La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2023 | FRANCE | N°19/06498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 28 juin 2023, 19/06498


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 28 JUIN 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06498 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB44



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00784





APPELANTE



Madame [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]
r>

Représentée par Me Jérémy DUCLOS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 11





INTIMÉE



SARL RAOUL

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avoca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 28 JUIN 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06498 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB44

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/00784

APPELANTE

Madame [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémy DUCLOS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 11

INTIMÉE

SARL RAOUL

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Raoul (SARL) a employé Mme [O] [B], née en 1986, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 juillet 2014 en qualité d'attachée de presse.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 3 500 €.

Par lettre notifiée le 26 octobre 2017, Mme [B] a démissionné.

Réclamant diverses indemnités et rappels de salaire, Mme [B] a saisi le 5 février 2018 le conseil de prud'hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« - 20.199,06 € au titre des 697 heures supplémentaires ;

- 21.000 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (art. L. 8223-1 C. trav.) ;

- 21.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 441,49 € au titre du remboursement des frais téléphoniques ;

- 5.000 € au titre des dommages-intérêts pour mauvaises conditions de travail ;

- 2.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Par jugement du 23 avril 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [B] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société Raoul la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au paiement des entiers dépens.

Mme [B] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 22 mai 2019.

La constitution d'intimée de la société Raoul a été transmise par voie électronique le 29 juillet 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 14 mars 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 mai 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 11 février 2020, Mme [B] demande à la cour de :

« JUGER que Madame [O] [B] est recevable et bien fondée dans son action ;

INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société RAOUL la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au paiement des entiers dépens ;

En conséquence,

CONDAMNER la société RAOUL à verser à Madame [O] [B] la somme de 20.199,06 € au titre des 697 heures supplémentaires effectuées et non payées ;

CONDAMNER la société RAOUL à verser à Madame [O] [B] la somme de 21.000 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

CONDAMNER la société RAOUL à verser à Madame [O] [B] la somme de 441,49 € au titre du remboursement des frais téléphoniques engendrés ;

CONDAMNER la société RAOUL à verser à Madame [O] [B] la somme de 5.000 € au titre des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité ;

CONDAMNER la société RAOUL à verser à Madame [O] [B] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux entiers frais et dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 13 mars 2023, la société Raoul demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 dans toutes ses dispositions en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de sa demande relative à la condamnation de la SARL RAOUL à lui régler la somme de 20.199,06 euros au titre des heures supplémentaires, soit 697 heures ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de sa demande relative à la condamnation de la SARL RAOUL à lui régler la somme de 21.000 euros au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de sa demande relative à la condamnation de la SARL RAOUL à lui régler la somme 441,49 euros au titre des frais téléphoniques ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de sa demande relative à la condamnation de la SARL RAOUL à lui régler la somme 5.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaises conditions de travail ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a débouté Madame [O] [B] de sa demande relative à la condamnation de la SARL RAOUL à lui régler la somme 2.400 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 23 avril 2019 en ce qu'il a condamné Madame [O] [B] à verser à la SARL RAOUL la somme 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER Madame [B] à verser à la société RAOUL la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Madame [B] aux entiers dépens de l'instance. »

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 28 juin 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les heures supplémentaires

Mme [B] demande la somme de 20 199,06 € au titre des 697 heures supplémentaires effectuées et non payées ; la société Raoul s'oppose à cette demande.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [B] expose que :

- ses fiches de paie mentionnent qu'elle ne faisait chaque année que 1820 heures, soit 151 heures par mois, soit 35 heures par semaine (pièce salarié n° 11) ;

- elle communique l'ensemble des courriels démontrant ses heures d'arrivée et ses heures de départ pour chaque mois de chaque année (pièces salarié n° 1 à 8) ;

- ces relevés démontrent le nombre d'heures supplémentaires effectuées :

. 2014

novembre : 190,5 heures travaillées dont 39h supplémentaires non payées

. 2015

février : 175,25 heures travaillées soit 24h supplémentaires non payées

mars : 172,5 heures travaillées soit 21h supplémentaires non payées

juin : 182 heures travaillées soit 31h supplémentaires non payées

total : 76 heures supplémentaires non payées

. 2016

janvier : 171, 75 heures travaillées soit 16h supplémentaires non payées

février : 230,5 heures travaillées soit 79h supplémentaires non payées

mars : 226,25 heures travaillées soit 75h supplémentaires non payées

mai : 174,5 heures travaillées soit 23h supplémentaires non payées

juin : 202,75 heures travaillées soit 50h supplémentaires non payées

juillet : 168 heures travaillées soit 17h supplémentaires non payées

septembre : 233,75 heures travaillées soit 82h supplémentaires non payées

octobre : 183 heures travaillées soit 32h supplémentaires non payées

décembre : 171,25 heures travaillées soit 20h supplémentaires non payées

total : 394 heures supplémentaires non payées

. 2017

janvier : 192,5 heures travaillées soit 41h supplémentaires non payées

février : 168 heures travaillées soit 17h supplémentaires non payées

mars : 199 heures travaillées soit 48h supplémentaires non payées

juin : 172,75 heures travaillées soit 21h supplémentaires non payées

septembre : 184,75 heures travaillées soit 33h supplémentaires non payées

octobre : 179,25 heures travaillées soit 28h supplémentaires non payées

total : 188 h supplémentaires non payées entre novembre 2017 et le 26 octobre 2017 ;

- son salaire brut horaire est de 23,18 euros ; ce salaire sera majoré de 25% soit 28.98 euros ; 28,98 euros x 697 heures = 20 199,06 euros ;

- les attestations produites par l'employeur sont dépourvues de valeur probante en ce qu'elles émanent exclusivement de salariés en poste et donc sous pression de leur hiérarchie ;

- tous les salariés prétendent travailler de 9h30 à 18h30 avec deux heures de pause déjeuner ; ces deux prétendues heures de pause permettent de coller aux horaires de travail hebdomadaires ; en réalité, aucun des salariés ne prend deux heures pour déjeuner ;

- l'usage dans l'entreprise était de prendre une seule heure de pause déjeuner ;

- les prétendues consignes de l'entreprise s'agissant des horaires n'existent pas, il n'existe aucune clause contractuelle ou règlement intérieur et sont contredites par le courrier électronique de l'employeur du 3 comme elle l'a dit dans sa lettre de prise d'acte (pièce salarié n° 19) ;

- aucun témoignage ne vient contredire les horaires qu'elle invoque ;

- la société Raoul ne démontre pas qu'elle n'a pas réalisé les heures supplémentaires qu'elle invoque.

Mme [B] produit notamment les pièces précitées et a inséré son décompte dans les écritures étant précisé que les pièces salarié n° 1 à 8 comportent en début de chaque mois le décompte mensuel des heures de travail invoquées.

Mme [B] produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur.

En défense, la société Raoul expose que :

- dans sa requête devant le conseil de prud'hommes, Mme [B] sollicitait initialement la somme de 16 040,430 euros, correspondant à 553,50 heures supplémentaires sur la période de novembre 2014 à novembre 2017 (pièce employeur n° 34) ; dans ses conclusions du 11 juillet 2018, elle prétend finalement avoir effectué 697 heures supplémentaires sur la même période, et sollicite une demande de rappels de salaires de 20 199,06 euros bruts ; l'augmentation significative du nombre d'heures supplémentaires prétendument réalisées par la salariée (plus de 143 heures rajoutées) démontre l'absence de sérieux des décomptes présentés ;

- la demande est en partie prescrite ; elle est mal fondée ;

- son contrat de travail stipule qu'elle était soumise à l'horaire collectif en vigueur au sein de la société, soit 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures mensuelles de travail (pièce employeur n° 13) ;

- au cours des trois années passées au service de la société, elle n'a jamais émis la moindre réclamation au sujet du règlement de ses heures de travail, pas plus qu'elle n'a contesté le contenu de ses bulletins de paie, remis chaque mois, et mentionnant expressément le nombre d'heures de travail effectuées et rémunérées ;

- Mme [B] verse aux débats le premier et le dernier mail de certaines journées et prétend qu'il s'agit de son heure d'arrivée et de départ des locaux et que toutes les heures comprises entre ces deux mails auraient été travaillées de manière continue ;

- l'entreprise conteste que ces mails ont été envoyés lorsque celle-ci se trouvait sur son lieu de travail ; en outre le premier et le dernier mail d'une journée ne révèlent en aucun cas le nombre d'heures de travail effectif ;

- le décompte tel qu'il est réalisé par la salariée (premier mail/dernier mail) est hautement contestable car d'une part, il ne prend pas en compte les deux heures de pause journalières dont disposent les salariés, et d'autre part, l'heure d'arrivée précède de 15 minutes le premier mail et que l'heure de départ succède de 15 minutes le dernier mail ; ces seuls éléments conduisent à majorer le décompte litigieux de 1h30 par jour ; la majoration artificielle est de l'ordre de 603 heures supplémentaires ;

- l'entreprise justifie au contraire de l'horaire de travail auquel Mme [B] était soumise ;

- en effet, elle produit les attestations de salariés qui démontrent que la consigne de travail était d'effectuer 35 heures de travail hebdomadaires, que les horaires de travail étaient répartis de la manière suivante : du lundi au vendredi, de 09h30 à 18h30, avec deux heures de pause dans la journée, selon les convenances personnelles des salariés (pièces employeur n° 5, 7, 6, 3, 9, 30, 10 à 12) étant précisé que sur les dix salariés auteurs des attestations, sept d'entre eux exercent les mêmes fonctions que Mme [B] (M. [E], Mme [S], Mme [Y], M. [L], Mme [J], Mme [P] et Mme [Z]).

A l'appui de ses moyens, la société Raoul produit les pièces précitées.

A l'examen des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que Mme [B] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.

En effet, si Mme [B] produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour constate que les décomptes de Mme [B] rajoutent, sauf exception quand il y a une pièce qui indique l'heure exacte de départ de Mme [B] de l'entreprise (par exemple le 3 octobre 2017 à 14h45 et le 6 octobre 2017 à 17h00), 15 minutes de travail avant l'heure du premier courrier électronique invoqué et 15 minutes de travail après l'heure du dernier courrier électronique invoqué, et que seule une heure de pause est décomptée ; la cour retient cependant que la société Raoul démontre suffisamment la réalité des horaires de travail collectif de 9h30 à 18h30 du lundi au vendredi et de la pause de 2 heures dans la journée de travail qui contredit le décompte présenté par Mme [B].

Et c'est en vain que Mme [B] soutient que les attestations produites par l'employeur sont dépourvues de valeur probante en ce qu'elles émanent exclusivement de salariés en poste et donc sous pression de leur hiérarchie ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que rien ne permet de retenir la fausseté des attestations des salariés au seul motif qu'ils sont encore en poste étant ajouté que Mme [B] ne démontre par aucun commencement de preuve l'existence des pressions qu'elle allègue.

C'est aussi en vain que Mme [B] soutient que tous les salariés prétendent travailler de 9h30 à 18h30 avec deux heures de pause déjeuner ; que ces deux prétendues heures de pause permettent de coller aux horaires de travail hebdomadaires ; qu'en réalité, aucun des salariés ne prend deux heures pour déjeuner ; que l'usage dans l'entreprise était de prendre une seule heure de pause déjeuner ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que Mme [B] ne démontre aucunement l'usage qu'elle invoque ni n'apporte le moindre élément de preuve pour contredire les attestations des salariés que l'employeur produit.

C'est encore en vain que Mme [B] soutient que les prétendues consignes de l'entreprise s'agissant des horaires n'existent pas, qu'il n'existe aucune clause contractuelle ou règlement intérieur et qu'elles sont contredites par le courrier électronique de l'employeur du 3 comme elle l'a dit dans sa lettre de prise d'acte (pièce salarié n° 19) ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif d'une part que, s'il est exact que l'employeur a écrit à Mme [B] « Être procédurière ne t'empêche pas de répondre poliment à des messages SMS surtout quand, en tant que cadre tu n'es pas soumise à des horaires de bureaux. Partir à 18h me paraît très léger », cela ne contredit aucunement que Mme [B] était soumise aux horaires de travail collectif de 9h30 à 18h30, et au motif d'autre part que Mme [B] conteste l'existence des horaires de travail collectif par simple allégation sans produire le moindre élément de preuve pour contredire les attestations des salariés que l'employeur produit.

C'est enfin en vain que Mme [B] soutient qu'aucun témoignage ne vient contredire les horaires qu'elle invoque et que la société Raoul ne démontre pas qu'elle n'a pas réalisé les heures supplémentaires indiquées ; en effet à l'examen des éléments produits de part et d'autre, la cour a dit plus haut, avoir la conviction que Mme [B] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.

Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du Code du travail

Mme [B] demande la somme de 21 000 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; elle soutient qu'elle a démontré le bien fondé de ses demandes s'agissant des heures supplémentaires, son employeur ne pouvait pas l'ignorer puisqu'il connaissait parfaitement ses heures d'arrivée et de départ mais a sciemment refusé de régler ces heures en établissant des fiches de paie erronées.

En défense, la société Raoul s'oppose à cette demande.

Compte tenu de ce qui précède, la cour rejette la demande de Mme [B] formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de l'article L. 8223-1 du code du travail.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande formée au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur les dommages-intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité

Mme [B] demande la somme de 5 000 € au titre des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité ; elle soutient que :

- elle travaillait avec 8 autres salariés autour d'un seul bureau commun sans aucune intimité (pièce employeur n° 12) ;

- les salariés étaient confinés dans l'open space ;

- le réseau internet était souvent défectueux et il n'y avait pas de téléphone ;

- les témoignages à ce sujet, évoquant des locaux spacieux, sont parfaitement mensongers ;

- elle communique une photographie d'octobre 2018 démontrant la parfaite exiguïté des lieux et l'indignité des conditions de travail (pièce n° 16 - Photographie du 4 octobre 2018 et pièce n° 17 - Photographies relatives à la disposition de l'espace de travail).

En défense, la société Raoul s'oppose à cette demande et soutient que :

- Mme [B] a elle-même participé à la recherche de ces locaux (pièce employeur n° 8) ;

- les locaux de la société respectent bien l'ensemble des conditions prescrites par les dispositions légales et réglementaires ;

- les locaux de la société présentent une surface de 155 m² environ, composée d'une grande salle dotée de bureaux en « open space », favorisant le travail en équipe (indispensable à la réalisation des projets communs, inhérents à l'activité de la société), d'un grand bureau attenant, et de deux salles de réunion permettant aux salariés de s'isoler, de travailler au calme si besoin et de recevoir des rendez-vous (pièces employeur n° 1, 2 et 31) ;

- l'ensemble des salariés ayant travaillé dans ces locaux confirme également qu'ils offraient la possibilité de s'isoler dans des bureaux individuels, qu'ils étaient très agréables et confortables, et que les conditions de travail étaient très bonnes (pièces employeur n° 3 à 7 : attestations des salariés sur la configuration des locaux et les conditions de travail) ;

- dans son mail du 7 février 2017, Mme [B] écrit à la gérante : « si tu me cherches je suis dans la salle du fond », ce qui démontre bien que la salariée pouvait à loisir s'isoler dans d'autres salles pour travailler (pièce employeur n° 20).

L'article L. 4121-1 du code du travail dispose :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

L'article L. 4121-2 du code du travail dispose :

« L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : [']

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ».

L'article R. 4214-22 du code du travail dispose :

« Les dimensions des locaux de travail, notamment leur hauteur et leur surface, sont telles qu'elles permettent aux travailleurs d'exécuter leur tâche sans risque pour leur santé, leur sécurité ou leur bien-être.

L'espace libre au poste de travail, compte tenu du mobilier, est prévu pour que les travailleurs disposent d'une liberté de mouvement suffisante.

Lorsque, pour des raisons propres au poste de travail, ces dispositions ne peuvent être respectées, il est prévu un espace libre suffisant à proximité de ce poste ».

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que Mme [B] est mal fondée dans sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité ; en effet la cour retient que la société Raoul produit suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer que les conditions de travail dans les locaux de l'entreprise étaient normales.

Et c'est en vain que Mme [B] soutient qu'elle travaillait avec 8 autres salariés autour d'un seul bureau commun sans aucune intimité, que les salariés étaient bien confinés dans l'open space et qu'elle communique une photographie d'octobre 2018 démontrant la parfaite exiguïté des lieux et l'indignité des conditions de travail ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que la société Raoul démontre par les attestations qu'elle produit que les salariés pouvaient s'isoler et n'étaient pas contraints de rester toute la journée dans l'open space, que le seul fait de travailler dans un open space ne suffit pas à caractériser un manquement à l'obligation de sécurité sauf si l'open space est intrinsèquement un local dégradé, ce qui n'est ni démontré ni même soutenu ; en outre la photographie produit ne démontre pas « la parfaite exiguïté des lieux et l'indignité des conditions de travail » qui est au contraire contredites par les photographies produites sur les locaux de l'entreprise qui montrent leur bonne qualité manifeste.

C'est aussi en vain que Mme [B] soutient que le réseau internet était souvent défectueux et il n'y avait pas de téléphone fixe ; en effet, la cour retient que ces moyens ne sont pas de nature à caractériser une violation de l'obligation de sécurité.

C'est enfin en vain que Mme [B] soutient que les témoignages à ce sujet, évoquant des locaux spacieux, sont parfaitement mensongers ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que Mme [B] ne prouve pas le caractère mensonger des témoignages qu'elle met en cause.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de santé et de sécurité.

Sur le remboursement des frais professionnels

Mme [B] demande la somme de 441,49 € au titre du remboursement des frais téléphoniques et fait valoir, à l'appui de cette demande que :

- aucun portable ne lui a été fourni ;

- elle était contrainte de passer ses appels téléphoniques professionnels avec son téléphone portable personnel (pièce salarié n° 10) ;

- la proportion d'usage était 90% professionnel, 10 % personnel (pièces salarié n° 14, 13) ;

- entre décembre 2016 et novembre 2017, elle a réglé un total de facture téléphonique d'un montant de 490,54 euros ; il lui est dû : 490,54 x 90 % = 441,49 euros ;

- la société Raoul ne démontre pas qu'elle a remboursé les frais téléphoniques.

En défense, la société Raoul s'oppose à cette demande et fait valoir, à l'appui de sa contestation que :

- l'employeur a pour habitude de proposer aux salariés la mise à disposition d'un téléphone portable professionnel ; c'est d'ailleurs l'option privilégiée par la société, afin que l'entreprise reste l'interlocuteur premier des clients, et non pas le salarié en charge de son compte, afin d'éviter une appropriation de la clientèle par ce dernier ;

- Mme [B] a indiqué à l'employeur lors de son embauche qu'elle préférait utiliser son téléphone portable personnel pour les besoins de son activité professionnelle, car pour elle c'était plus simple de n'avoir qu'un seul téléphone plutôt que deux ;

- lorsque la gérante lui a proposé de participer à ses frais téléphoniques, Mme [B] lui a répondu que son forfait de téléphone était illimité et que par conséquent, elle n'aurait pas de coût lié à l'utilisation professionnelle de son téléphone portable personnel ;

- le caractère illimité du forfait de Mme [B] est d'ailleurs confirmé par les factures que cette dernière verse aux débats (pièce adverse n° 10) ;

- Mme [B] ne démontre en aucun cas avoir engagé des dépenses pour les besoins de son activité professionnelle.

L'article 5 du contrat de travail porte sur les frais professionnels et stipule que « les frais engagés par Madame [O] [B] dans l'exercice de ses fonctions seront, sur justificatifs, pris en charge ou remboursés aux conditions et selon les modalités en vigueur au sein de la Société, lesquelles pourront être éventuellement modifiées dans le temps sans que cela constitue une modification d'un élément essentiel du présent engagement. »

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [B] est mal fondée dans sa demande de remboursement des frais professionnels au motif qu'elle ne justifie pas avoir engagé des frais dans l'exercice de ses fonctions et notamment avoir souscrit l'abonnement litigieux pour l'exercice de ses fonctions ni avoir été contrainte de l'utiliser à des fins professionnelles.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débuté Mme [B] de sa demande de remboursement des frais professionnels.

Sur les autres demandes

La cour condamne Mme [B] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner Mme [B] à payer à la société Raoul la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne Mme [B] à payer à la société Raoul la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Condamne Mme [B] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 19/06498
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;19.06498 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award