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21/06/2023 | FRANCE | N°20/03668

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 21 juin 2023, 20/03668


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 21 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03668 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5G4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F17/04190



APPELANT



Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Repr

ésenté par Me Hava MACALOU, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



S.A. S.A. COMPAGNIE D'EXPLOITATION DES SERVICES AUXILIA IRES AERIENS (SERVAIR)

[Adresse 4]

- [Localité 5]

[...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 21 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03668 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5G4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F17/04190

APPELANT

Monsieur [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Hava MACALOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. S.A. COMPAGNIE D'EXPLOITATION DES SERVICES AUXILIA IRES AERIENS (SERVAIR)

[Adresse 4]

- [Localité 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Yvan WILLIAM, avocat au barreau de PARIS toque : E0047

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Axelle MOYART, greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A compter du 23 juillet 2010, M. [E] [S], né en 1977, a été engagé par la SA compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société SERVAIR) selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée.

Pour la période allant du 3 au 15 décembre 2015, un contrat à durée déterminée a été signé entre les parties pour le remplacement d'un salarié absent en raison de ses congés annuels.

Du 16 au 20 décembre suivant, M. [S] a continué de travailler pour le compte de la société SERVAIR mais sans qu'un nouveau contrat ne soit signé.

Le 21 décembre 2015, il a cessé de travailler pour cet employeur.

Le 2 février suivant, le salarié a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins d'obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le paiement d'un rappel de salaire et la poursuite de la relation de travail. Le conseil a dit n'y avoir lieu à référé ce que la cour d'appel de Paris a confirmé par un arrêt du 6 juillet 2017.

Le 26 décembre suivant, M. [S] a saisi  le conseil de prud'hommes de Bobigny statuant désormais au fond en sollicitant la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, sa réintégration, des rappels de salaire ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et exécution déloyale du contrat.

Par jugement de départage du 28 janvier 2020,

le conseil a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 3 décembre 2015, condamné la société SERVAIR à payer à M. [S] 1.965,78 euros d'indemnité de requalification, dit que la rupture s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté M. [S] de ses demandes de réintégration et de rappels de salaire, constaté que le salarié ne sollicitait pas le paiement de sommes au titre de la rupture et condamné la société SERVAIR à payer 2.500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, outre 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Le 18 juin 2020, M. [S] a fait appel de cette décision notifiée le 19 mai précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mars 2023, il demande à la cour de confirmer le jugement sur la requalification, l'indemnité à ce titre, les dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi et les frais irrépétibles mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société SERVAIR à lui payer 1.474,34 euros de rappels de salaire du 21 décembre 2015 au 14 janvier 2016, outre 147,43 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société SERVAIR à lui payer 11.794,68 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la rupture ;

- condamner la société SERVAIR à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts fondés sur les conditions vexatoires et la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail ;

- condamner la société SERVAIR à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SERVAIR aux entiers dépens.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 novembre 2020, la société SERVAIR demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il déboute M. [S] de ses demandes de réintégration et de rappels de salaire mais de l'infirmer en ce qu'il ordonne la requalification du contrat à durée déterminée du 3 décembre 2015 en contrat à durée indéterminée et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [S] de ses demandes ;

- condamner M. [S] à lui payer 2.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 17 avril 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur la requalification

Il résulte des articles L.1242-12 et L.1242-13 du code du travail que le contrat de travail à durée

déterminée doit être établi par écrit et transmis au salarié au plus tard dans les deux jours suivants l'embauche.

Dans sa version applicable au litige, l'article L.1245-1 du même code prévoyait qu'était réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12, alinéa premier, L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4.

Dans l'état du droit alors applicable, il était jugé que, sauf pour l'employeur à établir la mauvaise foi de son salarié, le défaut de signature par ce dernier de son contrat dans les deux jours suivants son embauche emportait requalification en contrat à durée indéterminée.

En l'espèce, M. [S] a travaillé au service de la société SERVAIR en qualité de magasinier du 16 au 21 décembre 2015 sans qu'un contrat à durée déterminée ne soit signé pour cette période.

Si la société SERVAIR a présenté un contrat à durée déterminée à la signature de son salarié le lundi 21 suivant pour la période du 21 décembre au 7 janvier 2016, cette présentation, intervenue après l'expiration du délai de deux jours ouvrables, qui expirait le vendredi 18 à minuit, était tardive et ne concernait en tout état de cause pas le contrat litigieux.

Par ailleurs, il n'est aucunement établi que le salarié a délibérément refusé de signer le contrat du 16 décembre 2015 dont rien ne permet d'affirmer qu'il lui a été soumis, étant souligné que le simple fait que le salarié a refusé de signer le contrat suivant en se prévalant du bénéfice d'un contrat à durée indéterminée est inopérant, cette signature ne concernant pas le contrat litigieux, et n'est, en tout état de cause, aucunement abusif, le salarié se contentant alors simplement de faire valoir ses droits.

En conséquence, en l'absence de contrat écrit signé par M. [S] pour la période du 16 au 21 décembre 2015 et, faute pour la société SERVAIR de justifier de la mauvaise foi et de 1'intention frauduleuse de ce dernier, le jugement sera confirmé en ce qu'il ordonne la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

En application de l'article L.1245-2 du code du travail, la décision sera également confirmée sur le principe et le montant de l'indemnité de requalification.

2 : Sur le rappel de salaire du 21 décembre 2015 au 14 janvier 2016 et les congés payés afférents

La relation de travail ayant cessé, en l'absence de signature d'un nouveau contrat à durée déterminée le 21 décembre 2015, le salarié verra sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 : Sur la rupture de la relation de travail

La cessation de la relation de travail requalifiée en contrat à durée indéterminée s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au cas présent, M. [S], qui a très régulièrement travaillé pour la société SERVAIR du 23 juillet 2010 au 21 décembre 2015 et qui a subi une perte de revenus du fait de la cessation de la relation de travail, se verra allouer une somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Le jugement du conseil qui n'était pas saisi d'une demande à ce titre sera complété en ce sens.

4 : Sur les dommages et intérêts en raison de la mauvaise foi et des conditions vexatoires de la rupture

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte de ces dispositions que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au cas présent, le salarié, qui ne démontre pas de manquement de l'employeur distinct du seul caractère abusif de la rupture et qui ne fait pas état d'un préjudice spécifique en résultant, verra sa demande indemnitaire de ce chef rejetée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

5 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

En cause d'appel, l'employeur supportera les dépens ainsi qu'une somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 28 janvier 2020 sauf en ce qu'il condamne l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et l'infirme de ce chef ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SA compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société SERVAIR) à payer à M. [E] [S] 8.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts en raison de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail et des conditions vexatoires de la rupture ;

- Condamne la SA compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société SERVAIR) à payer à M. [E] [S] 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens (société SERVAIR) aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03668
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;20.03668 ?
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