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21/06/2023 | FRANCE | N°21/03427

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 21 juin 2023, 21/03427


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 21 JUIN 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQUP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/07598





APPELANTE



Madame [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représent

ée par Me Amina KHALED TAMANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1487





INTIMÉE



CONSEIL SUPÉRIEUR DU NOTARIAT - CSN

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Elvire DE FRONDEVILLE, avoc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03427 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQUP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/07598

APPELANTE

Madame [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Amina KHALED TAMANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1487

INTIMÉE

CONSEIL SUPÉRIEUR DU NOTARIAT - CSN

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Elvire DE FRONDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1185

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 19 février 2009, Mme [C] [F] a été engagée par la société Conseil Supérieur du Notariat (CSN) en intérim, jusqu'au 19 avril suivant, puis à compter du 20 avril 2009, elle a été engagée à temps complet par contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante-Technicien-Niveau 1-Coefficient 184.

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale du notariat.

Le 1er janvier 2011, Mme [F] a été affectée à la direction des affaires juridiques.

A compter du 23 février 2011, son contrat de travail a fait l'objet de trois périodes de suspension pour congés maternité suivis de congés parentaux d'éducation.

Par courrier du 11 septembre 2018, la salariée a demandé à reprendre ses fonctions à temps partiel dans le cadre d'un congé partiel parental d'éducation à compter du 1er décembre 2018, ce qui a été accepté par avenant du 3 décembre 2018.

Par courrier du 11 septembre 2018, Mme [F] avait aussi demandé à bénéficier de son jour de repos le mercredi et non plus le vendredi, ce qui avait également été accepté.

Par courriel du 8 février 2019, la salariée a écrit à son employeur en dénonçant le fait qu'à sa reprise du travail le 1er décembre 2018, elle n'avait pas retrouvé le poste qu'elle occupait avant son congé maternité.

Le 11 février 2019, Mme [F] a été placée en arrêt de travail pour maladie. Cet arrêt a été renouvelé de façon continue depuis cette date.

Le 19 août 2019, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin notamment de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- dit et jugé les demandes liées à la discrimination irrecevables ;

- débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté le Conseil Supérieur du Notariat de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de Mme [F].

Le 7 mai 2021, Mme [F] a été déclarée inapte par le médecin du travail.

Par courrier du 25 mai 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement qui se tiendra le 3 juin 2021.

Le 7 juin 2021, Mme [F] a été licenciée pour inaptitude avec la mention 'l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par déclaration du 6 avril 2021, Mme [F] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions notifiées par RPVA du 14 juin 2021 Mme [F] demande à la cour de

- infirmer totalement le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 26 février 2021 ;

statuant à nouveau,

- dire que la moyenne des salaires est de 2 464 euros brut ;

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

en conséquence,

- condamner le Conseil Supérieur de Notariat au paiement des sommes suivantes avec intérêts légaux à la date de la saisine :

. 4 928 euros au titre de congé de préavis,

. 492,80 euros au titre des congés payés de préavis.

- condamner le Conseil Supérieur de Notariat au paiement des sommes suivantes avec intérêt légal à la date du prononcé du présent arrêt :

. 32 032 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'entretien professionnel,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à la formation professionnelle.

- condamner le Conseil Supérieur du Notariat au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le Conseil Supérieur de Notariat aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA du 10 septembre 2021, le Conseil Supérieur du Notariat demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Mme [C] [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [C] [F] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

MOTIFS

- Sur la demande résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. Ce n'est que si le juge estime la demande de résiliation infondée qu'il statue sur le bien-fondé du licenciement.

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Pour apprécier la gravité des faits reprochés à l'employeur dans le cadre de la demande de résiliation judiciaire, le juge doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement.

A l'appui de sa demande Mme [F] invoque les manquements suivants:

- à son troisième retour de congé maternité, le 3 décembre 2018, elle s'est trouvée cantonnée à des tâches administratives de base, ne correspondant pas à son expérience ni à sa qualification alors même qu'elle avait accédé depuis 2011 au poste clé d'assistante de direction des affaires juridiques suite au départ à la retraite de Mme [Y].

- ses demandes réitérées de formation professionnelle depuis décembre 2018 n'ont pas été suivies d'effet, son supérieur hiérarchique n'y ayant même pas répondu.

- son chef de service était absent à sa reprise de poste et bien qu'un entretien ait été prévu à cet effet avec ce dernier le 19 décembre 2018, il l'a annulé et n'a jamais fixé de nouvelle date en dépit des demandes formalisées à quatre reprises par la salariée.

- elle a été déclarée inapte par le médecin du travail avec la mention 'tout reclassement dans un emploi pourrait être préjudiciable à l'état de santé du salarié'.

- elle s'est trouvée privée de bureau et d'ordinateur tandis que sa mission n'était pas définie.

Mme [F] verse en pièce 3 une fiche de poste d'assistante de direction (direction des affaires juridiques) qui correspondait aux attributions de Mme [Y] dont il n'est pas contesté qu'elle a assuré le remplacement lors du départ à la retraite de cette dernière en fin d'année 2010.

Cette fiche prévoit expressément des tâches de 'secrétariat', de préparation et suivi de dossiers thématiques, de gestion et classement de dossiers, de veille juridique, de suivi des questions écrites et réponses ministérielles, de suivi des appels de cotisations.

La fiche dont Mme [F] se prévaut dans sa pièce 67, en date du 15 février 2016, correspond à un document établi par ses soins à l'appui de sa demande de revalorisation salariale. Elle reprend les missions de secrétariat, suivi de dossiers, veille juridique.

Elle verse aux débats, dans ses pièces 25 à 66 des courriels qui établiraient selon elle qu'à sa reprise de poste elle s'est trouvée cantonnée à de simples tâches administratives.

L'examen de ces pièces démontre cependant qu'elles se rapportaient aux tâches de secrétariat pour lesquelles elle avait été embauchée, et précisées ci-dessus.

Ces courriels établissent également, ainsi que le fait observer à juste titre le CSN, qu'elle continuait de réaliser des attributions plus spécifiques telles que :

- la sélection et l'envoi de documents juridiques pour les membres des commissions,

- la collecte et la compilation de travaux et notes juridiques

- la rédaction de projets de courriers, courriels, notes, documents

- la rédaction de lettre de mission, rapport d'activité de la Direction des affaires juridiques...,

- l'organisation de réunions, séminaires, comités, assemblées générales...

C'est ainsi qu'elle collectait et adressait des documents à l'attention de notaires en vue de la tenue de commissions en début d'année 2019, transmettait un projet de courrier au directeur des affaires juridiques à l'attention de l'ARC, ainsi qu'un document de travail pour le pôle Mission Notariale dans lequel elle avait intégré les informations liées à la loi Elan 'urbanisme' et avait inséré des éléments de la veille juridique.

Ainsi, Mme [F] n'établit nullement qu'elle n'aurait pas retrouvé le poste qu'elle avait quitté au moment de son congé maternité. Il sera observé par ailleurs qu'elle ne conteste pas le fait d'avoir conservé sa classification professionnelle. De même, les organigrammes versés aux débats par l'employeur démontrent que sa position d'assistante du directeur des affaires juridiques a été maintenue.

Si elle soutient ne pas avoir bénéficié d'augmentations salariales (pages 3 et 4 de ses conclusions), le CSN établit dans ses pièces 34 et 40 qu'elle a bénéficié d'un avancement le 25 février 2016, son coefficient étant porté à 215 et son salaire à 2650 euros. A partir de mars 2018, son salaire de base a été porté à 2949, 80 euros.

Enfin, le compte rendu de la réunion de service dont se prévaut Mme [F] dans sa pièce 32 démontre qu'elle est 'en charge de la coordination du pôle: suivi des chronos du pôle, compilation hebdomadaire des activités du pôle à l'attention de Me Nicolas Fontauzzi,

collecte des éventuelles notes du pôle à transmettre en vue du comité ainsi que de l'élagage du relevé de décisions du comité'.

Mme [F] ne démontre donc pas que le contenu de ses missions aurait été modifié ni dévalorisé à sa reprise de poste.

Ensuite, Mme [F] affirme qu'en dépit de ses demandes réitérées de formation professionnelle depuis décembre 2018, celles-ci n'auraient pas été suivies d'effet, son supérieur hiérarchique n'y ayant même pas répondu.

Il ressort néanmoins des courriels versés aux débats que Mme [F] a formalisé cette demande à l'attention de la directrice des ressources humaines par courriel du 6 décembre 2018, laquelle lui a répondu le 10 décembre suivant qu'elle avait attendu son retour effectif pour lui faire des propositions, et lui adressait le 20 décembre trois programmes de formations avec les dates en lui demandant de lui faire part de son retour.

Mme [F] n'en a accusé réception que le 17 janvier 2019 et a adressé à son supérieur hiérarchique deux courriels en dates des 24 et 29 janvier 2019.

Mme [F] a été placée en arrêt maladie le 11 février 2019 et au regard de la chronologie ci-dessus retracée, il ne peut être soutenu que l'employeur aurait laissé sans effet des demandes de formation professionnelle ou les aurait sciemment négligées dans le but de 'se débarrasser de la salariée'.

De la même façon, Mme [F] n'établit nullement un refus de la part de ce dernier de réaliser un entretien de reprise de poste alors que la copie de l'agenda outlook de cette dernière fait état d'un entretien le 14 décembre 2018. A la suite de cet entrevue, Mme [F] lui a adressé divers documents en vue de l'établissement de cet entretien.

Elle lui a adressé un courriel le vendredi 8 février 2019 afin de planifier l'entretien professionnel qui n'avait pas pu être tenu le 19 décembre 2018. Ainsi que dit précédemment, elle a été placée en arrêt maladie le 11 février suivant. Ici encore, la chronologie des faits ne permet nullement de conclure à un refus délibéré de l'employeur de rencontrer sa salariée.

En outre, Mme [F] ne conteste pas l'affirmation du CSN aux termes duquel elle a été reçue par Mme [L], administratrice des ressources humaines, le 5 février 2019.

Du reste, l'employeur verse aux débats le courriel adressé par le département RH à Mme [F] et Me Devos le 3 avril 2019 contenant le formulaire permettant de réaliser l'entretien professionnel de cette dernière lors de sa reprise du travail. La salariée ne reprendra cependant jamais son poste.

En troisième lieu, Mme [F] ne démontre nullement avoir été privée de son bureau à sa reprise de travail alors que par courriel du 26 novembre 2018, Mme [L] avait annoncé aux salariés le retour de Mme [F] le 3 décembre à la DAJ, que cette dernière reprendrait son poste en face de Mme [G] (ce qui a été attesté par celle-ci aux débats) tandis que Mme [W] s'installerait dans le bureau d'à côté avec Mme [E].

Mme [F] n'établit pas davantage une quelconque privation de son ordinateur, ainsi que les nombreux mails versés aux débats le démontrent. Elle verse simplement à la cause un courriel de Mme [G] du 10 janvier 2019 indiquant que le PC de Mme [F] a 'rendu l'âme' et qu'il convient de 'régler ce problème rapidement', ce qui a été le cas, ainsi que le prouvent les courriels adressés par ses soins dès le lundi 14 janvier suivant.

Enfin, Mme [C] [F] fait valoir que le médecin du travail a constaté son inaptitude avec la mention 'tout reclassement dans un emploi pourrait être préjudiciable à l'état de santé du salarié ». Elle se prévaut également du certificat médical de son médecin généraliste, le Dr [K]. Bien qu'elle n'en tire expressément aucune conséquence juridique, il sera observé que l'inaptitude médicale n'apparaît nullement liée à un quelconque manquement du CSN.

Il ressort abondamment de tout ce qui précède que les griefs formés par Mme [F] ne sont pas établis.

La demande de résiliation judiciaire sera donc rejetée, ainsi que les demandes subséquentes.

Les demandes de dommages et intérêts pour défaut d'entretien professionnel et entrave à la formation professionnelle seront également rejetées.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles.

Mme [F] sera condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au profit du CSN sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris.

Condamne Mme [C] [F] au paiement de la somme de 1500 euros au profit du CSN sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [C] [F] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 21/03427
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;21.03427 ?
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