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28/06/2023 | FRANCE | N°21/10380

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 28 juin 2023, 21/10380


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° 2023/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10380 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE266



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02092





APPELANTE



Madame [N] [V]

[Adresse 1]

[

Localité 5]



Représentée par Me Maryline BATIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0047





INTIMÉES



SELARL AXYME prise en la personne de Me [U] [O] ès qualité de liquidateur de la...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 2023/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10380 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE266

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02092

APPELANTE

Madame [N] [V]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Maryline BATIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0047

INTIMÉES

SELARL AXYME prise en la personne de Me [U] [O] ès qualité de liquidateur de la SASU AGENCE PEOPLE COCCINELLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Maryline BUHL, avocat au barreau de PARIS

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, en double rapporteur, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Agence people coccinelle (SASU) a employé Mme [N] [V], née en 1981, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 septembre 2008 en qualité de chargée de booking ' statut employé.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des agences de mannequins du 22 juin 2004.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 4 200 €.

Mme [V] a été prise en charge à compter du 7 octobre 2019 par Mme [B], spécialiste « souffrance au travail, prévention du Burn Out ». Du 12 décembre au 9 février 2020, Mme [V] a été placée en arrêt maladie.

Selon elle, faute de visite médicale de reprise, elle n'a pas repris son travail entre le 10 février 2020 et le 8 avril 2020 et du 9 avril au 17 mai 2020, elle a été de nouveau placée en arrêt maladie.

Selon elle, faute de visite médicale de reprise, elle n'a pas repris son travail entre le 18 mai 2020 et le 26 mai 2020 et du 27 mai 2020 au 15 juillet 2020 elle a été de nouveau placée en arrêt maladie.

Dans l'intervalle, Mme [V] a saisi le 10 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Paris.

Lors de la visite de reprise du 17 juillet 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [V] inapte à son poste de travail et a précisé que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par lettre notifiée le 29 juillet 2020, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable puis à un nouvel entretien préalable fixé au 3 septembre 2020.

Mme [V] a été licenciée pour inaptitude par lettre notifiée le 8 septembre 2020.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [V] avait une ancienneté de 12 ans.

La société Agence people coccinelle occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

La société Agence people coccinelle a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 26 novembre 2020 et d'une liquidation judiciaire par jugement du 5 mars 2021 ; elle est représentée par la société Axyme (SELARL) prise en la personne de Me [U] [O] ès-qualité de liquidateur judiciaire.

Les organes de la procédure collective et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest ont été mis en cause.

Devant le conseil de prud'homme, Mme [V] a finalement formé les demandes suivantes :

« Dire et juger que la résiliation judiciaire introduite par Madame [V] est bien fondée et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner la société PEOPLE à verser à Madame [V] :

- 46 200 € à titre d'indemnités pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- 930,33 € à titre d'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement ;

- 4 200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis complémentaire ;

- 420 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 25 200 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 16 600 € au titre des rappels de salaires sur la période 20/12/2019 au 31/08/2020 ;

- 12 600 € au titre de l'exécution déloyale du contrat ;

- 2 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le licenciement prononcé le 8 septembre 2020 est imputable à la société PEOPLE en sorte qu'il devra nécessairement être déclaré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamner la société PEOPLE à verser à Madame [V] :

- 46 200 € à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- 930,33 € à titre d'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement ;

- 4 200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis complémentaire ;

- 420 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 25 200 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 25 200 € pour non-affiliation à la médecine du travail ;

- 16 600 € au titre des rappels de salaires sur la période 20/12/2019 au 31/08/2020 ;

- 12 600 € au titre de l'exécution déloyale du contrat ;

- 2 500 € au titre de l'article 700 du CPC.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- Condamner la société PEOPLE aux entiers dépens, à l'anatocisme sur la décision à intervenir ;

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Par jugement du 5 novembre 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« - ORDONNE la jonction entre les affaires inscrites sous les numéros de RG 20/02092 et 20/06705 ;

- MET HORS DE CAUSE la SCP ABITBOL ET [K], en la personne de Maître [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU ;

- DIT la résiliation judiciaire du contrat de travail non fondée ;

- DIT le licenciement pour inaptitude fondé ;

- FIXE LA CREANCE de Madame [N] [V] au passif de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU dont la SELARL Agence People Coccinelle en la personne de Maître [U] [O] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA, à la somme suivante :

. 3 878,31 € à titre de rappel de salaire correspondant au maintien de 90 % du salaire ;

. 6 860 € à titre de rappel de salaire pour visites médicales de reprise organisées avec plus de 8 jours de retard ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- DECLARE les créances opposables à l'AGS CGEA dans les limites des articles L. 3253-6 et suivants du Code du travail ;

- DIT que les dépens seront inscrits au titre des créances privilégiées conformément à l'article L. 622-17 du Code de commerce. »

Mme [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 9 décembre 2021.

La constitution d'intimée de l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest a été transmise par voie électronique le 11 janvier 2022.

La constitution d'intimée du liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle a été transmise par voie électronique le 18 janvier 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 9 mai 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 décembre 2021, Mme [V] demande à la cour de :

« DIRE ET JUGER Madame [V] recevable et bien fondée en son appel ;

D'INFIRMER le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

A TITRE PRINCIPAL

DIRE ET JUGER que la résiliation judiciaire est bien fondée

DIRE ET JUGER que la société PEOPLE a manqué à ses obligations relatives au paiement du salaire sur la période du 20/12/2019 au 31/08/2020

EN CONSÉQUENCE condamner la société PEOPLE prise en la personne de la SELARL AXYME mandataire liquidateur à fixer la créance de Madame [V] à :

- 16.600 € au titre des rappels de salaires sur la période 20/12/2019 au 31/08/2020 ;

- 46.200 € à titre d'indemnités pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- 930,33 € à titre d'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement ;

- 4.200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis complémentaire ;

- 420 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 25.200 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 12.600 € au titre de l'exécution déloyale du contrat

- 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC

JUGER les créances opposables à l'AGS CGEA IDF OUEST

A TITRE SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle ni sérieuse :

EN CONSÉQUENCE condamner la société prise en la personne de la SELARL AXYME mandataire liquidateur à fixer la créance de Madame [V] à :

- 16.600 € au titre des rappels de salaires sur la période 20/12/2019 au 31/08/2020

- 46.200 € à titre d'indemnités pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- 930,33 € à titre d'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement ;

- 4.200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis complémentaire ;

- 420 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 25.200 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- 12.600 € au titre de l'exécution déloyale du contrat

- 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC

JUGER les créances opposables à l'AGS CGEA IDF OUEST SOUS TOUTES RESERVES. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 31 mai 2022, l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest demande à la cour de :

« - Confirmer le jugement dont appel ce qu'il a :

Dit la résiliation judiciaire du contrat de travail non fondée ;

Dit le licenciement pour inaptitude fondée ;

Fixé la créance de Mme [N] [V] au passif de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU dont la SELARL Agence People Coccinelle en la personne de Maître [U] [O] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA, à la somme de 3 878,31 € à titre de rappel de salaire correspondant au maintien de 90% du salaire du 21 décembre 2019 au 9 février 2020.

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

Fixé la créance de Madame [N] [V] au passif de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU dont la SELARL Agence People Coccinelle en la personne de Maître [U] [O] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA, à la somme de 6 860,00 € à titre de rappel de salaire pour visites médicales organisées avec plus de 8 jours de retard.

- Débouter Madame [V] de ses demandes, fins et conclusions ;

- Rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant et en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d'être fixées ;

- Donner acte à la concluante des conditions d'intervention de l'AGS dans le cadre des dispositions du code du commerce rappelées ci-dessus, et des conditions, limites et plafonds de la garantie de l'AGS prévus notamment par les articles L. 3253-6 à L. 3253-17, L. 3253,19 à L. 3253-20 du Code du travail ;

- Rejeter toute demande contraire dirigée à l'encontre de l'AGS ;

- Dire en tout état de cause que la décision à intervenir de fixation de créances ne sera opposable à l'AGS que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie légales subsidiaire ;

- Dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultants de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu de l'article L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 31 mai 2022, la société Axyme prise en la personne de Me [U] [O] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en e qu'il a :

- Fixé la créance de Madame [N] [V] au passif de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU dont la SELARL AXYME en la personne de Maître [U] [O] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA, aux sommes suivantes :

6 860,00 € à titre de rappel de salaire pour visites médicales de reprise organisées avec plus de 8 jours de retard.

- Débouté la société AXYME prise en la personne de Maître [U] [O] ès-qualité de Mandataire Judiciaire Liquidateur de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE de ses autres demandes.

CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 5 novembre 2021 en ce qu'il a :

- Dit la résiliation judiciaire du contrat de travail non fondée ;

- Dit le licenciement pour inaptitude fondé ;

- Fixé la créance de Madame [N] [V] au passif de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE SASU dont la SELARL AXYME en la personne de Maître [U] [O] est mandataire liquidateur, et en présence de l'AGS CGEA, à la somme de 3 878,31 € à titre de rappel de salaire correspondant au maintien de 90 % du salaire du 21 décembre 2019 au 9 février 2020.

- Débouté Madame [N] [V] de l'intégralité de ses autres demandes.

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT

DEBOUTER Madame [N] [V] de l'intégralité de ses demandes et de toute demande formée à titre reconventionnel à hauteur de Cour,

CONDAMNER Madame [N] [V] à régler à la société AXYME prise en la personne de Maître [U] [O] ès-qualité de Mandataire Judiciaire Liquidateur de la société AGENCE PEOPLE COCCINELLE la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, s'agissant de la présente procédure devant la Cour d'appel de Paris, Dossier : SELARL AXYME Me [O] ès-qualité de liquidateur de la société Agence PEOPLE COCCINELLE ' AGS CGEA IDF OUEST c/ Mme [N] [V] (CA PARIS)

CONDAMNER Madame [N] [V] aux entiers frais et dépens d'appel. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 28 juin 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la résiliation judiciaire

Mme [V] demande par infirmation du jugement la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Agence people coccinelle.

A l'appui de ses demandes Mme [V] soutient que la société Agence people coccinelle a commis les manquements suivants à ses obligations d'employeur :

- elle a fortement dégradé ses conditions de travail du fait de ses manquements à son obligation de sécurité de diverses façons entre août 2017 et mai 2020 ;

- elle l'a privée de l'accès à la médecine du travail faute d'affiliation entre novembre 2019 et mars 2020 et n'a pas organisé sa visite de reprise conformément à ses obligations ;

- elle l'a privée de sa rémunération pendant plusieurs mois : ainsi l'employeur ne lui a pas versé son salaire du 21 décembre 2019 au 15 juillet 2020 (16 600 €) ;

- au moment où le conseil de prud'hommes a examiné le dossier (28 juillet 2021) les manquements de l'employeur n'avaient aucunement été régularisés puisqu'elle n'a jamais été payée de son salaire ni par l'organisme prévoyance comme elle aurait dû l'être ;

- en ce qui concerne le premier manquement, la dégradation des conditions de travail ayant conduit au burn out, est caractérisée par la surcharge de travail : alors qu'elle était responsable du booking des enfants et comédiens, il lui était demandé d'assurer en plus les fonctions de directrice d'agence (pièces salarié n° 7, 12, 14, 16, 26, 48.7 et 48.15), de gérer les problèmes du site web de l'agence (pièces salarié n° 48.11 et 48.12), de gérer le déménagement (pièces salarié n° 13, 10 et 48.2), de gérer les impayés (pièces salarié n° 48.16), de gérer les fournitures, les différents abonnements et les déménagements (pièces salarié n° 15, 48.8 et 48.10), de gérer les factures des différents matériels (pièces salarié n° 48.9, 48.17 et 48.18), de gérer les autorisations de prise en charge par l'agence des forfaits téléphoniques des salariés (pièces salarié n° 48.13 et 48.19) et de gérer les fiches de paie (pièce salarié n° 48.14) ;

- en ce qui concerne aussi le premier manquement, la dégradation des conditions de travail est caractérisée par les 4 déménagements survenus entre novembre 2015 et septembre 2019, un 5e déménagement étant de surcroît annoncé le 26 novembre 2019 (pièces salarié n° 63) ;

- en ce qui concerne encore le premier manquement, la dégradation des conditions de travail est caractérisée par des conditions de travail anxiogènes générées par les retards de paiement des droits d'images des mannequins et des factures de téléphone (pièces salarié n° 9, 18, 17), par le manque d'argent pour fonctionner normalement (pièce salarié n° 15 et 25), par la confusion née du partage des locaux avec une autre agence VIP models (pièces salarié n° 48.2 et 48.3), par le non remplacement de l'ancienne directrice (pièce salarié n° 48.4), par les problèmes de logiciels et d'informatique, par la perte des courriers liée à l'absence de plaque et de boite aux lettres pour identifier la nouvelle adresse de l'agence (pièce salarié n° 48.5), par l'absence de visibilité de l'activité pour les clients, les mannequins ou les comédiens du fait de l'indisponibilité du site internet (pièce salarié n° 48.6) ;

- cette dégradation de ses conditions de travail a eu des conséquences sur sa santé (pièces salarié n° 2, 22 et 23) que l'employeur connaissait ;

- en ce qui concerne le second manquement relatif à la privation d'accès au médecin du travail et à la visite de reprise, l'entreprise n'était pas affiliée à la médecine du travail, il y a eu des retards dans l'organisation de la visite de reprise du fait de la non-affiliation à la médecine du travail (pièces salarié n° 57 à 59, 24 à 29, 51, 31, 33 à 41) ;

- en ce qui concerne le troisième manquement relatif à la privation de rémunération, outre le fait que l'employeur a transmis avec retard les attestations salariales à la CPAM et que cela a entraîné un retard d'un mois et demi en mai 2020 dans le versement des indemnités journalières de sécurité sociale, l'employeur a surtout manqué à son obligation légale (l'article L.1226-1 et D. 1226-1 et D 1226-2) du code du travail de maintenir 90 % de sa rémunération brute pendant 50 jours et, de surcroît, elle « aurait dû percevoir (...) une prise en charge par son organisme de prévoyance » : enfin, après ses deux arrêts de travail pour maladie du 12 décembre au 9 février 2020 et du 9 avril au 17 mai 2020, l'employeur n'a pas organisé la visite médicale de reprise et ne lui a pas pourtant pas payé son salaire ; elle a ainsi été privée de la somme totale de 16 600 € du 21 décembre 2019 au 15 juillet 2020 dont le détail figure dans le tableau pages 37 et 38 de ses conclusions (764,89 € + 2 384,51 € + 728,91 € au titre des 50 jours à 90 % ; 8 180 € au titre du salaire dû du 10 février 2020 au 8 avril 2020 ; 2 591,55 € + 690,51 €au titre des 80 % ; 1 260 € au titre du salaire dû du 18 au 27 mai 2020).

Le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande de résiliation judiciaire et soutiennent que :

- le moyen tiré de la surcharge de travail est mal fondé dès lors qu'il n'est pas demandé d'heures supplémentaires ;

- il ne lui a pas été confié de fonction de directrice d'agence à la suite du départ de la directrice Mme [W] en septembre 2019 ; à la suite de ce départ, Mme [V] n'a pas « géré » sa boite mail contrairement à ce qu'elle prétend : elle n'a fait que transférer les mails de Mme [W] à la directrice des opérations, Mme [T] (pièce adverse n° 48.4) ;

- elle dirigeait simplement trois collaborateurs comme le lui rappelle l'employeur dans son mail du 2 août 2019 (pièce salarié n° 7) ; d'ailleurs Mme [V] a refusé de traiter les demandes de son employeur qui ressortaient des fonctions de l'ancienne directrice (pièces salarié n° 14 et 16) ; quand les demandes étaient étrangères à ses fonctions elle se contentait de les « répercuter à d'autres salariés de l'agence » (pièces salarié n° 48.7, 48.15, 48.11 et 48.12) ; dans les autres cas, il s'agissait de mails sporadiques (pièces salarié n° 15, 48.8, 48.10, 48.9, 48.17, 48.18, 48.13, 48.19 et 48.14) ou alors elle était simplement informée (pièces salarié n° 10, 13, 48.20, 48.21, 48.2, 48.16) ;

- le moyen tiré des déménagements est mal fondé : l'employeur a seulement exercé son pouvoir de direction sans commettre de faute justifiant une résiliation judiciaire ;

- le moyen tiré des conditions de travail anxiogènes est mal fondé : les faits en cause sont des aléas possibles dans la vie d'une entreprise et ils concernent tous les salariés et pas seulement Mme [V] ; ils ne caractérisent pas de faute justifiant une résiliation judiciaire ;

- en ce qui concerne le moyen tiré de la privation d'accès au médecin du travail et à la visite de reprise, suite à la demande de Mme [V] d'organiser une visite de reprise auprès du médecin du travail, l'employeur lui a répondu par mail du 13 février 2020 (pièce salarié n° 26) « « Pour ce qui est de ta visite médicale de reprise, je m'en charge évidemment mais j'observe que ton arrêt de travail a cessé et que tu ne t'aies pas présenté sur ton lieu de travail depuis le 10 février, sans raison et sans m'en aviser » ; non seulement Mme [V] n'a pas repris son travail à l'issue de son arrêt maladie et de surcroît, l'employeur a immédiatement pris l'initiative de mettre en place cette visite de reprise (pièces salarié n° 28, 29, 30) ; la médecine du travail a mis un certain temps à organiser la visite médicale de reprise et en plus le rendez-vous fixé à cet effet le 20 mars 2020 (pièce salarié n° 36) a été annulé en raison de la covid ;

- par mail du 14 mai 2020 Mme [V] a demandé l'organisation d'une visite de reprise et l'employeur a immédiatement entrepris les démarches auprès de la médecine du travail (pièce salarié n° 37) ; la visite médicale de reprise a eu lieu le 26 mai 2020 (pièce salarié n° 39) et Mme [V] a été placée en arrêt de travail pour maladie le lendemain ;

- en ce qui concerne le moyen tiré de la privation de rémunération, pour la période du 10 février au 8 avril 2020, et celle du 18 au 26 mai 2020, Mme [V] réclame le paiement de son salaire à 100% soit les sommes de 8 180 € et de 1 260 € au motif du défaut d'organisation de la visite de reprise ; or la convocation à la visite de reprise lui est parvenue le 9 mars 2020 pour une visite prévue le 20 mars 2020 annulée par la médecine du travail en raison de la covid ; Mme [V] ne prouve pas que le retard dans l'organisation de la visite résulte d'une faute de la part de l'employeur ; aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur en mai 2020 du fait de l'organisation de la visite médicale de reprise le 26 mai 2020 ;

- pour les périodes du 9 avril 2020 au 17 mai 2020 (39 jours) et du 27 mai 2020 au 15 juillet 2020, le contrat prévoyance prévoit une prise en charge à hauteur de 80% du salaire ; les sommes réclamées sont dues par l'organisme de prévoyance et non par l'employeur ; le moyen de ce chef est donc mal fondé ;

- l'employeur ne reste finalement redevable que de la somme de 3 878,31 € correspondant au maintien de salaire à 90% du 21 décembre 2019 au 9 février 2020 ; ce n'est pas sciemment que cette somme n'a pas été versée par l'employeur mais cela procède d'une erreur de sa part ; aucune attitude fautive ne saurait être caractérisée de ce simple fait ;

- en conclusion, les manquements allégués ne sont pas établis et en tout état de cause sont insuffisamment graves, pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [V].

Il est de droit bien établi que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent ; que les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Mme [V] apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société Agence people coccinelle relativement au non versement de la somme de 3 878,31 € correspondant au maintien de salaire à 90% du 21 décembre 2019 au 9 février 2020.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres manquements allégués par Mme [V], la cour retient que le non versement de la somme de 3 878,31 € correspondant au maintien de salaire à 90% du 21 décembre 2019 au 9 février 2020 est un manquement du fait que l'obligation première d'un employeur est de verser les salaires dus même s'il s'agit des salaire dus au titre des dispositions des articles L.1226-1, D. 1226-1 et D. 1226-2 du code du travail ; la cour retient aussi que ce manquement est d'une gravité telle qu'il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail au motif que ne pas verser les salaires dus à un salarié le prive des revenus qu'il tire de son travail et qui sont nécessaires à la satisfaction de ses besoins primaires (logement, nourriture etc.) ; en l'espèce ne pas avoir versé la somme de 3 878,31 € due pour la période du 21 décembre 2019 au 9 février 2020 a privé Mme [V] des moyens de subvenir à ses besoins par les revenus de son travail, ce qui caractérise amplement la gravité du manquement.

C'est donc en vain que la société Agence people coccinelle soutient que ce n'est pas sciemment que cette somme n'a pas été versée par l'employeur, que cela procède d'une erreur de sa part et qu'aucune attitude fautive ne saurait être caractérisée de ce simple fait ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que ne pas verser les salaires est une faute engageant la responsabilité de l'employeur et dont il ne peut s'exonérer en alléguant une erreur de sa part.

La cour retient donc que la société Agence people coccinelle a manqué gravement à ses obligations d'employeur à l'égard de Mme [V].

En conséquence, la cour juge que la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur de Mme [V] est bien fondée, et que la rupture du contrat de travail de

Mme [V], imputable à la société Agence people coccinelle, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour dit que la date d'effet de la résiliation judiciaire est fixée au 8 septembre 2020, date du licenciement.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [V], fixe la date d'effet de la résiliation judiciaire au 8 septembre 2020 et dit que la rupture du contrat de travail de Mme [V], imputable à la société Agence people coccinelle, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [V] demande par infirmation du jugement la somme de 46 200 € (11 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 12 ans entre 3 et 11 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [V] doit être évaluée à la somme de 40 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [V] au passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Mme [V] demande la somme de 25 200 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ; le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande notamment parce que Mme [V] ne démontre pas le préjudice qu'elle a subi.

La cour constate que le moyen de Mme [V] est formulé comme suit :

« 2°) Sur l'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité

Dans le cas soumis à l'appréciation de la Cour, il est incontestable que :

' La société a manqué à son obligation de sécurité en surmenant Madame [V] et en entraînant une dégradation de sa santé ;

' La société a manqué à son obligation de sécurité en ne s'affiliant pas à la médecine du travail et en s'abstenant d'organiser la visite de reprise de la salariée dans le délai légal.

' La société a manqué à son obligation de payer la rémunération due à la salariée durant son arrêt maladie en la plaçant dans une situation financière très compliquée, dans ce contexte, il est pour le moins justifié que Madame [V] présente une demande indemnitaire à hauteur de 25.200 € au titre du manquement à l'obligation de sécurité. »

Sans qu'il soit besoin d'examiner le fait générateur de responsabilité, il résulte de l'examen des moyens débattus que Mme [V] n'articule dans ses conclusions aucun moyen permettant de caractériser le préjudice découlant, selon elle, du manquement à l'obligation de sécurité, ni dans son principe, ni dans son quantum ; dans ces conditions, le moyen de ce chef est donc rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le rappel de salaire

Mme [V] demande par infirmation du jugement 16 600 € au titre des rappels de salaire ; le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest demandent la confirmation du jugement.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [V] est bien fondée à demander la somme de 3 878,31 € correspondant au maintien de salaire à 90% du 21 décembre 2019 au 9 février 2020 ; en revanche Mme [V] est mal fondée pour le surplus de ses demandes de rappels de salaire.

En effet Mme [V] est mal fondée à demander le paiement des sommes dues au titre de la prévoyance qui sont dues par l'organisme de prévoyance et non par l'employeur sauf à lui imputer une faute à l'origine du défaut de paiement des sommes dues par l'organisme de prévoyance, ce que Mme [V] ne démontre ni même ne soutient.

C'est donc en vain que Mme [V] soutient que « l'employeur qui est tenu d'appliquer le régime de protection sociale complémentaire est responsable de la bonne exécution de son obligation en sorte que lorsque l'organisme de prévoyance ne verse pas au salarié ce qui lui est dû, il est condamné à verser au salarié le montant qui aurait dû lui être versé à titre de dommages et intérêts ».

Enfin, Mme [V] est aussi mal fondée à demander les salaires correspondant aux périodes pour la période du 10 février au 8 avril 2020, et celle du 18 au 26 mai 2020 au motif du défaut d'organisation de la visite de reprise ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que, suite à la demande de Mme [V] d'organiser une visite de reprise, l'employeur lui a répondu par courrier électronique du 13 février 2020 (pièce salarié n° 26) « « Pour ce qui est de ta visite médicale de reprise, je m'en charge évidemment mais j'observe que ton arrêt de travail a cessé et que tu ne t'aies pas présenté sur ton lieu de travail depuis le 10 février, sans raison et sans m'en aviser », que Mme [V] n'a pas repris son travail le 10 février 2020 à l'issue de son arrêt maladie, que l'employeur a immédiatement pris l'initiative de mettre en place cette visite de reprise (pièces salarié n° 28, 29, 30), que la médecine du travail a mis un certain temps à organiser la visite médicale de reprise et qu'en plus le rendez-vous fixé à cet effet le 20 mars 2020 a été annulé en raison de la covid en sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Agence people coccinelle dans l'organisation de cette visite médicale de reprise étant précisé que l'affiliation ayant été ré-obtenue dés le début février 2020, le délai de convocation à la visite médicale de reprise ne résulte que de l'organisation du service de médecine du travail ; qu'il en est de même pour la période du 18 au 26 mai 2020 comme cela ressort du fait que Mme [V] a demandé l'organisation d'une visite de reprise par courrier électronique du 14 mai 2020, que l'employeur a immédiatement entrepris les démarches auprès de la médecine du travail, et que la visite médicale de reprise a eu lieu le 26 mai 2020.

Et c'est en vain que Mme [V] soutient que dès lors que le salarié se tient à la disposition de son employeur pour qu'il soit procédé à la visite de reprise, ce dernier doit, durant la période d'attente de la visite de reprise, procéder au paiement du salaire intégralement ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que Mme [V] ne démontre pas qu'elle s'est tenue à la disposition de la société Agence people coccinelle, ce qui est de surcroît contredit par le courrier électronique de 13 février 2020 (pièce salarié n° 26).

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a fixé la créance de Mme [V] au passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 3 878,31 € à titre de rappel de salaire correspondant au maintien de 90 % du salaire.

Le jugement déféré est en revanche infirmé en ce qu'il a fixé la créance de Mme [V] au passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 6 860 € à titre de rappel de salaire pour visite médicale de reprise organisée avec plus de 8 jours de retard, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Mme [V] du surplus de sa demande de rappel de salaire.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [V] demande par infirmation du jugement la somme de 4 200 € au titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ; le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande.

La cour constate que la convention collective des agences de mannequins du 22 juin 2004 ne comporte pas de dispositions prévoyant que la durée du préavis pour les cadres est de 3 mois.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [V] est mal fondée dans son moyen tiré du délai de préavis de 3 mois, au motif qu'en l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles fixant la durée de préavis à 3 mois, il appartient à Mme [V] d'invoquer et de démontrer, le cas échéant, l'existence de l'usage de reconnaître aux cadres le droit à un préavis de 3 mois, ou l'existence d'une pratique locale dans le secteur d'activité professionnel dont elle relève ou d'une pratique établie au sein de la société Agence people coccinelle, consistant à faire bénéficier les cadres d'un préavis de 3 mois qui répond aux critères de constance, de généralité et de fixité ; en l'espèce, Mme [V] ne démontre ni n'invoque un tel usage.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande formée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'indemnité de licenciement

Mme [V] demande par infirmation du jugement la somme de 933,33 € au titre du complément de l'indemnité de licenciement ; le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande.

La cour constate que Mme [V] détaille son calcul en retenant 3 mois de préavis et la somme de 13 300 € qu'elle a déjà perçue au titre de l'indemnité de licenciement.

Il est constant que le salaire de référence s'élève à 4 200 € par mois.

Il est constant qu'à la date de la rupture du contrat de travail, Mme [V] avait une ancienneté de 12 ans ; l'indemnité légale de licenciement doit donc lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et sur la base d'un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans (Art. R. 1234-1 et suivants du code du travail) ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l'indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l'indemnité, l'ancienneté prise en considération s'apprécie à la date de fin du préavis ; l'indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 13 533,38 € calculée selon la formule suivante : [10 ans x 1/4 x salaire] + [(2 ans + 2/12)] x 1/3 x salaire].

La cour retient que Mme [V] est bien fondée à hauteur de 233,38 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [V] au passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 233,38 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [V] demande par infirmation du jugement la somme de 12 600 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; Mme [V] soutient qu'elle a été contrainte de demander de l'aide à ses proches pour vivre puisqu'elle a dû se contenter de 6.529,50 € brut pour vivre durant 7 mois (soit une moyenne de 932 € par mois) au lieu et place des 25.582 € qui lui étaient dus entre décembre 2019 et juillet 2020.

Le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle et l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest s'opposent à cette demande au motif que le fait générateur de responsabilité n'est pas démontré pas plus que le préjudice.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Mme [V] apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir l'exécution fautive de son contrat de travail, alléguée à l'encontre de la société Agence people coccinelle ; en effet il est suffisamment prouvé par Mme [V] que la société Agence people coccinelle ne lui a pas versé les salaires dus pendant son arrêt de travail pour maladie.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par Mme [V] du chef de l'exécution fautive de son contrat de travail doit être évaluée à la somme de 1 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et statuant à nouveau de ce chef, la cour fixe la créance de Mme [V] sur le passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les autres demandes

La cour condamne le liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a fixé la créance de Mme [V] au passif de la société Agence people coccinelle à la somme de 3 878,31 € au titre du rappel de salaire correspondant au maintien de 90 % du salaire et en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes relatives à :

- l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

- les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [V] ;

Fixe au 8 septembre 2020 la date d'effet de la résiliation judiciaire ;

Dit et juge que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe la créance de Mme [V] sur le passif de la société Agence people coccinelle, représentée par la SELARL Axyme prise en la personne de Maître [U] [O] aux sommes de :

- 40 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 233,38 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

Déclare le présent arrêt commun à l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest ;

Dit que les sommes allouées à Mme [V] seront garanties par l'Unedic délégation AGS, CGEA d'Île-de-France Ouest dans les limites légales du plafond applicable à la date de la rupture ;

Déboute Mme [V] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SELARL Axyme prise en la personne de Maître [U] [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence people coccinelle aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/10380
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.10380 ?
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