RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19708 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3TZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 17/13241
APPELANT
Monsieur [E] [J] [S]
né le [Date naissance 1]1973 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Raphaëlle TARDIF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2610
Assisté par Me Mathieu PORÉE, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 37
INTIMÉ
Monsieur [V] [H] [D]
né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 7] (Bengladesh)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté et assistée par Me Arnaud MONIN de l'AARPI VO DINH ET MONIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été appelée le 01 Juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
M. Laurent NAJEM, Conseiller
Mme Valérie MORLET, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
Rappel des faits et de la procédure
Suivant acte de vente du 12 mars 2010, Monsieur [D], assuré auprès de la société BPCE Assurances, est propriétaire d'un appartement, au 3ème étage à droite, lot n°8, au sein d'un immeuble organisé en copropriété, situé [Adresse 5] à [Localité 4] (Seine-Saint-Denis), cadastré section BC, n°[Cadastre 3].
Courant 2014, cet appartement a subi un dégât des eaux en provenance de l'appartement situé au 4ème étage, appartenant à M. [S], copropriétaire.
Le 26 mars 2014, Monsieur [D] a déclaré un premier sinistre auprès de son assureur. De nouvelles infiltrations se sont produites.
Suivant ordonnance du 5 décembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné une expertise judiciaire, au contradictoire de Monsieur [S] et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] à [Localité 4] (Seine-Saint-Denis).
Monsieur [L], expert commis a déposé son rapport le 20 octobre 2017.
Par actes d'huissier séparés du 29 novembre 2017, Monsieur [D] a fait assigner Monsieur [S] et la société Cabinet [T] [M] devant le tribunal de grande instance de Bobigny.
Le 9 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
- Déclaré Monsieur [S] responsable des désordres constatés dans l'appartement de Monsieur [D] sur le fondement du trouble anormal de voisinage,
- Condamné Monsieur [S] à payer à Monsieur [D] la somme de 19.115,82 euros HT, avec indexation sur l'indice BT 01 du coût de la construction entre le 20 octobre 2017 et le 9 septembre 2019, outre la TVA en vigueur au jour du jugement, au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel,
- Débouté Monsieur [S] de ses demandes à l'encontre de la société Cabinet [T] [M],
- Condamné Monsieur [S] à payer à Monsieur [D] la somme de 21.700 euros au titre de son trouble de jouissance, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- Débouté Monsieur [S] de sa demande au titre de son préjudice économique,
- Débouté Monsieur [D] de sa demande de réalisation de travaux de mise en conformité sous astreinte,
- Rejeté le surplus de ses demandes,
- Condamné Monsieur [S] à payer à Monsieur [D] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Monsieur [S] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire.
Monsieur [S] a interjeté appel du jugement le 22 octobre 2019 à l'encontre de Monsieur [D].
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 10 avril 2023, Monsieur [S] demande à la cour de :
Vu les articles 544 du code civil, vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, vu les articles L131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, vu l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil, vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile,
- Accueillir Monsieur [S] en son appel et l'y déclarer bien-fondé,
- En conséquence, réformer et infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- Constater l'aggravation du sinistre par le comportement fautif de Messieurs [D] et [X] ainsi que du syndic de copropriété, le cabinet [T] [M], qu'elle déclarera co-responsables des dégradations,
- Juger qu'il y a lieu de rapporter la condamnation de Monsieur [S] à la somme de 16.610 euros TTC, et ce sans indexation,
- Juger n'y avoir lieu à condamnation au titre du préjudice de Monsieur [D], lequel n'est pas démontré,
- Juger que Monsieur [D] irrecevable et mal fondé en toutes ses conclusions fins et demandes complémentaires, et l'en débouter,
- Juger n'y avoir lieu à condamnation de Monsieur [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le cabinet [T] [M] à garantir Monsieur [S] de toutes sommes auxquelles il pourrait être tenu,
Subsidiairement,
- Juger y avoir lieu à rapporter à une plus juste proportion la condamnation de Monsieur [S] à verser à Monsieur [D] une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Sur l'appel incident :
S'il était fait droit à l'indemnisation du préjudice de jouissance de Monsieur [D], dont il a été démontré qu'elle n'était pas justifiée du fait de l'occupation des lieux par des locataires pendant ladite période :
Juger y avoir lieu à rapporter la montant de l'indemnité à la seule période concernée de mars 2014 (apparition du sinistre) à la réalisation des travaux ayant permis de mettre fin aux fuites (13/03/2015), soit à la somme de 9.600 euros (12 mois),
o Débouter Monsieur [D] du surplus de ses demandes,
- Débouter Monsieur [D] de sa demande de condamnation au versement d'une somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- En tout état de cause condamner Monsieur [D] :
o A payer la somme de 3.000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,
o Aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 600 du code de procédure civile,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Monsieur [S] fait valoir :
' que l'expert a fixé le point de départ des infiltrations au mois de janvier 2014 (ce qu'il conteste ne s'agissant que des dires de l'intimé) et constate que depuis juin 2016, des travaux ont été effectués qui ont permis de mettre fin aux infiltrations en provenance de son appartement,
- que le défaut d'entretien par son locataire Monsieur [X] et l'abstention fautive de l'intimé ont contribué au dommage et à son aggravation dans la mesure où il résidait à l'étranger de juin 2014 à février 2016 et n'a pas été prévenu,
' que l'expert relève également que la non-implication du syndic a contribué à l'aggravation des désordres pendant plusieurs années et
qu'il a satisfait aux recommandations complémentaires de l'expert comme constaté par procès-verbal d'huissier du 28 janvier 2018,
' que si la douche est non conforme, elle ne fuit pas,
' que l'intimé a fait de son appartement depuis plusieurs années un lieu insalubre où logeaient jusqu'à 15 personnes et ne peut prétendre qu'il était inoccupé,
- que rien ne permet de confirmer que tous les dégâts des eaux proviennent de son seul appartement, l'humidité touchant l'ensemble de l'immeuble et un arrêté de péril étant envisagé,
' que les fautes de Monsieur [D] et de Monsieur [X] sont de nature à exonérer partiellement sa responsabilité.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, Monsieur [D] demande à la cour de :
Vu l'article 544 du code civil et la théorie prétorienne des troubles anormaux du voisinage, vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,
vu les articles L131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- Infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- Enjoindre à Monsieur [S] de réaliser, sous le contrôle d'un architecte DPLG, tous travaux nécessaires à la mise en conformité de l'étanchéité de toutes installations de plomberie de son appartement, et notamment la mise en place d'un complexe d'étanchéité sol-mur dans les pièces humides, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter la signification de la présente décision,
- Condamner Monsieur [S] au paiement d'une somme de 25.136 euros hors taxes au titre de l'indemnisation du préjudice matériel subi par Monsieur [D], augmenté de la TVA en vigueur au jour de la décision à intervenir, avec indexation sur l'indice du coût de la construction, avec pour indice de référence 1645, dernier indice publié au 24 mai 2017, date de l'édition du devis correspondant.
- Condamner Monsieur [S] au paiement d'une somme de 64.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par Monsieur [D] pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 27 mars 2020,
- Condamner Monsieur [S] au paiement d'une somme de 2.400 euros au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par Monsieur [D] résultant de l'impossibilité de donner son appartement en location durant la réalisation de ses travaux.
- Confirmer le jugement pour le surplus,
- Condamner Monsieur [S] la SARL Cabinet [T] [M] au paiement d'une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner Monsieur [S] au paiement des entiers dépens de l'instance.
Monsieur [D] fait valoir :
' que Monsieur [S] est propriétaire de l'appartement situé au quatrième étage au-dessus du sien,
' que l'expert judiciaire Monsieur [L] a constaté que les dégradations de son appartement qui ont rendu sa salle de bains inutilisable provenaient de la non-conformité des installations de l'appartement de Monsieur [S],
' que la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage est engagée sans que la preuve d'une faute soit nécessaire,
' qu'il ne démontre pas avoir remédié aux fuites par des factures de 2015 et de 2018 très modiques et qu'en 2017, l'expert relevait un danger structurel sur tout ce côté de l'immeuble,
' que l'expert a relevé que les dégâts des eaux sont la conséquence non d'un défaut d'entretien imputable au locataire mais de la réalisation de travaux non conformes par le propriétaire,
' que l'expert décrit que toute la plomberie du quatrième étage était fuyarde, les joints détériorés et l'étanchéité des sols inexistante (page 5),
' qu'il justifie de ses démarches en produisant un courrier de mise en demeure adressée au locataire de Monsieur [S] en 2016 et un courrier adressé directement à Monsieur [S] en 2014 (pièce 22),
' que ce dernier a été relancé par l'expert de l'assurance et par le précédent syndic (pièces 23 et 24),
' que son logement est inhabitable du fait des dégâts des eaux, ce qui a perduré de 2014 jusqu'en 2020,
- que le nouvel expert, Monsieur [C] relève que si l'installation n'est plus fuyarde, elle n'est toujours pas conforme,
' que même si Monsieur [S] n'est pas l'unique responsable des préjudices subis par lui, il devra être tenu de réparer la totalité et il lui appartiendra de se retourner contre ceux qu'il estime coresponsables.
La clôture a été prononcée le 12 avril 2023.
MOTIFS
Sur les limites de la saisine :
Le cabinet [T] [M] n'ayant pas été intimé aux termes de la déclaration d'appel formée par Monsieur [S], ce dernier ne peut solliciter sa condamnation à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Sa demande sera considérée comme irrecevable de ce chef.
À l'identique est irrecevable la demande de Monsieur [D] de condamner le cabinet [T] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est également observé que Monsieur [D], qui a fait appel incident, ne critique pas le rejet de sa demande par le premier juge au titre du préjudice économique.
Sur l'origine du sinistre :
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [L], déposé le 20 octobre 2017, que les locaux de Monsieur [D] ont été profondément dégradés par des fuites et infiltrations en provenance de l'appartement situé à l'étage supérieur, propriété de Monsieur [S], dont les installations sont vétustes et non conformes aux règles de l'art.
L'expert précise que la zone concernée est la cuisine, le couloir d'entrée et la salle d'eau, que le plancher s'est déformé sous l'effet de l'humidité certaines lattes étant soulevées, que les peintures sont tachées, le papier peint décollé et conclut que l'appartement n'est plus utilisable en l'état.
Il relève que la plomberie de Monsieur [S] est fuyarde, les joints détériorés, l'étanchéité au sol inexistante.
Il constate que les travaux de 2016 de remplacement du bac de douche ont mis fin aux infiltrations bien qu'ils ne soient pas conformes aux règles de l'art (absence d'étanchéité au sol et sur les parois de la douche).
Monsieur [S] produit deux factures : l'une du 10 mars 2015 de la SARL Cancela (antérieure au rapport d'expertise) concerne le changement de tuyaux dans les murs pour réparer une fuite pour un montant de 1072,50 euros et l'autre du 7 janvier 2018 de la SARL Arts béton design (postérieure au rapport d'expertise) concerne l'étanchéification de la salle de bains (montant des travaux 550 euros).
Une nouvelle expertise a été ordonnée en référé par ordonnance du 27 novembre 2020 à la demande du syndicat des copropriétaires pour examiner l'ensemble des désordres de l'immeuble.
L'expert désigné, Monsieur [C], a rédigé deux notes les 9 février 2021 et 30 mars 2023.
Il constate, dans sa première note, au quatrième étage occupé par l'appartement de Monsieur [S], comme le précédent expert, que la douche bien que non conforme et en l'absence d'étanchéité ne fuit pas.
Il observe également concernant le 3ème étage occupé par l'appartement de Monsieur [D], où 8 personnes dorment sur des lits simples, en relation avec le présent litige, un plafond ayant subi de nombreux dégâts des eaux.
S'il résulte de différentes pièces (du diagnostic structure effectué par la société Safi Engineering le 27 octobre 2021 à la demande de Nemmo immobilier, syndic de copropriété ainsi que des deux notes du 9 février 2021 et 30 mars 2023 rédigées par Monsieur [C]) qu'il existe dans cet immeuble d'autres désordres concernant notamment les caves, elles ne remettent pas en cause le fait que les dégâts des eaux subis par Monsieur [D] trouvent leur origine dans des infiltrations en provenance de l'appartement dont Monsieur [S] est le propriétaire.
Sur la demande de Monsieur [D] au titre des troubles anormaux de voisinage :
Monsieur [D] agit sur le fondement de l'article 544 du code civil et de la théorie des troubles anormaux de voisinage.
La doctrine des troubles de voisinage n'implique pas une faute mais un trouble apporté au voisin dans la jouissance de son immeuble.
La responsabilité de l'auteur est engagée non pas sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil devenu l'article 1241 du code civil mais sur celui d'un principe général selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
Monsieur [S] soutient que Monsieur [D] et/ou son locataire ( Monsieur [X]) auraient commis une faute et devraient être déclarés coresponsables des dégradations.
Cependant Monsieur [X] n'est pas dans la cause et en sa qualité de propriétaire de l'appartement, il appartient à Monsieur [S] de répondre des troubles du voisinage subis par Monsieur [D] à charge pour lui de se retourner dans un second temps contre son locataire pour le garantir, s'il considère que sa responsabilité serait engagée.
L'appelant reproche à Monsieur [D] d'avoir laissé les dommages s'aggraver avant de saisir le juge des référés, de ne pas avoir participé au constat amiable des désordres (en 2016) et de ne pas l'en avoir personnellement informé.
Cependant il précise aussi, ce qui est contradictoire, avoir été durant deux ans, entre les mois de juin 2014 et de juillet 2016, au Bangladesh donc difficilement joignable.
Sa pièce 1 intitulée 'constat amiable dégâts de eaux' est illisible. Il n'est pas justifié qu'il aurait sollicité Monsieur [D] aux fins de l'établir.
Il résulte du dossier que Monsieur [D] a adressé au locataire de Monsieur [S], Monsieur [X], le 3 avril 2014 ( courrier également au nom de Monsieur [S]) puis le 17 juin 2016 une lettre de mise en demeure de faire cesser les troubles et de mise en conformité avec les règles de l'art de sa salle de bains (pièces 5 et 22). Seul le second courrier a été retiré, le premier lui ayant été retourné.
Monsieur [X] a été régulièrement relancé par l'expert en assurance comme cela résulte d'un courrier de l'assureur de Monsieur [D], BPCE Assurances, en date du 13 mai 2014 (pièce 23).
Le précédent syndic Urbania Immobilier avait adressé un courrier à Monsieur et Madame [S] leur demandant de mettre fin à la fuite signalée le 4 avril 2014 (pièce 24).
Monsieur [D] justifie par conséquent de ses démarches pour remédier à la situation et il ne peut lui être reproché par Monsieur [S] d'avoir laissé le dommage s'aggraver en restant inactif durant deux ans.
Dès lors ce dernier est débouté de sa demande de partage de responsabilité d'autant que le fondement de l'action, le trouble anormal de voisinage, n'implique aucune faute.
La décision déférée est confirmée en ce qu'elle a retenu la responsabilité, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, de Monsieur [S] concernant les désordres subis par Monsieur [D].
Sur le préjudice :
*Sur le préjudice matériel :
Monsieur [S] demande à la cour de réduire à la somme de 16.610 euros TTC sa condamnation au titre du préjudice matériel de Monsieur [D] (préjudice évalué à 19.115,82 euros par le premier juge).
Il se fonde sur l'évaluation par la SARL Cancela établie le 3 avril 2018 (sa pièce 6).
Monsieur [D] demande que son préjudice matériel soit revalorisé à la somme de 25.136 euros augmentée de la TVA, en se fondant sur le devis de la société Abac du 24 mai 2017 (sa pièce 7).
Le premier juge a retenu le devis de la société Demaurice du 15 mai 2017.
Sur ce,
C'est à juste titre que le premier juge a écarté le devis de la société Abac du 24 mai 2017 qui concernait la réfection complète de l'appartement (cuisine complète avec pose de carrelage, salle de bains complète avec carrelage, wc et meuble..) et non les seuls dommages résultant des infiltrations.
Cependant la cour observe que le devis de la société Demaurice concerne aussi les séjour et bureau qui ne font pas partie des zones touchées par les infiltrations selon l'expert.
Dès lors, le devis de la SARL Cancela est plus conforme aux zones ayant subi le sinistre et sera retenu par la cour.
En conséquent, Monsieur [S] est condamné à payer à Monsieur [D] la somme de 16.610 euros avec indexation sur l'indice du coût de la construction en vigueur au jour de la présente décision au titre de son préjudice matériel.
La décision déférée est donc infirmée concernant le quantum de ce poste de préjudice.
*Sur le préjudice de jouissance:
Monsieur [S] conteste le préjudice de jouissance évalué à 21.700 euros par le premier juge qui a limité la période concernée du mois de janvier 2014 au mois de juillet 2016 au vu des travaux réalisés en juin 2016 et de l'absence de démonstration de nouvelles infiltrations depuis.
Monsieur [D] demande, aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, que son préjudice de jouissance soit revalorisé à la somme de 64.000 euros pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 27 mars 2020 outre la somme de 2.400 euros correspondant à la période de réalisation des travaux.
Il fait valoir ne pas avoir été informé de la réalisation des travaux par son voisin et que lors de la réunion d'expertise du 2 février 2017, il a été constaté que son appartement était inoccupé.
Sur ce,
L'expert, qui a pu constater l'inoccupation et l'état du logement lors de sa visite du 2 février 2017, mentionne dans son rapport en date du 20 octobre 2017 que Monsieur [D] n'a plus pu utiliser son appartement depuis janvier 2014 sans préciser comment il a arrêté cette date. Il ne peut donc être exclu qu'elle ait été fixée sur les seuls dires de Monsieur [D].
Il résulte des pièces communiquées que ce dernier a déclaré à son assureur que le sinistre, objet de l'expertise, était survenu le 26 mars 2014, date qu'il y a lieu de retenir comme point de départ du préjudice de jouissance.
Aucune nouvelle infiltration n'est démontrée depuis juin 2016 suite, selon l'expert, aux travaux réalisés par Monsieur [S] de remplacement du bac de douche bien qu'il observe qu'ils soient non conformes aux règles de l'art. Dans ses notes du 9 février 2021 et 30 mars 2023, Monsieur [C] relève également que la douche ne fuit pas.
Depuis juin 2016, Monsieur [D] pouvait donc entreprendre des travaux de remise en état de son logement.
Monsieur [S] conteste l'inoccupation de l'appartement en 2014 et 2016 sans en rapporter la preuve, sa pièce 16 visée dans ses conclusions étant constituée de copies illisibles d'un titre de séjour et d'un récépissé de demande d'asile, insuffisantes à rapporter la preuve que l'intéressé occupait effectivement l'appartement dont Monsieur [D] est le propriétaire. Ce dernier produit également plusieurs attestations concernant l'inoccupation de son appartement durant cette période.
Dès lors la période donnant lieu à indemnisation, fixée du 26 mars 2014 au 30 juin 2016, est de 27 mois et 4 jours.
Au vu des estimations de valeur locative produites concernant l'appartement de 41 m2 environ, la valeur locative de 800 euros proposée par l'expert est retenue par la cour.
En conséquent, Monsieur [S] est condamné à payer à Monsieur [D] la somme de 21.707 euros au titre de son préjudice de jouissance.
Sur la demande de Monsieur [D] d'enjoindre à Monsieur [S] de réaliser, sous le contrôle d'un architecte DPLG, et sous astreinte tous travaux nécessaires à la mise en conformité de l'étanchéité :
Seule l'absence d'étanchéité de la douche est toujours constatée le 30 mars 2023 par Monsieur [C] qui ne relève aucune fuite.
Compte tenu de la nouvelle expertise en cours et en l'absence de nouvelle fuite constatée, au vu des travaux d'envergure suggérés par Monsieur [C], il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'injonction formée par Monsieur [D].
La décision déférée est confirmée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
A hauteur d'appel, chaque partie conservera la charge de ses dépens et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [S] de condamnation du cabinet [T] [M] à le garantir de toutes condamnations à son encontre,
Déclare irrecevable la demande de Monsieur [D] de condamner le cabinet [T] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme la décision déférée, sauf en ce qui concerne le fait que Monsieur [S] a été déclaré responsable des désordres constatés, les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que le rejet de la demande de réalisation de travaux de mise en conformité sous astreinte,
Statuant à nouveau dans les limites de la saisine et y ajoutant,
Condamne Monsieur [S] à payer à Monsieur [D] la somme de 16 610 euros avec indexation sur l'indice de la construction en vigueur au jour de la présente décision au titre de son préjudice matériel,
Condamne Monsieur [S] à payer à Monsieur [D] la somme de 21 707 euros au titre de son préjudice de jouissance,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel et qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,