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23/06/2023 | FRANCE | N°20/04764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 23 juin 2023, 20/04764


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 23 Juin 2023



(n° , 25 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04764 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEOH



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/02047





APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représ

entée par Mme [E] [S] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIME

Monsieur [N] [O]

Chez Madame [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Clément ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D04...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 23 Juin 2023

(n° , 25 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04764 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEOH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/02047

APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [E] [S] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [N] [O]

Chez Madame [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Clément ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0427

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et M Gilles REVELLES Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

M Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,initialement prévu le 19 mai 2023 et prorogé au 23 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par L'URSSAF Centre Val de Loire (l'URSSAF) d'un jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à M. [N] [O].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que

par courrier du 15 décembre 2017, l'URSSAF a adressé à M. [O] un appel de cotisation au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d'un montant de 6 174 euros au titre de l'année 2016; que M. [O] a contesté cet appel mais a réglé la totalité de la cotisation ; que la commission de recours amiable saisie par M. [O] a le 26 avril 2018 rejeté son recours ; que le 11 mai 2018, M. [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du litige.

Par jugement en date du 16 juin 2020 le tribunal a :

- annulé l'appel de cotisations adressé à M. [N] [O] daté du 15 décembre 2017 ;

- débouté l'URSSAF de l'intégralité de ses prétentions et ntoamment de sa demande reconventionnelle en paiement ;

- condamné l'URSSAF à rembourser à M. [O] la somme de 6 174 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018 ;

- dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné l'URSSAF à supporter les éventuels dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale a retenu que ce texte est clair, précis et sans équivoque ; qu'il en découle que la cotisation au titre des revenus de l'année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017, sous réserve que ce jour n'ait pas été un jour ouvré ; que l'appel de cotisation porte la date du 15 décembre 2017 ; qu'il est donc intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que cet appel de cotisation ne respecte pas les dispositions susvisées, qui sont d'ordre public et qui doivent être appliquées strictement ; que l'appel de cotisation est frappé d'une nullité absolue ; qu'il importe peu que l'URSSAF dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer la créance ; que l'article 114 du code de procédure civile ne s'applique qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extrajudiciaires tel qu'un appel à cotisation.

L'URSSAF a le 10 juillet 2020 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 juin 2020.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour, de :

- infirmer le jugement déféré ;

- valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant dû à 6 174 euros ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 avril 2018 notifiée au cotisant le 25 mai 2018 ;

- rejeter toutes les demandes de M. [O].

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, M. [N] [O] demande à la cour, de :

- confirmer le jugement du 16 juin 2020 du tribunal judiciaire de Paris qui a annulé l'appel de cotisation adressé en date du 15 décembre 2017 et condamné l'URSSAF à lui rembourser la somme de 6 174 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018, en toutes ses dispositions ;

- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 2 mars 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

- Sur le caractère tardif de l'appel de cotisation :

L'URSSAF soutient en substance que si l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale prévoit un appel de la cotisation ' au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due', nulle sanction n'est expressément prévue ; qu'il s'ensuit que nulle forclusion, nulle péremption ne peut être envisagée afin de sanctionner un appel tardif ; que la Cour de cassation considère le report du ' délai au terme duquel la cotisation devient exigible' comme le seul effet du non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article susvisé ; que le non respect de la date d'appel de cotisation n'est sanctionné par aucune nullité et ne saurait entacher d'illégalité la procédure de recouvrement, ce retard n'affectant que la date d'exigibilité qui se voit repoussée ; que cela n'entraîne aucun préjudice pour le cotisant et l'URSSAF dispose d'un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues.

M. [O] réplique en substance que la cotisation litigieuse étant appelée après la date impérative prévue par l'article R.380-4 du code de la sécurité sociale, ce retard justifie l'annulation de l'appel de cotisation ; que les dispositions de cet article sont claires, l'appel de la CSM ayant été limité dans le temps, le texte mentionnant expressément une date ' au plus tard' ; que l'appel de cotisation a été émis et adressé en méconnaissance des dispositions impératives de l'article susvisé, après la date ' au plus tard' prévue par le texte; que l'invocation des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile est inopérante, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un acte de procédure ; qu'au-delà du 30 novembre 2017, l'URSSAF n'était plus en droit d'appeler la CSM sur ses revenus de 2016.

Selon l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass. Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).

Il s'ensuit que la circonstance selon laquelle l'appel de la cotisation en cause soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale et ne saurait entraîner la nullité de l'appel de cotisation contrairement à ce que le tribunal a retenu.

- Sur la compétence de l'URSSAF Centre Val de Loire :

L'URSSAF soutient en substance qu'une décision du 11 décembre 2017 du directeur de l'ACOSS, publiée au BO Santé-Protection sociale-Solidarité n°2017/12 du 15 janvier 2018, prise au visa des articles L.122-7, L.380-2 et R.380-3 du code de la sécurité sociale approuve ' les convention de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales ( URSSAF) aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires conformément à la répartition figurant dans le tableau annexé à la présente décision' ; que parmi ces conventions figure une convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale datée du 1er décembre 2017 entre l'URSSAF Ile de France et l'URSSAF Centre Val de Loire ; que l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 a donc été adressé par l'URSSAF territorialement compétente par voie de délégation.

Elle ajoute que le fait que la décision du 11 décembre 2017 du directeur de l'ACCOS ait été publiée au BO Santé-Protection sociale-Solidarité n°2017/12 du 15 janvier 2018 n'a pas d'incidence sur la validité des appels de cotisation du 15 décembre 2017; que la convention précitée a eu égard aux dispositions de l'article L.122-7 du code de la sécurité sociale, pris effet le 12 décembre 2017 après approbation par le directeur de l'ACOSS, soit antérieurement aux appels de cotisations datés du 15 décembre 2017.

M. [O] réplique en substance que l'appel de cotisation émane de l'URSSAF du Centre Val de Loire qui n'avait pas compétence pour procéder au recouvrement de la cotisation, étant pour sa part domicilié à [Localité 5], de sorte qu'il appartenait à l'URSSAF d'Ile-de-France de mettre en oeuvre le recouvrement de la cotisation litigieuse ; qu'à la date du 15 décembre 2017 aucune délégation de compétence n'avait été publiée ; que la délégation de compétence n'a été publiée que le 15 janvier 2018, soit postérieurement à l'appel de cotisation litigieux ; que l'appel de cotisation a donc été émis par une autorité qui n'avait pas compétence ou sur la base d'une délégation de compétence non publiée et partant, inopposable, ce qui justifie son annulation.

L'alinéa 1 de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en 2016, dispose que : 'Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.'

Aux termes de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, 'Les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat.

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.'

L'alinéa 1 de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016, prévoit que :

'Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.'

En l'espèce, la 'convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale' ( pièce n° 17 des productions de l'URSSAF) , a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs de l'URSSAF d'Ile-de-France et de l'URSSAF du Centre Val de Loire ainsi que par les agents comptables de ces URSSAF.

Elle stipule que 'la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'Acoss et conclue pour une durée indéterminée'.

En outre, par décision du 11 décembre 2017 prise par le directeur de l'ACOSS en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, 'sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale ( URSSAF) aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision.'

Le tableau annexé précise que l'URSSAF Ile-de-France est 'URSSAF délégante' et l'URSSAF Centre, devenue l'URSSAF Centre Val de Loire, est 'URSSAF délégataire' de la première

( pièce n° 16 des productions de l'URSSAF).

Aux termes de l'article 1 du code civil,

' Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures.

En cas d'urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l'ordonne par une disposition spéciale.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels.'

Cette décision du 11 décembre 2017 n'est ni une loi ni un acte administratif publié au Journal officiel. Elle n'a été publiée qu'au bulletin officiel santé, protection sociale, solidarité le 15 janvier 2018.

Elle concerne les relations entre deux organismes publics, est destinée à la mise en oeuvre de leurs prérogatives de puissance publique et est donc d'application immédiate.

L'URSSAF du Centre Val de Loire est donc territorialement compétente et a été régulièrement désignée pour le recouvrement de la CSM.

L'appel de cotisation reçu par M. [O] étant daté du 15 décembre 2017, soit postérieurement à la décision du 11 décembre 2017, l'URSSAF Centre Val de Loire avait bien reçu délégation pour calculer, appeler et recouvrer la CSM au jour de l'appel de cotisation.

Le moyen de M. [O] tiré de l'incompétence de l'URSSAF Centre Val de Loire est dès lors inopérant.

- Sur la transmission des données :

L'URSSAF soutient en substance que par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret publié au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale ; que l'avis de la CNIL du 26 octobre 2017 a pour vocation de protéger les redevables de la CSM d'une utilisation abusive de leur données à caractère personnel et n'a pas vocation à décider des règles de compétence territoriale des URSSAF ; qu'au surplus le cotisant se méprend sur le contenu de l'avis de la CNIL s'agissant des 'organismes (...) territorialement compétents' qui ne désigne pas l'URSSAF du lieu de résidence du cotisant mais désigne suite aux conventions de mutualisation, les organismes territorialement compétents par voie de délégation, soit l'URSSAF du Centre Val de Loire ; qu'eu égard à cet avis favorable, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale a été mis en oeuvre par décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 qui autorise le traitement par l'ACOSS et les URSSAF des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation ; que sont bien autorisés un transfert de données entre la DGFIP et l'ACOSS, un traitement de ces données par l'ACOSS et les URSSAF pour le calcul de la CSM ; que les dispositions de l'article 27 de la loi informatique et libertés ont donc été respectées ; qu'il ressort de l'article 32 III de ladite loi qu'en cas de communication de données à caractère personnel recueillies auparavant à des tiers, une information de la personnne concernée doit etre réalisée au plus tard lors de cette première communication ; que le site internet Urssaf.fr contient cette information ; qu'elle a respecté son obligation d'information générale des assurés sociaux concernant la CSM, conformément à l'article R.112-2 du code de la sécurité sociale, une campagne d'information ayant été menée auprès des personnes concernées au mois de novembre 2017 ; que le cotisant ne peut arguer ne pas avoir été informé des transferts de données entre l'administration fiscale et l'URSSAF pour solliciter l'annulation de l'appel de cotisation ; que si une atteinte à la loi informatique et libertés était avérée, seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, qui ne saurait consister en une annulation de l'appel de cotisation.

M. [O] réplique en substance que l'appel de cotisation a été établi sur la base d'informations fiscales dont l'URSSAF du Centre Val de Loire n'était pas en droit de disposer, qu'en effet la CNIL a par une délibération du 26 octobre 2017 n° 2017-279 précisé sur les destinataires des données que s'agissant des organismes mentionnés aux articles L.213-1 et L.752-2 du code de la sécurité sociale ' la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisations pour lesquels ils sont territorialement compétents' ; que cette délibération n'a pas été respectée puisque l'URSSAF Centre Val de Loire s'est vue transmettre des données personnelles le concernant alors qu'elle n'était pas territorialement compétente. Il ajoute qu'aucune information ne lui a été communiquée s'agissant de la transmission de ses données fiscales à l'organisme ayant procédé au recouvrement de la cotisation, en méconnaissance de l'avis de la CNIL et des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés alors applicable et de l'exigence de traitement loyal des données personnelles prévue par le droit de l'Union européenne ; que l'URSSAF ne produit aucun élément sur l'obligation d'information ; que c'est sur la base d'un traitement de données personnelles illicite que l'appel de cotisation litigieux a été émis et adressé; que la protection des données à caractère personnel constitue un droit fondamental, reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000

( article 8) qui est juridiquement contraignante et peut être invoqué ; que l'appel de cotisation a été émis par une autorité incompétente sur la base de données personnelles que cette dernière n'était pas en droit de détenir et sans qu'il ne soit régulièrement informé de la communication de ses données personnelles.

Aux termes du septième alinéa de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, 'Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.'

Le premier alinéa de l'article D. 380-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret 2016-979 du 19 juillet 2016, ajoute que :

'I.-Les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1.'

La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) a été saisie pour 'avis sur un projet de décret autorisant la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale (demande d'avis n° 17012620).'

Dans sa délibération 2017-279 du 26 octobre 2017, la CNIL a observé notamment :

' Sur les destinataires des données :

L'article 1er-IV du projet de décret prévoit que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :

- les agents habilités de l'ACOSS ;

- les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du CSS en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.

Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement.

- Sur l'information et les droits des personnes :

Le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées.

La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en euvre par la DGFIP relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire.

Elle rappelle toutefois que, si la DGFIP a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l'ACOSS devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en euvre.'

L'article 27 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés prévoit que :

' I.-Sont autorisés par décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

1° Sous réserve du I bis de l'article 22 et du 9° du I de l'article 25, les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques ;'

L'article 32 de ladite loi dispose que :

'III.-Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.'

Dans son arrêt C-201/14 du 1er octobre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que ' Il s'ensuit que l'exigence de traitement loyal des données personnelles prévue à l'article 6 de la directive 95/46 oblige une administration publique à informer les personnes concernées de la transmission de ces données à une autre administration publique en vue de leur traitement par cette dernière en sa qualité de destinataire desdites données'.

Il convient de retenir que l'URSSAF Centre Val de Loire est l'organisme destinataire des données concernant le cotisant pour lequel il est territorialement compétent par l'effet de la délégation de compétence susvisée et est donc en droit de disposer des informations fiscales de M. [O].

Par ailleurs, outre le fait que la transmission des données a été portée à la connaissance des intéressés par la publication de la loi ayant institué la cotisation subsidiaire maladie au Journal officiel, que nul n'est censé ignorer, l'obligation d'information a été mise à la charge de l'ACOSS, qui n'est pas partie à la présente instance, par la CNIL.

Enfin, l' absence d'information personnalisée, ou dont l'URSSAF ne peut justifier ni de l'envoi ni de la réception par M. [O], ne saurait être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation régulièrement notifié, le cotisant ayant eu la possibilité de contester cette décision, et en ayant usé, et de se voir communiquer l'ensemble des pièces.

Les demandes de M. [O] de ce chef seront ainsi rejetées.

- Sur le caractère rétroactif des textes réglementaires :

L'URSSAF soutient en substance que le législateur a précisé dès l'origine du texte, les conditions pour être redevable de la cotisation, ainsi que la nature des revenus entrant dans l'assiette de la CSM ; que les dispositions de l'article L.380-2 du code de la sécurité sociale se suffisaient à elles-mêmes ; que le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant l'appel de cotisation et l'exigibilité; que les articles 7 et 8 du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 ont uniquement précisé les modalités d'appel, de paiement, de recouvrement et de contrôle de la cotisation par la modification des articles R.380-4 à R.380-7 du code de la sécurité sociale et sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, soit avant le premier appel de cotisation subsidiaire maladie et la première exigibilité de la cotisation ; que M. [O] est mal fondé à invoquer une prétendue rétroactivité des dispositions réglementaires susvisées pour solliciter l'annulation de son appel de cotisation subsidiaire maladie.

M. [O] réplique que les textes réglementaires destinés à préciser et à permettre l'application de l'article 32 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, sont parus au cours des années 2016 ( article D.380-2 du code de la sécurité sociale issu du décret n°2016-979 du 19 juillet 2016) et 2017 ( décret n°2017-736 du 3 mai 2017) ; que n'étant pas rétroactifs, il ne permettaient pas l'URSSAF de réclamer le paiement d'une somme à titre de contribution au régime de sécurité sociale pour 2016.

Il y a lieu de rappeler qu'une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d'un décret, à la date d'entrée en vigueur de cette loi.

Le sixième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, dispose que : « La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État'».

Le décret n°2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit avant l'appel de cotisation; il permet au cotisant d'avoir connaissance des modalités de calcul de la cotisation et n'a pas de caractère rétroactif dès lors que la première cotisation n'a été appelée qu'en décembre 2017.

Le décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie, publié au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017, a modifié à cette fin les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale, en prévoyant notamment que la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et qu'elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant, pour l'année 2016, première année d'assujettissement à cette cotisation, à la fin de l'année 2017, sans comporter aucun élément relatif à l'assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret n°2016-976 du 19 juillet 2016.

Les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l'assujettissement de l'assuré à la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016.

En conséquence le moyen tiré de ce que les dispositions pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l'année 2016 méconnaîtraient le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires est sans fondement.

Par suite, par infirmation du jugement déféré, il convient de valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant dû de 6 174 euros.

- Sur les autres demandes :

M. [O] succombant en appel, comme tel tenu aux dépens, sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

VALIDE l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 adressé à M. [N] [O] pour son montant dû de 6 174 euros ;

DEBOUTE M. [N] [O] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [N] [O] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/04764
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;20.04764 ?
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