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23/06/2023 | FRANCE | N°20/04812

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 23 juin 2023, 20/04812


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 23 JUIN 2023



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04812 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEXU



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 juin 2020 par le pôle social du TJ de PARIS RG n° 18/04014





APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [

B] [T] en vertu d'un pouvoir spécial



INTIMÉE

Madame [M] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas SIDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R047, substitué par Me Laetitia GARCIA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04812 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEXU

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 juin 2020 par le pôle social du TJ de PARIS RG n° 18/04014

APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [B] [T] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE

Madame [M] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas SIDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R047, substitué par Me Laetitia GARCIA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre et de Monsieur Gilles BUFFET, conseiller, chargés de rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf du Centre Val de Loire contre un jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris, dans un litige l'opposant à Mme [M] [P].

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Il est rappelé que, par courrier du 15 décembre 2017, l'Urssaf du Centre Val de Loire (l'Urssaf) a adressé à Mme [P] un appel de cotisation d'un montant de 62.672 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) concernant les revenus du patrimoine 2016, exigible au 19 janvier 2018.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 31 mai 2018, doublé d'un courriel du 1er juin 2018, Mme [P] a contesté cet appel de cotisation, faisant valoir qu'il aurait été délivré tardivement.

Par retour de courriel, l'Urssaf a rejeté cette contestation.

Mme [P] a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf, laquelle a, par décision du 26 juillet 2018, rejeté son recours.

Mme [P] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris. A compter du 1er janvier 2019, le litige a été transféré au tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020.

Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal a annulé l'appel de cotisation adressé à Mme [P] du 15 décembre 2017, débouté l'Urssaf de l'intégralité de ses prétentions, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné l'Urssaf à supporter les éventuels dépens de l'instance.

Pour prononcer cette décision, le tribunal retient qu'en application de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale, la cotisation au titre des revenus de l'année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017 ; que l'appel de cotisation est daté du 15 décembre 2017 ; qu'il est donc intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que, ne respectant pas les dispositions d'ordre public de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale, l'appel de cotisation est nul.

Le jugement a été notifié à l'Urssaf le 26 juin 2020, laquelle en a interjeté appel par courrier recommandé avec avis de réception du 10 juillet 2020.

Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement par son représentant, l'Urssaf demande à la cour de :

- valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant dû de 62.672 euros de cotisations,

- infirmer le jugement déféré,

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 juillet 2018,

- rejeter toutes les demandes de Mme [P].

L'Urssaf fait valoir qu'elle a imputé le versement effectué par Mme [P] au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2016 en date du 27 décembre 2018 sur les sommes dues au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2017, par application des articles 1342-10 du code civil et L.133-4-11 du code de la sécurité sociale, dette la plus ancienne de Mme [P], ce qui a diminué le montant de la cotisation subsidiaire maladie 2017 à 3.578 euros ; qu'elle a ainsi préservé ses droits sans aller à l'encontre du jugement querellé; qu'aucune sanction n'est prévue en cas d'appel de cotisation tardif; que le seul effet du non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale est le report du délai au terme duquel la cotisation devient exigible ; que l'appel de cotisation ne constitue pas un acte administratif faisant grief à Mme [P] et ne peut donc être annulé ; que le non-respect de la date d'appel de cotisation prévue par l'article R.380-4 n'est sanctionné par aucune nullité, n'entraîne aucun préjudice pour Mme [P] tandis que l'Urssaf dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues ; que l'Urssaf du Centre Val de Loire était compétente territorialement pour adresser l'appel de cotisation litigieux; qu'il existe à cet égard une convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale conclue le 1er décembre 2017 entre l'Urssaf d'Ile de France et l'Urssaf du Centre Val de Loire qui autorisait cette dernière, par délégation, à appeler la cotisation litigieuse auprès d'une personne résidant en Ile de France; que cette convention a pris effet le 12 décembre 2017 après décision du 11 décembre 2017 du directeur de l'ACOSS, et était opposable à Mme [P] ; que le Conseil constitutionnel, par décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018, a estimé que l'existence d'un seuil d'assujettissement à la cotisation subsidiaire maladie ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant les charges publiques ; que la seule réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel est que le pouvoir réglementaire fixe les taux et modalités de détermination de l'assiette de la cotisation de façon que celle-ci n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que le Conseil constitutionnel n'a pas déclaré rétroactivement non conformes à la Constitution les dispositions réglementaires portées par le décret 2016-979 du 19 juillet 2016 ; que la réserve d'interprétation s'adresse exclusivement aux autorités de l'Etat et ne peut être invoquée par les justiciables, tandis qu'elle ne vaut que pour l'avenir ; que l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue des modifications adoptées par l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, ne s'applique qu'à compter des cotisations subsidiaires maladie dues au titre de l'année 2019 ; que Mme [P] ne peut donc se prévaloir de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel pour solliciter de la cour qu'elle écarte l'application des articles D.380-1 et D.380-2 du code de la sécurité sociale et prononce l'annulation de la cotisation subsidiaire maladie réclamée au titre de l'année 2016 ; que, pour être exonéré de la cotisation subsidiaire maladie, le cotisant doit avoir perçu une pension de retraite, une rente ou l'allocation chômage au cours de l'année en question, le statut de retraité n'étant pas suffisant; que la retraite de Mme [P] étant attribuée à compter du 1er mars 2018, elle remplissait les conditions pour être assujettie à la cotisation subsidiaire maladie au titre de l'année 2016; qu'enfin, l'assiette de la cotisation a été correctement calculée.

Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement par son avocat, Mme [P] demande à la cour de :

- déclarer l'Urssaf mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'appel de cotisation adressé le 15 décembre 2017 à Mme [P] par l'Urssaf,

- annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,

- annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 5 septembre 2018,

- annuler l'appel de cotisation au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016 adressé le 15 décembre 2017 à Mme [P] par l'Urssaf,

- ordonner le remboursement par l'Urssaf de la somme de 62.672 euros indûment versée par Mme [P] au titre de l'appel à cotisation concernant la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016,

- condamner l'Urssaf à payer à Mme [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Urssaf en tous les dépens.

Mme [P] fait valoir que l'Urssaf a imputé la somme réglée au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2016 sur le débit correspondant à l'appel de cotisation subsidiaire maladie 2017, et ce, malgré la décision rendue en première instance qu'elle a refusé d'exécuter; que l'appel de cotisation au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016 est intervenu hors du délai impératif de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale et doit donc être annulé ; que si les pouvoirs législatif et réglementaire ont entendu encadrer la mise en oeuvre du recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie par des délais, ceux-ci doivent être respectés par l'organisme gestionnaire ; que la cour de céans doit infléchir la jurisprudence en la matière définie par la Cour de cassation ; que les dispositions de l'article 114 du code civil, qui ne s'appliquent pas aux actes extra judiciaires comme un appel de cotisation, ne peuvent être invoquées par l'Urssaf ; que, par ailleurs, Mme [P] résidant à [Localité 4] ne relevait pas de la compétence géographique de l'Urssaf du Centre Val de Loire mais de l'Urssaf d'Ile de France ; que l'Urssaf ne démontre pas qu'une éventuelle convention de délégation au profit de l'Urssaf du Centre Val de Loire a été signée et publiée au BOSS avant le 15 décembre 2017, date à laquelle a été envoyé l'appel de cotisation litigieux ; que, dans sa décision du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré pour l'essentiel l'article L.380-2 du code la sécurité sociale conforme à la Constitution mais a émis une réserve d'interprétation sur le fait que la loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer certaines modalités d'assiette et le taux de prélevement de la cotisation subsidiaire maladie afin que cette cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que si, les modalités de calcul de la cotisation subsidiaire maladie au titre des revenus 2018 et des années suivantes ont été modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 en intégrant un mécanisme de dégressivité, en précisant que la cotisation demeurait assise sur le montant des revenus non professionnels, sans pour autant être calculée en proportion de leur montant, et en instituant un principe de plafonnement des revenus à prendre en compte dans le calcul de la cotisation, les personnes assujetties à cette cotisation au titre de leurs revenus des années 2016 et 2017 restent soumises aux anciennes dispositions qui n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution ; qu'en effet, avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le régime de la cotisation subsidiaire maladie consistait en un taux fixé à 8% des revenus patrimoniaux sans mécanisme de plafonnement, ce qui génèrait une rupture d'égalité devant les charges publiques pour les revenus 2016 et 2017 ; que le juge judiciaire, qui n'est pas lié par la juridiction administrative, doit appliquer la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel qui est d'application immédiate et concerne la cotisation litigieuse ; que les modalités de calcul qui ont été appliquées à Mme [P] au titre de ses revenus de l'année 2016 n'étant pas conformes à la Constitution, l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 doit être annulé.

Elle ajoute qu'à titre subsidiaire, les personnes percevant une pension de retraite ne sont pas redevables de la cotisation subsidiaire maladie ; que Mme [P] aurait dû percevoir une pension de retraite depuis 2015, laquelle l'exonérait de la cotisation; qu'en tout état de cause, l'assiette de calcul de la cotisation subsidiaire maladie litigieuse est erronée.

En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l'audience du 13 avril 2023 et soutenues oralement pour plus ample exposé de leurs moyens.

SUR CE :

- Sur la date d'appel de la cotisation :

Il résulte de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible. (2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-13.999, 2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-25.853, 2e Civ., 9 septembre 2021, pourvois n°20-16.913 et 20.16.915, 2e Civ., 9 décembre 2021, pourvoi n°20-18.976, 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n°20-17.872).

Mme [P] fait valoir que l'absence de sanction attachée au dépassement du délai de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale viderait ce texte de toute valeur et que si le pouvoir réglementaire a entendu encadrer la mise en oeuvre du recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie par des délais, c'est afin que l'organisme gestionnaire les respecte.

Cependant, il est observé que l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale n'édicte aucune sanction au non respect du délai qu'il fixe pour l'appel de la cotisation subsidiaire maladie, tandis que le non respect du délai n'est pas de nature à porter préjudice au cotisant, dès lors que la date d'exigibilité de la cotisation se trouve reportée, étant précisé que la cotisation subsidiaire maladie représente 'pour les personnes qui en sont redevables, des versements à caractère obligatoire constituant la contrepartie légale du bénéfice des prestations en nature qui leur sont servies par la branche maladie et maternité de la sécurité sociale' (C. constit. 27 septembre 2018,QPC n°18-735, points 9 et 10).

Par conséquent, c'est par une application erronée de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale que le tribunal a déclaré nul l'appel de cotisation émis le 15 décembre 2017 au titre de la cotisation subsidiaire maladie sur les revenus 2016, le seul retard dans son envoi n'ayant pas d'incidence sur son exigibilité.

- Sur la compétence de l'Urssaf Centre Val de Loire :

Aux termes de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Par décision du 11 décembre 2017 (production de l'Urssaf n°17), le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale a approuvé les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) aux fins de délégation du calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires conformément à la répartition figurant dans le tableau annexé à cette décision.

Le tableau annexé renvoit à une convention de centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale conclue notamment par l'Urssaf d'Ile de France, Urssaf délégante, avec l'Urssaf du Centre Val de Loire, Urssaf délégataire, le 1er décembre 2017.

Ainsi qu'en dispose expressément l'article L.122-7, la convention a pris effet le 12 décembre 2017, soit le lendemain de l'approbation du directeur de l'organisme national intervenue le 11 décembre 2017, la publication au bulletin officiel santé, protection sociale, solidarité du 15 janvier 2018 étant indifférente.

Par conséquent, l'Urssaf du Centre Val de Loire était compétente pour adresser, le 15 décembre 2017, à l'intéressée, qui résidait à [Localité 4], l'appel de cotisation litigieux.

- Sur l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques :

Selon l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré

ce texte conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, aux termes duquel la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Aux termes de l'article D.380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 :

I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)

Où :

A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

III.-Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en excès de pouvoir concernant une circulaire du 15 novembre 2017, a, par arrêt du 10 juillet 2019, n°417919, dit qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en-deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 861,60 euros en 2016, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 654 euros en 2016, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale aurait méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, non plus que les dispositions de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel.

Mme [P] ne donne aucun élément pour remettre en cause cette appréciation ni ne justifie concrètement en quoi, au regard de sa situation personnelle, l'absence de plafond dans la fixation de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016 serait susceptible de porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.

- Sur la situation de retraitée de Mme [P] :

Conformément à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles n'ont pas perçu de pension de retraite au cours de l'année considérée.

Si Mme [P] a sollicité l'allocation d'une pension vieillesse le 30 avril 2015, cette demande a été rejetée le 21 septembre 2016 (production appelante n°5). La CNAV ne lui a attribué une pension de retraite qu'à compter du 1er mars 2018 (production appelante n°6).

Par conséquent, n'ayant pas perçu de pension de retraite en 2016, elle ne remplissait pas les conditions pour être exonérée de la cotisation subsidiaire maladie concernant cette année.

- Sur le montant de la cotisation subsidiaire maladie :

Mme [P] reproche à l'Urssaf d'avoir pris en compte la case 2CA pour le calcul de la cotisation.

Mais l'Urssaf justifie du détail du calcul de la cotisation et que les frais et charges déductibles des revenus et capitaux mobiliers correspondant à la case 2CA ont été déduits du montant total de l'assiette correspondant aux revenus fonciers et aux revenus de valeurs et capitaux mobiliers.

Aussi, la contestation est sans portée.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, l'appel de cotisation subsidiaire maladie émis le 15 décembre 2017 pour un montant de 62.672 euros étant valable, étant précisé qu'il ne peut être reproché à l'Urssaf, qui n'a pas méconnu les termes du jugement, d'avoir imputé le versement de cette cotisation au paiement de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2017, qui restait due même si elle est contestée, l'Urssaf ayant fait une exacte application des articles 1342-10 du code civil et L.133-4-11 du code de la sécurité sociale.

- Sur les mesures accessoires :

Partie succombante, Mme [P] sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris ;

Statuant à nouveau,

DECLARE valable l'appel de cotisation subsidiaire maladie émis le 15 décembre 2017 pour un montant de 62.672 euros ;

DEBOUTE Mme [M] [P] de ses demandes ;

CONDAMNE Mme [M] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04812
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;20.04812 ?
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