RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 23 JUIN 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08042 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CALN7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/03867
APPELANTE
Société [5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [B] [K] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Monsieur Gilles BUFFET, conseiller
Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.R.L. [5] (la société) d'un jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la S.A.R.L. [5] a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 12 septembre 2017 à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris ayant rejeté sa demande de lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime M. [U] [P], (l'assuré) son salarié, le 10 avril 2007 et de la rechute du 6 janvier 2009.
Par jugement en date du 17 juin 2019, le tribunal a :
déclaré prescrite l'action de la S.A.R.L. [5] tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, de l'accident dont aurait été victime M. [U] [P], son salarié, le 10 avril 2007 ;
mis les dépens à la charge de la S.A.R.L. [5].
Le tribunal a retenu que la société avait reconnu avoir été destinataire d'un courrier adressé par la caisse le 19 février 2009 lui notifiant la fin de l'instruction de l'accident en cause et la date à laquelle elle prendrait sa décision. Il en a déduit que la société ne pouvait ignorer la décision prise. La société a été informée de la prise en charge de l'accident par la réception de son relevé de compte employeur, qu'elle ne conteste pas avoir reçu, et du fait de la saisine de la commission de recours amiable le 23 décembre 2011 aux fins de déclaration d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident, ce dont il ne résultait pas d'interruption de la prescription mais la connaissance de la décision prise par la caisse.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 26 juin 2019 à la S.A.R.L. [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 24 juillet 2019.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, la S.A.R.L. [5] demande à la cour de :
la recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;
infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 17 juin 2019 en toutes ses dispositions ;
et statuant à nouveau :
déclarer recevable et non prescrite la saisine du tribunal de première instance par la S.A.R.L. [5] en vue de se voir déclarer inopposable la prise en charge de l'accident de M. [U] [P] ainsi que la rechute qui y a été rattachée ;
renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire afin qu'elle soit jugée sur le fond ;
débouter la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la S.A.R.L. [5].
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis demande à la cour de :
confirmer le jugement rendu le 17 juin 2019 en toute ses dispositions ;
y ajoutant :
dire la demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de la rechute du 6 janvier 2009 formée par la S.A.R.L. [5] irrecevable pour cause de prescription ;
condamner la S.A.R.L. [5] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 9 mai 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE
Sur la prescription
L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il résulte des dispositions combinées des articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que ni l'indépendance des rapports entre, d'une part, la caisse et la victime et d'autre part, la caisse et l'employeur, ni le particularisme du recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute ne justifient que ce recours ne puisse constituer une action et que, dès lors, il ne soit pas soumis à un délai de prescription ; qu'il y a lieu, en conséquence, de considérer qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.
Il convient de déterminer à compter de quel jour la société a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action aux fins d'inopposabilité. La saisine de la commission de recours amiable ne pouvant être assimilée à la saisine d'une juridiction, le délai de prescription n'est pas suspendu durant l'intervalle entre la saisine et la décision.
En l'espèce, la société a saisi le 23 décembre 2011 la commission de recours amiable d'un recours à l'encontre des décisions de la caisse de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 10 avril 2007 et puis la rechute déclarée le 6 janvier 2009. Il s'en déduit que la société avait connaissance à la date de la saisine des décisions querellées. Le délai de prescription quinquennal a commencé à courir à compter de la date d'entrée en vigueur de l'article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 entrant en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel, soit le 19 juin 2008.
La saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale étant datée du 6 septembre 2017, le délai de prescription de la contestation de l'accident était donc expiré depuis le 23 décembre 2016 et le délai de prescription de la contestation de la rechute était expiré depuis le 6 janvier 2014.
Le jugement déféré sera donc confirmé, la cour y ajoutant l'irrecevabilité de la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la rechute du 6 janvier 2009.
La S.A.R.L. [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'appel de la S.A.R.L. [5] ;
CONFIRME le jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant ;
DÉCLARE irrecevable la demande d'inopposabilité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis de prendre en charge la rechute déclarée par M. [U] [P] le 6 janvier 2009 ;
CONDAMNE la S.A.R.L. [5] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la S.A.R.L. [5] aux dépens.
La greffière Le président