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28/06/2023 | FRANCE | N°21/00073

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 28 juin 2023, 21/00073


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00073 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3XY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F 19/00152



APPELANTE



E.U.R.L. MARIANO AUX CAVES DU PORTUGAL 33 Agissant po

ursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michèle CORRE, avocat...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00073 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3XY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F 19/00152

APPELANTE

E.U.R.L. MARIANO AUX CAVES DU PORTUGAL 33 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

INTIMEE

Madame [R] [H] [Z] [X] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aïcha OUAHMANE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 335

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et parAxelle MOYART, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Mariano aux caves du Portugal 33 désignée sous le sigle MCP, exerce une activité de commerce d'alimentation générale spécialisée plus particulièrement dans les produits portugais.

Mme [R] [H] [Z] [X] [J], née en 1959, a été engagée par la société MCP, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 janvier 2010 en qualité d'agent administratif et commercial.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

L'entreprise comptait au moins onze salariés.

Du 2 au 31 octobre 2018, Mme [R] [H] [Z] [X] [J] a été en arrêt maladie.

Par courrier du 25 mars 2019, reçu par la société MCP le 1er avril 2019 elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

'Les faits suivants de non-fourniture de travail et d'absence de visite de reprise auprès de la médecine du travail, dont la responsabilité incombe entièrement à votre entreprise me contraignent à vous notifier la présente prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail.

Cette rupture est entièrement imputable à votre société puisque les faits précités constituent un grave manquement à vos obligations contractuelles'.

Soutenant que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [R] [H] [Z] [X] [J] a saisi le 2 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, aux fins de voir condamner la société MCP à lui verser les sommes suivantes :

* 3.500,10 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 350 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

* 4.484,57 euros d'indemnité de licenciement,

* 21.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

* 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci ;

- ordonner à la société MCP de délivrer à Mme [R] [H] [Z] [X] [J], sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard, les documents suivants :

* bulletin de paie,

* attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi conforme au jugement à intervenir,

- les dépens étant mis à la charge de la défenderesse.

L'employeur s'est opposé à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a :

- dit que la prise d'acte de rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société MCP à verser à Mme [R] [H] [Z] [X] [J] les sommes suivantes :

* 4.500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 450 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

* 5.156,25 euros d'indemnité de licenciement,

* 12.996 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société MCP de remettre à Mme [R] [H] [Z] [X] [J] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif conformes au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- débouté Mme [R] [H] [Z] [X] [J] du surplus de ses demandes,

- débouté la société MCP de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes allouées au titre des indemnités compensatrices de préavis et indemnité de congés payés porteront intérêts de droit au taux légal à compter du jour de la réception par la société MCP de la convocation à l'audience du bureau de jugement, soit le 3 avril 2019,

- condamné la société MCP aux entiers dépens, y compris ceux liés à l'exécution de la présente décision.

Par déclaration du 14 décembre 2020, la société MCP a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 janvier 2023, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges du 29 octobre 2020 en toutes ses dispositions,

- déclarer que la prise d'acte de rupture produira les effets d'une démission,

- débouter Mme [R] [H] [Z] [X] [J] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [R] [H] [Z] [X] [J] à verser à la société MCP la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 novembre 2022, Mme [R] [H] [Z] [X] [J], intimée, demande à la cour - de  réformer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de dire et juger que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte au droit de Mme [R] [H] [Z] [X] [J] de recevoir une indemnisation adéquate de l'ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et de l'article 24 de la Charte sociale européenne, et constituant une discrimination en violation du droit de l'Union Européenne,

- condamner en conséquence la société MCP à verser à Mme [R] [H] [Z] [X] [J] la somme de 27.600 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices professionnels, financiers et moraux subis à la suite du licenciement et subsidiairement la somme de 20 700 euros en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

- condamner la société MCP à verser à Mme [R] [H] [Z] [X] [J] la somme de 3.500 euros devant la cour ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs

De manière liminaire, la cour constate qu'elle n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté.

Sur le fond, Mme [R] [H] [Z] [X] [J] reproche à l'employeur de n'avoir pas organisé de visite de reprise à la suite de son arrêt maladie comme cela était de droit après un arrêt maladie de 30 jours, en application de l'article R 4624-31 du Code du travail, alors qu'elle l'avait sollicité par courrier simple. Elle conclut que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle estime que pour l'évaluation de son préjudice, l'article L. 1235-3 du Code du travail doit être écarté au regard des articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et de l'article 24 de la charte sociale européenne, car cela interdirait une indemnisation adéquate du préjudice.

La société Electricité de France répond qu'il ne peut lui être reproché comme le prétend Mme [R] [H] [Z] [X] [J] d'avoir refusé d'accepter la rupture conventionnelle qu'elle avait sollicitée pour pouvoir garder ses petits enfants, car ce n'est pas un droit pour celle-ci. Elle estime qu'aucun manquement de l'employeur ne peut être retenu, dès lors qu'il a mis vainement en demeure Mme [R] [H] [Z] [X] [J] de reprendre son poste à la fin de son arrêt maladie. Il nie avoir reçu de l'intéressée une lettre lui demandant d'organiser une visite de reprise et soutient que, dés lors que la salariée était en absence injustifiée, il lui était impossible d'organiser une visite de reprise.

Sur ce

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. Il incombe au salarié, qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail. Le juge n'est pas tenu par les motifs invoqués dans le courrier valant prise d'acte mais doit apprécier l'intégralité des manquements invoqués par le salarié.

L'employeur n'était pas tenu de satisfaire la demande de Mme [R] [H] [Z] [X] [J] d'organiser une rupture conventionnelle, qui suppose une commune intention des parties, et aucun engagement de sa part à cet égard ne ressort du dossier. Seuls des pourparlers ont été engagés par lettre du 30 août 2018, auxquels la société a déclaré mettre fin par lettre du 15 septembre suivant en raison de l'absence de formation concluante dispensée par la salariée au personnel nouvellement arrivé. La rupture conventionnelle n'est pas un droit pour la salariée.

Aux termes de l'article R 4624-31 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel. Dés que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé du travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur ou au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

L'examen médical est donc subordonné à la reprise certaine par le salarié de son travail.

La salariée a été en accident du travail du 2 au 31 octobre, de sorte qu'à la reprise de son travail, la salariée devait être soumise à une visite de reprise.

La salariée prétend avoir demandé par lettre simple datée du 2 novembre 2018, qu'elle verse aux débats, l'organisation d'une visite de reprise. Toutefois l'envoi effectif de cette lettre est douteux, puisque la société non seulement indique ne l'avoir pas reçue, mais en outre a sommé sans succès les 17 juillet 2019 et 31 octobre 2019 Mme [R] [H] [Z] [X] [J] de communiquer un justificatif d'envoi et de réception de celle-ci.

En revanche, l'employeur établit avoir demandé par lettre recommandée du 12 novembre 2018 à la salariée de justifier d'urgence de son absence depuis la fin de son arrêt de travail. L'accusé de réception de ce courrier révèle que celui-ci n'est pas parvenu à sa destinataire en raison de son changement d'adresse.

Faute par Mme [R] [H] [Z] [X] [J] d'avoir demandé à reprendre son travail, ni d'avoir adressé les justificatifs de son absence, ni d'avoir manifesté son intention de reprendre son travail, elle ne peut reprocher utilement à l'employeur de n'avoir pas rempli ses obligations d'organiser une visite de reprise.

Le changement d'adresse de la salariée sans en prévenir l'employeur et son absence injustifiée excluaient la possibilité pour la société de fournir du travail à celle-ci.

Par suite aucun manquement de l'employeur n'est établi, tandis qu'au contraire est avérée la faute de la salariée qui n'a pas repris son travail à la fin de l'arrêt de travail et ne s'est manifestée que cinq mois après l'expiration de l'arrêt maladie par lettre de prise d'acte du 25 mars 2019, où apparaît enfin sa nouvelle adresse.

Dés lors, celle-ci produira les effets d'une démission et l'intéressée sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et de délivrance des documents de fin de contrat.

Au vu des développements qui précèdent, il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Mme [R] [H] [Z] [X] [J] à verser à l'employeur la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Elle sera déboutée de ses prétentions de ces chefs et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Se déclare non saisi de la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

Infirme le jugement déféré, sauf sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Statuant à nouveau ;

Rejette la demande de Mme [R] [H] [Z] [X] [J] au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Condamne la société Electricité de France à payer à Mme [R] [H] [Z] [X] [J] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Condamne Mme [R] [H] [Z] [X] [J] aux entiers dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de Mme [R] [H] [Z] [X] [J] au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [R] [H] [Z] [X] [J] à verser à la société Electricité de France la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Electricité de France aux dépens d'appel ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/00073
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.00073 ?
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