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23/06/2023 | FRANCE | N°18/13796

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 23 juin 2023, 18/13796


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 23 Juin 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13796 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65EJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 18/00280





APPELANTES

CPAM DE [Localité 3]-[Localité 7]-[Localité 6]

[Adresse 1]



[Localité 3]

représenté par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEES

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 23 Juin 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13796 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65EJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 18/00280

APPELANTES

CPAM DE [Localité 3]-[Localité 7]-[Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEES

Société [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 19 mai 2023 et prorogé au 23 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Maritime ( la caisse) d'un jugement rendu le 17 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [S] [I], salarié de la société en qualité d'étancheur, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 29 juillet 2016 au titre d'une " épaule droite enraidie, succédant à une épaule douloureuse rebelle", faisant parvenir à la caisse un certificat médical initial en date du 29 juillet 2016, faisant état d'une " tendinopathie aiguë non rompue, non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite" , fixant la date de première constatation médicale au 13 juin 2016 et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 1er septembre 2016.

La caisse a procédé à une enquête qui a établi que la condition de délai de prise en charge fixée au tableau n°57 des maladies professionnelles n'était pas remplie.

Par lettre du 7 avril 2017, la caisse a informé la société de ce que la reconnaissance de la maladie de M. [I] n'a pu aboutir, la condition de délai de prise en charge n'étant pas remplie et que le dossier était transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour examen dans le cadre de l'article L.461-1, 3ème alinéa du code de la sécurité sociale et qu'elle avait avant la transmission, la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.

Le 17 octobre 2017, le comité a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, reconnaissant le lien direct entre la pathologie et l'exposition professionnelle.

Le 19 octobre 2017, la caisse a notifié à la société la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle de la maladie dont M. [I] est atteint.

La société a formé un recours devant la commission de recours amiable, laquelle en sa séance du 19 avril 2018 a rejeté sa requête.

Entre-temps, la société a le 13 mars 2018 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne d'une demande tendant à voir prononcer l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 29 juillet 2016.

Par jugement en date du 17 octobre 2018 le tribunal a :

- déclaré le recours de la société [5] qui a un intérêt à agir recevable et bien fondé ;

- constaté la forclusion du délai d'instruction et de ce fait l'irrecevabilité de la décision de prise en charge qui sera déclarée inopposable à la société [5] ;

- avant dire droit, désigné un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, celui de la Région Centre aux fins de donner son avis sur la reconnaissance comme maladie professionnelle déclarée par M. [I] " tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite" constatée par certificat du 29 juillet 2016 et dire si un lien existe entre la maladie constatée et le travail exercé par M. [I] ;

- sursis à statuer sur le caractère professionnel de la maladie.

La caisse a le 28 novembre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 novembre 2018. L'instance a été enregistrée sous le n° RG 18/13796.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 4 février 2021, la caisse a de nouveau formé appel à l'encontre du jugement du 17 octobre 2018, précisant que l'appel porte sur tous les chefs du jugement et particulièrement en ce qu'il a fait droit à la demande d'inopposabilité L'instance a été enregistrée sous le n° RG 21/02148.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 12 février 2021, la caisse a de nouveau formé appel à l'encontre du jugement susvisé, précisant que l'appel porte sur tous les chefs du jugement et particulièrement en ce qu'il a fait droit à la demande d'inopposabilité. L'instance a été enregistrée sous le n° RG 21/02685.

Les instances n° RG 21/02148 et 21/02685 ont été jointes à l'instance n° RG 18/13796 par mention au dossier à l'audience du 30 novembre 2021.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience du 30 novembre 2021 par son conseil qui s'y est oralement référé, la caisse a demandé à la cour, de :

- infirmer la décision rendue par le tribunal le 17 octobre 2018 en ce qu'il a déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [I] ;

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle dont est atteint M. [I] .

- saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin de solliciter son avis sur le fait de savoir "si la maladie déclarée par M. [I] a été directement causée par son travail habituel" ;

- prendre acte que c'est bien la caisse de [Localité 3] [Localité 7] [Localité 6] qui est concernée par cette affaire et non la caisse du [Localité 8], comme l'a indiqué à tort le tribunal dans sa décision du 17 octobre 2018.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience du 30 novembre 2021 par son conseil qui s'y est oralement référé, la société a demandé à la cour, de :

- débouter la caisse de son appel et de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement déclarant inopposable à son égard la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [I] ;

A titre principal,

- constater que la caisse a diligenté une instruction à réception de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial prescrit à M. [I] ;

- constater que la caisse n'a pas respecté les délais d'instruction préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [I] et ce, en violation des dispositions des articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale;

- constater que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a été saisi et que son avis a été rendu après l'expiration du délai maximal de six mois et en dehors de tout cadre réglementaire ;

- constater que la décision de prise en charge est fondée sur un élément inopposable à l'employeur;

- constater qu'au jour de l'expiration des délais, les conditions cumulatives du tableau 57 A n'étaient pas remplies ;

En conséquence,

- déclarer la décision de prise en charge de la maladie du 29 juillet 2016 déclarée par M. [I] inopposable à son égard ;

Si par extraordinaire, la cour considérait que la caisse rapportait la preuve qu'elle a bien respecté les délais d'instruction réglementaire, par substitution de motif, il est demandé de confirmer le jugement en ce que la caisse ne rapporte pas la preuve que toutes les conditions visées au tableau des maladies professionnelles n°57 A étaient remplies au jour où elle a pris en charge la pathologie déclarée par M. [I] ;

- constater que M. [I] a souscrit une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d'une "épaule droite enraidie succédant à une épaule douloureuse rebelle";

- constater que la société a affirmé que M. [I] n'a pas été exposé au risque dans les conditions posées par le tableau 57 A des maladies professionnelles ;

- constater que malgré les déclarations contradictoires recueillies durant l'instruction, la caisse n'a fait aucune enquête complémentaire pour concourir à la manifestation de la vérité;

- constater que la caisse n'a pris en considération que les déclarations de l'assuré ;

- constater que la caisse ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la réunion des conditions du tableau 57 A des maladies professionnelles ;

- constater que considérant que la condition liée à l'exposition au risque était remplie, la caisse n'a pas saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour vérifier cette condition ;

Par conséquent,

- débouter la caisse de sa demande de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

- juger que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'affection du 29 juillet 2016 déclarée par M. [I] est inopposable à son égard ;

A titre subsidiaire,

- constater que la caisse ne rapporte pas la preuve de la continuité de symptômes et de soins dans le dossier de M. [I] ;

- constater que la caisse ne peut donc se prévaloir de la présomption d'imputabilité ;

En conséquence,

- déclarer inopposable à la société l'ensemble des prestations, soins et arrêts prescrits à M. [I] à compter du 2 septembre 2016.

Par arrêt en date du 13 mai 2022 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé du litige, la cour de ce siège a :

- déclaré l'appel recevable ;

- infirmé le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [I] constatée le 29 juillet 2016 ;

- sursis à statuer sur la demande au titre de l'opposabilité à l'employeur des soins et arrêts de travail et ordonné la réouverture des débats aux fins de recueillir les explications des parties sur l'opposabilité à l'employeur des soins et arrêts de travail prescrits à M. [I];

- réservé les dépens.

Par ses conclusions n°3 écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, de :

- A titre principal, déclarer opposable à la société [5] l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie professionnelle dont est atteinte M. [I] ;

- A titre subsidiaire, si au vu d'éventuels éléments médicaux que pourrait produire la société, la cour venait à estimer qu'il subsiste un litige médical, la question posée à l'expert ne pourrait qu'être la suivante :

' dire si les arrêts de travail litigieux ont une cause totalement étrangère à la maladie professionnelle dont est atteint M. [I] depuis le 29 juillet 2016 ;

- prendre acte que c'est bien la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3]-[Localité 7]-[Localité 6] qui est concernée par cette affaire.

La caisse soutient en substance que :

- après sa décision de prise en charge, elle n'est plus tenue de communiquer à l'employeur le dossier constitué conformément à l'article R.441-13 du code de la sécurité sociale ; c'est donc à tort que la société invoque l'inopposabilité au motif qu'elle ne disposerait pas des certificats médicaux de prolongation prescrits à l'assuré ; en tout état de cause, elle produit les certificats médicaux d'arrêt de travail prescrits à M. [I] au titre de la maladie professionnelle du 29 juillet 2016 ;

- Le 29 juillet 2016, M. [I] s'est vu prescrire un arrêt de travail pour la pathologie dont il est atteint, régulièrement prolongé jusqu'au 1er septembre 2016, puis du 4 novembre 2016 au 20 avril 2018, date de la consolidation ; le 25 avril 2017, le médecin conseil a rendu un avis favorable à la prise en charge desdits arrêts de travail au titre de la maladie professionnelle ;

- la présomption d'imputabilité des lésions au travail couvre l'ensemble des prestations servies jusqu'à la date de guérison ou de consolidation et est opposable à l'employeur à qui il incombe d'apporter la preuve que les lésions ayant donné lieu aux prescriptions d'arrêts de travail sont dues à une cause totalement étrangère au travail ; la société se contente de contester l'opposabilité des soins et arrêts de travail litigieux en tentant de faire valoir une absence de communication de pièces, afin de renverser la charge de la preuve en prétendant que la caisse devrait justifier d'une continuité de symptômes et de soins ; c'est bien à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère afin de remettre en cause la présomption d'imputabilité qui s'applique ;

- la société n'apporte aucun élément de preuve qui permettrait de justifier de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.

Par son conseil à l'audience, la société qui n'a pas pris de nouvelles écritures s'en rapporte à prudence de justice.

SUR CE :

En application des articles 1315, devenu 1353, du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, la caisse produit le certificat médical initial en date du 29 juillet 2016 faisant état d'une " tendinopathie aiguë non rompue, non calcifiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite' et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 1er septembre 2016. (Pièce n° 1 des productions de la caisse). Elle produit de plus les arrêts de travail de prolongation prescrits à M. [I] du 4 novembre 2016 au 2 juin 2017, puis du 3 juillet 2017 au 18 octobre 2017, puis du 19 janvier 2018 au 20 avril 2018, date de consolidation invoquée ( pièces n° 12 de ses productions). Elle produit aussi l'avis du médecin conseil en date du 25 avril 2017 relevant que l'arrêt de travail est justifié. (Pièce n°13 de ses productions).

Dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit à M. [I] au titre de la maladie du 29 juillet 2016 dont le caractère professionnel a été reconnu, la caisse bénéficie de la présomption d'imputabilité des arrêts de travail et des soins prescrits au titre de la maladie professionnelle pendant toute la durée d'incapacité jusqu'à la date de consolidation de l'état de santé de l'assuré.

Le moyen tiré de ce que la caisse n' a pas transmis tous les certificats médicaux à l'employeur et de l'absence de preuve par la caisse de la continuité des symptômes et des soins en lien avec la maladie professionnelle ne saurait constituer un motif propre à écarter la présomption d'imputabilité à la maladie professionnelle des soins et arrêts de travail litigieux, sauf à inverser la charge de la preuve.

Par suite, la société qui ne rapporte pas la preuve que les soins et arrêts de travail prescrits à M. [I] à la suite de l'arrêt de travail initial sont totalement étrangers au travail, ne renverse pas la présomption d'imputabilité qui s'applique.

En conséquence, il convient de déclarer opposable à la société [5] l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie professionnelle du 29 juillet 2016 dont est atteint M. [I].

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Vu l'arrêt en date du 13 mai 2022 ;

DÉCLARE opposable à la société [5] l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie professionnelle du 29 juillet 2016 dont est atteint M. [I] ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13796
Date de la décision : 23/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-23;18.13796 ?
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