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23/06/2023 | FRANCE | N°20/05222

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 23 juin 2023, 20/05222


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 23 Juin 2023



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05222 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHEM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 9 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/04220





APPELANTE

Société URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée

par Mme [Y] [G] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE

Madame [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334





COMPOSITION ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 23 Juin 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05222 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHEM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 9 Juillet 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/04220

APPELANTE

Société URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Mme [Y] [G] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Madame [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et M Gilles REVELLES Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

M Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 19 mai 2023 et prorogé au 23 juin 2023 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales du Centre-Val de Loire (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 9 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à [O] [B] (l'assurée).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'Urssaf a adressé le 15 décembre 2017 à l'assurée un appel de cotisation au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d'un montant de 32 418 euros au titre de l'année 2016. L'assurée a contesté la CSM par lettre du 22 décembre 2017. L'Urssaf a adressé à l'assurée une décision le 28 mars 2018 ramenant le montant de la cotisation à 32 252 euros et lui ouvrant les voies et délais de recours devant la commission de recours amiable (CRA). L'assurée a saisi la CRA le 27 juillet 2018. Faute de réponse dans le délai d'un mois, elle a formé un recours le 25 septembre 2018 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris à l'encontre la décision implicite de rejet. La CRA a rejeté ce recours le 13 décembre 2018. L'assurée a formé un recours à l'encontre de cette décision devant le tribunal de grande instance de Paris. Le premier dossier a été transmis au tribunal de grande instance de Paris le 1er janvier 2019, lequel est devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020.

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 9 juillet 2020, a :

- ordonné la jonction des deux recours ;

- annulé l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 adressé à l'assurée ;

- débouté l'Urssaf de l'intégralité de ses prétentions ;

- dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné l'Urssaf à supporter les éventuels dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article R. 380-4, section I, du code de la sécurité sociale, qui est clair, précis et sans équivoque, la cotisation au titre des revenus de l'année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017, sous réserve que ce jour n'ait pas été un jour ouvré ; qu'au cas d'espèce, l'appel de cotisation porte la date du 15 décembre 2017 ; qu'il est intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que cet appel ne respecte pas les dispositions de l'article précité qui sont d'ordre public et doivent être appliquées strictement ; que l'appel de cotisation est donc frappé de nullité absolue et doit être annulé ; qu'il importe peu que l'Urssaf dispose d'un délai de 3 ans pour recouvrer la créance, ce délai supposant que la cotisation ait été appelée dans le délai précité ; que l'article 114 du code de procédure civile ne s'applique qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extrajudiciaires tels qu'un appel à cotisation ; qu'il n'y avait pas lieu d'analyser les cinq autres moyens soulevés par l'assurée.

L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 3 août 2020, lequel lui avait été notifié le 16 juillet 2020.

L'Urssaf a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant à la cour de :

À titre principal,

- valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant ramené à 32 252 euros ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2020 n°18/042220 ;

- confirmer la décision de la CRA du 13 décembre 2018 ;

- rejeter toutes les demandes de l'assurée.

L'assurée a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour, au visa des articles L. 380-2, L. 160-1, D. 380-2, D. 380-5, R. 380-3 à R. 380-7, R. 112-2 et D. 213-1 du code de la sécurité sociale, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (modifiée) relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, de l'organisation territoriale des Urssaf du Centre et d'Île-de-France, de la circulaire interministérielle n° DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017, de l'article 1417 du code général des impôts, de :

- confirmer le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris le 9 juillet 2020 en ce qu'il :

« Annule l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 adressé à [l'assurée] » ;

Par conséquent,

À titre principal,

- prononcer la nullité de l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 en raison de la violation du délai imparti par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale à l'Urssaf pour appeler ladite cotisation ;

- prononcer la nullité de l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 pour défaut de compétence territoriale de l'Urssaf du Centre ;

- prononcer l'annulation de l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 en raison du non-respect du principe de non-rétroactivité des textes ;

- prononcer la nullité de l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 en raison de la violation de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

À titre subsidiaire,

- dire et juger que l'assiette de calcul du montant de la cotisation appelée est erronée ;

- dire et juger que l'Urssaf devra procéder à un nouveau calcul de la cotisation litigieuse sur la base du revenu fiscal de référence défini tel qu'indiqué ci-dessus ;

En tout état de cause,

- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 juillet 2020 en ce qu'il :

« Dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties et visées par le greffe à la date du 2 mars 2023 pour un exposé complet des prétentions et moyens développés oralement.

SUR CE :

- Sur le caractère tardif de l'appel de cotisation

La cotisante soutient que l'appel de cotisation pour l'année 2016, daté du 15 décembre 2017, est forclos pour être postérieur à la date du 30 novembre 2017, qui était celle à laquelle elle devait être appelée au plus tard en application du texte susvisé.

Pour s'opposer à ce moyen, l'Urssaf soutient que ce texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de la date limite qu'il énonce et que de surcroît, le cotisant n'a subi aucune conséquence puisque la date d'exigibilité de la cotisation a été logiquement décalée.

Selon l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass. Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).

Les développements de l'assurée sur la forclusion sont inopérants dans la mesure où une simple demande en paiement d'une cotisation légalement due n'est pas soumise à un délai de forclusion ou un délai préfix, le délai prévu par le texte en cause n'ayant pas pour fonction de sanctionner un comportement tardif de l'organisme de recouvrement lequel n'est tenu que par les délais de prescription du recouvrement.

Il s'ensuit que la circonstance selon laquelle l'appel de la cotisation en cause soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4.

Cette solution ne saurait porter atteinte au principe constitutionnel de sécurité juridique qui, selon l'assurée, exige le respect des délais par toutes les parties. En effet, le délai indicatif prévu par les textes, en lui-même, ne constitue pas une garantie des droits de l'assurée mais une simple indication pour l'organisme de recouvrement. En revanche, les délais de prescription du recouvrement des cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues constituent la sécurité juridique invoquée.

Au surplus, aucun préjudice n'est démontré par l'assurée du seul fait de l'appel tardif de cotisations auxquelles elle était tenue par la loi.

- Sur la compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisation

L'assurée fait valoir qu'elle réside à [Localité 5] et ne présente aucun lien de rattachement avec les territoires de compétence de l'Urssaf du Centre. Dans ces conditions, l'assurée soutient que, sauf à l'Urssaf d'Île-de-France à justifier d'une convention de délégation, l'Urssaf du Centre était incompétente.

S'appuyant sur les dispositions de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf oppose que par décision du directeur de l'Acoss, publiée au BOSS du 15 janvier 2018, a été approuvée la convention de mutualisation interrégionale aux fins de délégation du calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, parmi lesquelles figure la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée par cet article datée du 1er décembre 2017. Elle fait valoir que la publication de la décision du directeur de l'Acoss le 15 janvier 2018 n'a pas d'incidence sur la validité de l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 dès lors que cette convention a pris effet le 12 décembre 2017 après approbation par le directeur de l'Acoss soit avant le 15 décembre 2017. Elle rappelle que cette cour a déjà jugé dans ce sens par arrêt du 13 mai 2022 (RG 19/05255), ainsi que la cour d'appel de Versailles dans plusieurs arrêts du 21 avril 2022.

Aux termes de l'article L. 213-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, les unions de recouvrement, qui constituent des personnes morales distinctes, ont en charge le contrôle du recouvrement des cotisations et contributions sociales. Chacune d'elles exerce, en principe, cette compétence auprès des cotisants dont elle est chargée du recouvrement des cotisations, au sein d'une circonscription territoriale fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Une union de recouvrement peut cependant, sous certaines conditions, déléguer sa compétence.

Au cas particulier, il est établi par l'Urssaf l'existence d'une convention du 1er décembre 2017 relative à la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale qui stipulait notamment que :

- « Les Urssaf délégantes transfèrent à l'Urssaf délégataire l'ensemble des droits et obligations afférentes à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du CSS sur-le-champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du CSS » ;

- « L'Urssaf délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du CSS, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants. »

Cette convention de délégation a été approuvée le 11 décembre 2017 par le directeur de l'Acoss, cette décision d'approbation étant publiée au Bulletin Officiel le 15 janvier 2018 (BOSS).

C'est donc par un moyen inopérant que l'assurée soutient que l'Urssaf du Centre n'était pas compétente pour opérer le recouvrement de la cotisation en cause. En outre, dès lors que l'approbation précède le recouvrement auquel elle s'applique, la délégation de compétences aux fins de calcul et de recouvrement consentie par une union de recouvrement au profit d'une autre en application des dispositions des articles L. 122-7, L. 213-1, dernier alinéa, et D. 213-1-1 du code de la sécurité sociale emporte tant pour l'organisme délégant que pour l'organisme délégataire la faculté d'émettre un appel de cotisation.

- Sur le caractère rétroactif des textes réglementaires

L'assurée rappelle qu'un texte légal ou réglementaire ne peut pas être rétroactif, sauf si ce texte ou si un texte de valeur supérieure dans la hiérarchie des normes le prévoit expressément. Au cas particulier, l'assurée observe que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale a été institué par l'article 32 de la loi du 21 décembre 2015, que l'article D. 380-2 du code de la sécurité sociale qui le complète a été institué par le décret du 19 juillet 2016 et que les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 constituent une section au sein du décret intitulé « Dispositions relatives au recouvrement des cotisations mentionnées aux articles L. 380-2 et L. 380-3-1 ». Elle soutient qu'au regard de l'intitulé de la section de ce dernier décret et du contenu normatif de ce décret qui institue ou modifie profondément les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale et qui abroge les articles R. 380-8 et R. 380-9 du même code, ces textes sont essentiels à l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, lequel ne peut être lu et interprété que par référence aux dispositions des articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 qui n'indique pas être rétroactif.

L'Urssaf oppose d'une part que législateur a précisé dès l'origine les conditions pour être redevable de la cotisation et la nature des revenus entrant dans l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie, et d'autre part que le décret du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant l'appel de cotisation et son exigibilité. L'Urssaf ajoute que les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 ont uniquement précisé les modalités d'appel, de paiement, de recouvrement et de contrôle de la cotisation par la modification des articles R. 380-4 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale et sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, soit avant le premier appel de la CSM et la première exigibilité de cette cotisation.

Il y a lieu de rappeler qu'une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi.

Le sixième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, dispose que : « La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État ».

Le décret du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, publié au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017, a modifié à cette fin les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale, en prévoyant notamment que la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et qu'elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant, pour l'année 2016, première année d'assujettissement à cette cotisation, à la fin de l'année 2017, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret n°2016-976 du 19 juillet 2016.

Le moyen tiré de ce que l'appel pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l'année 2016 méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires est donc sans fondement.

Il s'ensuit que le moyen est inopérant et que les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en décembre 2017 au titre de l'assujettissement de l'assurée à la CSM pour l'année 2016.

- Sur la violation de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

L'assurée relève que l'appel de cotisation relatif à la CSM est rendu possible par la communication d'informations nominatives sur les contribuables par l'administration fiscale aux organismes sociaux. Si ce principe ne peut pas être contesté, selon l'assurée il n'en demeure pas moins que ce transfert de données doit être fait dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Au cas d'espèce, l'assurée soutient que cette communication de données personnelles s'est faite de toute évidence en violation des dispositions de cette loi en ce que le traitement de données à caractère personnel par une administration doit être préalablement autorisé par décret en Conseil d'État pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). En outre, l'assurée fait valoir que pour permettre le recouvrement de la CSM deux traitements de données personnelles devaient être mis en 'uvre et préalablement autorisés par décret après avis publié de la CNIL, d'une part un traitement automatisé de transfert de données personnelles par l'administration fiscale (DGFIP) à l'administration sociale (ACOSS) et d'autre part un traitement concernant l'utilisation par l'ACOSS des données reçues de la DGFIP. Or l'assurée relève que le décret autorisant le transfert de données par la DGFIP à l'ACOSS est paru le 26 mai 2018, c'est-à-dire après la mise en recouvrement de la CSM, de sorte que les données concernant les contribuables ont été communiquées de manière illégale par la DGFIP à l'ACOSS. Elle fait valoir également que les personnes concernées par la CSM n'ont à aucun moment été informées de la mise en 'uvre des traitements de données à caractère personnel les concernant en violation de l'article 32 de la loi de 1978. Enfin elle se fonde sur l'obligation générale d'information à l'égard des assurés qui pèse sur les organismes de sécurité sociale résultant de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale pour soutenir que l'Urssaf n'a pas respecté cette obligation en ce qui concerne la création de la CSM.

L'Urssaf réplique que les dispositions de l'article 27 de la loi informatique et libertés ont été respectées, le traitement des données à caractère personnel destiné au calcul de la CSM ayant été autorisé par décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 pris après avis motivé et publié de la CNIL du 26 octobre 2017. Il ressort des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 I du code de la sécurité sociale que l'administration fiscale communique aux Urssaf les données nécessaires au calcul de la CSM. Conformément à l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978, la CNIL a été saisie pour avis sur le projet de décret autorisant les traitements de données à caractère personnel et cette instance a autorisé la mise en 'uvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale en formant diverses précisions sur les catégories de données à caractère professionnel qui seront traitées et les destinataires des données. Eu égard à cet avis favorable, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation en cause a été mis en 'uvre par le décret du 3 novembre 2017 qui a autorisé le traitement par l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale et les Urssaf des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation, de sorte que le transfert de données entre la DGFIP et l'ACOSS est autorisé et que le traitement de ces données par l'ACOSS et les Urssaf pour le calcul de la CSM est également autorisé. Elle ajoute que cette communication de données personnelles ne contrevient pas aux dispositions de l'article 32 III de la loi Informatique et liberté. Elle rappelle que la Cour de cassation considère qu'en l'absence de demande de l'assurée, l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers ce dernier, ne leur impose ni de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels ni de porter à leur connaissance des textes officiels publiés au Journal Officiel. Elle fait valoir qu'en l'espèce elle a respecté son obligation d'information générale lors d'une campagne d'information menée en novembre 2017. Enfin elle fait valoir que si une atteinte à la loi informatique et libertés était avérée seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, laquelle ne saurait consister en une annulation de l'appel de cotisation.

Aux termes de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige, « sont autorisés par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'État, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes... »

La CNIL a été saisie et s'est prononcée sur le fondement de cet article.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret, publié le 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en 'uvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

La CNIL, notamment, a observé que l'article 1er-IV du projet de décret prévoyait que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :

« - les agents habilités de l'ACOSS ;

« - les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.

« Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »

La CNIL a également observé, sur « l'information et les droits des personnes », que :

« Le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées.

« La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en 'uvre par la DGIFP relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire.

« Elle rappelle toutefois que, si la DGIFP a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l'ACOSS devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en 'uvre. »

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 est venu ainsi autoriser le traitement par l'Acoss et les Urssaf des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la CSM et a mis à la charge de l'Acoss l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement mis en 'uvre. L'appel de cotisation critiqué ayant été notifié le 15 décembre 2017, les dispositions du décret du 24 mai 2018 ne trouvent pas à s'appliquer à l'espèce.

Ensuite, suivant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, notamment, « les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales ».

L'article R. 380-3 du code de la sécurité sociale dispose, notamment, que la CSM est « calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations ».

L'article D. 380-5 I du code de la sécurité sociale prévoit que « les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 ».

Il résulte de la combinaison de ces textes, à la lumière de la délibération de la CNIL, que sont autorisés le transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss, ainsi qu'un traitement de ces données par l'Acoss et les Urssaf pour le calcul de la CSM, de sorte que les dispositions de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ont bien été respectées.

Quant à l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement automatisé de transfert de leurs données fiscales résultant de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et de l'avis de la CNIL du 26 octobre 2017, il y a lieu de relever, que le site internet Urssaf.fr contient une telle information puisqu'il y est indiqué que les redevables sont identifiés « à partir des données transmises par l'administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l'impôt sur le revenu ». En revanche, si l'Urssaf soutient avoir mené une campagne d'information à cet égard et adressé des lettres circulaires au mois de novembre 2017 aux personnes concernées, aucune preuve d'envoi ou de réception n'est versée.

Néanmoins, si l'assurée invoque les dispositions de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale et l'obligation d'information générale des assurés et cotisants pesant sur les organismes de sécurité sociale, cette obligation ne saurait obliger les organismes de sécurité sociale de prendre l'initiative d'une information individuelle d'un cotisant alors que les droits auxquels celui-ci peut prétendre et qu'il allègue ignorer se déduisent de la mise en application d'une nouvelle loi.

De même, outre le fait que la transmission des données a été portée à la connaissance de l'assurée, en sa qualité de cotisante, par la publication de la loi ayant institué la CSM au Journal Officiel, loi que nul n'est censé dès lors ignorer, l'obligation d'information individuelle a été mise à la charge de l'Acoss et de la DGIFP, selon la CNIL, lesquelles ne sont pas parties à la présente instance, et non à la charge de l'Urssaf.

Enfin, l'appel à cotisation du 15 décembre 2017 mentionne que les revenus financiers ont été transmis par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et prévoit une procédure contradictoire en cas de contestation de la prise en compte des revenus par le cotisant. Dès lors, l'absence d'information personnalisée préalable ne saurait être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation régulièrement notifié, l'assurée ayant eu la possibilité de contester cette décision, ce qu'elle a fait en l'espèce.

La nullité de la cotisation subsidiaire maladie pour manquement à l'obligation d'information, que ne prévoit aucun texte mais seulement la délibération de la CNIL, ne saurait donc être encourue.

- Sur l'assiette de la CSM

L'assurée soutient que la CSM est assise sur les revenus du patrimoine et de placement, les BIC et BNC non professionnels, définis selon les modalités fixées pour le calcul du revenu fiscal de référence (article 1417 IV du code général des impôts) et sur l'ensemble des moyens d'existence et éléments de train de vie (avantages en nature et revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers) dont le bénéficiaire a disposé et qui n'ont pas été pris en compte pour déterminer le revenu fiscal de référence. Au regard des dispositions de l'article 1417, IV, du code général des impôts, l'assurée soutient que constituent donc l'assiette de la CSM, non pas le revenu fiscal de référence pris dans sa globalité mais uniquement les revenus patrimoniaux, de placement, BIC et BNC non professionnels déterminés en tenant compte, le cas échéant, des majorations qui doivent leur être appliquées et l'ensemble des moyens d'existence et éléments de train de vie non pris en compte dans le revenu fiscal de référence pour la fraction supérieure à 9 654 euros en 2016 et 9 807 euros en 2017. Elle ajoute que la référence au revenu fiscal de référence permet de retenir un revenu net, c'est-à-dire déduction faite de la CSG déductible. L'assurée en déduit que l'Urssaf doit procéder à un nouveau calcul de la CSM et émettre un appel de cotisation révisé.

L'Urssaf réplique que l'assurée ne produit aucun document remettant en cause le calcul de la CSM alors que la décision du service est très claire sur le décompte de cette cotisation. Elle explique que, s'agissant du régime de la micro-entreprise, tout travailleur indépendant bénéficiant du régime micro-fiscal relève automatiquement du régime micro-social prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Le micro-entrepreneur est imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des micro-BIC ou micro-BNC selon qu'il s'agit d'une activité commerciale, artisanale ou libérale, sur un bénéfice imposable déterminé par l'administration fiscale après application au chiffre d'affaires déclaré d'un abattement forfaitaire qui varie en fonction de l'activité exercée. Ainsi, le micro-entrepreneur règle les cotisations et contributions de sécurité sociale dues sur ce même bénéfice imposable déterminé après application de l'abattement forfaitaire sur les revenus d'activité professionnelles issus de son activité retenus après application de l'abattement forfaitaire de 71, 50 ou 34 % en fonction de l'activité exercée. Enfin, l'Urssaf soutient que dans la mesure où sont assujetties à la CSM les personnes n'ayant pas ou peu contribué au titre d'une activité professionnelle à la sécurité sociale, il n'est pas possible de retenir le chiffre d'affaires pour un micro-entrepreneur dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et précisément déterminées en appliquant un abattement forfaitaire à ce chiffre d'affaires de sorte que le moyen ne peut être que rejeté.

Il convient de constater que l'assurée développe les règles qui doivent être retenues pour déterminer l'assiette servant au calcul de la CSM, sans procéder pour autant à un calcul concret qui démontrerait que l'Urssaf a commis une erreur dans le calcul de la cotisation. Elle n'expose d'ailleurs pas quel est le revenu fiscal de référence qu'elle invoque et en quoi il serait différent de celui qui a été retenu par l'Urssaf sur la base des renseignements fournis par l'administration fiscale. Au surplus, il ne peut être observé qu'en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, l'assiette de la CSM due au titre de l'année N est celle du revenu fiscal de référence de la même année N figurant sur l'avis d'imposition de N+1, de sorte que la CSG déductible est bien déduite des revenus perçus l'année de son versement.

Le moyen de l'assurée ne peut donc pas prospérer.

Dans ces conditions, il s'ensuit que le jugement sera infirmé et l'appel de cotisation validé.

L'assurée succombant en appel sera condamnée aux dépens et sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

VALIDE l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant ramené à 32 252 euros ;

DÉBOUTE [O] [B] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [O] [B] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/05222
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;20.05222 ?
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