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23/06/2023 | FRANCE | N°20/04821

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 23 juin 2023, 20/04821


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 23 Juin 2023



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04821 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEYP



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/04074





APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

repré

sentée par Mme [I] [K] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIME

Monsieur [J] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 23 Juin 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04821 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEYP

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/04074

APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [I] [K] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [J] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 substitué par Me Charles DE CALBIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1668

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et M Gilles REVELLES Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

M Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,initialement prévu le 19 mai 2023 et prorogé au 23 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales du Centre-Val de Loire (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 16 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à [J] [F] (l'assuré).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'Urssaf a adressé le 15 décembre 2017 à l'assuré, producteur de cinéma, un appel de cotisations au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d'un montant de 8 262 euros au titre de l'année 2016. L'assuré a contesté la CSM par lettre du 18 janvier 2018. L'Urssaf a maintenu l'appel de cotisation par lettre du 20 avril 2018, reçue par l'assuré le 26 avril suivant. L'assuré a saisi la commission de recours amiable (CRA) le 15 juin 2018. La CRA a rejeté ce recours le 4 septembre 2018. L'assuré a formé un recours le 18 septembre 2018 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris à l'encontre de la décision de rejet. Une mise en demeure a été adressée à l'assuré le 19 avril 2019 pour le paiement de la somme de 8 262 euros au titre de la CSM.

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 16 juin 2020, a :

- annulé l'appel de cotisations adressé à l'assuré et daté du 15 décembre 2017 ;

- débouté l'Urssaf de l'intégralité de ses prétentions et notamment de sa demande reconventionnelle en paiement ;

- dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné l'Urssaf à supporter les éventuels dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article R. 380-4, section I, du code de la sécurité sociale, qui est clair, précis et sans équivoque, la cotisation au titre des revenus de l'année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017, sous réserve que ce jour n'ait pas été un jour ouvré ; qu'au cas d'espèce, l'appel de cotisations porte la date du 15 décembre 2017 ; qu'il est intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que cet appel ne respecte pas les dispositions de l'article précité qui sont d'ordre public et doivent être appliquées strictement ; que l'appel de cotisations est donc frappé de nullité absolue et doit être annulé ; qu'il importe peu que l'Urssaf dispose d'un délai de 3 ans pour recouvrer la créance, ce délai supposant que la cotisation ait été appelée dans le délai précité ; que l'article 114 du code de procédure civile ne s'applique qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extrajudiciaires tels qu'un appel à cotisation ; qu'il n'y avait pas lieu d'analyser les autres moyens soulevés par l'assuré.

L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2020, lequel lui avait été notifié le 26 juin 2020.

L'Urssaf a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant à la cour de :

À titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2020 n°18/04074 ;

À titre reconventionnel,

- condamner l'assuré au paiement dû de la CSM d'un montant de 8 262 euros ;

- valider la mise en demeure du 19 avril 2019 d'un montant de 8 262 euros au titre de la CSM 2016 ;

- valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant dû à 8 262 euros ;

- confirmer la décision de la CRA du 4 septembre 2018 ;

- rejeter toutes les demandes de l'assuré.

L'assuré a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour de le recevoir en ses demandes, fins et conclusions, et de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2020 en ce qu'il a annulé l'appel de cotisations du 15 décembre 2017 adressé à l'assuré et débouté l'Urssaf de l'intégralité de ses prétentions ;

En conséquence,

In limine litis,

- déclarer irrecevable l'appel des cotisations tardif du 15 décembre 2017 adressé à l'assuré ;

- annuler la décision de rejet rendue par la CRA le 4 septembre 2018 ;

À titre subsidiaire et au fond,

- annuler l'appel de cotisation maladie subsidiaire au titre de l'année 2016 du 15 décembre 2017 adressé à l'assuré comme étant inconstitutionnel ;

- annuler la décision de rejet rendu par la CRA le 4 septembre 2018 ;

À titre très subsidiaire,

- limiter toute éventuelle condamnation de l'assuré au paiement du seul capital de la cotisation, à savoir la somme de 8 262 euros ;

- juger que les condamnations ne seront pas assorties des intérêts au taux légal, ni de majorations, ni de pénalités de retard ;

- exonérer l'assuré du paiement de toutes sommes sollicitées par l'Urssaf, en sus du capital, telles que les majorations et ou pénalités de retard ;

En tout état de cause ;

- condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Urssaf aux entiers dépens ;

- dire que ceux d'appel seront recouvrés par maître Matthieu Boccon-Gibod, S.E.L.A.R.L. Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties et visées par le greffe à la date du 2 mars 2023 pour un exposé complet des prétentions et moyens développés oralement.

SUR CE :

- Sur le caractère tardif de l'appel de cotisation

Le cotisant soutient que l'appel de cotisation pour l'année 2016, daté du 15 décembre 2017, est irrecevable ou nul pour être postérieur à la date du 30 novembre 2017, qui était celle à laquelle elle devait être appelée au plus tard en application de l'article R. 380-4, I., du code de la sécurité sociale.

Pour s'opposer à ce moyen, l'Urssaf soutient que ce texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de la date limite qu'il énonce et que de surcroît, le cotisant n'a subi aucune conséquence puisque la date d'exigibilité de la cotisation a été logiquement décalée.

Selon l'article R. 380-4, I., du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass. Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).

Il s'ensuit que la circonstance selon laquelle l'appel de la cotisation en cause soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4.

Cette solution ne saurait porter atteinte aux principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité dans l'application de la loi qui, selon les conclusions de l'assuré, exigent précision et prévisibilité de la loi d'une part et respect des délais par les parties d'autre part, aucune sanction n'étant prévue au délai indicatif prévu par les textes qui, en lui-même, ne constitue pas une garantie des droits de l'assuré mais une simple indication pour l'organisme de recouvrement, les délais de prescription du recouvrement des cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues constituant en revanche cette garantie établissant la sécurité juridique et l'égalité dans l'application de la loi.

Au surplus, aucun préjudice n'est démontré par l'assuré du seul fait de l'appel tardif de cotisations auxquelles il était tenu par la loi.

- Sur le caractère non-rétroactif de la loi et l'annulation de l'appel de cotisations

L'assuré fait valoir que les textes réglementaires ayant vocation à préciser la loi sont apparus postérieurement à l'année 2017 et que ces textes n'étant pas rétroactifs l'Urssaf ne pouvait pas réclamer le paiement d'une somme au titre de l'année 2016 et 2017.

L'Urssaf oppose d'une part que législateur a précisé dès l'origine les conditions pour être redevable de la cotisation et la nature des revenus entrants dans l'assiette de la cotisation subsidiaire maladie, et d'autre part que le décret du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant l'appel de cotisation et leur exigibilité. L'Urssaf ajoute que les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 ont uniquement précisé les modalités d'appel, de paiement, de recouvrement et de contrôle de la cotisation par la modification des articles R. 380-4 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale et sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, soit avant le premier appel de la CSM et la première exigibilité de cette cotisation.

Il y a lieu de rappeler qu'une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi.

Le sixième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, dispose que : « La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État ».

Le décret du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, publié au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017, a modifié à cette fin les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale, en prévoyant notamment que la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et qu'elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant, pour l'année 2016, première année d'assujettissement à cette cotisation, à la fin de l'année 2017, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret n°2016-976 du 19 juillet 2016.

Le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires fixant les modalités d'application de l'article L. 380-2 et des articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l'année 2016 méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires est donc sans fondement.

Il s'ensuit que le moyen est inopérant et que les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l'assujettissement de l'assuré à la CSM pour l'année 2016.

- Sur le caractère inconstitutionnel de l'appel de cotisation

L'assuré observe que, dans sa décision sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n°2018-735 du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les premier et sixième alinéas de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et, sous une réserve d'interprétation, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa en précisant que, si l'absence de plafonnement n'est pas constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas une telle rupture. L'assuré soutient qu'un système de plafonnement n'a été introduit par la loi de financement de la sécurité sociale qu'à compter du 1er janvier 2019, de sorte que l'appel de cotisation intervenu avant cette date est inconstitutionnel et que le niveau d'abattement, le taux et l'absence de plafonnement, appliqués à l'appel de cotisation au titre de l'année 2016 entraînent une rupture d'égalité devant les charges sociales.

L'Urssaf réplique que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, et que les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale fixant les taux, assiette et modalités de calcul de la cotisation sont issus du décret n°2016-979 du 19 juillet 2016. Elle précise que la réserve du Conseil constitutionnel est d'interprétation « directive » sans rétroactivité et ne peut conduire à déclarer rétroactivement non conforme le décret susvisé. Elle soutient que la réserve s'adresse exclusivement à l'autorité réglementaire chargée de l'application de la loi et ne peut donc être invoquée par les justiciables. Elle ajoute que le Conseil d'État a déclaré légale la circulaire interministérielle DSS/5B/2017/322 du 15 novembre 2017 et donc conformes les dispositions réglementaires relatives à la CSM le 10 juillet 2019, ces dernières n'ayant d'ailleurs pas été prises uniquement en application de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel en 2018.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n°2015-1702 du 21 décembre 2015 a instauré la protection universelle maladie (Puma) en remplacement, à compter du 1er janvier 2016, de la couverture maladie universelle de base (CMU). Les personnes inactives ou dont les revenus professionnels étaient trop faibles pour être assujetties à un régime de sécurité sociale obligatoire étaient bénéficiaires de la Puma et par voie de conséquence assujetties, dès l'année 2016, et pour les années suivantes, à une nouvelle cotisation dénommée « cotisation subsidiaire maladie » (CSM).

Le premier alinéa de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, disposait que toute personne travaillant ou lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie en cas de maladie ou de maternité de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, disposait que :

« Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

« 1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

« 2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

« Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

« La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État.

« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales. »

Dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 portant sur la constitutionnalité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la CSM, le Conseil constitutionnel a pris la décision suivante :

« En ce qui concerne la première phrase du 1° et les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 :

« 14. En premier lieu, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article L. 380-2 et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine.

« 15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

« 16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se proposait.

« 17. En deuxième lieu, d'une part, s'il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d'un revenu d'activité professionnelle d'un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l'article L. 380-2, cette différence est inhérente à l'existence d'un seuil. En outre, en application du cinquième alinéa de l'article L. 380-2, lorsque les revenus d'activité sont inférieurs au seuil en deçà duquel une personne est soumise à la cotisation prévue par l'article L. 380-2 mais supérieure à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation assise sur les revenus du patrimoine fait l'objet d'un abattement croissant à proportion des revenus d'activité.

« 18. D'autre part, la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.

« 19. Enfin, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

« 20. En troisième lieu, la cotisation contestée n'entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.

« 21. Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi. »

Il en ressort que le Conseil constitutionnel a validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d'une disposition législative sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée et lient tant les autorités administratives que le juge pour l'application et l'interprétation de cette disposition.

Or, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, modifiés par le décret 2016-979 du 19 juillet 2016, fixent le taux de la cotisation et ses modalités, y compris des plafonds, même si est omis un plafond du montant total de la cotisation.

En effet, aux termes de l'article D. 380-1 :

« I.- Le montant de la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

« 1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

« Montant de la cotisation = 8 % × (A D)

« Où :

« A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

« D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

« 2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

« Montant de la cotisation = 8 % × (A D) × 2 × (1 - R / S)

« Où :

« R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

« S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

« II.- Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

« III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II. »

Et selon l'article D. 380-2, dans la même version applicable aux cotisations pour les revenus de l'année 2016 :

« I.- La cotisation due par les personnes mentionnées à l'article L. 380-3-1 au titre d'une année civile est calculée selon la formule définie au 1° du I de l'article D. 380-1, la valeur A correspondant alors à l'assiette des revenus définis au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 perçus au cours de la dernière année civile pour laquelle ces revenus sont connus.

« II.- Cette cotisation est due à compter de la date à laquelle la personne remplit les conditions énoncées au premier alinéa de l'article L. 380-3-1 et cesse d'être due à compter du lendemain de la date à laquelle elles ne sont plus remplies. Lorsque la période entre ces deux dates est inférieure à une année, le montant de la cotisation est calculé au prorata de la durée de cette période.

« III.- Les caisses primaires d'assurance maladie communiquent aux organismes chargés du recouvrement la liste des personnes redevables de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1. »

En conséquence, il résulte de ces modalités de calcul de la cotisation que contrairement à ce que soutient l'assuré, elles tiennent compte des revenus tirés des activités professionnelles et de ceux du patrimoine, de sorte qu'elles ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi, peu important que ces modalités soient fixées par décret et non dans la loi.

De même, contrairement à ce que soutient l'assuré, des plafonds sont prévus dans le calcul de la cotisation par les dispositions réglementaires, lesquelles ne sont pas intervenues seulement en 2019 en application de la réserve constitutionnelle mais ont été prises dès le 19 juillet 2016 en application de l'article jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, peu important que ces plafonds ne soient pas prévus par la loi et qu'il ne comporte pas un plafond du montant total de la cotisation. Ainsi, il ne peut pas être simplement soutenu que la cotisation prévue par la loi « devient possiblement confiscatoire » en l'absence de « plafond », ce qui est rectifié par le décret, sans démontrer par ailleurs que, dans le cas particulier de l'assuré, le calcul de la cotisation effectué sur la base des modalités réglementaires prévues en 2016 est effectivement confiscatoire en l'absence de plafond du montant total de la cotisation.

Les moyens de l'assuré visant l'annulation de l'appel de cotisation en raison de son inconstitutionnalité ne peuvent donc pas prospérer.

- Sur les majorations de retard

Aucune majoration de retard n'a été calculée et sollicitée par l'Urssaf, de sorte que la demande de l'assuré à ce titre est sans objet.

- Sur les demandes de l'Urssaf

Le jugement devant être infirmé en toutes ses dispositions et l'assuré ne critiquant pas l'appel de cotisation en son quantum, l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 pour la somme de 8 262 euros sera validé ainsi que la mise en demeure du 19 avril 2019 pour le même montant au titre de la CSM 2016. L'assuré sera condamné au paiement de la somme de 8 262 euros.

L'assuré succombant en appel sera condamné aux dépens et sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

VALIDE l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 8 262 euros ;

VALIDE la mise en demeure du 19 avril 2019 pour son montant de 8 262 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016 ;

CONDAMNE [J] [F] à payer à l'Urssaf Centre -Val de Loire la somme de 8 262 euros au titre de la CSM 2016 ;

DÉBOUTE [J] [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [J] [F] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04821
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;20.04821 ?
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