La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°19/02970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 29 juin 2023, 19/02970


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 29 JUIN 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02970 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NKC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 18/00287





APPELANT



Monsieur [H] [U] décédé



Madame [Z]

[B] épouse [U] ayant droit de Monsieur [H] [U]

Enfant [J] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U]

Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

Enfant [K] [U] ayant droit de ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 29 JUIN 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/02970 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NKC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 18/00287

APPELANT

Monsieur [H] [U] décédé

Madame [Z] [B] épouse [U] ayant droit de Monsieur [H] [U]

Enfant [J] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U]

Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

Enfant [K] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U] Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

Enfant [X] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U] Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

Enfant [G] [F] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U] Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

Enfant [H] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U] Représenté par son représentant légal Madame [Z] [B] épouse [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS toque : D1996

Monsieur [A] [U] ayant droit de Monsieur [H] [U]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS toque : D1996

INTIMEE

SARL S3R prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille SPARFEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Nicolas TRUC, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre, et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [H] [U] a été embauché par la société S3R à partir du 21 avril 2008, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ouvrier professionnel. Dans le dernier état des relations contractuelles, M. [U] était classé compagnon professionnel, coefficient 2010, niveau 3, position 2 de la convention collective du bâtiment de la région parisienne.

Par lettre recommandée du 19 avril 2019, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le conseil de prud'hommes d'Evry, antérieurement saisi par M. [H] [U] le 23 mars 2018 en résiliation de son contrat de travail, a, par jugement du 28 janvier 2019, notifié le 7 février 2019, statué comme suit :

- Déboute M. [H] [U] de l'ensemble de ses demandes

- Déboute l'EURL S3R de ses demandes

- Laisse les éventuels dépens à la charge de la partie demanderesse.

M. [H] [U] a interjeté appel de cette décision par déclaration de son conseil au greffe de la cour d'appel de Paris le 26 février 2019.

Les ayants droit de M. [H] [U], intervenant volontairement à l'instance suite au décès de ce dernier survenu le 15 janvier 2021, demandent à la cour, aux termes de leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 décembre 2021 de :

Réformer le jugement entrepris, statuer de nouveau

A titre principal,

Constater l'existence d'une discrimination raciale à l'encontre de M. [H] [U],

Constater l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M. [H] [U],

En conséquence,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et en fixer la date au 19 avril 2019,

Dire et juger que la résiliation prend les effets d'un licenciement nul,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant du harcèlement moral,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 4 506 euros au titre du préavis,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 450,60 euros au titre des congés payés afférents,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 4 506 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour nullité de la rupture,

A titre subsidiaire,

Constater l'existence d'une exécution déloyale du contrat de travail et un manquement à l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité au travail (art. L 1134 du code civil et L 4121-1 du code du travail),

En conséquence,

Dire et juger que la résiliation prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 30 000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat (article L.1134 du code civil),

En tout état de cause,

Annuler l'avertissement du 16 juin 2016,

Annuler l'avertissement du 22 septembre 2016,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 500 euros à titre de contrepartie financière pour chacune des sanctions annulées,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 2 253 euros au titre du rappel de prime de fin d'année,

Ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et d'un bulletin de paye récapitulatif conformes à la décision rendue,

Débouter la SARL S3R de ses demandes reconventionnelles,

Condamner la SARL S3R à verser aux ayants droit de M. [H] [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation desdits intérêts,

Selon ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 août 2019, la société S.3.R demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Evry du 28 janvier 2019 en ce qu'il a :

o Considéré que sa demande de résiliation judiciaire aux torts de la Société était injustifiée,

o Débouté Monsieur [H] [U] de l'ensemble de ses demandes formulées à titre principal et à titre subsidiaire,

- En revanche, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Evry du 28 janvier 2019 en ce qu'il a :

o Débouté la Société S3R de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

o Débouté la Société S3R de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [H] [U] au paiement de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 avril 2023.

Il est renvoyé pour plus ample exposé aux écritures des parties visées ci-dessus.

Sur ce

1) Sur l'avertissement du 16 juin 2016

Les appelants sollicitent l'annulation de l'avertissement notifié à M. [H] [U] le 16 juin 2016 qui lui reproche un abandon de poste le 8 octobre 2016 à 15 H 00 (pièce 17).

L'absence de toute pièce produite permettant de vérifier le bien-fondé de cette sanction, eu égard notamment à son ancienneté, celle-ci ne pourra qu'être annulée. Il sera alloué en réparation du préjudice à caractère moral subi par M. [H] [U] une indemnité arbitrée à 200 euros.

2) Sur l'avertissement du 22 septembre 2016

Les ayants droit de M. [H][U] sollicitent également l'annulation de cet avertissement reprochant au salarié un non-respect des « horaires prévus » et une absence à son poste de travail le 6 septembre 2016 à 16 h 50.

En l'absence de toute document permettant de vérifier la réalité des comportements reprochés, l'avertissement sera annulé.

Il sera alloué en réparation du préjudice subi par M. [H] [U], une indemnité arbitrée à 200 euros

3) Sur la prime de l'année 2017,

Les ayants droit de M. [H] [U] demandent le paiement de 2 253 euros, soit un mois de salaire, au titre de la prime de fin d'année 2017, soutenant que celle-ci était « obligatoire » (conclusions page 17), ce que conteste l'employeur.

Le contrat de travail de M. [H] [U] (pièce 1) ne mentionne pas le paiement d'une prime de fin d'année et il n'est fait état d'aucune disposition conventionnelle en prévoyant une.

Aucune pièce produite ne démontre, par ailleurs, l'existence d'un usage constant, général et fixe dans l'entreprise relatif au paiement d'une prime de fin d'année égale à un mois de salaire.

Le rejet de la réclamation qui n'est pas ainsi fondée sera confirmé.

4) Sur la résiliation du contrat de travail

Il est constant que M. [H] [U] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail antérieurement à son licenciement, lequel n'est pas subsidiairement discuté par les ayants droit de M. [H] [U] en cause d'appel.

Les dispositions combinées des articles L 1231-1 du code du travail et 1224 du code civil permettent au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations et qui font obstacle à la poursuite de la relation de travail.

Les ayants droit de M. [H] [U] soutiennent, d'une part, que ce dernier a été l'objet, à partir notamment de l'arrivée dans l'entreprise, en octobre 2014, du conducteur de travaux [O] [Y] [N], de discrimination raciale ainsi que d'un harcèlement moral caractérisés par :

* un acharnement disciplinaire (avertissements non justifiés notifiés les 15 octobre 2014, 27 novembre 2014, 16 juin 2016 et 22 septembre 2016)

* un refus d'évolution de carrière (une seul élévation de niveau en 10 ans d'ancienneté):

* le non-respect des restrictions médicales (dispense de travail en hauteur par le médecin du travail le 3 novembre 2016) et un manquement à l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité au travail

* des intimidations pour le pousser à la démission et des remarques racistes et attentatoires à la dignité

* une mise à l'écart

* le non-paiement de la prime de fin d'année 2017.

L'examen des documents versées aux débats, notamment les attestations produites par les appelants, dépourvues de toute précision quant à des propos ou attitudes racistes dans l'entreprise (MM. [S] [C], [M] [E], [T]), ou de garanties d'objectivité suffisantes (M [U] [A] est le fils de M.[U] [H] et ce dernier s'est également rédigé une attestation à lui-même) ne permettent pas de retenir l'existence d'une discrimination raciale subie par M. [H] [U] imputable au conducteur de travaux [O] [Y] [N] ou à d'autres salariés ou dirigeants de l'entreprise.

De même, les seules photographies non datées de chantiers inconnus figurant dans les pièces des appelants (pièces 31 à 33) sont insuffisantes à démontrer une mise à l'écart professionnelle de M. [H] [U] ou un non-respect à son égard des restrictions d'emploi posées en 2016 par le médecin du travail relativement aux travaux en hauteur.

Les pièces produites ne permettent pas, non plus, de caractériser des manquements de l'employeur en termes d'évolution de carrière de M. [H] [U] ou d'évolution salariale en l'absence de tout élément établissant que sa classification professionnelle ait été erronée ou insuffisante au regard des fonctions qui lui étaient confiées, ou d'une transmission fautive de justificatifs à la caisse primaire d'assurance maladie lors d'arrêts de travail.

Les avertissements contestés par les appelants mais qui s'appuient sur des éléments de fait précis sur une période de plusieurs années, ne traduisent pas, aux yeux de la cour, même s'il ne peuvent faire l'objet d'aucune vérification, un usage abusif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire pouvant revêtir une nature harcelante.

Enfin, les certificats médicaux datés des 16 janvier et 5 juin 2018 (pièces 20 et 24) évoquant un syndrome anxi-dépressif dont souffrait M. [H] [U] n'établissent aucun lien direct et certain entre cette pathologie et une situation de harcèlement moral au travail.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de faire supposer un harcèlement moral, au sens de l'article L1154-1 du code du travail, subi par le salarié avant son arrêt de travail à compter du 1er janvier 2018.

Ces constatations conduisent à confirmer le rejet des demandes en dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral.

Aucun manquement de l'employeur à ses obligations dont la gravité aurait été de nature à justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, n'étant retenu, la décision prud'homale ayant rejeté toutes les demandes de M. [H] [U] au titre de la rupture du contrat de travail sera confirmée.

5) Sur les autres demandes

Les ayants droits de M. [H] [U] formulent, subsidiairement, une demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement de l'employeur à l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité au travail. Mais cette réclamation ne reposant sur aucun développement spécifique par rapport à l'argumentation soutenue au titre de la discrimination raciale et du harcèlement moral (conclusions page 18), son rejet ne pourra qu'être confirmé en l'absence de démonstration du non-respect d'une telle obligation.

La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive soutenue par la société S.3.R n'étant pas non plus justifiée dès lors qu'il est fait partiellement droit aux réclamations du salarié, celle-ci sera rejetée.

Il n'y a pas lieu d'enjoindre à la société S.3.R de délivrer aux ayants droit de M. [H] [U] des documents de fin de contrat.

L'équité n'exige pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les entiers dépens seront laissés à la charge de la société S.3.R qui succombe partiellement à l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil du 28 janvier 2019 à l'exception du rejet des demandes relatives aux avertissements des 16 et 22 septembre 2016

Statuant à nouveau sur ces points :

Annule les avertissements des 16 et 22 septembre 2016 et alloue en réparation aux ayants droit de M. [H] [U] 400 euros à titre de dommages et intérêts, somme portant intérêts au taux légal à compter de cette décision

Dit que les intérêts échus de la créance susvisée pourront être capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société S.3.R.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/02970
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;19.02970 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award