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28/06/2023 | FRANCE | N°20/03705

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 28 juin 2023, 20/03705


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03705 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5PX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08899



APPELANTE



Madame [F] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée p

ar Me Agathe MARCON, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



S.A.R.L. AMT PROJETS URBAINS ET PAYSAGERS ET DE TERRITOIRE Constitution d'intimée jointe

[Adresse 1]

[Localité 4]

R...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03705 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5PX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/08899

APPELANTE

Madame [F] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Agathe MARCON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. AMT PROJETS URBAINS ET PAYSAGERS ET DE TERRITOIRE Constitution d'intimée jointe

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-cécile FAURE de la SCP FAURE LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1911

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre,

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Axelle MOYART, greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée en raison d'un surcroît d'activité à effet du 15 octobre 2015 jusqu'au 12 février 2016 , Mme [F] [V] a été engagée par la société [U] et Associés-Atelier de paysage et d'urbanisme, en qualité de chargée de projet, non-cadre, moyennant une rémunération mensuelle de 3.750 euros, pour 169 heures de travail mensuelles.

Le contrat de travail a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 12 février 2016 aux mêmes conditions, la société [U] et Associés-Atelier de paysage et d'urbanisme prenant la dénomination de société AMT-Projets urbains, paysagers et de territoire.

La société a fait application volontaire de la convention collective des entreprises d'architecture à compter du 1er mars 2017.

La société employait 7 salariés a l'époque du licenciement.

Par avenant au contrat de travail en date du 30 mars 2017, Mme [F] [V] a vu sa classification professionnelle modifiée, en application dela convention collective. Il a été convenu que l'intitulé du poste de la salariée serait 'chargée de projet 2: responsable de projets urbains', coefficient 440, statut cadre moyennant une rémunération mensuelle de 4200 euros, pour 169 heures de travail mensuelles , avec effet rétroactif au 1er janvier 2017.

La salariée a été en arrêt de travail du 6 novembre au 10 décembre 2017.

Mme [F] [V] a fait l'objet, après convocation en date du 7 novembre 2017 et entretien préalable fixé au 21 novembre 2017, d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse le 28 novembre 2017. La salariée a été dispensée d'effectuer son préavis de 3 mois à compter du 12 décembre 2017.

Mme [F] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 23 novembre 2018, aux fins de voir dire qu'elle relève depuis le début de la relation contractuelle, soit le 15 octobre 2015 de la qualification 'directrice de projet 1- Coefficient 540" , constater que les minima conventionnels n'ont pas été respectés et voir en conséquence la société condamnée à lui payer un rappel de salaire, une indemnité au titre du travail dissimulé et une indemnité à titre des manquements à l'obligation de sécurité. La salariée a également sollicité que soit jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement et que la société soit en conséquence condamnée à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 27 mai 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a  :

- débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société AMT de ses demandes,

- condamné Mme [V] aux dépens de l'instance engagée.

Par déclaration au greffe en date du 23 juin 2020, Mme [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2022, Mme [F] [V] demande à la Cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau :

Au titre de la rupture du contrat de travail :

- déclarer le licenciement de Mme [V] intervenu le 28 novembre 2017 sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 17.516,34 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

- dans le cas où le salaire brut mensuel de référence de Mme [V] devait être fixé à la somme de 4.200 euros, condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 14.700 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 5.000 euros en réparation des circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 863,42 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

Au titre de l'exécution fautive du contrat de travail :

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 15.000 euros en réparation des souffrances induites par les manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et de prévention des risques professionnels,

- déclarer la société AMT aurait dû appliquer les dispositions de la convention collective nationale des entreprises d'architectures dès le 15 octobre 2015,

En conséquence,

- condamner la société AMT au paiement de la somme de 6.000 euros en raison du préjudice subi lié au non-respect des dispositions conventionnelles applicables,

- déclarer que Mme [V] exerçait, eu égard à la réalité de ses fonctions, en qualité de « directrice de projet 1 ' Coefficient 540 », et ce sur toute la période allant du 15 octobre 2015 au 28 février 2018,

En conséquence,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 22.530,76 euros à titre de rappels de salaire, outre la somme de 2.253,07 euros au titre des congés payés afférents,

- fixer la rémunération brute mensuelle qu'aurait dû percevoir Mme [V] à la somme de 5.004,67 euros,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 12.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'exécution déloyale, par la société, de son contrat de travail et de la violation du principe général selon lequel « Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui »,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 17.636,28 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 1.763,62 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme 34.530,90 euros en raison du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié dont elle a été victime,

En tout état de cause :

- condamner la société AMT à verser à Mme [V] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AMT à délivrer à Mme [V] une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire et un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- déclarer que les sommes auxquelles la société AMT sera condamnée emporteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de la demande auprès du conseil de prud'hommes de Paris, outre la capitalisation des intérêts,

- débouter la société AMT de sa demande de condamnation de Mme [V] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 décembre 2020, la société AMT demande à la Cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement prononcé le 27 mai 2020 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, le Cour devait condamner la société au titre de l'indemnité de licenciement sans cause rélle et sérieuse, faire application du barème indemnitaire en vigueur,

En tout état de cause :

- condamner Mme [V] à verser à la société AMT la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procéure civile,

- condamner Mme [V] aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maîre Anne-Cécile Faure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la classification professionnelle de Mme [F] [V]

La salariée soutient qu'elle exerçait en réalité les fonctions de directrice de projet 1, coefficient 540 au sens de la convention collective des entreprises d'architecture et demande que cette qualification lui soit appliquée sur toute la période de la relation de travail, soulignant sa grande autonomie dans la réalisation de ses missions et affirmant qu'elle exerçait de manière informelle la direction du Pôle Urbanisme.

L'employeur si oppose en faisant valoir que lors de l'embauche de la salariée, la société occupait uniquement deux personnes et que la classification choisie lors de l'avenant au contrat de travail en date du 30 mars 2017 correspondait exactement aux fonctions exercées par Mme [V]. La société souligne que si son activité est bien répartie entre deux pôles, sa taille ne nécessite pas deux directeurs en dehors de la dirigeante ( Mme [U]). La société soutient que Mme [F] [V] n'a pas plus qu'un autre salarié contribué au développement de l'agence en général ou du pôle urbanisme en particulier.

La cour constate que la salariée a candidaté ( pièce 27 de l'employeur) sur un poste de chef de projet confirmé en urbanisme et a été embauchée en qualité de 'chargée de projet', statut employé.

Suite à l'application volontaire par la société de la convention collective des entreprises d'architecture ce matérialisant par un avenant à son contrat de travail en date du 30 mars 2017, Mme [F] [V] a vu sa classification professionnelle modifiée. Il a été convenu que l'intitulé du poste de la salariée serait 'chargée de projet 2: responsable de projets urbains', coefficient 440, statut cadre , avec une augmentation de sa rémunération mensuelle.

Les critères de chargée de projet 2 sont les suivants: ' autonomie sous contrôle ponctuel; chargée d'opérations moyennes; coordination d'intervenants spécialisés' alors que ceux de directrice de projet 1 sont les suivants ' Autonomie importante. Rend compte à l'architecte en charge de l'opération. Chargée d'opérations importantes. Coordinatioon d'équipes et d'intervenants spécialisés'

La salariée, sur qui repose la charge de la preuve, ne justifie pas qu'elle exerçait des fonctions de directrice de projet 1, coefficient 540 au sens de la convention collective des entreprises d'architecture et notamment pas qu'elle dirigeait de manière informelle le pôle urbanisme, qu'elle coordonnait des équipes et a été chargée d'opérations importantes, étant souligné que les attestations produites n'établissent pas ce rôle.

La cour comprend des échanges de courriers entre Mme [W] [U] et Mme [F] [V], lorsque la société a envisagé d'appliquer de manière volontaire la convention collective nationale des entreprises d'architecture , qu'il n'a pas été proposé à la salariée de passer de chargée de projet à directrice de projet, l'employeur ne s'étant pas brusquement rétracté. Il en résulte plutôt que la salariée a souhaité voir ses fonctions évoluer vers ce poste sans que la société ne fasse droit à ses prétentions d'évolution, en tout cas dans l'immédiat.

Mme [F] [V] est déboutée de sa demande de chef.

Le jugement est confirmé.

2-Sur la demande de rappel de salaire et la demande de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du non respect des dispositions conventionnelles applicables

Il résulte de l'article L. 2261-2 du code du travail que la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.

Il n'est contesté par personne que lors de l'embauche de la salariée, l'activité principale de la sociéte était d'une part le paysagisme et d'autre part l'urbanisme. Dès lors il n'y a pas lieu de faire application de la convention collective des entreprises d'architectures au 15 octobre 2015.

La salariée est ainsi déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du non respect de la convention collective des entreprises d'architecture depuis le début de la relation contractuelle et de sa demande de

rappel de salaire, que ce soit en application de la qualification de directrice de projet 1 ou de chargée de projet 2.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3-Sur les heures supplémentaires

En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, la salariée affirme que depuis le début de la relation de travail, elle a effectué chaque semaine 5 heures supplémentaires en sus de celles déja prévues au contrat de travail et effectivement payées et présente dans ses écriture un calcul des sommes réclamées en conséquence. Elle produit également des attestations de 3 anciens collégues selon lesquelles la salariée effectuait des heures supplémentaires.

Ce faisant, elle produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies au-delà de son horaire contractuel, ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués et de produire deux attestations selon lesquelles des récupérations étaient accordées en cas d'heures supplémentaires

.

La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

La cour constate, compte tenu de la rémunération de la salariée, des régles applicable à la majoration des heures supplémentaires, déduction faite des congés payés et de la période d'arrêt maladie de la salariée, qu'il est dù à cette dernière une somme de 14892,25 au titre des heures supplémentaires effectuées au delà des 169 heures contractuelles , sur toute la durée de la relation de travail.

L'employeur sera condamné à payer à Mme [F] [V] cette somme, outre celle de 1489,22 au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

4-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, il n'est pas rapporté la preuve d'un élement intentionnel de la part de l'employeur.

La salariée est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5-Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral

Mme [F] [V] fonde sa demande sur l'exécution déloyale de son contrat de travail par la société , et la violation du principe général selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui'.

La société s'oppose à cette demande.

La cour comprend que la salariée estime que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat en ce qu'il ne l'a pas nommée directrice de projet. Il a été dit plus haut que sa classification professionnelle est celle de chargée de projet 2.

Cet argument ne peut être retenu.

Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.

6-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques sociaux

Aux termes de l'article L 1222-1 du code du travail ' « Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. »

Aux termes de l'article L. 4121-1 du Code du travail dans sa version applicable au litige ' L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

La salariée soutient qu'elle a été confrontée, au sein de la Société AMT, à une situation de souffrance au travail et à une grave dégradation de ses conditions de travail induites par un mode de management brutal et anxiogène, avec une dégradation de sa santé physique et mentale.

La société s'en défend et souligne que les attestations produites font état de difficultés relationnelles à compter de l'été 2017, soit à quelques mois de la procédure de licenciement.

Il a été dit plus haut que la salariée a soutenu à tort que son employeur s'était engagé à la faire passer de chargée de projet à directrice de projet. Si des pourparlers ont été engagés à ce propos, ils n'ont tout simplement pas aboutis.

Par ailleurs, il est suffisament établi que Mme [F] [V] a été déçue de ne pas voir son poste évoluer dans le sens qu'elle souhaitait et qu'à compter de ce moment, les relations entre elle et Mme [W] [U] se sont dégradées de manière inéxorable, sans que cet élément n'établisse le caractère brutal et anxiogène décrit par la salariée.

La salariée n'établit pas plus sa mise en difficulté dans le cadre de ses fonctions par le risque de voir sa responsabilité d'architecte engagée.

La salariée n'établit pas que son arrêt de travail est dù à des causes objectives de son exercice professionnel.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.

7- Sur la rupture du contrat de travail

En application des articles L 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

L'insuffisance professionnelle se définit comme une incapacité objective et durable d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié.

Le grief d'insuffisance professionnelle, à lui seul, suffit à motiver la lettre de licenciement. Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur.

Aux termes de la lettre de licenciement en date du 28 novembre 2017 fixant les limites du litige , il est reproché à Mme [F] [V] les éléments suivants:

1-une insuffisance professionnelle,

2-une réelle démotivation dans l'exercice de ses fonctions,

3-une opposition franche aux décisions de la direction,

Il s'agit ainsi d'un licenciement mixte, à la fois pour insuffisance professionnelle et pour cause disciplinaire.

En ce qui concerne le grief n° 1, la société n'évoque rien de précis au terme de la lettre de licenciement à l'exception du traitement du dossier '[Localité 5]'. Pour autant, ce seul élément est insusceptible de caractériser à lui seul une insuffisance professionnelle, d'autant que la salariée s'était manifestée pour indiquer que le planning finalement retenu était trop serré.

La preuve de l'insuffisance dans l'encadrement et les difficultés relationnelles entre Mme [F] [V] et des salariés n'est pas rapportée.

Il en va de même en ce qui concerne l'insatisfaction d'un client sur une étude de faisabilité, la seule attestation du client, peu circonstanciée, étant tout à fait insuffisante à la caratériser. Ce grief ne peut être retenu.

En revanche le grief de démotivation et celui d'opposition à la direction, confinant à une certaine hostilité, sont établis par des échanges de mails entre la salariée et Mme [U] et également l'attestation de M. [S]. La salariée avait d'ailleurs 'annoncé' lors de la négociation de la classification professionnelle quelques mois plus tôt que l'absence d'évolution professionnelle à hauteur de ses espérances pouvait émousser sa motivation.

Ces deux éléments constituent, notamment dans une société de petite taille, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant à voir dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement, de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de complément d'indemnité légale de licenciement.

8-Sur les dommages-intérêts pour circonstances véxatoires entourant la rupture du contrat de travail

La salariée indique qu'elle était en arrêt de travail depuis le 6 novembre 2017 lorsqu'elle a été licenciée et que, n'ayant pas été dispensée de préavis lors de la notification de son licenciement, elle a été contrainte de reprendre ses fonctions à l'issue de son arrêt de travail, le 11 décembre 2017. Elle précise qu'elle a alors été affectée à des tâches administratives et que dès le lendemain, et sans aucune justification, elle a été dispensée d'exécuter son préavis.

Mme [F] [V] soutient que cela relève d'un stratagème de son employeur, lequel a voulu la fragiliser un peu plus et ternir son image au sein de la société.

La société indique qu'elle n'a pas mis en place de stratagème et n'a pas eu de volonté de nuire à Mme [V].

L'employeur n'a pas à justifier de son choix de dispenser un salarié d'effectuer son préavis. Au cas d'expèce, il n'est pas rapporté la preuve de la volonté de l'employeur d'humilier ou de fragiliser la salariée en la dispensant à postériori de la lettre de licenciement d'effectuer son préavis.

La salariée est déboutée de sa demande de chef et le jugement confirmé.

9-Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise d' un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, dans les quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'une astreinte ne soit prononcée

10-Sur les intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

11-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [F] [V] ainsi qu'il sera dit au dispositif.

La SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [F] [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire à payer à Mme [F] [V] les sommes suivantes :

-14892,25 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 1489,22 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation

-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire de remettre à Mme [F] [V] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de quinze jours à compter de sa signification, sans astreinte

Condamne la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire à payer à Mme [F] [V] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SARL AMT-Projets urbains, Paysagers et de Territoire aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03705
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.03705 ?
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