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28/06/2023 | FRANCE | N°20/06956

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 28 juin 2023, 20/06956


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06956 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQWQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 19/01562



APPELANT



Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Repré

senté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532



INTIMEES



Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06956 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQWQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 19/01562

APPELANT

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532

INTIMEES

Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

S.A.R.L. FLORO

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Cédric LIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1065

S.E.L.A.F.A. MJA en la personne de Me [U] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Cédric LIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1065

S.C.P. ABITOL ET [R] en la personne de Me [B] [R]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Cédric LIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1065

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère , chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Axelle MOYART greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Floro exerce notamment l'activité de restauration traditionnelle sur place et à emporter, exploitant le restaurant Le Gray [Adresse 9].

M. [K] [J] a été engagé par la société Floro, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 mai 2018 en qualité de chef de partie.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (IDCC 1979).

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [J] s'élevait à la somme de 2.464,82 euros.

Par courrier en date du 18 janvier 2019, M. [K] [J] a mis en demeure la société Floro de lui verser ses salaires pour les mois de novembre et décembre 2018.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris statuant en la forme des référés le 24 janvier 2019 afin de solliciter le paiement de ses salaires pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2018.

Par ordonnance en date du 27 février 2019, le Conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société Floro à payer au salarié son salaire du mois de décembre 2018, à hauteur de 2.386,28 euros brut, rejetant ses autres demandes.

M. [J] a saisi le 22 février 2019 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause et réelle et voir condamner son employeur à lui payer diverses sommes, dont un rappel d'heures supplémentaires.

M. [K] [J] a été licencié pour faute grave par lettre datée du 21 mai 2019 au motif qu'il a abandonné son poste

Par jugement en date du 13 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Floro en redressement judiciaire, la SCP Abitbol & [R], prise en la personne de Me [B] [R], étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAFA MJA , prise en la personne de Me [U] [S], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 16 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de redressement pour une durée de dix ans et a nommé la SCP ABITBOL & [R] en la personne de Maître [B] [R] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, mettant fin par la même occasion à ses missions d'administrateur.

Par jugement en date du 31 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [K] [J] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Floro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 octobre 2020, M. [K] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Floro et désigné la SELAFA MJA, prise ne la personne de Me [U] [S] en qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 janvier 2023, M. [K] [J] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 31 juillet 2020,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur,

EN CONSEQUENCE

FIXER la créance salariale de Monsieur [J] au passif de la société FLORO aux sommes suivantes :

* 7.394, 46 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 677,82 euros à titre d'indemnité de licenciement légale,

* 2.464, 82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 246,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 957,78 euros à titre d'indemnité de congés payés,

* 14.788,98 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 5.322,59 euros à titre d'indemnité pour heures supplémentaires impayées,

* 7.394,46 euros à titre d'indemnité d'exécution déloyale du contrat de travail,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et protection de la santé du salarié et mise en danger de la vie d'autrui,

* 366 euros à titre d'indemnité de déplacement,

* 2.000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- ordonner la remise des documents sociaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document :

* attestation de salaire destinée à la CPAM,

* attestation Pôle Emploi,

* certificat de travail,

* fiche de paie conformes pour la période du 5 mars 2018 au 11 février 2019,

- déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 avril 2023, l'AGS demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 31 juillet 2020,

En conséquence,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- réduire à plus justes proportions les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [J] de ses demandes indemnitaires injustifiées,

Sur la garantie de l'AGS :

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Vu l'adoption du plan de redressement,

- dire et juger que l'adoption d'un plan de redressement par continuation fait présumer que la société, redevenue in bonis, sera en mesure d'assumer seule les sommes qui pourraient être mises à sa charge lors de la présente audience,

- dire et juger que la décision à intervenir ne sera opposable à l'AGS, en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail, qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur,

- dire et juger la garantie de l'AGS subsidiaire,

Dans l'hypothèse où le Conseil prononcerait la résiliation judicaire des contrats de travail,

- déclarer inopposables à l'AGS les indemnités de rupture qui pourraient être fixées au passif de la procédure collective de la société Floro,

En tout état de cause,

- dire et juger que la garantie ne pourra intervenir qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sur présentation d'un relevé de créances salariales,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

- dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance (dont les dépens) sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNÉDIC AGS.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2023, la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [U] [S], ès qualité de liquidateur de la société Floro , demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence :

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [J] à payer à la société FLORO la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [J] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2023.

A cette audience, l'ordonnance de clôture a été révoquée et l'affaire renvoyée à l'audience du 17 avril 2023 au début de laquelle la clôture a été prononcée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord exprès, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit ses plannings et un tableau établi par ses soins récapitulant les heures supplémentaires qu'il dit avoir effectuées sur la période du 7 mai 2018 au 31 janvier 2019, un calcul des heures supplémentaires sollicitées sur cette base et ses bulletins de paie de mai à novembre 2018.

Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, le liquidateur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués sans produire les propres élements de contrôle de la société en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Si le liquidateur souligne que les bulletins de paie mentionnent le versement de 17,33 heures supplémentaires, la cour constate que le salarié ne réclame pas le paiement des heures effectuées entre la 36 et la 39 ème heure, correspondant au paiement de ces heures.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il n'y a pas lieu de remettre en cause le décompte du salarié.

Il convient dès lors de fixer au passif de la société Floro la somme de 5322,59 euros au titre des heures supplémentaires , outre celle de 532,25 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

2-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, il n'est pas établi d'élément intentionnel de la SARL Floro.

Le salarié est débouté de ce chef et le jugement confirmé.

3-Sur la demandes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

L'attestation des AGS démontre qu'elle a réglé au salarié une indemnité de congés payés d'un montant de 2109,89 euros, correspondant au congés non pris sur la période du 10 mai 2018 au 1 er mai 2019, sans que le salarié ne démontre qu'il n'aurait pas été rempli de ces droits par ce paiement. Il n'indique même pas le nombre de jours de congés qui lui resterait dùs.

Dès lors, le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

4-Sur la demande d'indemnité de déplacement

Le salarié ne justifie en rien sa demande de ce chef.

Dès lors, le salarié ne peut qu'en être débouté.

Le jugement est confirmé.

5-Sur la demande de résiliation du contrat de travail

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire. Les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l'employeur, le juge prend en compte l'ensemble des événements survenus jusqu'à l'audience ou jusqu'à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

A l'appui de sa demande, le salarié reproche à son employeur les manquements suivants :

1-le non versement de ses salaires d'octobre 2018 à avril 2019,

2-le versement d'une partie de son salaire ( extras) en espèces et la dissimulation d'emploi salarié,

3-un manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé du salarié et mise en danger de la vie d'autrui, n'ayant pas bénéficié de visite médicale d'embauche. Il souligne qu'il a été convoqué, le 14 février 2019, pour passer une visite médicale le 22 mars 2019, soit à une date postérieure à sa convocation à un entretien préalable.

En ce qui concerne le grief n° 2, le salarié procède par simple affirmation. Ce grief n'est pas établi.

En ce qui concerne le grief n° 3 , s'il est exact que la visite médicale d'embauche n'a pas eu lieu, le salarié ne justifie d'aucun préjudice. Il est par ailleurs constaté que M. [K] [J] a été vu par le médecin du travail, le 31 août 2018, dans le cadre d'une visite d'information et de prévention.

En ce qui concerne le grief n° 1, il doit être constaté que le liquidateur reconnaît que le mois de novembre 2018 a été payé en février 2019, le mois de décembre ayant donné lieu à la condamnation de la société, par le CPH statuant en la forme des référés, le 27 février 2019, à payer au salarié la somme de 2386,28 euros.

Le liquidateur indique que la situation est rentrée dans l'ordre, l'AGS ayant réglé au salarié ses salaires de décembre 2018 à janvier 2019 inclus. Il est indiqué que le défaut de paiement est uniquement dû à la situation financière critique de la société.

L'absence de paiement à bonne date des salaires, finalement reconnue par le liquidateur, constitue un manquement grave des obligations contractuelles de l'employeur justifiant à lui seul le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet du 21 mai 2019, date du licenciement.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 2464,82 euros

6-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salarié peut prétendre à un mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 2464,82 euros, outre la somme de 246,48 euros pour les congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

Le salarié peut prétendre, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise ( embauche en date du 9 mai 2018 ) et en application de l'article R 1234-2 du code du travail à la somme de 616,20 euros. Cette somme sera fixée au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige,  si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, l'indemnité varie entre 0,5 et 2 mois de salaire.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M.[K] [J] de son âge au jour de son licenciement ( 30 ans), de son ancienneté à cette même date (un an) et de l'absence de justification de sa situation au regard de l'emploi depuis la fin du contrat, il y a lieu de lui allouer la somme de 1232,41 euros ( 0,5 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme sera fixée au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Compte tenu des difficultés réelles connues par la société, il ne peut être retenue de volonté déloyale de la part de la société.

Le salarié est débouté de ce chef.

Le jugement est confirmé.

8-Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et de protection de la santé du salarié et mise en danger de la vie d'autrui

La salarié fonde sa demande de ce chef sur le défaut de visite médicale d'embauche.

Le salarié ne démontre aucun préjudice en lien avec l'absence de visite médicale. Il est par ailleurs noté qu'une visite avec le médecin du travail a eu lieu le 31 août 2018, dans le cadre d'une visite d'information et de prévention, ainsi qu'il a été dit plus haut.

M. [K] [J] est débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

9-Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans astreinte. L'attestation de salaire destinée à la CPAM a déja été remise au salarié.

10-Sur la garantie de l' AGS

L'AGS doit sa garantie dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, notamment dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17

11-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la société Floro de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il est alloué une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au salarié, en première instance.

Partie perdante, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit du salarié à hauteur de 1000 euros, en cause d'appel.

La SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe et en dernier ressort.

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [K] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, de celle pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et de protection de la santé du salarié et mise en danger de la vie d'autrui, de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité pour travail dissimulé et de frais de déplacement et en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL Floro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] [J] produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en date du 21 mai 2019,

Fixe comme suit les créances de M. [K] [J] au passif de la liquidation de la SARL Floro :

- 2464,82 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 246,48 euros pour les congés payés afférents,

-1232,41 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-616,20 au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5322,59 au titre des heures supplémentaires, outre celle de 532,25 au titre des congés payés afférents,

ORDONNE à la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro de remettre à M. [K] [J] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

Déboute M. [K] [J] de sa demande de remise d'une attestation de salaire destinée à la CPAM ,

Dit que la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail,

Condamne la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro à payer à M. [K] [J] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,

Déboute la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [S], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/06956
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.06956 ?
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