourde, suppose de la part du salarié une intention de nuire à l'entreprise, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à la salariée d'avoir dénoncé, fallacieusement, des faits de harcèlement moral à l'encontre de M. [E] [Y] et des faits de harcèlement sexuel à l'encontre de M. [H] [O], pour nuire à ces deux salariés avec lesquels elle entretenait des relations conflictuelles. Il est, aussi, reproché à la salariée d'avoir voulu nuire à la société en multipliant des procédures inconsistantes, depuis plusieurs années, à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques ainsi qu'en créant un climat anxiogène et délétère auprès de ses collègues, en ayant refusé de participer à la commission mise en place à la suite de ses premières révélations et en accusant un délégué du personnel de l'entreprise.

Cependant, la cour observe qu'il est antinomique de la part de l'employeur de prétendre que les révélations de la salariée du 11 juin 2018 sont intervenues pour lui permettre de se soustraire de la procédure disciplinaire engagée à son encontre quelques jours plus tôt, tout en la licenciant au motif que ses accusations n'auraient eu d'autre objet que de nuire à la société et à deux de ses salariés. Par ailleurs, la cour ayant considéré au point 3 que les dénonciations de harcèlement moral et sexuel de Mme [U] [T] étaient fondées, il sera jugé que le licenciement pour faute lourde, motivé par le caractère mensonger de ces accusations, ne peut qu'être dit nul.

Au titre de l'indemnité pour licenciement nul, conformément à l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsqu'il est constaté que le licenciement est entaché par une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article, dont le harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il est en droit de revendiquer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 55 ans, de son ancienneté de plus de 13 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait que la salariée n'a pas retrouvé un emploi dans les premiers mois qui ont suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 37 000 euros.

Le jugement entrepris sera réformé sur les sommes allouées à la salariée au titre des indemnités de rupture et il lui sera accordé les sommes suivantes, non contestées dans leurs montants par l'employeur :

- 1 694,41 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

- 169,44 euros au titre des congés payés afférents

- 6 777,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 677,76 euros au titre des congés payés afférents

- 12 324,05 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Il sera ordonné à la société Amada Machinery Europe GMBH de délivrer à

Mme [U] [T], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie rectifiés conformément à la présence décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

6/ sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Mme [U] [T] soutient que son licenciement, qui est intervenu immédiatement après avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et sexuel, est nécessairement brutal et vexatoire et elle réclame une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

Mais, la cour observe qu'entre la révélation des faits de harcèlement moral et sexuel qui a été effectuée par la salariée le 14 juin 2018 et son licenciement, qui est intervenu le 13 août suivant, l'employeur a mis en 'uvre une commission d'enquête, diligenté des investigations sur les accusations de la salariée et qu'il n'a pris sa décision qu'après la remise du rapport de cette commission. Il n'y a donc pas lieu de considérer que le licenciement, même s'il a été jugé abusif, est intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires. C'est, donc, à bon escient que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

7/ Sur le préjudice de retraite

La salariée appelante fait valoir qu'elle a été licenciée à l'âge de 55 ans, soit sept ans avant l'âge de départ à la retraite à taux plein. Elle considère que son licenciement abusif a donc eu une incidence non négligeable sur le montant de sa pension de retraite, celle-ci étant calculée en prenant en compte les 25 meilleures années.

Mme [U] [T] a calculé que ses droits à la retraite seraient minorés chaque année de 2 787,50 euros et en considérant que l'espérance de vie moyenne des femmes en France est de 85 ans, elle estime que le préjudice résultant de la perte de ses droits à la retraite s'élève à une somme de 64 112,50 euros dont elle réclame le paiement.

Toutefois, le préjudice de la salariée n'étant que futur, puisqu'elle n'a pas encore fait valoir ses droits à la retraite et potentiel, et qu'il est impossible de déterminer le nombre d'années durant lesquelles la salariée pourra prétendre à une pension de retraite,

Mme [U] [T] ne pouvait solliciter que l'indemnisation de la perte de chance de percevoir une pension de retraite plus élevée et non l'indemnisation totale d'un préjudice hypothétique, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande ce chef.

8/ Sur le non-respect des dispositions légales en matière de congés payés

Mme [U] [T] prétend que dans le calcul de ses droits à congés payés l'employeur lui a appliqué la règle de maintien de salaire alors que celle du 10ème de la rémunération brute sur la période de référence aurait été plus favorable. En conséquence, elle demande à ce que l'employeur soit condamné à lui payer une somme de 875,23 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés.

L'employeur objecte que c'est la salariée qui établissait les feuilles de paie et que c'est donc elle qui a commis l'erreur dont elle demande réparation.

La cour rappelle que, concernant l'indemnité de congés payés, l'article L. 3141-24 du code du travail prévoit qu'il faut retenir la méthode de calcul la plus favorable entre

- la règle du 1/10ème, qui prévoit qu'il soit retenu 1/10ème de la rémunération brute du salarié de la période de référence pendant laquelle ont été acquis des congés payés

- la règle du maintien de salaire, qui prévoit que soit calculé un "salaire théorique"que le salarié aurait perçu s'il était venu travailler.

La salariée justifie que la règle de calcul qui lui a été appliquée n'était pas la plus favorable et il ne peut-être retenu que cette erreur procèderait des propres manquements de l'intéressée dès lors que l'employeur a souligné, dans le cadre des revendications de l'appelante au repositionnement au statut de "cadre", que Mme [U] [T] a toujours agi sous la stricte subordination de son chef de service. Il sera, donc, fait droit à la demande de la salariée de ce chef.

9/ Sur la perte du bénéfice de la portabilité de la mutuelle d'entreprise

La salariée appelante rappelle que l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale prévoit, au bénéfice du salarié dont le contrat de travail a été rompu, un maintien à titre gratuit de la couverture frais de santé d'entreprise, pendant une durée de 12 mois, sauf en cas de faute lourde. Ayant été licenciée pour ce motif, Mme [U] [T] indique qu'elle a perdu le bénéfice de la portabilité de la mutuelle d'entreprise et elle sollicite une somme de 1 675,44 euros, correspondant au coût de la mutuelle entreprise pendant une durée de un an (pièce 4).

Mais, la cour constate que la somme demandée par la salariée ne correspond pas au préjudice subi qui ne pourrait consister qu'en la somme qu'elle a engagée pendant un an en prenant à sa charge une nouvelle mutuelle ou en règlant des frais de santé en l'absence de mutuelle. A défaut de justifier de son préjudice réel, Mme [U] [T] sera donc déboutée de cette demande.

10/ Sur les demandes reconventionnelles de l'employeur de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil et de condamnation de la salariée pour procédure abusive

Eu égard à ce qui a été jugé aux points 3 et 5 l'employeur sera débouté de ses demandes reconventionnelles de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil et de condamnation de la salariée pour procédure abusive.

11/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019, date de l'audience du bureau de conciliation et d'orientation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La société Amada Machinery Europe GMBH supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à Mme [U] [T] une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Amada Machinery Europe GMBH à payer à Mme [U] [T] 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté Mme [U] [T] de sa demande de repositionnement au statut cadre et de ses demandes indemnitaires subséquentes, de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, de sa demande d'indemnisation du préjudice de perte de retraite, de sa demande de réparation au titre du défaut de portabilité de la mutuelle

- débouté la société Amada Machinery Europe GMBH de ses demandes reconventionnelles

- condamne la partie défenderesse aux entiers dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit nul le licenciement de Mme [U] [T],

Condamne la société Amada Machinery Europe GMBH à payer à Mme [U] [T] les sommes suivantes :

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles en terme de classification

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention

- 37 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

- 875,23 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés

- 1 694,41 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

- 169,44 euros au titre des congés payés afférents

- 6 777,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 677,76 euros au titre des congés payés afférents

- 12 324,05 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne à la société Amada Machinery Europe GMBH de délivrer à Mme [U] [T], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie rectifiés conformément à la présence décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Amada Machinery Europe GMBH aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/02212
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;20.02212 ?
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