Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
(n° 355, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11986 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCFD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 novembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/15002
APPELANTE
Madame [S] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurence BRUGUIER CRESPY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0451
INTIMÉE
Société PHONE REGIE
RCS de [Localité 3] sous le numéro 301 251 880
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine FAVAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1806
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [S] [R] a été embauchée par la SAS AZ Corporations devenue SAS Phone Régie suivant contrat à durée indéterminée du 18 janvier 2001 en qualité de télé hôtesse bilingue volante.
La société, qui emploie plus de onze salariés, a pour activité des prestations de services dans le domaine de l'accueil, notamment en entreprises.
Est applicable à la relation contractuelle la convention collective des prestataires de service.
Par avenant en date du 16 mai 2011, Mme [R] était nommée par vote majoritaire des membres du comité d'entreprise gestionnaire de celui-ci et ce à temps plein du 21 avril 2011 et jusqu'aux résultats des prochaines élections professionnelles et au plus tard le 31 mars 2012 en application de l'article 11 du règlement intérieur de ce comité.
Par avenant en date du 3 avril 2012 à effet du 10 avril 2012, Mme [R] était affectée sur un poste d'hôtesse accueil standardiste sur le site d'une société cliente.
Sa rémunération mensuelle était de 1550, 07 euros bruts, outre le versement d'une prime mensuelle de qualité.
Suite à la délibération du comité d'entreprise du 27 juillet 2012, Mme [R] était mise à disposition du comité d'entreprise en qualité de gestionnaire à compter du 1er août 2012 à temps plein et ce jusqu'à la rupture de son contrat de travail.
Mme [R] était placée en arrêt maladie à compter du 23 juin 2014 pour « burn out en lien direct avec son emploi ».
Par avis en date du 19 mars 2015, le médecin du travail déclarait Mme [R] inapte définitivement à son poste et à toute autre poste dans l'entreprise, signalant qu'il s'agissait d'une procédure d'urgence pour danger immédiat.
La société a par courrier en date du 15 avril 2014 soumis à Mme [R] des propositions de reclassement qu'elle a refusées par courrier en date du 13 avril 2015.
Par courrier en date du 15 avril 2015, le médecin du travail a considéré qu'aucune proposition de reclassement ne pouvait être compatible avec l'état de santé de la salariée.
Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pour le 13 mai 2015.
Le comité d'entreprise a été consulté sur la procédure lors de la réunion du 25 mai 2015 sur le projet du licenciement.
Par lettre recommandée en date du 24 juillet 2015, reçue par l'employeur le 28 juillet 2015, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme [R].
Par courrier en date du 30 juillet 2015, Mme [R] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant son licenciement, Mme [R] a saisi par requête en date du 29 décembre 2015 le conseil de prud'hommes de Paris, lequel l'a par jugement rendu le 5 novembre 2019 déboutée de toutes des ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a débouté la société Phone Régie de sa demande d'indemnité.
Mme [R] a interjeté appel par déclaration déposée par la voie électronique le 3 décembre 2019.
Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 28 février 2020, Mme [R] demande à la Cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses écritures ;
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 5 novembre 2019,
Statuant à nouveau, ;
- dire et juger le licenciement prononcé nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
- condamner la société Phone Régie à lui verser la somme de 53.178, 12 euros nets à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 7596, 96 euros bruts à titre d'indemnité de préavis ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 759, 79 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 87 365, 04 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 57 726, 30 euros bruts au titre des heures supplémentaires ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 5726, 30 euros bruts au titre des congés payés sur ces heures supplémentaires ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 34 645, 80 euros au titre des repos compensateurs dus ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 22 790, 88 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- condamner la société Phone Régie à verser à Mme [R] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 8 avril 2020, la société Phone Régie demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter en conséquence Mme [R] de l'ensemble des demandes qu'elle formule devant la Cour ;
- statuant à nouveau et y ajoutant, condamner Mme [R] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été déclarée close le 15 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il est acquis que le salarié doit fournir préalablement des éléments de nature suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
En l'espèce, Mme [R] déclare que son temps de travail journalier était de 7 à 22 heures et qu'elle aurait effectué 1350 heures supplémentaires systématiquement chaque année de juin 2011 à juin 2014. Elle verse de nombreux mails échangés du 5 décembre 2013 au 18 juin 2014 sans pour autant produire un quelconque décompte.
L'examen de la date d'envoi de ces mails fait apparaître qu'ont été envoyés en dehors des heures de travail 15 mails au mois de décembre 2013, 15 mails également en janvier 2014, 5 mails en février 2014, 6 mails en mars 2014 et 2 mails en juin 2014.
Il sera par ailleurs relevé que la salariée ne verse aucune pièce au titre des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées pour la période de juin 2011 à juin 2012 et de juin 2012 à juin 2013 dès lors qu'aucun des mails produits ne s'y rapporte.
C'est à juste titre que la société Phone Régie soutient que la salariée ne présente pas d'éléments suffisamment précis lui permettant de le contester.
Elle oppose en effet que les mails produits par la salariée ne retracent aucunement l'amplitude journalière et à fortiori la durée quotidienne de travail de la salariée et que ces mails se rapportent à l'exercice des mandats de représentation du personnel dont elle était titulaire. En effet, à cette date, Mme [S] [R] cumulait selon les mentions portées sur les mails sa fonction de gestionnaire du comité d'entreprise avec ses mandats de déléguée syndicale CGT, déléguée du personnel Phone Régie, trésorière du comité d'entreprise et secrétaire du CHSCT . Par ailleurs, Mme [R] n'exerçait pas d'autres fonctions que celle de gestionnaire du comité d'entreprise ouv relevant de ses mandats.
A ce titre, l'employeur souligne qu'en raison de la confidentialité due à l'exercice de ses mandats, ces mails étaient adressés depuis une adresse (gmail) sur laquelle la société n'avait aucune visibilité et sur laquelle elle n'avait aucun moyen de contrôle, que la salariée ne pouvait être considérée sauf entrave de la part de son employeur que totalement libre, les diligences ne pouvant être considérées comme du travail commandé par l'employeur. Il précise que la salariée n'a fait la moindre demande de paiement d'heures supplémentaires à raison de l'obligation dans laquelle elle se serait trouvée de faire usage de ses heures de délégation en dehors de ses heures normales de travail.
Alors que les heures supplémentaires s'apprécient de manière hebdomadaire, Mme [R] se contente d'évoquer un volume similaire de 1350 heures supplémentaires chaque année de juin au mois de juin l'année suivante sans autre décompte et sans qu'aucun autre document ne vienne corroborer ses affirmations de sorte que la société Phone Régie se trouve dans l'impossibilité de critiquer utilement le chiffrage ainsi réalisé.
Il s'ensuit que ces envois de mails pour la grande majorité d'une adresse personnelle et non de celle de l'entreprise en dehors des horaires de bureau- au demeurant non imposés ou sollicités par l'employeur puisqu'ils répondaient aux demandes de salariés en l'état des mandats de la Mme [R] portant sur des questions allant de l'organisation de voyages par le comité, l'attribution de chèques naissance, la situation ou les interrogations de salariés, résultent d'un choix personnel d'organisation de celle-ci.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que les éléments présentés par Mme [R] ne sont pas suffisamment précis et sont efficacement contestés par la société Phone Régie.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et d'indemnisation au titre des repos compensateur.
En l'absence de toute heure supplémentaire, la demande au titre du travail dissimulé doit être rejetée.
Sur le harcèlement moral et les manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité.
Pour solliciter la nullité de son licenciement, Mme [R] dénonce le comportement de l'employeur qu'elle considère à l'origine de son inaptitude dans la mesure où la dégradation de son état de santé ayant entraîné son licenciement a pour origine les fautes de l'employeur qui a manqué à son obligation de sécurité. Elle invoque, pour ce faire, d'une part, le fait que l'employeur a été l'auteur d'un harcèlement soit à tout le moins a manqué à son obligation de sécurité à l'origine de la rupture. A ce titre elle indique avoir été contrainte pour exercer normalement ses mandats et son emploi d' effectuer un très grand nombre d'heures supplémentaires et dénonce l'attitude inappropriée du directeur des ressources humaines à son égard comme à l'égard d'autres représentants du personnel, notamment dans le cadre de la tenue des réunions du comité d'entreprise, en qualité de représentant de l'employeur et donc de président du comité d'entreprise. Enfin, elle indique que l'employeur n'a cessé de vouloir l'humilier dans le cadre de l'exercice de ses fonctions d'une part en la remettant en cause et d'autre part en lui refusant toute augmentation de salaire alors que celle-ci était décidée pour ses collègues et en adoptant à son endroit, y compris en réunion du comité d'entreprise, une attitude de dénigrement.
Pour s'y opposer l'employeur expose que la salariée ne verse aucun élément probant permettant de rattacher son inaptitude à des manquements de l'employeur à son égard. Il fait état de ce que la décision de l'inspecteur du travail ne fait aucunement le lien entre les conditions de travail et l'inaptitude constatée relevant simplement les déclarations de la salariée, étant rappelé que l'autorité administrative, si elle n'a pas à rechercher les causes de l'inaptitude, doit vérifier que le licenciement d'un salarié protégé n'est pas en lien avec les mandats.
Il oppose également que les griefs évoqués par la salariée visant un « sur travail » ou l'absence d'évolution professionnelle et de rémunération à compter d'avril 2011 ne peuvent lui être reprochés. En effet, la salariée à l'exception de quelques mois entre le 10 avril 2012 et 27 juillet 2012 n'a plus exécuté jusqu'à la date de son licenciement sa prestation de travail pour le compte de la société mais au profit du comité d'entreprise auprès duquel elle était mise à disposition. La salariée ne répondait plus hiérarchiquement à la société mais au comité et disposait par ailleurs d'heures de délégation.
En l'état d'une autorisation de licencier accordée par l'autorité administrative, le point à trancher consiste à déterminer si l'inaptitude de la salariée était due à l'employeur du fait d'un harcèlement et comportement fautif caractérisé par une violation de l'obligation de sécurité et de refus d'augmenter son salaire.
Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ainsi, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu :
- d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,
- d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail,
- dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'article L 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que l'employeur est débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des salariés.
Cette obligation légale impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.
En effet, si l'employeur a la charge du respect de son obligation de sécurité, la salariée a la charge de la preuve que son inaptitude est imputable à ce manquement.
Il sera préalablement relevé que Mme [R] ne cite aucun agissement à proprement parler au soutien de sa demande de reconnaissance de harcèlement distinct des manquements évoqués au titre de l'obligation de sécurité plaçant ainsi la [5] dans l'obligation de rechercher si les manquements évoqués au titre de l'obligation de sécurité permettent de caractériser un harcèlement moral.
S'agissant en premier lieu de la charge de travail et à défaut d'autre explication par la salariée, il sera renvoyé aux développements ci-avant la déboutant de ses demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et d'indemnité au titre des repos compensateurs.
Mme [R] produit deux attestations émanant de représentants du personnel faisant état des difficultés qu'ils ont pu rencontrer pour prendre leurs heures de délégation sur leurs heures de travail. Toutefois, outre que ces attestations ne font état d'aucun fait se rapportant à la salariée elle-même, il convient d'observer qu'elle n'apporte aucun élément probant permettant de relever un manquement de l'employeur à ses obligations dans ce domaine, et ne développe pas de moyens particuliers à ce sujet dans ses écritures ni ne verse de pièces démontrant qu'elle n'aurait pas pu assumer ses heures de délégations.
Le manquement n'est pas établi.
Pour les mêmes raisons, il ne peut être retenu un quelconque manquement à l'obligation de sécurité de la part de l'employeur qui aurait imposé à sa salariée une charge de travail trop importante.
S'agissant du comportement du directeur des ressources humaines, Mme [R] verse plusieurs compte-rendus dont il ressort que les relations étaient tendues entre la direction représentée principalement par le responsable des ressources humaines et les élus du personnel. Plusieurs incidents sont objectivés ayant conduit Mme [R] à exercer son droit de retrait en 2013 mais aussi un autre délégué syndical à quitter une réunion en 2014.
Pour autant, la lecture des compte-rendus dans un contexte, reconnu ultérieurement par une expertise réalisée par un cabinet extérieur d'un dialogue social pour le moins difficile, ne permet pas de retenir une volonté du représentant de l'employeur de l'humilier ou de la dénigrer précisément dans le cadre de ses fonctions.
Le manquement n'est pas établi.
S'agissant du refus d'augmentation à la différence de celle reconnue à d'autres collègues, Mme [R] produit un courrier en date du 12 novembre 2012 par lequel l'employeur lui notifie son refus d'augmentation de salaire aux motifs qu'au regard de son changement de fonction à son initiative depuis le mois de juillet 2012 il n'est plus en capacité de se prononcer quant à la notion de mérite et aux critères permettant d'attribuer une augmentation.
Outre que Mme [R] ne produit aucun élément pour établir que d'autres collègues auraient bénéficié d'une telle augmentation, il sera relevé avec l'employeur qu'elle était à compter du mois de juillet 2012 mise à disposition du comité d'entreprise et dépendait pour une augmentation de salaire d'une délibération de celui-ci, étant observé que les salaires et charges sociales des gestionnaires du comité d'entreprises venaient s'imputer sur le budget du comité.
Le manquement n'est pas établi.
Du tout, il s'évince que Mme [R] ne présente pas d'éléments susceptibles de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.
S'agissant de l'obligation de sécurité, la salariée fait état d'un contexte en raison de tensions avec la direction et plus particulièrement de l'attitude du directeur à l'origine de son arrêt de travail et en lien avec la dégradation de son état de santé. Elle prétend que l'employeur ne pouvait ignorer cette situation et qu'il n'a pas par la suite su effectivement protéger sa santé physique et mentale, ce qui caractériserait son manquement à l'obligation de sécurité.
Mme [R] produit à cette fin l'expertise CHSCT diligentée en mai 2014 par un cabinet extérieur suite à l'attention portée sur la situation d'une autre salariée. Ce rapport fait apparaître un dialogue social en grande difficulté dans l'entreprise avec « des élus vécus et positionnés comme des ennemis et non comme des partenaires », « des élus ayant beaucoup de mal à se faire entendre créant ainsi une situation qui a entraîné des conflits à répétition et un épuisement de tous', qu'ils soit élus ou de la direction ; une organisation dans laquelle il est difficile de s'exprimer, de se différencier, poussant les élus à monter le ton pour être entendus, ce qui crée de la maltraitance mutuelle.. etc.
En synthèse, le rapport note notamment:
-du côté des élus : sentiment que certains salariés sont négligés dans leurs intérêts ; sentiment d'absence de respect des personnes ; sentiment que toute position de défense des intérêts des salaires est vécue par la direction comme une attaque de ses propres intérêts ; sentiment de ne pas être entendu ni respecté, d'être mal traité, sentiment d'une absence de volonté de dialogue social, conflit sur la clause de mobilité et de son utilisation détournée etc ;
-du côté de la direction: une problématique de dialogue ancienne née antérieurement avec le détournement de fonds par l'ancienne trésorière du comité d'entreprise ; une problématique d'exaspération mutuelle ; le sentiment d'être pris en otage par des demandes incessantes des élus fondées ou non ; des mises en cause directes de personnes de la direction portant atteinte à leur intégrité professionnelle et qui s'avèrent injustifiées ( notamment droit d'alerte des élus contre le DRH qui a été invalidé par l'inspection du travail) ; un véritable sentiment d'usure, d'épuisement et d'injustice constituant un facteur de risque psycho-social ..etc.
Il ressort de ces éléments une dégradation des conditions de travail tant des élus, en ce compris Mme [R], que des représentants de la direction.
Le 30 juin 2014, Mme [R] était placée en arrêt de travail pour « burn out professionnel, dépression réactionnelle ». Le médecin du travail a déclaré la salariée inapte le 19 mars 2015 avec danger immédiat. Par ailleurs, la dégradation de l'état de santé de la salariée est objectivée par le compte rendu d'intervention urgente posant pour diagnostic principal « dépression réactionnelle-burn out » et pour diagnostic associé « personnalité obsessionnelle » avec « idées noires et obsédantes ».
Le compte rendu d'hospitalisation en date du 17 septembre 2014 décrit la prise en charge de Mme [R] depuis juin 2014 « dans un contexte d'épuisement avec désir de mort à l'encontre des 4 dirigeants de son entreprise. Elle semble s'être investie d'une mission de sauver le personnel de son entreprise. L'évolution est notée favorable avec une bonne critique de son investissement exagéré dans l'entreprise. Plus de ruminations obsédantes ni de désir de violence envers les dirigeants de l'entreprise mais un sentiment de devoir faire la justice toujours présent mais à minima ». Le compte-rendu de prise en charge établi le 28 août 2014 fait état « d'une prise en charge pour un épuisement psychique, engendré par un conflit professionnel avec la direction, la patiente se sentant investi de la défense de ses collègues qui subiraient de la maltraitance. La difficulté de son action a entraîné une profonde dévalorisation. Au cours des premiers entretiens, elle relate parfaitement toute l'anxiété qu'elle éprouve et qui va s'estomper progressivement' La poursuite d'un soutien s'opérera sur le CMP ».
Mme [R] se réfère également à la décision d'autorisation de licenciement de l'inspectrice du travail en date du 24 juillet 2015 rédigée en ces termes : « Considérant que la salariée indique que son état de santé s'est dégradé suite aux difficultés rencontrées lors de l'exercice de ses différents mandats, que la tension était particulièrement grande au moment de la demande d'expertise des risques psychosociaux dans l'entreprise par le CHSCT de juin 2014 qui a précédé l'arrêt de travail de Mme [R], le directeur général a souhaité quitter la salle ne souhaitant pas écouter la déclaration de Mme [R] revenant sur des faits antérieurs ; que la directrice des ressources humaines reconnait que ceci a pu constituer une maladresse de la part du directeur général ;
Considérant que suite à un arrêt de travail prolongé débutant le 24 juin 2014 l'inaptitude définitive de Mme [R] au poste de travail a été constatée par le médecin du travail selon la procédure d'urgence;
Considérant que l'employeur a procédé à des recherches de reclassement au sein du groupe , que les propositions de reclassement n'étaient pas compatibles avec l'état de santé de la salariée selon le médecin du travail et que la salariée a décliné ces propositions de reclassement ».
Il s'évince de ces éléments que le refus du directeur général d'écouter le point de vue de Mme [R] agissant en tant que représentante du personnel a été certainement à la lecture des pièces médicales l'élément déclencheur du burn-out de la salariée et s'inscrit dans ce climat de tension exacerbée telle que décrite par le rapport précité.
Bien qu'avisée par les conclusions du rapport précité, la société Phone Régie ne justifie pas avoir mis en place des mesures utiles sur les conditions de travail ou tenté la moindre amélioration conduisant ainsi à un nouvel incident provoqué par le directeur général et reconnu à minima par la directrice des ressources humaines comme une maladresse à l'égard précisément de Mme [R] lors de la réunion du CHSCT en juin 2014 précédant immédiatement son arrêt de travail suite à une intervention urgente. L'employeur développe en l'espèce des moyens inopérants alors même qu'il s'évince des pièces produites que régnait manifestement un climat délétère généralisé au point que deux élus au moins, dont Mme [R], selon les pièces versées, devaient dans un laps de temps de quelques mois, être déclarés inaptes définitifs à leur poste sans possibilité de reclassement et licenciés pour ce motif.
L'employeur ne justifie pas avoir rempli son obligation de sécurité à l'égard de Mme [R] alors même qu'il avait connaissance par le rapport des difficultés sérieuses mais faisait perdurer cette situation, cette fois non pas par le responsable des ressources humaines mais par le directeur général qui en quuittant la salle et refusant de lécouter visait plus précisément l'intervention de la salariée. Il n'est pas davantage explicité et encore moins justifié des mesures qui auraient pu être prises pour remédier à un climat social dégradé au sein de l'entreprise et avec les élus de sorte qu'il ne peut qu'en être déduit la carence de l' employeur dans l'obligation qui est la sienne de prendre les mesures nécessaires en vue de garantir la santé et la sécurité de la salariée.
Les critiques de l'employeur apparaissent inopérantes dans la mesure où les pièces produites mettent en évidence à tout le moins le développement d'un syndrome dépressif de manière concomitante à des conditions de travail dégradées avec in fine une déclaration d'inaptitude au poste sans perspective de reclassement. Si ni le médecin ni l'inspectrice du travail ne pouvaient certes pas être affirmatif pour l'un et autorisé pour l'autre à se prononcer sur le lien du syndrome avec le milieu professionnel, il entrait pour autant pour l'un dans son champ de compétences d'établir un diagnostic relatif à la dégradation de l'état psychique de la salariée et pour l'autre de noter les éléments en rapport avec la situation.
Il s'ensuit qu'un manquement à l'obligation de sécurité est caractérisé.
Il appert que Mme [R] rapporte la preuve suffisante au vu des éléments médicaux sus-analysés que son inaptitude définitive sans préconisation de reclassement résulte en tout ou partie du manquement préalable de l' employeur à son obligation de sécurité dès lors que son état de santé psychique s'est dégradé de manière concomitante à la détérioration de ses conditions de travail, le médecin intervenant au titre du service mobile d'urgence médico-psychologique ayant diagnostiqué le 30 juin un burn-out professionnel et un syndrome dépressif réactionnel. Si le médecin ne pouvait certes pas être affirmatif sur cette relation causale dès lors qu'il n'a pas été témoin des conditions de travail de la salariée, le médecin du travail a manifestement donné du crédit à son diagnostic puisque il a déclaré la salariée inapte à son poste sans envisager la moindre possibilité de reclassement.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à Mme [R] par la société Phone Régie.
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail
Mme [R] ayant été déboutée de sa demande au titre des heures supplémentaires, le salaire de référence est fixé à 1962, 12 euros.
Dès lors que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, elle a droit à l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3924, 24 euros bruts, outre 392,42 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, au jour de son licenciement, Mme [R] avait 14 ans d'ancienneté.
Compte tenu de son âge (44 ans) à la date du licenciement, de son ancienneté, de sa rémunération, de ce qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle ou personnelle postérieure au licenciement, il lui sera alloué la somme de 15.000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse, le surplus de sa demande de ce chef étant rejeté.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les dommages et intérêts liés au statut protecteur
Mme [R] sollicite la condamnation de la société Phone Régie à lui verser la somme de 87 365, 04 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
Elle fait valoir que son mandat de délégué syndical prenait fin en juin 2016 et qu'en conséquence son statut protecteur prenait fin en juin 2017 et qu'elle a été licenciée 23 mois avant la fin de son statut protecteur.
Il est de droit qu'un salarié protégé, licencié après autorisation de l' inspecteur du travail, ne peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur , la rupture ayant été autorisée au moment du licenciement.
En l'espèce, Mme [R] a été licenciée après l' autorisation de l'inspection du travail du 24 juillet 2015.
Il s'ensuit qu'elle sera déboutée de sa demande d'indemnité pour violation du statut du salarié protégé.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de condamner la société Phone Régie à payer à Mme [R] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des prétentions de ce chef est rejeté.
Infirmant le jugement entrepris, au visa de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Phone Régie, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [S] [R] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés pays sur préavis, sur les dépens et l'application de l'article 700 ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement de Mme [S] [R] sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SA Phone Régie à verser à Mme [S] [R] les sommes suivantes :
15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3924, 24 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
392,42 euros bruts,
2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
CONDAMNE la SA Phone Régie aux dépens de première instance et d'appel ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.