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22/06/2023 | FRANCE | N°22/00098

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - b, 22 juin 2023, 22/00098


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRET DU 22 Juin 2023

(n° 141 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/00098 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTXQ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2022 par le Tribunal de proximité de Villejuif RG n° 11-21-001674



APPELANTE



Madame [O] [G]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Comparante en personne, assistée de Me Clémence LO

UIS, SELARL LOUIS AVOCAT, RCS [N° SIREN/SIRET 4], avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 376

(Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/010986 accordée p...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 22 Juin 2023

(n° 141 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/00098 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTXQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2022 par le Tribunal de proximité de Villejuif RG n° 11-21-001674

APPELANTE

Madame [O] [G]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Comparante en personne, assistée de Me Clémence LOUIS, SELARL LOUIS AVOCAT, RCS [N° SIREN/SIRET 4], avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 376

(Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/010986 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)

INTIMEES

[10] ([10]) immatriculée au RCS de Créteil sous le n°[N° SIREN/SIRET 3] agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié au cette qualité au dit siège social [Adresse 11] et les bureaux administratifs sis [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pascale BOUGIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : SSD PB 221

[9] CF

[8]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats et lors du prononcé

ARRET :

- Réputé contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 4 août 2021, Mme [O] [G] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 17 août 2021, déclaré sa demande recevable.

Le 12 octobre 2021, la commission a prononcé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de la débitrice.

L'organisme créancier bailleur [10] a contesté cette mesure en faisant valoir la mauvaise foi de la débitrice et en affirmant que sa situation n'était pas irrémédiablement compromise.

Par un jugement réputé contradictoire en date du 23 mars 2022, le tribunal de proximité de Villejuif a dit que Mme [G] ne satisfaisait pas à la condition de bonne foi et l'a déclarée en conséquence irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement.

La juridiction a estimé que la débitrice avait laissé la dette locative s'accroître pendant l'instruction de son dossier, qu'elle avait déjà bénéficié d'un moratoire de 24 mois pour apurer cette dette mais qu'elle ne l'avait pas respecté et qu'elle occupait un appartement de type 5 alors qu'elle se déclarait célibataire avec un enfant majeur à charge. Elle a également retenu que la débitrice avait déjà bénéficié d'une mesure d'effacement en 2013 pour une somme d'environ 11 000 euros au détriment de l'organisme [10]. La juridiction en a déduit que sa mauvaise foi était caractérisée.

Le jugement a été notifié à la débitrice le 23 mars 2022.

Par déclaration adressée par lettre recommandée avec avis de réception le 1er avril 2022 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [G] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 février 2023 et le dossier a été renvoyé au 9 mai 2023.

À cette audience, Mme [G] a comparu en personne, assistée de son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement qu'elle qualifie d'injuste.

Elle soutient que Mme [G] est de bonne foi et qu'elle doit être déclarée recevable au bénéfice de la procédure de surendettement.

Elle fait valoir qu'elle a eu des problèmes avec son bailleur à la suite de dégâts des eaux survenus entre 2009 et 2012, qu'elle a été autorisée à ne pas régler son loyer pendant huit ans dans l'attente des travaux, que des travaux n'ont été terminés qu'en 2018, que la [10] a été condamnée à lui régler une somme de 12 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance qui est venue en déduction de son arriéré locatif et qu'elle a réglé 150 euros en sus du loyer.

Elle rappelle qu'elle a 58 ans, qu'elle a élevé seule ses cinq enfants, leur père étant décédé en 2001, qu'elle est divorcée du père de son sixième enfant né en 1999 et qu'elle travaillait dans le soin. Elle ajoute qu'elle est aujourd'hui en invalidité, qu'elle a été déclarée inapte au travail et licenciée le 12 janvier 2022 et qu'elle perçoit une somme mensuelle de 1 000 euros. Elle est en attente d'un logement social et sa fille fait des études de droit.

Elle souligne qu'elle n'a jamais été de mauvaise foi, que cette notion l'a blessée et qu'elle règle 50 euros en sus de son loyer et qu'elle n'a aucune autre dette, ayant apuré un des deux crédits.

Elle affirme que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la dette locative n'a pas augmenté entre 2020 et 2022.

Elle indique qu'elle a été victime de trois accidents du travail, qu'au dernier accident, son employeur a refusé de lui verser un salaire, qu'elle n'a donc pas pu respecter le moratoire accordé.

La [10] est représentée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé la confirmation du jugement.

Elle a fait valoir que le bail porte sur un appartement de 96 m² et date de 2002 et qu'il y a eu des incidents de paiement jusqu'en 2011, qu'entre janvier 2014 et 2018, les loyers n'ont plus été réglés, qu'il y a eu des désordres dans son appartement en 2013 mais qu'elle a bénéficié d'un effacement en 2013 et d'une compensation de plus de 12 000 euros et qu'ainsi pas moins de 33 000 euros de loyers ont été soit effacés, soit compensés.

Elle estime que la demande de relogement a été faite tardivement en 2021 lors de la deuxième saisine de la commission de surendettement, qu'elle se maintient dans un logement qui n'est plus adapté, que la dette locative a effectivement augmenté pendant la procédure, que le moratoire n'a pas été respecté et que la débitrice ne produit pas les justificatifs de ses dires.

La société [9] n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours exercé par la [10].

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :

1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,

2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,

3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

Le juge doit se déterminer au jour où il statue.

Pour retenir l'absence de bonne foi et prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement, le premier juge a relevé que la débitrice avait laissé la dette locative s'accroître pendant l'instruction de son dossier, qu'elle avait déjà bénéficié d'un moratoire qui n'a pas été respecté, qu'elle occupait seule avec sa fille un appartement de type 5 et qu'elle avait déjà bénéficié d'une mesure d'effacement en 2013 pour une somme d'environ 11 000 euros au détriment de l'organisme [10].

Il ressort néanmoins des pièces produites et notamment du jugement définitif du 26 février 2019 que Mme [G] occupe son logement depuis le 1er avril 2002, que d'importants dégâts des eaux sont survenus entre 2009 et 2012 rendant son appartement insalubre, que de nouveaux désordres majeurs sont apparus sans qu'ils ne soient imputables à la locataire, que ces désordres ont nécessité une expertise et un constat d'huissier qui ont conclu à l'indécence du logement.

Il ne saurait par conséquent être considéré comme une faveur l'effacement de 11 556 euros accordé par le bailleur au vu des circonstances ni les dommages intérêts à hauteur de 12 600 euros résultant d'une condamnation à réparer un préjudice de jouissance démontré. Il doit d'ailleurs être souligné que la demande de résiliation du bail a été refusée par le tribunal qui a retenu de nombreux manquements à l'égard du bailleur.

S'il n'est pas contestable que Mme [G] a déjà bénéficié d'une mesure de rétablissement personnel en octobre 2013, cette mesure, qui a abouti à l'effacement d'un arriéré locatif d'un montant de 2 968,07 euros, a été suivie, en 2018, d'une nouvelle période de désordres majeurs et de travaux dégradant encore les conditions d'occupation.

Il est manifeste que ce contexte exclut toute mauvaise foi imputable à la locataire.

De surcroît, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la dette locative lors du dépôt du dossier de surendettement s'élevait à la somme de 21 994 euros (23 053 euros déclarés) et le dernier décompte produit par la [10] montre un solde de 21 548 euros au 16 janvier 2023.

Il est par conséquent inexact de retenir que la dette locative s'est aggravée pendant l'instruction du dossier, même s'il est patent qu'elle n'a pas beaucoup diminué.

Au contraire, Mme [G] justifie avoir, malgré ses faibles revenus, réglé ses loyers courants et démontre également que ses ennuis de santé, qui se sont aggravés, ont généré des baisses de revenus puis un litige avec son employeur qui l'a licenciée le 12 janvier 2022. Ces accidents de la vie ne sauraient par conséquent être retenus comme constitutifs d'une mauvaise foi.

Non seulement il n'est pas démontré d'aggravation de son endettement mais Mme [G] justifie avoir réduit son endettement à l'égard de la société [9] puisqu'elle a pu solder sa dette de 1 500 euros. Elle n'a donc, en sus de sa dette locative, qu'une seule autre dette d'un montant de 1 381,06 euros.

Elle justifie également d'une demande de logement social faite et renouvelée depuis le 15 octobre 2021, étant constaté que le litige existant entre les parties n'a pas permis un relogement adapté par le bailleur.

Il ressort enfin des pièces produites que le non-respect du moratoire accordé par le tribunal en février 2019, versement d'une somme de 150 euros en sus du loyer, résulte de la forte diminution de revenus imposée par son employeur et du litige prud'homal autour de la contestation des accidents du travail et non d'un comportement délibéré de la débitrice de ne pas respecter ses engagements.

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que Mme [G] a sciemment tenté d'aggraver son endettement en fraude des droits de la [10] ni même organisé ou aggravé son insolvabilité. La présomption de bonne foi s'applique aux débiteurs qui règlent leurs charges courantes et qui n'entendent pas se soustraire à leur obligation de remboursement, malgré des revenus limités.

Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions et, en l'absence de justificatifs actualisés de la situation financière actuelle de Mme [G] (l'unique relevé de prestation produit date de 2021) et de sa fille majeure il convient de renvoyer le dossier devant la commission de surendettement afin qu'elle évalue la situation actuelle de la débitrice, qu'elle fixe sa capacité de remboursement et qu'elle détermine les mesures propres à traiter sa situation de surendettement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le recours de la [10] recevable ;

Statuant de nouveau,

Rejette le recours de la [10] ;

Dit que Mme [O] [G] est de bonne foi et recevable à bénéficier de la procédure de surendettement ;

Renvoie le dossier à la commission de surendettement du Val-de-Marne ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - b
Numéro d'arrêt : 22/00098
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.00098 ?
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