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22/06/2023 | FRANCE | N°21/19666

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 22 juin 2023, 21/19666


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 22 JUIN 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19666 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEU2J



Décision déférée à la Cour : jugement du 06 juillet 2021 - tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 20/03830





APPELANTE



Madame [N] [O]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée et assistée par Me Sandra MANSOIBOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1966

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/041539 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 22 JUIN 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19666 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEU2J

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 juillet 2021 - tribunal judiciaire de PARIS

RG n° 20/03830

APPELANTE

Madame [N] [O]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée et assistée par Me Sandra MANSOIBOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1966

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/041539 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

S.A.S. MONOPRIX

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

Assistée par Me BENALI Aziza, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, Conseillère

Mme Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 mai 2016, Mme [N] [O] a été prise en charge par la brigade de sapeurs pompiers de [Localité 6] au sein du magasin exploité par la société Monoprix au [Adresse 3] à [Localité 1].

Une radiographie numérisée de la jambe droite pratiquée le même jour a objectivé « un volumineux hématome post-traumatique ».

Par actes d'huissier des 27 et 29 novembre 2017, Mme [O] a fait assigner la société Monoprix et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] (la CPAM) devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise médicale et de provision.

Par ordonnance du 9 janvier 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [Y] ensuite remplacé par le Docteur [R], et a rejeté la demande de provision.

Le Docteur [R] a établi son rapport définitif le 14 janvier 2019.

Par actes d'huissier du 16 mars 2020, Mme [O] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, la société Monoprix ainsi que la CPAM, afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'accident du 23 mai 2016.

Par jugement en date du 6 juillet 2021, cette juridiction a :

- débouté Mme [O] de toutes ses demandes,

- débouté la CPAM de toutes ses demandes,

- débouté la société Monoprix de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [O] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Par déclaration du 12 novembre 2021, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions de Mme [O], notifiées le 11 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles L. 421-3 du code de la consommation et 1242 du code civil, de :

- infirmer le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes,

en conséquence,

- juger la société Monoprix responsable de l'accident causé à Mme [O] le 23 mai 2016,

- condamner la société Monoprix à verser à Mme [O] les sommes suivantes en réparation :

- du déficit fonctionnel temporaire : 3 000 euros

- du déficit fonctionnel permanent : 1 000 euros

- des souffrances endurées : 5 000 euros

- du préjudice esthétique : 3 000 euros,

- du préjudice d'agrément : 5 000 euros,

- du préjudice moral : 5 000 euros

- condamner la société Monoprix à verser au conseil de Mme [O] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

- condamner la société Monoprix aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les conclusions de la société Monoprix, notifiées le 14 avril 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- recevoir la société Monoprix en ses écritures, la déclarer bien fondée,

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [O] et toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions, y ajoutant,

- condamner Mme [O] à payer à la société Monoprix la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont,

à titre subsidiaire,

- dire que le défaut de prudence et de vigilance de Mme [O] a majoritairement contribué à la réalisation de son propre dommage,

en conséquence,

- prononcer un nécessaire partage de responsabilité, dont une part prépondérante sera laissée à la charge de Mme [O],

sous ce nécessaire partage de responsabilité,

- liquider le préjudice de Mme [O] sur la base du rapport d'expertise du Docteur [R],

- limiter à un montant qui ne saurait excéder :

- 656 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 3 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique,

- 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- débouter Mme [O] de sa demande au titre d'un préjudice moral et du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- rejeter les demandes de la CPAM,

- débouter Mme [O] et la CPAM de leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Monoprix,

- faire suivre aux dépens le même sort que celui des demandes au principal.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée en date du 24 janvier 2022, n'a pas constitué avocat et a précisé par lettre du 3 février 2022, reçue au greffe de la cour le 14 février 2022, ne pas intervenir à l'instance et que le montant définitif de ses débours s'élève à la somme de 981,30 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la société Monoprix :

Le tribunal judiciaire a écarté la responsabilité de la société Monoprix en l'absence d'élément de preuve concernant les circonstances de l'accident venant corroborer les déclarations de Mme [O].

Mme [O], qui conclut à l'infirmation du jugement déféré, estime établies les circonstances de sa blessure survenue dans le magasin exploité par la société Monoprix à [Localité 1] arrondissement, à savoir la chute d'une table qui se trouvait en hauteur.

Elle se prévaut tout d'abord de la position de sa blessure à l'arrière du mollet droit qui démontre que le meuble est tombé dans son dos.

Elle fait également valoir que la date et le lieu de l'accident sont clairement identifiés non seulement par les documents établis par les pompiers, mais encore par l'accusé de réception de la déclaration d'accident remis le jour des faits et signé par la société Monoprix qui a pris acte de l'accident ainsi que par les documents médicaux produits.

Elle soutient que la responsabilité de la société Monoprix est engagée en application de l'article L. 421-3 du code de la consommation dont il résulte qu'une entreprise de distribution est débitrice d'une obligation générale de sécurité de résultat à l'égard de sa clientèle et que la société Monoprix a manqué à cette obligation en positionnant, en hauteur, un meuble lourd susceptible de tomber sur la clientèle en la mettant ainsi en danger.

Elle soutient ensuite, sur le fondement de l'article 1242 du code civil, qu'il apparaît anormal qu'elle ait reçu sur le mollet un meuble lourd placé en hauteur.

Elle ajoute que la société Monoprix ne saurait invoquer ni maladresse, ni inattention fautive de sa part alors qu'étant dos au meuble, elle n'a pas pu le manipuler, ni anticiper sa chute qui a été brutale et rapide.

La société Monoprix objecte que la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé par un arrêt du 9 septembre 2020 que l'exploitant d'un magasin n'était pas tenu vis-à-vis de sa clientèle à une obligation de sécurité de résultat.

Elle ajoute que la mise en oeuvre de la responsabilité du gardien exige la preuve, par la victime, de l'intervention matérielle d'une chose et fait valoir que Mme [O] qui ne produit aucune nouvelle pièce, et notamment aucune attestation d'un témoin direct des faits, n'établit pas les circonstances de sa blessure, et en particulier la chute d'un meuble, de sorte que la survenance d'un accident ne suffisant pas à caractériser une quelconque responsabilité, le jugement doit être confirmé.

Sur ce, si l'article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet pas l'exploitant d'un magasin dont l'entrée est libre à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle.

Aux termes de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

Ce texte institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, dont ce dernier ne peut s'exonérer totalement qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure et partiellement en démontrant l'existence d'une faute de la victime ayant contribué à son dommage.

Il appartient ainsi à Mme [O], conformément à l'article 1353 du code civil, de rapporter la preuve que, comme elle le soutient, sa blessure résulte de la chute d'une table positionnée en hauteur dont la société Monoprix avait la garde.

La matérialité de l'accident de Mme [O] est établie par le rapport d'intervention de la brigade des sapeurs pompiers de [Localité 6] dont il résulte qu'à la suite d'un appel reçu le 23 mai 2016 à 13 heures 37, une équipe est intervenue « pour secours à victime » au sein d'une boutique de vente située [Adresse 3] dans le [Localité 1], adresse du magasin exploité par la société Monoprix, et a constaté sur place « un traumatisme des membres ».

Néanmoins, les circonstances exactes de cet accident et le rôle causal d'une table et sa chute ne sont, en revanche, pas démontrées. La version des faits réitérée par Mme [O] n'est en effet étayée par aucune attestation émanant d'un témoin de l'accident ni par aucun autre élément de preuve objectif, la localisation des blessures ne suffisant pas à en établir l'origine.

La simple survenance d'un accident au sein d'un magasin ne suffisant pas à engager la responsabilité de la société qui l'exploite et Mme [O] échouant à rapporter la preuve qui lui incombe - sans que le fait d'avoir été choquée au moment de l'accident ne la libère de cette obligation - des circonstances de sa blessure et du fait qu'un meuble, dont la société Monoprix aurait eu la garde, ait été l'instrument du dommage, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de la société Monoprix ne sont pas établies et Mme [O] sera déboutée des demandes formées à son encontre.

Le jugement est dès lors confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [O] qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [N] [O] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/19666
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.19666 ?
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