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22/06/2023 | FRANCE | N°22/17010

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 juin 2023, 22/17010


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 22 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17010 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPSU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Septembre 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 22/03098





APPELANTS



Mme [W] [P]

(bénéficie d'une

aide juridictionnelle Totale numéro 2023/009818 du 30/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



M. [V] [G]



Mme [F] [K]



Demeurant tous

[Adresse 1]

[Localité...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17010 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPSU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Septembre 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 22/03098

APPELANTS

Mme [W] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/009818 du 30/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

M. [V] [G]

Mme [F] [K]

Demeurant tous

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés et assistés par Me Florence FEKOM, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.C.I. AKELIUS [Localité 6], RCS de Paris sous le n°819 625 906, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand LOTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0322

Assistée à l'audience par Me Marc ZIMMER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1623

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Florence LAGEMI, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Akelius [Localité 6] est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 2], à [Localité 4] à la suite de son acquisition auprès de la société [Adresse 7] suivant acte authentique du 20 septembre 2017.

Elle souhaite pouvoir procéder à des travaux de reprise et de renforcement de la structure de l'immeuble après avoir fait réaliser des investigations sur l'état structurel de l'immeuble.

L'immeuble s'étant retrouvé vide de tout occupant, la société Akelius [Localité 6] a fait procéder à la condamnation des portes et fenêtres de l'immeuble à compter du 12 août 2021.

Le 25 janvier 2022, le commissaire d'arrondissement a contacté la société Akelius [Localité 6] afin de l'informer qu'un collectif d'individus s'était présenté dans ses locaux afin de signaler leur occupation de l'immeuble susvisé.

Autorisée par ordonnance du juge des contentieux de la protection du 28 janvier 2022, la société Akelius [Localité 6] a sollicité l'intervention d'un huissier qui, suivant procès-verbal de constat dressé le 25 février 2022, a constaté que l'ensemble de l'immeuble était occupé et notamment :

la pièce n°2 au 1 er étage par Mme [P],

la pièce n°1 au ler étage par M. [G] et Mme [K],

la pièce n°3 au 2ème étage par M. [R],

la pièce n°5 au 3ème étage par M. [J],

la pièce n°8 au 4ème étage par M. [Y].

Par acte du 14 avril 2022, la société Akelius [Localité 6] a fait assigner Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir :

- juger que Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] sont entrés par voie de fait dans l'immeuble situé [Adresse 2], à [Localité 4] ;

- juger que Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] sont occupants sans droit ni titre ;

- ordonner l'expulsion de Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] et de tous occupants de leur chef de l'immeuble [Adresse 2], à [Localité 4], au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- supprimer le délai de deux mois prévu par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution et le bénéfice de la trêve hivernale prévu à l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- assortir cette expulsion d'une astreinte forfaitaire et définitive de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir jusqu'à la libération des locaux ;

- ordonner la séquestration des objets mobiliers garnissant les lieux et n'appartenant pas à Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y], dans un garde-meubles ou dépôt au choix du demandeur aux frais, risques et périls des expulsés ;

- condamner à titre provisionnel Mme [P] à lui payer une indemnité d'occupation de 300 euros par mois à compter du 25 février 2022 ;

- condamner à titre provisionnel M. [G], Mme [K] à lui payer une indemnité d'occupation de 470 euros par mois à compter du 25 février 2022 ;

- condamner à titre provisionnel M. [R] à lui payer une indemnité d'occupation de 200 euros par mois à compter du 25 février 2022 ;

- condamner à titre provisionnel M. [J] à lui payer une indemnité d'occupation de 240 euros par mois à compter du 25 février 2022 ;

- condamner à titre provisionnel M. [Y] à lui payer une indemnité d'occupation de 340 euros par mois à compter du 25 février 2022 ;

- condamner in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] aux dépens.

Les défendeurs comparants ont contesté être entrés par effraction dans les locaux.

Par ordonnance réputée contradictoire du 8 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'il leur appartiendra et dès à présent ;

- constaté que Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble sis [Adresse 1], à [Localité 4] ;

- ordonné leur expulsion sans délai ainsi que celle de tout occupant de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique ;

- supprimé le délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- rappelé que le bénéfice de la trêve hivernale n'a pas vocation à s'appliquer s'agissant d'occupants sans droit ni titre ;

- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L.4331 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- débouté la société Akelius [Localité 6] de sa demande de versement d'une indemnité d'occupation ;

- condamné in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] à payer à la société Akelius [Localité 6] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] aux entiers dépens ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- rappelé que la présente ordonnance est dotée de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 3 octobre 2022, Mme [P], M. [G] et Mme [K] ont relevé appel de la décision.

Dans leurs conclusions remises le 27 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme [P], M. [G] et Mme [K] demandent à la cour, au visa des articles L.412-1 et L.412-6, L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- infirmer l'ordonnance du 8 septembre 2022 du président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

*ordonné leur expulsion sans délai ainsi que celle de tout occupant de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique,

* supprimé le délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

* rappelé que le bénéfice de la trêve hivernale n'a pas vocation à s'appliquer s'agissant d'occupants sans droit ni titre,

* rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

* condamné in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] à payer à la société Akelius [Localité 6] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum Mme [P], M. [G], Mme [K], M. [R], M. [J], et M. [Y] aux entiers dépens,

* rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

par conséquent,

- accorder aux appelants le bénéfice des délais susceptibles d'être accordés au titre des dispositions des articles L.412-1 et L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- accorder aux appelants un délai supplémentaire pour quitter les locaux de 2 ans ou jusqu'à la date effective des travaux actée par l'octroi et la publication d'un permis de démolir et de construire relatif aux lieux en litige qui n'a fait l'objet d'aucun recours, au titre des dispositions des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamner la société Akelius [Localité 6] aux entiers dépens ;

- condamner la société Akelius [Localité 6] à 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer l'ordonnance du 8 septembre 2022 du Président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

* débouté la société Akelius [Localité 6] de sa demande de versement d'indemnité d'occupation.

Mme [P], M. [G] et Mme [K] font en substance valoir :

- que la société intimée n'apporte aucunement la preuve d'un acte matériel positif de violence ou d'effraction qui serait imputable aux occupants ;

- que leur situation justifie qu'un délai supplémentaire de deux ans leur soit accordé.

Dans ses conclusions remises le 18 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Akelius [Localité 6] demande à la cour, au visa des articles 544 et 545 du code civil, de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, des articles 700 et 834, 835 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 9 septembre 2022 en ce qu'elle a :

constaté que Mme [P], M. [G] et Mme [K] ainsi que les autres défendeurs en première instance sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble sis [Adresse 1], à [Localité 4],

ordonné leur expulsion sans délai ainsi que celle de tout occupant de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique,

supprimé le délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

rappelé que le bénéfice de la trêve hivernale n'a pas vocation à s'appliquer s'agissant d'occupants sans droit ni titre,

rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

condamné in solidum Mme [P], M. [G] et Mme [K] ainsi que les autres défendeurs en première instance,

payé à la société Akelius [Localité 6] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum Mme [P], M. [G] et Mme [K] ainsi que les autres défendeurs en première instance au entiers dépens ;

- déclarer recevable l'appel incident de la société Akelius [Localité 6] ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 9 septembre 2022 en ce qu'elle a :

débouté la société Akelius [Localité 6] de ses demandes de versement d'une indemnité d'occupation,

rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

et statuant à nouveau,

- autoriser en tant que de besoin la société Akelius [Localité 6] de recourir aux services d'un serrurier dans le cadre de l'exécution forcée de la décision d'expulsion ;

- condamner à titre provisionnel Mme [P] à payer à la société Akelius [Localité 6] une indemnité d'occupation de 300 euros par mois à compter du 25 janvier 2022 ;

- condamner à titre provisionnel Mme [P] à payer à la société Akelius [Localité 6] une indemnité d'occupation de 300 euros par mois à compter du 25 janvier 2022 ;

en tout état de cause,

- débouter Mme [P], M. [G] et Mme [K] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum Mme [P], M. [G] et Mme [K] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et en sus de la condamnation 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcée en première instance ;

- condamner in solidum Mme [P], M. [G] et Mme [K] aux entiers dépens.

La société Akelius [Localité 6] fait en substance valoir :

- que la voie de fait pour entrer dans les lieux est parfaitement caractérisée ;

- que les dangers liés à l'état structurel du bâtiment commandent le rejet des demandes de délais ;

- que l'état de l'immeuble n'est pas incompatible avec la fixation provisionnelle d'une indemnité d'occupation.

SUR CE LA COUR

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'alinéa 2 précise que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite ici visé s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite, ou, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En outre, selon l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L.412-3 à L.412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L.442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

Le délai prévu au premier alinéa de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.

Par ailleurs, l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L.412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.

Par dérogation au premier alinéa de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voies de fait.

Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.412-6.

Enfin, il résulte de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

L'article L. 412-4 précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l'espèce, il sera relevé :

- que les appelants ne contestent pas occuper le bien sans droit ni titre appartenant à la SCI intimée, ni le principe de leur expulsion ;

- qu'ils sollicitent en effet, en substance, des délais pour quitter les lieux, contestant aussi toute voie de fait ;

- que la voie de fait, au sens des dispositions précitées du code des procédures civiles d'exécution, suppose un acte matériel positif, de violence ou d'effraction, ayant permis l'introduction dans le bien des occupants sans droit ni titre ; qu'elle ne saurait résulter de la seule occupation ;

- que les appelants indiquent sur ce point que la preuve de la voie de fait n'est pas apportée par l'intimée, relevant notamment que la présence de rayures autour de la serrure ne permet pas d'établir que celle-ci a été retirée par les occupants et exposant que la porte anti-squat avait été laissée ouverte ;

- que la SCI intimée fait valoir sur ces points que la porte métallique a été sectionnée autour du barillet, de sorte que la voie de fait est parfaitement caractérisée ;

- qu'à cet égard, le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 31 janvier 2022 (pièce 13) comporte une photographie d'une serrure, avec cette mention que 'la porte est sectionnée autour du barillet' ;

- qu'il faut toutefois aussi relever que, selon le dépôt de plainte de l'intimée (pièce 9), l'entrée dans les lieux aurait eu lieu au plus tard le 24 janvier 2022, aucune constatation n'ayant été effectuée entre le 24 janvier 2022 et le 31 janvier 2022 ;

- que le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 25 février 2022 (pièce 11), dressé à la suite d'une ordonnance sur requête, ne donne aucune indication sur les circonstances d'entrée dans les lieux ;

- que les occupants exposent être entrés dans les lieux par la porte anti-squat qui avait été laissée ouverte, aucun élément n'étant produit sur les conditions dans lesquelles la porte anti-squat, porte blindée en acier, aurait pu être forcée, ce qui suppose à tout le moins une opération lourde et bruyante, de même qu'aucune explication n'est apportée sur le fait que l'alarme ne serait pas déclenchée, la charge de la preuve reposant sur le propriétaire ;

- qu'il n'est donc pas établi que les appelants sont entrés par effraction ou par violence dans les lieux, alors que ceux-ci font état d'une porte laissé ouverte, de sorte que c'est à tort que le premier juge a refusé de leur faire bénéficier des dispositions du code des procédures civiles d'exécution relatives au délai de deux mois et à la trêve hivernale, la décision devant être infirmée sur ce point ;

- que les appelants sollicitent en outre l'octroi de délais supplémentaires en application de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

- que l'intimée observe cependant à juste titre que, s'agissant de la précarité alléguée, les appelants ne produisent aucune pièce pertinente, étant relevé que la seule pièce précise versée aux débats concerne Mme [P], dont il apparaît que son quotient familial s'élève à 455 euros (pièce 5) et qu'elle a demandé un logement social (pièce 5) ; qu'aucune autre pièce n'établit la situation sociale de Mme [P] ;

- que l'attestation de Mme [I] (pièce 6) se limite à faire état d'un collectif vulnérable, sans autres développements sur la situation de chaque occupant sans droit ni titre ;

- que les perspectives de relogement des occupants ne sont pas établies ;

- que la SCI verse en outre aux débats un diagnostic ETC structure en date du 15 juin 2020 (pièce 6), aux termes duquel, compte tenu de l'état de fragilité structurel du bâtiment, les travaux de reprise et de renforcement de la structure sont très urgents et devront impérativement être réalisés en site non occupé ; que ces éléments précis ne sont pas utilement combattus par le rapport structure de M. [M] des appelants (leur pièce 7), non daté, qui ne fait état d'aucun sondage réalisé et qui relève même des risques de chute de matériaux ;

- que la situation de l'immeuble commande ainsi une expulsion des occupants dans des délais rapides ;

- que, dès lors, la demande de délais fondée sur l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution sera rejetée, peu important dans les circonstances de l'espèce que la SCI ne produise pas aux débats des éléments relatifs au projet immobilier qu'elle entend mener sur le site en cause ;

- que la SCI sollicite aussi, dans le cadre de son appel incident, qu'il soit rappelé qu'elle pourra bénéficier de l'assistance d'un serrurier dans le cadre de l'expulsion, demande à laquelle il sera fait droit, afin d'assurer l'effectivité de la décision rendue, par infirmation de la décision ;

- que la SCI demande également à nouveau la fixation d'une indemnité d'occupation provisionnelle à la charge des occupants ;

- qu'une indemnité d'occupation est de nature mixte, compensatoire et indemnitaire, ayant pour objet de réparer le préjudice subi par le bailleur ;

- que le premier juge a toutefois rappelé à juste titre, ce qui n'est pas contesté par l'intimée, que l'immeuble apparaît inhabitable, de sorte qu'il n'est pas en état d'être loué ;

- que la SCI, qui indique qu'elle est empêchée de procéder aux travaux pour relouer les biens, ne verse toutefois aucune pièce relative au projet immobilier, ni au préjudice qu'elle subirait du fait du supposé retard résultant de l'occupation sans droit ni titre ;

- que la décision sera confirmée sur ce point, nonobstant les pièces produites sur la valeur locative de l'immeuble.

Ainsi, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des articles L.412-1 du code des procédures civile d'exécution et L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution et en ce qu'elle a n'a pas prévu l'assistance d'un serrurier.

Pour le surplus, la décision sera confirmée, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé, la demande de délais supplémentaires étant rejetée.

Eu égard aux circonstances de l'espèce et à l'équité, il sera dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, chacune des parties conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des articles L.412-1 du code des procédures civile d'exécution et L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution et en ce qu'elle n'a pas prévu l'assistance d'un serrurier pour la mesure d'expulsion ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement dans les conditions prévues par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il sera sursis à la mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante dans les conditions prévues par l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

Autorise en tant que de besoin la société Akelius [Localité 6] à recourir aux services d'un serrurier dans le cadre de l'exécution forcée de la décision d'expulsion de l'immeuble situé [Adresse 2], à [Localité 4] ;

Rejette la demande de délais fondée sur les dispositions de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/17010
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.17010 ?
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