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28/06/2023 | FRANCE | N°21/07287

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 28 juin 2023, 21/07287


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° 2023/ , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07287 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGSF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/05563





APPELANTE



Madame [O] [H] [P]

[Adresse 4]

[Localit

é 3]



Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE



Société COLLECTORS UNIVERSE INC

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Guillaume DESMOULIN...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07287 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEGSF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/05563

APPELANTE

Madame [O] [H] [P]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Société COLLECTORS UNIVERSE INC

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume DESMOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, en double rapporteur, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, et Monsieur Stéphane THERME, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La société Collectors universe est une société d'expertise de pièces de monnaies et de vente de pièces de collection. Son siège social est situé aux États-Unis et elle dispose d'une établissement en France, situé à [Localité 5] ([Localité 5]).

Mme [O] [H] [P], née en 1976, a réalisé à compter de février 2017 des prestations de service pour la société Collectors universe portant sur une mission d'«'opération manager Europe'».

Le 30 septembre 2019, la société a mis fin à ses relations avec Mme [H] [P].

Ses factures ont été réglées jusqu'au 30 septembre 2019.

La société Collectors universe occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

La société applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques (SYNTEC).

Le 17 juillet 2020, Mme [H] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir :

- Requalifier la prestation de service en contrat de travail et

- Dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (4 mois de salaire) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 800 euros nets de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 125 heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 324,55 heures supplémentaires pour l'année 2018 ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 201 heures supplémentaires pour l'année 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.978,75 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 297,88 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 9.356,78 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2018 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 935,68 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.789,85 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 478,99 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.830 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre 483 euros de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 483 euros au titre des primes de vacances non versées du 1er novembre 2017 jusqu'à la fin du contrat de travail de Madame [H] [P] ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier de nuit ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier le dimanche ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 5.058 euros nets au titre de l'indemnité pour non-respect de l'obligation de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 505,80 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (6 mois de salaire) pour dissimulation d'activité salarié ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 10.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation et d'adaptation ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et abusif ;

- Ordonner la remise de l'attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte ;

- Assortir ces remises d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

- Ordonner l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Collectors universe INC aux entiers dépens. »

Par jugement du 26 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

«'Déboute Madame [O] [H] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute la société Collectors Unverse INC de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'»

Mme [H] [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 17 août 2021.

La constitution d'intimée de la société Collectors universe a été transmise par voie électronique le 14 octobre 2021.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 27 octobre 2021, Mme [H] [P] demande à la cour de

«'- Réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] [P] de l'intégralité de ses demandes à savoir :

- Ordonner la requalification du contrat de prestation de service de Madame [H]-[P] en contrat de travail ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail de Madame [H]-[P] par la société Collectors universe INC est un licenciement ;

- Dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (4 mois de salaire) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 800 euros nets de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Dire et juger que Madame [H]-[P] a réalisé 125 heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Dire et juger que Madame [H]-[P] a réalisé 324,55 heures supplémentaires pour l'année 2018 ;

- Dire et juger que Madame [H]-[P] a réalisé 201 heures supplémentaires pour l'année 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.978,75 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 297,88 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 9.356,78 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2018 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 935,68 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.789,85 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 478,99 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.830 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre 483 euros de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 515,20 euros au titre des primes de vacances non versées du 1er novembre 2017 jusqu'à la fin du contrat de travail de Madame [H] [P] ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier de nuit ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier le dimanche ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 5.058 euros nets au titre de l'indemnité pour non-respect de l'obligation de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 505,80 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (6 mois de salaire) pour dissimulation d'activité salarié ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 10.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation et d'adaptation ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et abusif ;

- Ordonner la remise de l'attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte ;

- Assortir ces remises d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

- Ordonner l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Collectors universe INC aux entiers dépens.

En conséquence et statuant de nouveau :

- Ordonner la requalification du contrat de prestation de service de Madame [H]-[P] en contrat de travail ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail de Madame [H]-[P] par la société Collectors universe INC est un licenciement ;

- Dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (4 mois de salaire) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets (2 mois de salaire) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 800 euros nets de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 125 heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 324,55 heures supplémentaires pour l'année 2018 ;

- Dire et juger que Mme [H]-[P] a réalisé 201 heures supplémentaires pour l'année 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.978,75 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 297,88 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 9.356,78 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2018 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 935,68 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.789,85 euros nets au titre du rappel d'heures supplémentaires réalisées en 2019 ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 478,99 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.830 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre 483 euros de congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 515,20 euros au titre des primes de vacances non versées du 1er novembre 2017 jusqu'à la fin du contrat de travail de Mme [H] [P] ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier de nuit ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 4.000 euros nets (1 mois de salaire) au titre des dommages-intérêts pour travail irrégulier le dimanche ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 5.058 euros nets au titre de l'indemnité pour non-respect de l'obligation de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 505,80 euros nets au titre des congés payés afférents ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 16.000 euros nets (6 mois de salaire) pour dissimulation d'activité salarié ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 10.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation et d'adaptation ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 8.000 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et abusif ;

- Ordonner la remise de l'attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un solde de tout compte ;

- Assortir ces remises d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ;

- Condamner la société Collectors universe INC à payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la présente procédure ;

- Condamner la société Collectors universe INC aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 26 mai 2021, la société Collectors universe demande à la cour de :

«'À titre principal :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [H]-[P] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire :

Réduire à de plus justes proportions le quantum des demandes de rappel de salaires et de dommages et intérêts sollicités par Mme [H]-[P] au titre de ses demande au titre de l'exécution et de la rupture de son prétendu contrat de travail ;

En tout état de cause':

Débouter Mme [H]-[P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [H]-[P] au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Mme [H]-[P] aux entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 4 avril 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de prestation de service en contrat de travail

Aux termes de l'article L. 8221-6 du code du travail sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales, sauf si l'existence d'un contrat de travail est établie lorsque les personnes mentionnées fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.

Mme [H] [P] soutient qu'en tant qu' « Operations Manager Europe », elle avait des missions d'opérations, de coordination de l'équipe pendant les semaines de grading, la gestion des commandes, le reporting, l'étude qualité, les ressources humaines et la gestion des shows numismatiques européens.

Il n'est pas contesté que Mme [H] [P] était chargée de la coordination des [Localité 5] Grading week (4 fois 3 semaines par an), de celle des [Localité 5] Express, de la gestion des ressources humaines, de la logistique et de la tenue de stand PCGS lors des évènements organisés en Europe.

Il résulte des échanges de courriels entre Mme [H] [P] et Mme [S], chef de l'équipe, que cette dernière lui donnait des instructions, s'agissant de réservations d'hôtel à effectuer, de l'envoi des commandes, de réponses à apporter aux clients.

La société fait valoir que Mme [S] a adressé ces communications à l'ensemble des personnes amenées à intervenir pour le compte de la filiale française, sans discernement sur la nature juridique de leur relation tout en soutenant que ces courriels ne visaient qu'à préciser des priorités et donner des indications générales.

Si aucun horaire n'est évoqué entre les parties avant un courriel du 5 septembre 2019 soit trois semaines avant la rupture de leurs relations, à compter de cette date, la société a demandé à Mme [H]-[P] ainsi qu'aux autres membres de l'équipe d'utiliser une carte pointage et d'en justifier chaque fin de semaine. Mme [H]-[P] justifie y avoir procédé en produisant une copie de cette carte.

Il est ainsi établi qu'à compter du 1er septembre 2019, la société non seulement lui donnait des directives mais contrôlait l'organisation de son travail, son temps de travail.

Il résulte en outre des deux attestations produites que Mme [H]-[P] était intégrée à un service organisé en ce qu'elle mettait à exécution des instructions qui lui étaient données et encadrait elle-même des salariés auxquelles elle indiquait les commandes à traiter et les monnaies à insérer au catalogue.

La société exerçait à son égard un pouvoir de sanction en lui interdisant de prendre contact avec une ancienne responsable de la société en France, Mme [C] [E], en ces termes : «Comme évoqué dans le meeting de la semaine dernière, [T] [C] [E] n'est plus employée par PCGS. Donc il n'est pas permis de discuter travail avec elle ni de lui donner des informations sur PCGS ».

Il résulte de ces éléments, que Mme [H]-[P] était soumise à un lien de subordination dans la cadre de l'exécution de sa prestation de travail accomplie en contrepartie d'une rémunération fixe de 4 000 euros mensuels. La relation de prestation de service doit donc être requalifiée en contrat de travail depuis l'origine de la relation.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture des relations de travail :

La relation entre les parties étant requalifiée en contrat de travail, sa rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à indemnité.

Sur l'indemnité légale de licenciement :

En vertu de l'article L. 1234-9 du Code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

L'article R. 1234-2 du code du travail prévoit que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Au regard de l'ancienneté de Mme [H]-[P] de deux ans, la société Collectors Universe est condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

En vertu de l'article 15 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, 'la durée du préavis, dite aussi « délai-congé », est d'un mois, quelle que soit la partie qui dénonce le contrat, sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure.

Après deux ans d'ancienneté, la durée du préavis ne doit pas être inférieure à deux mois.'

Mme [H]-[P] ayant deux ans d'ancienneté et un salaire de 4 000 euros bruts, la société Collectors universe est condamnée à lui payer la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 800 euros de congés payés y afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu de l'article L1235-3 du code du travail, le préjudice subi par Mme [H]-[P] du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être réparé par une indemnité comprise entre 0,5 et 3,5 mois de salaire.

La société Collectors Universe est condamnée à lui payer la somme de 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires :

Selon l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [H]-[P] a établi un décompte mensuel des heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement au cours des années 2017 à 2019 et communique un courriel adressé dans la nuit et un autre tôt le matin.

Toutefois, ce document n'est pas suffisamment précis en ce qu'il ne mentionne pas le nombre d'heures de travail réalisées par semaine pour permettre à l'employeur de justifier de la réalité des heures de travail réalisées.

La demande de Mme [H]-[P] est en conséquence rejetée ainsi que la demande subséquente au titre du repos compensateur.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

En vertu du contrat de travail, Mme [H]-[P] avait droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

La société Collectors Universe est en conséquence condamnée à payer à Mme [H]-[P] la somme de 4 830 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de congés payés afférentes à l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la prime de vacances :

La convention collective Syntec prévoit en son article 7.3 que l'employeur réserve chaque année l'équivalent d'au moins 10% de la masse globale des indemnités de congés payés acquis prévus par la convention collective, au paiement d'une prime de vacances à tous les salariés de l'entreprise.

Dans le respect du principe d'égalité de traitement, et à titre indicatif, la répartition du montant global de la prime entre les salariés peut se faire, au choix de l'entreprise ou par accord d'entreprise :

soit de façon égalitaire entre les salariés ;

soit au prorata du salaire, avec, le cas échéant, une majoration pour enfant à charge ;

soit par la majoration de 10% de l'indemnité de congés payés versée à chaque salarié ;

soit, en cas d'embauche ou de départ de l'entreprise en cours d'année ou pour les salariés en contrat de travail à durée déterminée, au prorata du temps de présence dans l'entreprise sur la période de référence.

Toutes primes ou gratifications versées à l'ensemble des salariés en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10% prévus au présent article et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

Mme [H]-[P], est bien fondée à solliciter, compte tenu de la requalification prononcée, à un rappel de prime de vacances de 483 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur le travail de nuit :

La salariée soutient ne pas avoir bénéficié de visite médicale alors qu'elle devait réaliser de nombreuses heures de travail de nuit (de 22 heures à 7 heures).

En vertu de l'article L3122-1 du code du travail, modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V), le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

L'article L 3122-5 modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V) prévoit que le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que :

1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;

2° Soit il accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.

Selon l'article L3122-2 dans sa rédaction modifiée par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V), tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit.

La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures

Il ne résulte pas des pièces produites que Mme [H]-[P] ait travaillé au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ni qu'elle ait accompli, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.

Sa demande d'indemnité pour non respect de l'obligation de suivi régulier des travailleurs de nuit est en conséquence rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le travail le dimanche :

Selon l'article L3132-12 du code du travail, certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories d'établissements intéressées.

L'article R3132-5 mentionne les entreprise participant aux foires et salons régulièrement déclarés, congrès, colloques et séminaires.

La salariée soutient que'la convention des bureaux d'études techniques prévoit que les sociétés ont le droit à quinze ouvertures exceptionnelles le dimanche et que la société Collectors universe INC ne démontre pas avoir sollicité ces autorisations.

S'il n'est pas contesté que Mme [H]-[P] ait travaillé des dimanches au cours de l'exécution du contrat de travail, cette prestation de travail était justifiée par des salons et expositions dont il n'est pas contesté qu'ils étaient autorisés par l'administration de sorte que la société n'avait pas à justifier d'une autorisation administrative d'ouverture le dimanche.

En l'absence d'irrégularité et de préjudice, la demande indemnitaire est rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé':

Il résulte de la requalification prononcée que la société a eu recours au contrat de prestation de service au lieu d'un contrat de travail pour dissimuler une relation de travail soumise à déclaration préalable et paiement de cotisations sociales.

L'intention de dissimulation est ainsi caractérisée.

La société doit en conséquence être condamnée à payer à Mme [H]-[P] la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts forfaitaires

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'obligation de formation et d'adaptation

La salariée soutient'ne pas avoir bénéficié de formation ou d'entretien relatif à son évolution professionnelle.

S'il n'est pas contesté qu'elle n'a pas reçu de formation, il n'est pas démontré que Mme [H]-[P] ait subi un préjudice du fait de cette carence de l'employeur.

Sa demande indemnitaire est en conséquence rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement brutal et vexatoire :

Si la rupture de la relation de travail est intervenu par l'envoi d'un courrier le 30 septembre 2019, il n'est pas démontré que les circonstances de cette rupture aient été brutales et vexatoires.

La demande indemnitaire est en conséquence rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 28 août 2020 pour celles qui étaient exigibles au moment de sa saisine.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus sur une année entière.

Sur la remise des documents de rupture :

Compte tenu de la requalification du contrat à temps plein, il convient d'ordonner la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi et un solde de tout compte rectificatif conformes au présent arrêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Collectors universe est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 1 500 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, de congés payés sur indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité pour irrégularité du travail de nuit et du travail le dimanche, de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de formation et d'adaptation, de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

Le confirme de ces chefs,

statuant sur les chefs infirmés,

Requalifie le contrat de prestations de service en contrat de travail,

Condamne la société Collectors universe à payer à Mme [O] [H]-[P] les sommes de :

- 2 000 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 8 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 800 euros de congés payés y afférents,

- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 830 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 483 euros de prime de vacances,

- 24 000 euros à titre de dommages-intérêts forfaitaires pour travail dissimulé,

Dit que les créances de nature salariale sont assorties d'intérêts au taux légal à compter du 28 août 2020 et les créances de nature indemnitaire à compter du prononcé du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

Ordonne la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi et un solde de tout compte rectificatif conformes au présent arrêt,

Condamne la société Collectors universe au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 1 500 euros pour la procédure d'appel,

Condamne la société Collectors universe aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/07287
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.07287 ?
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