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28/06/2023 | FRANCE | N°21/07475

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 28 juin 2023, 21/07475


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° 095/2023, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/07475 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQMY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre - 3ème section - RG n° 19/05089





APPELANTE



S.A.R.L. MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R

Société au capital de 200

000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'EPINAL sous le numéro 313 621 971

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 095/2023, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/07475 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQMY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre - 3ème section - RG n° 19/05089

APPELANTE

S.A.R.L. MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R

Société au capital de 200 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'EPINAL sous le numéro 313 621 971

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me Etienne MANGEOT, avocat au barreau de NANCY, toque : 037

INTIMEE

S.A.S.U. WIN'OVATIO

Société au capital de 2 400 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'AVIGNON sous le numéro 813 096 930

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier LEBRASSEUR de la SELARL MOUREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0293

Assistée de Me Nicolas VOLPI du cabinet DENIS REBUFAT & Associés, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R, exerçant sous le nom commercial «MUNIER COLUMBARIUMS», est spécialisée dans la conception et l'installation de monuments funéraires et en particulier de columbariums ainsi que dans l'aménagement d'espaces cinéraires.

Elle expose avoir acquis depuis sa création, en 1920, une expérience et un savoir-faire technique et commercial reconnus dans son secteur d'activité et auprès d'une clientèle ciblée de collectivités territoriales, au prix d'investissements humains et financiers importants, aux fins de développement de produits originaux et d'une politique commerciale soutenue.

Elle expose être titulaire de différents modèles de columbariums, dont ceux de la collection «FLORACUBE», soit:

- un modèle français « FLORACUBE », initialement dénommé « DOMINO », enregistré à l'INPI le 5 juillet 1999 pour une durée de 25 ans sous le n°994332-002 par M. [R] [Z], avant de faire l'objet d'une cession au profit de la société MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R. selon plan de cession signé devant Maître [B] [W], notaire à [Localité 6], le 23 mai 2000, publié au registre national des dessins et modèles le 28 août 2000 ;

- un modèle communautaire enregistré à l'EUIPO le 8 décembre 2008 sous le n° 001052369-0002 en tant que monument funéraire.

Le 6 mars 2017, la commune de [Localité 5], située dans le département du Var, a lancé un appel d'offres afin de compléter l'espace cinéraire existant du «cimetière 2» par l'acquisition et la pose de columbariums, les columbariums fournis devant s'intégrer dans l'environnement de ce cimetière et avoir une esthétique harmonieuse avec les columbariums de type «Floracube 3 niveaux» installés par la société MUNIER COLUMBARIUMS en 2012.

La société MUNIER COLOMBARIUMS a répondu à cet appel d'offres mais a été informée, le 6 avril 2017, que la société WIN'OVATIO avait été retenue comme attributaire du marché par la commune de [Localité 5].

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 19 avril 2017, la société MUNIER COLOMBARIUMS a appelé l'attention de la commune de [Localité 5] et de la société WIN'OVATIO sur une éventuelle atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

La société WIN'OVATIO, par l'intermédiaire de son conseil, a répondu par fax du 27 avril 2017, en contestant toute atteinte aux droits de la société MUNIER COLOMBARIUMS et remettant en cause la validité du modèle « FLORACUBE ».

Estimant que la société WIN'OVATIO avait procédé à la pose de trois monuments reproduisant les caractéristiques du modèle protégé «FLORACUBE» dans le cimetière 2 de la commune de [Localité 5], la société MUNIER COLOMBARIUMS a, le 30 octobre 2017, mis en demeure la société WIN'OVATIO de :

- s'engager à ne plus proposer à la vente, fabriquer, ou commercialiser et/ou installer, directement ou indirectement, de columbariums reproduisant, en tout ou partie, le modèle protégé «FLORACUBE» ;

- lui transmettre un récapitulatif certifié du nombre de columbariums litigieux vendus, ainsi que du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de l'exploitation du produit argué contrefaisant ;

- lui verser la somme de 14 628.55 euros au titre du préjudice subi.

La société WIN'OVATIO ayant refusé par fax du 22 novembre 2017 de faire droit à ses demandes, la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R l'a, par acte du 12 mars 2018, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon de son modèle communautaire.

Par ordonnance du 14 janvier 2019, le juge de la mise en état de ce tribunal a fait droit à l'exception d'incompétence soutenue par la société WIN'OVATIO et a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Paris.

Dans un jugement rendu le 29 janvier 2021 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la SAS WIN'OVATIO de ses demandes en nullité des modèles communautaire n°001052369-0002 et français n°994332-002 dont est titulaire la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R,

- débouté la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R de son action en contrefaçon du modèle communautaire n° 001052369-0002,

- condamné la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R à payer à la SAS WIN'OVATIO la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R aux dépens.

Le 16 avril 2021, la société MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et signifiées par RPVA le 21 janvier 2022, la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R demande à la cour de :

Vu les articles L. 511-1 et suivants, L. 513-4, L. 513-5, L. 521-1 et L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle,

- déclarer l'appel formé par la société MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R. à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021, recevable, régulier et bien fondé,

- dire et juger qu'en fabriquant et commercialisant des columbariums reproduisant le modèle n°001052369-0002 déposé à l'OHMI le 08.12.2008, la société WIN'OVATIO a commis des actes de contrefaçon de modèle au préjudice de la société MUNIER COLUMBARIUMS,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021 en ce qu'il déboute la SAS WIN'OVATIO de ses demandes en nullité des modèles communautaire n°001052369-0002 et français n°994332-002 dont est titulaire la SAS MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021 en ce qu'il déboute la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R de son action en contrefaçon du modèle communautaire n° 001052369-0002,

- ordonner la destruction immédiate et ce sous astreinte définitive de 1 000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de toute documentation publicitaire, commerciale ou administrative faisant apparaître les modèles de columbariums contrefaisants,

- interdire à la société WIN'OVATIO la promotion, la fabrication, la détention, la commercialisation et l'installation de tout columbarium contrefaisant le modèle protégé de la société demanderesse et ce sous astreinte définitive de 5 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux périodiques au choix de la société MUNIER COLUMBARIUMS et aux frais de l'intimée,

- condamner la défenderesse à payer à la société MUNIER COLUMBARIUMS la somme de 14 628.55 € HT à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par l'appelante du fait de l'exploitation des modèles contrefaisants,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant tout recours et sans constitution de garantie,

- condamner la société WIN'OVATIO au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de la procédure.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 4 novembre 2021, la société WIN'OVATIO demande à la cour de :

Vu les articles L. 111-1 et L.511-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021 en ce qu'il déboute la SAS WIN'OVATIO de ses demandes en nullité des modèles communautaire n°001052369-0002 et français n°994332-002 dont est titulaire la SAS MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R ;

Et statuant à nouveau

- prononcer la nullité des modèles de columbariums « DOMINO » enregistré à l'INPI sous le numéro de dossier 994332 et « X » enregistré à l'OHMI sous le numéro de dossier de DMC 001052369-0002 ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris le 29 janvier 2021 en ce qu'il déboute la SAS MARBRERIE FUNÉRAIRE MUNIER R de son action en contrefaçon du modèle communautaire n° 001052369-0002 ;

- débouter la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER de l'intégralité de ses demandes formées contre la société WIN'OVATIO ;

- condamner la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER à payer à la société WIN'OVATIO la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la validité des modèles français et communautaires

La société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R soutient la validité de ses deux modèles retenant que le critère de nouveauté n'est pas contesté ; que le caractère individuel du modèle communautaire ressort de sa composition dont l'agencement est caractérisé en ce que les cubes sont disposés entre deux plaques de granit, avec des plaques de fermetures placées à 45 degrés, en alternance de couleur, avec des portes en granite noir d'Afrique sur un corps de granit rose poli, ainsi que la disposition des cubes sur trois étages séparés par une plaque de granit, les plaques de fermetures étant placées à 45 degrés en alternance par étage, de sorte que par le jeu de couleurs différentes des granits utilisés, le monument présente une apparence d'ensemble reconnaissable et unique, et le fait que chaque étage compte un cube de moins que l'étage inférieur inscrit ce monument dans une forme trapézoïdale ; qu'aucune antériorité n'est produite détruisant le caractère individuel des modèles.

La société WIN'OVATIO soutient que les modèles sont dépourvus d'originalité ; que leurs particularités invoquées sont exactement les mêmes que celles du modèle «COLYSEE» relevées par la cour d'appel de Nancy dans une instance distincte, mise à part la forme octogonale (et non rectangulaire) des plateaux séparant les différents niveaux ; que ces modèles utilisent des formes géométriques banales, à savoir des plateaux rectangulaires, et des faces, les unes claires et les autres foncées, de formes rectangulaires et carrées, qui font partie du domaine public ; que les particularités mineures et dictées par des exigences fonctionnelles ne permettent pas de se prévaloir d'un effort de création, et ne sont dès lors pas éligibles à la protection au titre des dessins et modèles ; que la nature et la couleur du matériau employé, soit le granite de différents coloris, sont également banales.

La cour rappelle que l'article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d'un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel et qu'à défaut en application de l'article 25, il encourt la nullité, qui en vertu de l'article 24, peut-être sollicitée reconventionnellement dans le cadre d'une action en contrefaçon. Puis, en application des articles 5 § 1 b) et § 2 du même règlement, un dessin ou modèle communautaire est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée et des dessins et modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne différent que par des détails insignifiants. Et selon son article 6, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin qui a été divulgué au public, dans le cas d'un dessin ou modèle enregistré, avant le dépôt de la demande d'enregistrement et pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle.

En outre, en vertu de l'article L.512-4 du code de la propriété intellectuelle, «L'enregistrement d'un dessin ou modèle est déclaré nul par décision de justice :

a) S'il n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 ;(...)

d) S'il porte atteinte au droit d'auteur d'un tiers ; (...)».

En outre, aux termes de l'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.

Par ailleurs, la nouveauté d'un dessin ou modèle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément. Seule l'identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté, et il appartient à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose.

L'examen du caractère individuel, quant à lui, doit être effectué de manière globale, en tenant compte du degré d'attention de l'utilisateur averti, se définissant comme doté non d'une attention moyenne, mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, de l'importance respective qu'il y a lieu d'accorder aux différentes caractéristiques des dessins ou modèles comparés et, enfin, du degré de liberté du créateur qui varie selon la nature du produit.

S'agissant du modèle communautaire N° 001052369-0002

La société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R justifie de ce que ce modèle a fait l'objet d'un dépôt à l'EUIPO le 8 décembre 2008 pour les monuments funéraires.

Pour contester la validité de ce modèle, la société WIN'OVATIO se fonde essentiellement sur une précédente décision de justice ayant annulé un modèle «Colysée» déposé par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, qui, selon elle présenterait les mêmes particularités que les modèles en cause. Cependant, faute de produire toute représentation du modèle concerné par la précédente décision de justice, la société WIN'OVATIO ne met pas en mesure la cour de procéder à la comparaison requise pour apprécier le défaut de validité allégué.

Par ailleurs, la société WIN'OVATIO se contente de se référer en termes généraux à la banalité du modèle communautaire déposé, mais n'oppose aucune antériorité ayant divulgué, avant le dépôt intervenu le 8 décembre 2008, les caractéristiques dudit modèle et produisant une impression identique.

En outre, comme l'a relevé le tribunal, la contrainte technique qui résulte de la nécessité, dans un columbarium, de pouvoir abriter plusieurs sépultures et de permettre leur fleurissement n'implique pas que le modèle communautaire opposé soit exclusivement dicté par des considérations techniques puisque l'agencement (nombre d'étages et de cases, angle des plaques de fermeture) et les matériaux utilisés résultent de choix opérés par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, indépendamment des caractéristiques fonctionnelles attendues d'un tel monument cinéraire, donnant à ce modèle un caractère individuel.

En conséquence, il convient de débouter la société WIN'OVATIO de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du modèle communautaire N° 001052369-0002, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

S'agissant du modèle français N°994332-002

Pour contester la validité de ce modèle qui n'est au demeurant pas opposé par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R dans le cadre de la présente instance, la société WIN'OVATIO invoque la même argumentation que celle opposée contre le modèle communautaire.

Ainsi, la société WIN'OVATIO se fonde essentiellement sur une précédente décision de justice ayant annulé un modèle «Colysée» déposé par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, qui, selon elle présenterait les mêmes particularités que le modèle en cause. Cependant, faute de produire toute représentation des modèles revendiqués comme antérieurs, la société WIN'OVATIO ne met pas en mesure la cour de procéder à la comparaison requise pour apprécier le défaut de validité allégué.

Par ailleurs, la société WIN'OVATIO se contente de se référer en termes généraux à la banalité du modèle français, mais n'oppose aucune antériorité ayant divulgué, avant le dépôt intervenu le 5 juillet 1999, les caractéristiques du dudit modèle et produisant une impression identique.

En outre, la contrainte technique qui résulte de la nécessité, dans un columbarium, de pouvoir abriter plusieurs sépultures et de permettre leur fleurissement n'implique pas que le modèle français soit exclusivement dicté par des considérations techniques puisque l'agencement (nombre d'étages et de cases, angle des plaques de fermeture) et les matériaux utilisés résultent de choix opérés par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, indépendamment des caractéristiques fonctionnelles attendues d'un tel monument cinéraire, donnant à ce modèle un caractère propre.

Il convient en conséquence de débouter la société WIN'OVATIO de sa demande de nullité du modèle français N°994332-002 dont est titulaire la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon de modèle communautaire

La société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R soutient que la contrefaçon résulte de la comparaison entre son modèle avec l'un des trois columbariums installés par la société WIN'OVATIO à [Localité 5]; que les deux monuments sont constitués d'une superposition de plateaux rectangulaires ; que chaque plateau est plus petit que celui situé en dessous ; que chaque plateau supporte des cases disposées en biais dans une alternance de matériaux de couleurs noire et rose ; que le nombre de plateaux est identique ; que la disposition des couleurs sur les faces et la forme générale le sont aussi ; que les deux monuments ont la même forme; que sur les quatre différences relevées par les juges de première instance, une seule est avérée, soit le nombre de cases ; qu'au regard de la jurisprudence, cela ne saurait constituer une différence suffisante susceptible de susciter une impression visuelle d'ensemble différente chez l'observateur averti puisque les caractéristiques essentielles du modèle «FLORACUBE» sont toutes reprises par le monument litigieux.

La société WIN'OVATIO soutient que les modèles sont différents; que le modèle revendiqué est composé de quatre parallélépipèdes rectangles disposés en biais sur lesquels est posé un plateau rectangulaire de même taille accueillant, lui, trois parallélépipèdes rectangles disposés en biais, sur ces trois parallélépipèdes rectangles est posé un plateau rectangulaire plus petit accueillant, lui, deux parallélépipèdes rectangles disposés en biais, sur ces deux parallélépipèdes rectangles est finalement posé un plateau encore plus petit que le précédent, chaque plateau est de granite de couleur noire, générant une forme de trapèze; que son modèle est différent en ce qu'il est composé d'une base de granite rose sur laquelle est posé un plateau rectangulaire accueillant trois cubes disposés en biais sur lesquels est posé un plateau rectangulaire de même taille accueillant, lui, deux cubes disposés en biais, sur ces deux cubes est finalement posé un plateau encore plus petit que le précédent, chaque plateau est de granite de couleur noire et les cubes ont, de manière alternée, une face noire et une face rose, l'ensemble du columbarium ayant la forme d'une pyramide ; que les seules ressemblances portent sur le choix des matériaux et des couleurs et leurs dispositions ne suffisent pas à engendrer une impression d'ensemble de nature à conduire l'utilisateur averti à croire qu'il s'agit d'un columbarium commercialisé par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R.

En vertu de l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, « Toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.»

À titre liminaire, la cour constate que les columbariums installés initialement dans le cimetière de Lorgues par la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R ne sont pas identiques au modèle communautaire revendiqué, de sorte que la cohérence esthétique exigée par la commune de [Localité 5] dans son appel d'offre pour compléter son espace cinéraire ne peut caractériser la contrefaçon invoquée.

Il résulte de la comparaison du modèle communautaire tel que déposé avec les trois columbariums installés dans le cimetière de [Localité 5] par la société WIN'OVATIO qu'ils ont en commun une superposition de quatre plateaux rectangulaires, chaque plateau des étages étant plus petit que le plateau situé en dessous, chaque étage comportant des cases insérées en biais, dans une alternance de matériaux de couleur gris/noire et rose.

Cependant, ni le nombre, ni la forme des cases, ni la disposition des couleurs sur les façades des cases ne sont identiques. En outre, la forme générale du monument incriminé, en ce qu'il présente une forme de type pyramide ramassée, diffère du modèle opposé qui présente une forme trapézoïdale plus allongée et étendue. De telles dissemblances ne constituent pas des différences de détail mais génèrent chez l'observateur averti, soit essentiellement le professionnel concevant et vendant ces produits et les communes ayant la gestion des cimetières, une impression visuelle d'ensemble qui diffère nettement de celle produite par le modèle communautaire dont est titulaire la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, qui doit être déboutée de ses demandes subséquentes en contrefaçon ainsi que des demandes en réparation formulées en conséquence.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R à verser à la société WIN'OVATIO une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R aux dépens d'appel,

Condamne la société MARBRERIE FUNERAIRE MUNIER R à verser à la société WIN'OVATIO une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/07475
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.07475 ?
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