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21/06/2023 | FRANCE | N°21/02071

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 21 juin 2023, 21/02071


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 21 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIIR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 18/00627



APPELANT



Monsieur [V] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me V

éronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148



INTIMEE



S.A.S. ABAX INDUSTRIES Prise en la personne de son Président, domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Local...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02071 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIIR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 18/00627

APPELANT

Monsieur [V] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIMEE

S.A.S. ABAX INDUSTRIES Prise en la personne de son Président, domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 622 000 891

Représentée par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C608

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Axelle MOYART, greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Abax industries a pour activité la distribution de produits d'entretien et de nettoyages industriels, notamment auprès d'entreprises spécialisées dans le secteur automobile et de l'aéronautique.

M. [V] [J], né en 1966, a été engagé par la société Abax industries, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 mai 2017 en qualité de directeur commercial, statut cadre, coefficient 550.

Par avenant du 26 mars 2018 à effet au 1er avril 2018, les fonctions de M. [V] [J] ont été étendues à celles de l'activité « froid », à la suite du départ du directeur général, M. [N], qui avait la charge de cette activité.

Par courrier du 5 juillet 2018, remis en main propre au salarié, celui-ci s'est vu notifiée sa mise à pied conservatoire.

Par lettre du 13 juillet 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2018 en vue d'un éventuel licenciement. Il lui été en même temps notifié le maintien de la mise à pied conservatoire.

Celui-ci a été porté à sa connaissance pour faute grave par lettre du 27 juillet 2018.

A la date du licenciement, M. [V] [J] avait une ancienneté d'un an et un mois.

La société Abax industries occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Sollicitant la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [V] [J] a saisi le 8 novembre 2018 le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, des demandes suivantes :

- condamner la société Abax industries à payer à M. [V] [J] les sommes suivantes :

* 18.700 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à deux mois de salaire,

* 2.805 euros d'indemnité légale de licenciement,

* 28.050 euros d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire,

* 2.805 euros d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

* 5.625 euros de rappel de rémunération variable de 2017 et 562,5 euros d'indemnité de congés payés afférents,

* 5.650 euros de rappel de rémunération variable de 2018 et 565 euros d'indemnité de congés payés afférents,

* 51.000 euros en réparation du caractère vexatoire de son licenciement.

Subsidiairement, il prie la cour d'écarter la faute grave.

Il sollicite l'allocation de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse a demandé à la cour d'écarter des débats l'attestation de M. [U] [N] communiquée en pièce n°15, s'est opposée à toutes les prétentions adverses et a sollicité la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 11 janvier 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a débouté M. [V] [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 1.000 euros à la société Abax industries, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 18 février 2021, M. [V] [J] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 19 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2023, l'appelant reprend devant la cour ses prétentions de première instance sous réserve de la réduction de l'indemnité de licenciement à la somme de 2.727,08 euros.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2023, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement. Elle sollicite la condamnation de M. [V] [J] à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la rémunération variable

S'agissant de l'année 2017, il sollicite le paiement de sa rémunération variable au prorata du temps passé dans l'entreprise au cours de cette année et demeurée selon lui non payée. Il la sollicite aussi au titre de l'année 2018, toujours au prorata du temps passé dans l'entreprise, motif pris qu'elle lui est due dès lors que la société Abax industries n'a pas fixé ses objectifs pour cette dernière année.

L'employeur objecte que compte tenu des fautes commises par le salarié celui-ci n'aurait pas dû recevoir une telle indemnité, qu'il a cependant reçue au titre de l'année 2017.

Sur ce

Aux termes de l'article 3 du contrat de travail outre sa rémunération fixe, l'intéressé devait percevoir 'une rémunération variable annuelle brute pouvant atteindre 10 % de sa rémunération fixe annuelle' avec la précision 'les modalités de ce variable font l'objet d'une annexe à ce contrat de travail révisable annuellement courant janvier'.

L'annexe cosignée par les parties le jour même du contrat principal énonce :

- L'année 2017 constitue une période d'intégration, de redéfinition de la stratégie du département commercial et de mise en oeuvre des premières actions en découlant ;

- La mesure de pertinence de ces premiers mois ne peut être effectuée que de manière qualitative ;

- Le variable au titre de l'année 2017 sera dû prorata temporis et ne pourra être inférieur à la moitié de 10 % de la rémunération annuelle fixe de M. [V] [J] prorata temporis'.

Un courriel écrit le 12 mars 2018 par le directeur général de la société, M. [N], qui ne travaille plus pour l'entreprise rappelle que pour 2017, 'une prime exceptionnelle incluant ce variable' a été versée à ce dernier.

Si l'expression de prime exceptionnelle incluant un variable est maladroite, il n'en demeure pas moins, que ce message signifie sans ambiguïté que l'intéressé a reçu une somme incluant outre une prime exceptionnelle, sa rémunération variable pour 2017, ce qui explique qu'il ne l'ait pas réclamée alors qu'il était encore en poste dans l'entreprise.

Par suite M. [V] [J] sera débouté de ce chef.

S'agissant de la prime de l'année 2018, aucuns objectifs n'apparaissent avoir été fixés, de sorte que le salarié doit percevoir sa prime prorata temporis comme s'il les avait atteints.

En conséquence, il lui sera alloué la somme de 5 250 euros (90 000 x 10/100 x 7/12) outre 525 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

2 : Sur le licenciement

Il convient d'examiner successivement chacun des griefs imputés par la société Abax industries à M. [V] [J] au titre de la faute grave.

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

2.1 : L'absence de suivi des dossiers dont M. [V] [J] était chargé

2.1.1 : Dossier Peugeot

Selon l'employeur, alors qu'une proposition commerciale pour une nouvelle gamme de six produits de nettoyage lavage finition de véhicule avait été faite à Peugeot qui est un client important de la société, en vue de la prise d'une décision début 2018, M. [V] [J] est resté passif, de sorte que l'employeur n'a pas été retenu. La société Abax industries se plaint d'un important préjudice financier et d'image.

Le salarié répond que, selon son contrat de travail, l'année 2017 n'était qu'une année d'intégration, que le dossier litigieux, qui résultait d'un appel d'offre, a donné lieu à une proposition commerciale en juin, puis à un complément d'offre le 28 juillet 2017, sous la responsabilité de M. [B] au moins jusqu'à la mi-novembre 2017. Ainsi M. [V] [J] soutient n'avoir pas eu de responsabilité dans le traitement de cet appel d'offre.

Sur ce

Selon l'annexe au contrat de travail relative à la prime annuelle, M. [V] [J] a intégré la société à la mi-mai 2017, l'année 2017 constituait une période d'intégration, de redéfintion de la stratégie du département commercial et de mise en oeuvre des premières actions en découlant, et la mesure de la pertinence de ces premiers mois ne peut être effectuée que de manière qualitative.

Il est constant que le salarié a été embauché pour remplacer M. [B] qui n'est parti qu'à la fin du mois de décembre 2017.

Les échanges de courriels relatifs à l'appel d'offre de Peugeot ont eu lieu entre la représentante de ce client et M. [B] pour l'essentiel. Si ces messages étaient redirigés selon une attestation du responsable informatique vers la boîte de M. [V] [J], M. [N], ancien directeur général de la société qui a exercé ces fonctions entre septembre 2016 et avril 2018, atteste que c'est bien M. [B] qui suivait ce dossier.

Un courriel du 18 juillet 2017 rapporte qu'une nouvelle offre devait être faite à Peugeot, ce qui signifie qu'une précédente avait déjà été effectuée.

Dans ces conditions, la pleine responsabilité du salarié dans l'échec de cet appel d'offre pour la société n'est pas clairement 'établie.

2.1.2 : Dossier GSF

La société Abax industries reproche au salarié de n'avoir par renvoyé le contrat du client GSF qui était sur son bureau depuis la mi-décembre 2017 et qui portait sur 125 000 euros en 2017 et 172 000 euros en 2018, de sorte qu'il a fallu que l'employeur récupère le client ultérieurement.

Le salarié répond qu'il ne connaissait pas ce client et qu'il n'avait pas le pouvoir de signer un tel contrat.

Sur ce

Il n'apparaît pas que le salarié en qualité de directeur commercial avait le pouvoir de signer.

Cependant son absence de réaction à la suite du message du 'Ci après le contrat signé par Mme [R] à renvoyer signé' traduit un manque de diligence délibéré.

2.1.3 : EPMNL

La société Abax industries reproche au salarié de n'avoir pas donné suite à l'appel d'offre d'EPMNL, dont pourtant le dossier avait été préparé par le responsable grand-compte, M. [C].

M. [V] [J] répond que l'activité grand froid en cause ne lui a été confiée qu'à partir du 1er avril 2018, qu'auparavant le dossier était de la responsabilité du directeur général et de M. [C] et que celui-ci en avait conservé la charge à la suite du départ de M. [N].

Aucune pièce du dossier ne démontre que le salarié était partie prenante dans ce dossier déjà engagé bien avant qu'il ne devienne responsable grand froid, alors qu'au contraire M. [N] certifie qu'un marché tel que celui-ci d'une importance secondaire, devait continuer d'être suivi par M. [C] qui en était déjà chargé.

2.1.4 : Techprodis

La société Abax industries soutient qu'elle commercialisait trois types de produits, Agrivit Mineral concentré, Agri'vit vert clair et Agri'vit vert foncé et enfin Agri'vit vert SDP et que M. [V] [J] a accordé par courriel du 20 juin 2018 l'exclusivité du premier à la société Tchnoprodis selon des conditions commerciales classiques qui n'expliquent par une telle exclusivité, tout en proposant par courriel du même jour le même produit à d'autres clients Kramp, Campa-Socodicor et Bardhal, ce qui aurait engendré des négociations désavantageuses et des pertes de clients.

M. [V] [J] objecte que donner l'exclusivité à un gros client est une pratique courante, que le produit proposé à Kramp n'était pas le même que celui proposé à Techprodis. Il prétend que l'employeur n'a subi aucun préjudice.

Sur ce

L'attestation de M. [D], dirigeant de Techprodis ainsi que les courriels versés aux débats établissent que M. [V] [J] a en même temps accordé l'exclusivité à cette société sur le produit Agri'Vit Minéral Concentré' et proposé le même produit aux sociétés Kramp, Campa-Socodicor et Bardhal, ce que Techprodis a dénoncé de sorte que des négociations ont dû être engagés pour trouver un accord satisfaisant les parties prenantes.

Il s'agit de la violation volontaire d'un engagement de la société vis à vis du client Techprodis, de nature à porter atteinte à l'image de la société et à ses intérêts financiers.

2.1.5 : dossier SDP

La société Abax industries reproche à M. [V] [J] d'avoir fait livrer à la société SDP le produit Agri'Vit Mineral Concentré à raison de 13,5 tonnes factrurées et 6 tonnes gratuites, alors que la commande du client portait initialement sur le produit habituel Agri'Vit SDP. L'employeur soutient qu'ainsi il a perdu tout crédit auprès de ce client avec lequel il a fallu renégocier pour pouvoir lui livrer le produit voulu et d'autre part il a vendu, du fait des livraisons gratuites, en dessous du prix du marché.

Le salarié répond que la responsabilité en incombe au commercial chargé du dossier, M. [X], qui était par ailleurs apparenté au client.

Sur ce

Les échanges de courriels entre les parties démontrent que M. [V] [J] a participé aux négociations et décisions relatives aux livraisons litigieuses et en est en tant que supérieur hiérarchique de M. [X] pleinement informé pleinement responsable.

Il lui appartenait vis à vis de ce client de négocier dans le respect des intérêts de son employeur en maîtrisant les besoins des clients, ce qu'il n'a pas fait. Il indique dans un courriel relatif à ce marché que de temps en temps 'il fallait faire autrement', car 'Abax ne faisait pas toujours comme il se devrait'.

Les livraisons anormales tant quant aux prix que quant aux choix des produits, s'analyse donc comme une déloyauté vis à vis de l'employeur par le recours à des pratiques hasardeuses et nuisibles à la société.

2.2 : La baisse de chiffre d'affaire

La société Abax industries impute au salarié la perte de chiffre d'affaire hors froid du groupe de 14,77 % au 30 juin 2018, par rapport au 30 juin 2017 et de 16,79 % pour la société Abax distribution, alors que le salarié a pris la responsabilité de ce secteur en mai 2017.

Le salarié oppose qu'il était en période d'observation jusqu'en décembre 2018, date avant laquelle les responsabilités étaient occupées par son prédécesseur. Il impute la responsabilité de cette baisse à la perte du client Tereva. Il ajoute que la société n'était pas rentable en 2016 et que le chiffre d'affaire a été en nette progression entre 2016 et 2018.

Sur ce

La baisse de chiffre d'affaire invoquée par la société n'est pas significative, puisque d'une part M. [V] [J] ne faisait que commencer ses fonctions au cours du second semestre de 2017 et d'autre part le résultat, qui participe à l'appréciation de la santé de l'entreprise, est passé de - 5,40 % en 2016 à +2,14 % en 2017 et à +4.10 % en 2018.

Il ne peut être tiré des éléments donnés par la société une preuve d'une faute du salarié ayant causé du tort à la société.

2.3 : Les rendez-vous inscrits sur l'agenda de M. [V] [J]

La société Abax industries soutient que des rendez-vous inscrits sur l'agenda de M. [V] [J] avaient pour objet de faire accroire à une activité fictive et lui dégager du temps pour les deux sociétés, dont il était gérant et dont la société XTour qui exerce dans le commerce de détail de l'équipement automobile, ce qu'il avait pris soin de cacher à son employeur.

M. [V] [J] répond que le seul rendez-vous visé dans la lettre de licenciement est celui passé avec Fiat le 27 avril 2018, et reconnaît qu'il ne correspond pas à la réalité. Cependant, il soutient que c'est en accord avec la direction qu'il s'était rendu chez le client Lescot, fabriquant de lave glace et non pas chez Fiat.

Sur ce

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne vise qu'un seul faux rendez-vous, à savoir le rendrez-vous avec Fiat du 27 avril 2018.

Le salarié reconnaît ce mensonge, dont on ne voit pas pourquoi, comme il le prétend, il aurait été inscrit sur son agenda avec l'accord de l'employeur.

Cette faute doit être retenue, sans qu'il puisse en être déduit comme le fait la société Abax industries que c'était nécessairement pour entretenir une activité concurrentielle.

2.4 : L'absence de communication

La lettre de licenciement fait grief au salarié de n'avoir pas réorganisé le service administration des ventes et le service commercial comme il le lui avait été demandé, de n'avoir pas eu de contacts réguliers avec ses équipes auxquelles il ne donnait aucune directive particulière et qu'il avait grandement tardé à signer le contrat d'agent commercial avec M. [E].

Le salarié conteste une telle faute.

Aucune pièce du dossier ne vient étayer les dires de la société et ce grief doit être écarté.

2.5 : Suspicion de travail par le salarié pour d'autres intérêts que ceux du groupe

La société Abax industries évoque des suspicions de déloyauté de son salarié qui aurait participé pendant ses heures de travail à des activités liées à ses fonctions de gérant de l'entreprise X Tour qui a pour objet une activité proche de celle de l'employeur, puisqu'elle agit dans le domaine du commerce de détail d'équipements automobiles. Elle prétend qu'il avait aussi utilisé son temps de travail comme de gérant de la société Tourvier et au titre de son activité propre à savoir la location de logements. Elle souligne que l'intéressé n'a pas informé le cabinet de recrutement qui l'a mis en relation avec la société Abax industries de son poste de gérant de la société X Tour.

M. [V] [J] répond que l'employeur était informé de ses activités et qu'en tout état de cause, le grief ne peut être retenu car exprimé par la lettre de licenciement en termes hypothétiques. Enfin il maintient que, contrairement à ce qu'on lui reproche, il n'a pas participé au salon Rétromobile pour ses affaires personnelles, mais bien pour le compte du groupe Abax.

Sur ce

A défaut de lettre énonçant des motifs du licenciement conformes aux dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Les motifs doivent être précis et matériellement vérifiables.

Les termes flous et hypothétiques de la lettre de licenciement qui évoque un 'doute' et un 'amalgame' de sa fonction au sein du goure Abax avec ses fonctions exercées au sein de son ancienne société ne répond pas à l'exigence de motifs précis et matériellement vérifiables exigés pour que le salarié puisse être en mesure de se défendre.

Par suite e grief est écarté.

2.6 : Sur la qualification de licenciement pour faute

Subsidiairement, M. [V] [J] considère que le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse en ce que la lettre de licenciement reproche au salarié un ensemble de faits qui relèvent de l'insuffisance professionnelle.

Toutefois, les griefs retenus consistant dans la mention d'un rendez-vous mensonger dans son agenda, un manque de diligence dans la signature du contrat avec GSF et l'octroi d'un contrat d'exclusivité à une société sur un produit pour ensuite le proposer à d'autres clients, la livraison de produits à un prix anormalement bas et non conformes à la demande du client, en toute conscience, ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle, mais de la déloyauté et de la mauvaise volonté délibérée, de sorte que c'est à juste titre que la société Abax industries a recouru à la procédure de licenciement disciplinaire.

2.7 : Sur la qualification de faute grave

Au terme de l'analyse qui précède, la cour retient des errements de nature à détruire toute confiance, à faire craindre des risques de réitération et interdire toute possibilité de continuer à collaborer au regard du niveau de responsabilité de l'intéressé.

Par suite le maintien du salarié dans l'entreprise s'avérait impossible et la faute grave est caractérisée.

Il s'ensuit que M. [V] [J] sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement.

3 : Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

M. [V] [J] sollicite l'allocation de la somme de 51 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire en ce qu'il a été subitement privé d'emploi et de ressources avec mise à pied sur la base de grief infondé ou au mieux relevant de l'insuffisance professionnelle, l'employeur allant jusqu'à se renseigner au cours de sa mise à pied sur ce que représentait pour eux l'absence du salarié.

La société Abax industries objecte que la lettre de licenciement ne comporte aucune propos mensonger ou diffamant, qu'aucune circonstance de la rupture n'a été vexatoire et que l'intéressée ne démontre aucun préjudice.

Il a été démontré que la rupture repose sur des motifs bien fondés pour une large part et que la sanction était justifiée. Aucune circonstance particulière du licenciement n'a emporté de préjudice particulier pour l'intéressé.

Cette demande sera donc rejetée.

4 : Sur la délivrance de documents sociaux et l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au vu du rappel de prime retenu, il convient d'ordonner la délivrance dans le mois de la signification du présent arrêt d'une attestation Pôle Emploi, d'un solde de tout compte conforme au présent arrêt, sans qu'il soit besoin de fixer une nouvelle astreinte.

La demande de délivrance d'un nouveau certificat de travail est rejetée, l'arrêt ne changeant pas le contenu du certificat initial.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de débouter l'une et l'autre des parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et de laisser à chaque partie la charge de leurs propres dépens, puisqu'elles succombent toutes deux.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sauf sur les demandes de prime au titre de l'année 2018, l'indemnité de congés payés y afférents, la demande de la société Abax industries en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Abax industries à payer à M. [V] [J] la somme de 5 250 euros de rappel de prime au titre de l'année 2018 et celle de 525 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

Rejette la demande de la société Abax industries au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Abax industries à remettre à M. [V] [J] une solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans le mois de la signification du présent arrêt ;

Rejette la demande de remise d'un nouveau certificat de travail ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/02071
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;21.02071 ?
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