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23/06/2023 | FRANCE | N°19/06689

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 23 juin 2023, 19/06689


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 23 JUIN 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06689 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADGZ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00606



APPELANTE

SA [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat

au barreau de PARIS, toque : C2510



INTIMÉE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ISÈRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS



COMPOSITIO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06689 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADGZ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00606

APPELANTE

SA [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510

INTIMÉE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ISÈRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller pour Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, légitimement empêchée et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 27 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il convient de rappeler que Mme [W] [X], salariée de la société [5] (la société) en qualité d'ouvrier qualifié, a déclaré qu'elle avait été victime d'un accident du travail survenu le 2 novembre 2017 à 10 heures; que la déclaration d'accident du travail remplie par son employeur le 3 novembre 2017 mentionne que la salariée "selon ses dires, en prenant un drap dans un bac aurait ressenti une douleur au dos", le siège et la nature des lésions mentionnés étant "bas du dos côté droit" et "douleur" ; que la déclaration d'accident du travail indique que l'accident a été connu le 2 novembre 2017 à 11 heures 30 par les préposés de l'employeur, la première personne avisée étant [V] [T] ; qu'à la déclaration d'accident du travail était jointe une lettre de réserve de l'employeur qui relevait l'absence de témoin, que les circonstances de survenance de l'accident étaient imprécises : le 2 novembre 2017, la salariée ayant interpellé son responsable, M. [T], afin de lui indiquer que, le 31 octobre, elle avait eu mal au dos sans invoquer la survenance d'un fait accidentel et que le 3 novembre, elle s'était présentée au chef de production, M. [S], afin de faire une déclaration d'accident du travail au motif que la veille, elle aurait ressenti une douleur au dos en prenant un drap dans un bac ; que le certificat médical initial établi le 3 novembre 2017 fait état d'une "lombosciatique L5 S1 D" ; que, par décision du 25 janvier 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) a pris en charge l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels ; que, par courrier du 22 mars 2018, la société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse ; que, par décision du 11 juillet 2018, la commission de recours amiable a confirmé la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle; qu'antérieurement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juin 2018, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny afin de contester la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable ; que, le 1er janvier 2019, le contentieux traité par ce tribunal a été transféré au tribunal de grande instance de Bobigny ; que, par jugement du 27 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a déclaré la société recevable mais mal fondée en son recours, dit que la décision de la caisse de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 3 novembre 2017 au préjudice de la salariée est opposable à la société, dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens et rejeté toutes demandes plus amples ou contraires; que, pour statuer ainsi, le tribunal retient que la description de l'accident, le siège et la nature de la lésion figurant sur la déclaration d'accident correspondent exactement au travail confié à la salariée le 2 novembre 2017, que l'employeur a été informé de la survenance de l'accident le jour même à 11 heures 30, que les constatations médicales de la lésion datent du lendemain, que la société ne prouve pas que la salariée aurait indiqué à son responsable qu'elle souffrait de douleurs au dos qui seraient apparues progressivement depuis le 31 octobre 2017 ni qu'elle aurait continué à travailler normalement le jour des faits, que l'absence de témoin ne fait pas obstacle à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident lorsqu'il existe des éléments suffisants pour en établir la réalité au temps et sur le lieu du travail, que, par courrier du 16 mars 2018, l'employeur a indiqué à la caisse ne pas remettre en cause cet accident, que l'existence d'un fait accidentel survenu au temps et lieu du travail est donc établie et que la présomption d'imputabilité doit s'appliquer, laquelle n'est pas combattue par l'employeur.

Le jugement a été notifié à la société le 30 avril 2019, laquelle en a interjeté appel par déclaration régularisée par la voie électronique le 28 mai 2019.

Aux termes de ses conclusions écrites visées à l'audience et développées oralement par son avocat, la société demande à la cour de :

- la dire recevable en son recours et bien fondée,

- infirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 27 mars 2019,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont aurait été victime la salariée le 2 novembre 2017.

La société fait valoir que, dans ses rapports avec l'employeur, il incombe à la caisse de démontrer la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail. Il n'y a pas eu de témoin du fait accidentel allégué. Le 2 novembre 2017 à 11 heures 30, la salariée avait indiqué à son responsable, M. [T], qu'elle souffrait de douleurs au dos depuis le 31 octobre 2017 sans évoquer, à aucun moment, la survenance d'un quelconque accident. La salariée n'a pas interrompu son travail dans les suites dudit accident, ayant terminé normalement sa journée de travail. Aucune constatation médicale n'a été faite le jour même. Alors qu'elle a jugé nécessaire d'adresser un questionnaire à M. [T], première personne avisée, dont l'adresse était incomplète, la caisse a pris sa décision sans attendre le retour de ce questionnaire. Aucun élément objectif ne corrobore les déclarations de la salariée, dont le contrat de travail arrivait à son terme au moment de l'accident, 424 jours d'arrêt de travail ayant été inscrits au compte employeur de la société au titre de l'accident alors que la salariée postait sur les réseaux sociaux des photos d'elle permettant de douter de la réalité des douleurs alléguées.

La société conclut que la caisse ne démontre pas, autrement que par les seules affirmations de la victime, la survenance d'un accident au temps et lieu du travail et que la présomption d'imputabilité ne pouvait trouver à s'appliquer.

Aux termes de ses conclusions écrites visées à l'audience et développées oralement par son avocat, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 27 mars 2019,

- débouter la société de son recours,

- constater le respect par la caisse des dispositions légales,

- déclarer opposable à l'employeur la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime la salariée le 2 novembre 2017.

La caisse fait valoir que la déclaration d'accident du travail est dépourvue de toute ambiguïté quant à l'existence d'un fait accidentel soudain et violent. L'employeur a eu connaissance de l'accident le jour même à 11 heures 30 par ses préposés et la victime. Une première personne avisée a été désignée par la victime et confirmée par l'employeur sur la déclaration. Le certificat médical initial établi le lendemain du jour de l'accident fait état de lésions concordantes avec le fait accidentel décrit. Les faits décrits par la salariée sont similaires à ceux déclarés à l'employeur et mentionnés dans son questionnaire. La société décrit parfaitement le geste effectué par sa salariée lors du fait accidentel dans le questionnaire. Les douleurs ressenties pendant la journée de travail correspondent au fait décrit par la victime et déclaré par l'employeur. La décompensation d'un état éventuel antérieur suite à la survenance d'un accident du travail doit être prise en charge au titre de l'accident du travail. Malgré l'absence de témoin, l'ensemble de ces éléments constituent un faisceau d'indices suffisamment graves, précis et concordants pour établir la réalité de la survenance du fait accidentel au temps et au lieu du travail, de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer, tandis que l'employeur ne prouve pas que la lésion a une origine totalement étrangère au travail.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2023.

SUR CE,

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié (ou la caisse substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur) doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. no181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, no 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, no 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celle-ci est présumée imputable au travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du travail du 3 novembre 2017 indique que la salariée "selon ses dires, en prenant un drap dans un bac aurait ressenti une douleur au dos". La déclaration indique que l'accident serait survenu le 2 novembre 2017 à 10 heures et qu'il a été connu par un préposé de l'employeur le 2 novembre 2017 à 11 heures 30, la première personne avisée en l'absence de témoin étant M. [V] [T].

Il est cependant observé qu'à cette déclaration d'accident du travail l'employeur a joint une lettre de réserves, aux termes de laquelle il fait valoir que l'accident ne repose, en l'absence de témoin, que sur les déclarations de la salariée, laquelle avait interpelé le 2 novembre M. [T] afin de lui indiquer que le mardi 31 octobre, elle avait eu mal au dos sans invoquer la survenance d'un fait accidentel et que, le vendredi 3 novembre, elle s'était présentée auprès du chef de production, M. [S], afin de faire une déclaration d'accident du travail.

Aussi, l'employeur a, aux termes de sa lettre de réserves, apporté des précisions à la déclaration d'accident du travail du même jour, pour rappeler qu'il n'aurait eu connaissance de l'accident que le lendemain et que M. [T] n'aurait été avisé, le jour de l'accident déclaré, par la salariée que des déclarations concernant l'existence d'un mal de dos survenu le 31 octobre 2017.

Il est, à cet égard, observé qu'aux termes de son courrier de saisine de la commission de recours amiable, la société a rappelé également qu'elle n'avait été avertie par la salariée de la survenance de l'accident que le 3 novembre 2017 et que, la veille, la salariée n'avait avisé son responsable que du fait qu'elle souffrait de douleurs au dos depuis le 31 octobre 2017.

Dans le questionnaire employeur, la société a rappelé les déclarations de la salariée sur les circonstances de survenance de la lésion, tout en précisant que, le 2 novembre 2017 à 11 heures 30, la salariée avait informé de vive voix Mme [Z] (chef d'équipe) d'un mal de dos survenu le 31 octobre 2017, Mme [Z] en ayant informé M. [T].

Il s'ensuit que la société a, dès l'origine, soutenu que les circonstances de l'accident étaient indéterminées, la salariée n'ayant avisé l'employeur, le jour de l'accident, à 11 heures 30 et postérieurement à sa survenance déclarée (10 heures), que de l'existence d'une lésion survenue quelques jours auparavant.

Aussi, au regard de ces éléments, le témoignage de M. [T], première personne avisée, sur les déclarations de la salariée faites le 2 novembre 2017, était nécessaire et ce, d'autant que, dans son questionnaire, la salariée a affirmé qu'elle avait avisé M. [T] de la survenance de l'accident immédiatement.

A cet égard, en l'absence de témoin, la déclaration de la salariée quelques heures après l'accident d'un unique mal de dos survenu deux jours auparavant est de nature à remettre en cause l'existence d'une lésion survenue au temps et lieu du travail le 2 novembre 2017, tandis qu'au contraire, si la survenance de l'accident avait été portée à la connaissance de l'employeur le même jour dans un laps de temps très court, l'existence de l'accident du travail, en l'état de déclarations corroborées par un certificat médical initial du lendemain, serait établie.

Or, si la caisse a adressé à M. [T] un questionnaire le 16 novembre 2017 sur les circonstances dans lesquelles il avait été avisé de l'accident, à une adresse au demeurant incomplète : "[Localité 3]", la caisse n'ayant pas demandé à la société plus de précision sur le domicile de son salarié, il est constant cependant qu'elle a rendu sa décision sur le caractère professionnel de l'accident le 2 novembre 2017 de manière prématurée, alors que M. [T] ne lui avait pas retourné son questionnaire rempli.

Par conséquent, la caisse ayant statué sans les explications de M. [T], les conditions dans lesquelles l'employeur aurait été avisé de la survenance de l'accident ne sont pas connues, de sorte que la réalité d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail n'est pas caractérisée.

Le jugement sera donc infirmé.

Il convient, statuant à nouveau, de dire inopposable à la société la décision de la caisse de prendre en charge l'accident dont la salariée aurait été victime le 2 novembre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Partie succombante, la caisse sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable,

INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la société [5] recevable en son recours,

Statuant à nouveau,

DECLARE inopposable à la société [5] la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont Mme [W] [X] aurait été victime le 2 novembre 2017,

CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère aux dépens d'appel.

La greffière Pour la présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 19/06689
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;19.06689 ?
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