Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 16 JUIN 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10338 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZBS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2020F00038
APPELANTE
Madame [T] [W] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Thierry JOVE DEJAIFFE de la SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY-AVOCATS, avocat au barreau de MELUN
INTIMEE
S.A.S. GRENKE LOCATION
[Adresse 5]
[Localité 7]
N° SIRET : 428 61 6 7 34 ( [Localité 7])
représentée par Me Morgane GRÉVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : E2122
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère,
Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé, en vertu de l'article 456 du code de procédure civile, par Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le Président empêché, et par M.Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La société Grenke Location a pour activité la location financière de matériel bureautique, téléphonique et informatique à destination d'une clientèle de professionnels et de commerçants.
La société Pare Brise 3000 [Localité 6] a conclu au mois de juillet 2016 un contrat de location de longue durée avec la société Grenke Location, portant sur la location d'un photocopieur de marque Xerox fourni par la société Xeroboutique Sud, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 180 euros HT. Le procès-verbal de livraison a été signé le 8 juillet 2016.
Le 21 septembre 2016, la société Pare Brise 3000 [Localité 6] a conclu avec la société ADS Group deux contrats de location de matériel de télésurveillance et de vidéosurveillance pour une durée de soixante mois moyennant le paiement de loyers mensuels respectifs de 55 euros HT et de 92 euros HT.
Le 5 octobre 2016, la société Pare Brise 3000 [Localité 6] a conclu un troisième contrat avec la société ADS Group portant sur la location de matériel de télésurveillance pour une durée de soixante mois moyennant le paiement de loyers mensuels de 50 euros HT.
La société ADS Group a cédé l'ensemble de ses contrats à la société Grenke Location. Par ailleurs la société Grenke Location a acquis le matériel choisi par la société Pare Brise 3000 [Localité 6] auprès du fournisseur Xeroboutique Sud.
Le 6 mars 2017 la société Pare Brise 3000 [Localité 6] a vendu à la société VAL le fonds de commerce sis [Adresse 2] à [Localité 6].
La société Pare Brise 3000 [Localité 6] a fait l'objet d'une radiation du RCS d'Evry le 7 décembre 2017 à la suite de la liquidation amiable de la société Pare Brise 3000 [Localité 6] dans le cadre de laquelle Mme [T] [W] [H] a été désignée liquidateur amiable.
Suivant exploit du 27 janvier 2020, la société Grenke Location a fait assigner Mme [T] [W] [H] en paiement devant le tribunal de commerce de Melun.
Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal de commerce de Melun a :
constaté la recevabilité de l'action dirigée à l'encontre de Mme [T] [W] [H],
condamné Mme [W] [H] à payer à la société Grenke Location la somme de 13.805,40 euros,
condamné Mme [W] [H] à payer à la société Grenke Location la somme de 180 euros,
ordonné l'exécution provisoire de la décision,
condamné Mme [W] [H] à payer à la société Grenke Location la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [W] [H] aux dépens.
Mme [T] [W] [H] a formé appel du jugement par déclaration du 1er juin 2021 enregistrée le 7 juin 2021.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 août 2021, Mme [T] [W] [H] demande à la cour, au visa des articles 1844-7 4° et 1844-8 du code civil, 117 du code de procédure civile, 32 du code de procédure civile et 1329 du code civil :
d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Melun du 22 mars 2021,
En conséquence,
de constater que Mme [T] [H] n'a plus de pouvoir de représentation de la SARL Pare Brise 3000 [Localité 6],
de constater que Mme [T] [H] n'a plus la qualité de liquidateur amiable de la SARL Pare Brise 3000 [Localité 6],
de déclarer irrecevables les prétentions formulées par le demandeur à l'égard de Mme [T] [H],
de constater la novation intervenue par changement du débiteur conformément aux dispositions de l'article 1329 du code civil,
En conséquence,
de débouter la Société Grenke Location de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
À titre subsidiaire :
d'accorder des délais de paiement de 24 mois à Mme [T] [H]
Dans tous les cas
de condamner la société Grenke Location à payer à Mme [T] [H] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
de statuer ce que de droit quant aux dépens.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 27 août 2021, la société Grenke Location demande à la cour, au visa de l'article L.237-12 du code de commerce, de l'article 1844-8 du code civil, des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil :
de confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 22 mars 2021 par le tribunal de commerce de Melun sous le RG 2020F00038,
de débouter Mme [T] [J] [W] épouse [H] de sa demande de délais de paiement,
de condamner Mme [T] [J] [W] épouse [H] au paiement au profit de la société SELLINGATHOME [erreur matérielle de l'intimée résultant sans doute d'un mauvais copié-collé] d'une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
de condamner Mme [T] [J] [W] épouse [H] aux entiers dépens de la présente instance.
*
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 16 février 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur la fin de non recevoir
Mme [W] explique avoir été assignée par la société Grenke Location alors qu'elle n'est plus le représentant légal ni le liquidateur de la société Pare Brise [Localité 6] 3000, laquelle a fait l'objet d'une dissolution le 31 décembre 2016 et a été radiée du registre du commerce et des sociétés d'Evry le 7 décembre 2017. Elle soutient que la société Grenke Location est donc irrecevable en son action à son encontre, sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile. Elle ajoute que les contrats de location conclus par la société Pare Brise 3000 [Localité 6] ont été transmis au cessionnaire du fonds de commerce, la société V.A.L., à compter du 6 mars 2017.
La société Grenke Location fait valoir que la responsabilité de Mme [W] est recherchée à titre personnel du fait des fautes commises lors de son mandat de liquidateur amiable de la société Pare Brise 3000 et non en sa qualité de représentante de cette dernière. Elle soutient ensuite que la société Pare Brise 3000 [Localité 6] ne pouvait céder les contrats de location sans l'accord du bailleur, qu'elle ne justifie pas avoir obtenu.
Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile :
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »
Si la fonction de liquidateur amiable de Mme [W] a cessé depuis le 7 décembre 2017, date de la radiation du RCS de la société Pare Brise 3000, sa responsabilité personnelle peut être mise en cause, après la clôture des opérations de liquidation, si elle a commis des fautes dans le cadre de son mandat.
La société Grenke Location est donc recevable à agir en responsabilité à l'encontre de Mme [W] à titre personnel, à charge pour elle de démontrer, au fond, que des fautes ont été commises dans l'exercice de ses fonctions.
Le moyen selon lequel les contrats ont été cédés est inopérant en l'occurrence. En effet, Mme [W] verse aux débats trois courriers de la société Grenke Location adressés à la société Pare Brise 3000 [Localité 6] le 13 février 2017 pour les trois contrats de location n° 107-010197, 107-010220 et 107-010198, par lesquelles elle accusait réception de la demande de transfert du contrat de location au nom de VAL. La société Grenke sollicitait alors pour chacun des contrats, la confirmation écrite de reprise du repreneur et son extrait Kbis, tout en rappelant que le compte de la société Pare Brise était débiteur et que l'étude de sa demande ne serait reprise qu'à réception du règlement et des pièces sollicitées.
Mme [W] produit ensuite un document manuscrit dans lequel « M. [G] [R], gérant de la société VAL (') avoir récupérer les locaux de sos Pare Brise 3000 au [Adresse 2] suite à la vente du fond de commerce » (sic) comportant une signature et le tampon de la SARL VAL sise [Adresse 1]. Elle produit également une lettre qu'elle a adressée à ADS qui en a accusé réception le 26 décembre 2017 l'informant « une nouvelle fois que les contrats de télésurveillance ont été repris depuis le 1er février 2017 par la SARL VAL (') » et que « La société Pare Brise 3000 [Localité 6] a cessé toute activité le 31/12/2016. ».
Or les conditions générales de location jointes aux contrats de location de longue durée prévoient les dispositions suivantes :
« Article 13 ' Transfert ' Cession :
(...)
13.1 ' Le Locataire ne peut céder ou transférer les droits résultant pour lui du présent contrat sans le consentement écrit du Loueur, et ce même dans le cadre de dispositions légales ou du fait d'une transmission totale ou partielle de son patrimoine. Le Locataire demeurera garant solidaire vis-à-vis du Loueur de l'exécution par le cessionnaire de toutes les obligations prévues aux présentes. »
Mme [W] ne justifie pas avoir obtenu l'accord de la société Grenke Location pour le transfert des contrats de la société Pare Brise 3000 [Localité 6] dont elle était le liquidateur amiable. Les courriers en réponse produits ne font état que d'une demande de renseignements complémentaires de la part de la société bailleresse ainsi que de la réclamation du paiement du solde des arriérés de loyers. En outre, l' « attestation » - sans pièce d'identité jointe ' du gérant de la société repreneuse VAL n'évoque qu'une reprise des locaux et la vente du fonds de commerce sans parler des contrats de location financière litigieux.
Il en résulte que la société Grenke Location est parfaitement recevable à agir en responsabilité à l'encontre de Mme [T] [W] « épouse [H]. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le fond
La société Grenke Location fait valoir que Mme [W] a commis une faute en n'apurant pas le passif de la société Pare Brise 3000 [Localité 6] dans le cadre des opérations de liquidation. Elle a donc subi un préjudice constitué par l'absence de paiement des échéances contractuelles.
Mme [W] réitère son moyen selon lequel les contrats en cours ont été cédés à la société VAL. Elle ne déduit que la société Pare Brise 3000 [Localité 6] n'avait donc aucune dette à l'égard de la société Grenke Location. Elle invoque une novation des contrats au profit de la société VAL cessionnaire du fonds de commerce.
Aux termes de l'article 1844-8 du code civil :
« La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement. »
En vertu de l'article L. 237-12 du code de commerce :
« Le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.
L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254. »
La somme réclamée de 13.805,40 euros en principal est issue :
- du premier contrat de location du 21 septembre 2016 : loyers échus impayés au 19 juin 2017 à hauteur de 297 euros TTC et loyers à échoir jusqu'au terme de la location initiale soit le 31 octobre 2021, soit 52 mois x 49,50 euros = 2.574 euros HT
- du second contrat de location du 21 septembre 2016 : loyers échus impayés au 19 juin 2017 à hauteur de 496,80 euros TTC et loyers à échoir jusqu'au terme de la location initiale soit le 31 octobre 2021 soit 52 mois x 82,80 euros = 4.305,60 euros HT
- du contrat de location du 5 octobre 2016 : loyers échus impayés au 19 juin 2017 à hauteur de 300 euros TTC et loyers à échoir jusqu'au terme de la location initiale soit le 31 octobre 2021 soit 52 mois x 45 euros = 2.340 euros HT
- du contrat de location de longue durée de juillet 2016 : loyers échus impayés au 18 août 2017 pour la somme de 432 euros TTC et loyers à échoir jusqu'au terme du contrat, soit le 31 décembre 2021 : 17 trimestres x 180 = 3.060 euros HT.
La société Grenke Location a adressé à la société Pare Brise [Localité 6] plusieurs lettres de mise en demeure en recommandés avec accusés de réception :
le 11 mai 2017, mise en demeure de régler la somme de 306,31 euros au titre du contrat n° 107-010197, puis le 19 juin 2017 une lettre de résiliation
le 11 mai 2017, mise en demeure de régler la somme de 485,45 euros au titre du contrat n° 107-010198 puis le 19 juin 2017 lettre de résiliation,
le 11 mai 2017, mise en demeure de régler la somme de 282,09 euros au titre du contrat n° 107-10220 puis le 19 juin 2017 lettre de résiliation,
le 18 août 2017, mise en demeure de régler la somme de 3.538,40 euros au titre du contrat n° 058-033491.
La société Grenke Location détenait donc une créance à l'encontre de la société Pare Brise 3000 [Localité 6] et l'a sommée de régulariser la situation. Si la société Pare Brise a fait l'objet d'une dissolution à compter du 31 décembre 2016, la mention au registre du commerce et sociétés d'[Localité 6] ne date que du 9 mars 2017 et la parution de la publicité légale dans « La Semaine de l'Ile de France » du 14 mars 2017. L'extrait Kbis mentionne une « date de cessation totale de l'activité » le 31 décembre 2016, une radiation du 7 décembre 2017 et une clôture des opérations de liquidation le 31 décembre 2016.
Mme [W] n'a donc tenu aucun compte des contrats en cours souscrits par la société Pare Brise 3000 [Localité 6] avant de la dissoudre et de clôturer les opérations de liquidation. Elle n'a de plus jamais justifié de l'obtention de l'accord du bailleur pour la cession des contrats au profit du cessionnaire du fonds de commerce, la société VAL. Mme [W] n'a pas non plus pris l'initiative d'avertir la société Grenke ' la première lettre produite est datée du 4 décembre 2017 ' de la prochaine dissolution de la société cocontractante et de la nécessité de résilier les contrats en cours, à défaut de reprise.
L'appelante a donc commis des fautes dans l'exercice de ses fonctions de liquidateur amiable de la société Pare Brise 3000 [Localité 6] ayant causé un préjudice à la société Grenke Location. Elle ne démontre aucunement une quelconque novation des contrats ni une hypothétique subrogation de la société VAL.
La cour relève à titre superfétatoire que Mme [W] ne critique pas le calcul des montants réclamés par la société Grenke Location au titre des quatre contrats conclus par la société Pare Brise 3000 [Localité 6], notamment au titre des indemnités de résiliation.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Mme [W] et l'a condamnée à payer à la société Grenke Location la somme de 13.805,40 euros à titre principal et celle de 180 euros au titre des frais administratifs en cas de rupture anticipée, prévus par les conditions générales de location.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [W] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens. Elle sera également condamnée aux dépens en cause d'appel. En revanche, il apparaît équitable de débouter la société Grenke Location de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [W] à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mme [W] à payer la somme de 1.000 euros à la société Grenke Location sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE Mme [T] [W] aux dépens ;
DEBOUTE la société Grenke Location de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR
LE PRESIDENT EMPÊCHÉ