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16/06/2023 | FRANCE | N°21/02811

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 21/02811


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/02811 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMQX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2021 par le Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL RG n° 15/00734





APPELANT

Monsieur [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 8]>
représenté par Me Cédric ROMANET, avocat au barreau de PARIS, toque : P268





INTIMEES

SAS [10]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, toq...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/02811 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMQX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2021 par le Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL RG n° 15/00734

APPELANT

Monsieur [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représenté par Me Cédric ROMANET, avocat au barreau de PARIS, toque : P268

INTIMEES

SAS [10]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

LE FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 4]

[Localité 6]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles BUFFET, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, Président de chambre

M Gilles BUFFET, Conseiller

Mme Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [O] [W] d'un jugement rendu le 10 février 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil, dans un litige l'opposant à la société [10], la CPAM du Val de Marne et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Il est rappelé que M. [W], né le 19 août 1950, a été salarié de l'établissement de la société [10] situé à [Localité 9] du 10 septembre 1968 au 31 décembre 1986, en qualité d'ajusteur et d'ajusteur outilleur, puis a travaillé pour la société [11], dernier employeur, de 1987 à 2010.

M. [W] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle le 9 octobre 2014 en y joignant un certificat médical initial du 8 octobre 2014 qui indiquait un «carcinome bronchique (adénocarcinome) avec à la biopsie pulmonaire la présence d'un taux élevé de corps asbestosiques (CA) (1239 CA/g) témoin d'une exposition importante et antérieure à l'amiante».

Par décision du 1er avril 2015, la CPAM du Val de Marne a pris en charge cette pathologie au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles.

L'état de santé de la victime a été déclaré consolidé au 8 octobre 2014. Une rente, calculée sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 67%, lui a été attribuée à compter du 9 octobre 2014.

En l'absence de conciliation, M. [W] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 19 janvier 2017, le tribunal a notamment dit que la maladie professionnelle de la victime était due à la faute inexcusable de la société, ordonné la majoration de la rente à son taux maximum, dit que la décision de prise en charge était inopposable à la société, que la caisse devra faire l'avance des indemnisations accordées à la victime et qu'elle ne pourra pas en poursuivre le recouvrement à l'encontre de la société, déclaré le jugement opposable au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et, avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise médicale de la victime afin de déterminer ses préjudices.

L'expert désigné, le docteur [B], a déposé son rapport le 2 juillet 2018.

Par arrêt rendu le 11 décembre 2020, la cour de céans a :

- infirmé le jugement rendu le 19 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil seulement en ce qu'il a:

- dit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [O] [W] le 8 octobre 2014 était inopposable à la société [10];

-dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ne pourra pas poursuivre à l'encontre de la société [10] le recouvrement des sommes dont elle aura fait l'avance;

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

- dit que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [O] [W] le 8 octobre 2014 est opposable à la société [10],

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne pourra poursuivre le recouvrement à l'encontre de la société [10] des sommes dont elle devra faire l'avance en réparation des préjudices de M. [O] [W],

- dit n'y avoir lieu d'évoquer la réparation du préjudice,

- renvoyé l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil

- condamné la société [10] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [10] à payer à M. [O] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [10] aux dépens d'appel.

Par jugement du 10 février 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

- accordé à M. [O] [W] les indemnités suivantes dans le cadre de la réparation des différents chefs de préjudice établis :

- 8.000 euros en réparation de son préjudice résultant des souffrances physiques et morales,

- 2.000 euros en réparation de son préjudice esthétique,

- 2.000 euros en réparation de son préjudice d'agrément,

- 2.000 euros en réparation de son préjudice sexuel,

- 1.350 euros en réparation de son préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire,

- dit que ces sommes seront versées à M. [O] [W] par la CPAM du Val de Marne,

- dit que la société [10] est tenue de rembourser ces sommes à la CPAM du Val de Marne, et en tant que de besoin, la condamne à payer ces sommes à la caisse,

- condamné la société [10] à verser à la CPAM du Val de Marne la somme de 700 euros dont elle a fait l'avance au titre de la consignation préalable à l'expertise judiciaire,

- dit que la société [10] payera à M. [O] [W] une indemnité de 1.500 euros dans le cadre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Le jugement a été notifié à M. [O] [W] le 17 février 2021, lequel en a interjeté appel par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 février 2021.

Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement par son conseil, M. [O] [W] demande à la cour de :

- réformer, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire de Créteil du 10 février 2021 et, statuant à nouveau :

- fixer la réparation des préjudices subis par M. [O] [W] de la façon suivante:

-en réparation du déficit fonctionnel temporaire : 1.859 euros,

- en réparation du préjudice de la souffrance physique : 100.000 euros,

- en réparation du préjudice de la souffrance morale : 100.000 euros,

- en réparation du préjudice d'agrément : 100.000 euros,

- en réparation du préjudice sexuel : 20.000 euros,

- en réparation du préjudice esthétique : 20.000 euros,

- condamner la société [10] à payer à M. [O] [W] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement par son avocat, la société [10] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire, dans le cas où la cour viendrait infirmer le jugement,

-réduire significativement le montant des indemnités sollicitées au titre des souffrances physiques et morales endurées du fait de la maladie, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et du préjudice esthétique,

en tout état de cause,

- débouter M. [O] [W] et la caisse de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement par son avocat, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 10 février 2021 en ce qu'il a alloué les sommes suivantes :

8.000 euros au titre des souffrances physiques et morales,

2.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

2.000 euros au titre du préjudice sexuel,

2.000 euros au titre du préjudice esthétique,

-donner acte que la caisse s'en remet à l'appréciation de la cour en ce qui concerne l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire,

- dire que la caisse fera l'avance de l'ensemble des sommes éventuellement allouées par la cour à M. [O] [W] et qu'il conviendra de déduire de l'indemnisation définitive le montant de 15.350 euros, somme déjà versée par la caisse à l'assuré en liquidation de ses préjudices conformément au jugement rendu le 10 février 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil,

- dire que la caisse récupérera auprès de l'employeur les montants versés à l'assuré, c'est à dire la majoration de rente et les sommes versées au titre de chaque poste de préjudice, et qu'elle récupérera également auprès de lui les frais d'expertise,

- condamner la société [10] à payer la somme de 1.000 euros à la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement convoquée à l'audience du 27 mars 2023 par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 15 juin 2022, le FIVA n'est pas représenté.

Le présent arrêt est réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par M. [O] [W], la société [10] et la caisse et soutenues à l'audience pour l'exposé de leurs moyens.

SUR CE :

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

En application de cette disposition, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel (décision n°2010-8 du 18 juin 2010 sur QPC) et la Cour de cassation (Cass. civ.2ème, 13 février 2014 n°13-10548, assemblée plénière 20 janvier 2023, n°20-23.673), peuvent également être indemnisés le déficit fonctionnel avant et après consolidation, l'assistance par tierce personne avant consolidation, les frais d'aménagement du véhicule et du logement, le préjudice sexuel, le préjudice permanent exceptionnel, le préjudice d'établissement, le préjudice scolaire, les dépenses de santé non prises en charge et les frais divers, postes de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

Aux termes de son rapport, le docteur [B] indique que M. [O] [W] présente un adénocarcinome infiltrant de la pyramide basale gauche, confirmé à l'examen anatomopathologique, initialement au stade PT1aN0. La numération des corps abestosiques en microscopie optique du parenchyme pulmonaire, réalisé le 30 avril 2014, est de 1239 CA/g. Ce chiffre est indicatif d'une exposition antérieure à l'amiante, puisqu'elle dépasse 1000 CA/g. Par ailleurs, M. [O] [W] a bénéficié d'une bisegmentectomie apicodorsale du lobe supérieur droit et curage ganglionnaire, le 9 novembre 2016, mettant en évidence quatre foyers d'adénocarcinome infiltrants, indépendants et synchrones, de classification pT1a(m). M. [O] [W] présente un trouble ventilatoire restrictif et obstructif sévère. Par ailleurs, M. [O] [W] présente une cicatrice arciforme, en regard de la paroi thoracique postérieure gauche s'étendant en latéro-thoracique gauche, de 18 cm de longueur, plane, hyperchromique, et deux cicatrices en regard de la paroi latéro-thoracique gauche, au niveau des 9e et 10e côtes, faisant respectivement 15 mm et 10 mm de longueur, hypochromes, justifiant d'un préjudice esthétique qui sera fixé à 1/7.

Le docteur [B] évalue les souffrances endurées à 3/7 compte tenu de la nature des soins (thoracotomie postéro latérale gauche avec résection de la pyramide basale et d'un micronodule de la lingula, curage ganglionnaire) et du retentissement des lésions et de la chirurgie sur le plan ventilatoire.

Il retient qu'il existe un préjudice d'agrément compte tenu des allégations de M. [O] [W] sur la réduction de ses activités de bricolage, notamment liée à une fatigabilité accrue à l'effort, sur l'arrêt de la pratique du vélo et de promenades en campagne, sur la réduction de ses séjours dans sa résidence secondaire en raison des impératifs liés à son suivi médical, de l'impossibilité de pouvoir garder ses petits-enfants pendant la période de vacances scolaires.

Le docteur [B] considère qu'il existe un préjudice sexuel compte tenu des allégations de M. [O] [W] sur la réduction de la fréquence (au-delà du vieillissement physiologique) et de la qualité de ses rapports sexuels, notamment en raison d'une fatigabilité accrue et d'une dyspnée invalidante.

Le docteur [B] fixe le déficit fonctionnel temporaire comme suit :

-DFT : 100% du 25 mars au 9 avril 2014 (hospitalisation pour chirurgie thoracique),

-DFT : 50% du 10 avril 2014 au 1er mai 2014,

-DFT : 25% du 2 mai 2014, jusqu'à la date de consolidation fixée au 9 octobre 2014.

Enfin, le docteur [B] fixe l'aide d'une tierce-personne à 1 heure 30 par jour, pendant la période de DFT égal à 50%, soit du 10 avril 2014 au 1er mai 2014 et considère qu'il n'existe pas d'éléments propres à justifier d'un préjudice d'établissement.

- Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Le déficit fonctionnel temporaire peut être défini comme l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique jusqu'à la consolidation. Il traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation. Il correspond à la période d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante et inclut le préjudice temporaire d'agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

M. [O] [W] réclame une indemnisation sur une base de 700 euros par mois, soit 23,33 euros par jour, qui apparaît satisfactoire. Le déficit fonctionnel temporaire sera donc évalué à 1.574,77 euros (16 x 23,33 + 22 x 23,33 x 50% + 162 x 23,33 x 25%).

- Sur les souffrances endurées :

Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Il est rappelé que l'expert évalue les souffrances endurées à 3/7 eu égard à la nature des soins et du retentissement des lésions et de la chirurgie sur le plan ventilatoire.

Si M. [O] [W] fait valoir qu'il a subi une déterioration de son état de santé postérieurement aux opérations d'expertise, indiquant que, par décision du 3 juin 2019, le médecin conseil de la caisse a porté son taux d'incapacité permanente à 80%, en raison d'une aggravation des signes fonctionnels pulmonaires, il est observé que la date de consolidation fixée par l'expert n'est pas remise en cause, que les souffrances endurées constituent un poste de préjudice avant consolidation et que les nouvelles doléances, qui concernent les dégradations des conditions d'existence, sont relatives au déficit fonctionnel permanent dont l'indemnisation n'est pas sollicitée.

Eu égard à l'évaluation fixée par l'expert, le jugement sera confirmé en ce qu'il a réparé les souffrances endurées par l'allocation d'une indemnité de 8.000 euros.

- Sur le préjudice esthétique :

L'expert retient l'existence d'une cicatrice arciforme, en regard de la paroi thoracique postérieure gauche s'étendant en latéro-thoracique gauche, de 18 cm de longueur, plane, hyperchromique, et deux cicatrices en regard de la paroi latéro-thoracique gauche, au niveau des 9e et 10e côtes, faisant respectivement 15 mm et 10 mm de longueur, hypochromes, et évalue le préjudice esthétique à 1/7.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 2.000 euros en réparation de ce poste de préjudice, laquelle en assure une juste indemnisation.

- Sur le préjudice permanent exceptionnel:

Le rapport [G] le définit comme un 'un poste de préjudice relativement récent qui concerne toutes les pathologies évolutives. Il s'agit notamment de maladies incurables susceptibles d'évoluer et dont le risque d'évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel.'

Sous couvert du préjudice lié à la souffrance morale, M. [O] [W] sollicite la réparation du préjudice permanent exceptionnel d'anxiété, l'annonce de la maladie ayant été vécu comme un traumatisme, M. [O] [W] souffrant d'une maladie incurable et le plus souvent mortelle et ayant connu plusieurs aggravations de son état de santé.

La découverte d'un cancer pulmonaire, affection de longue durée particulièrement grave d'un pronostic souvent défavorable, l'anxiété liée aux interventions chirurgicales subies et à la nécessité d'un suivi médical rigoureux, et les répercussions psychologiques négatives attestées par le frère et l'époux de M. [O] [W] dans leurs attestations des 4 mars et 20 février 2016 qui témoignent de l'état dépressif, l'irritabilité et l'inquiétude éprouvée face à la maladie et à la dégradation de l'état de santé justifient l'existence d'un préjudice permanent exceptionnel qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 15.000 euros.

- Sur le préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non la perte de qualité de vie subie après consolidation qui ne peut être prise en compte qu'au titre du déficit fonctionnel permanent.

M. [O] [W] soutient plus particulièrement que, compte tenu de ses difficultés respiratoires augmentant sa fatigabilité, il a dû réduire ses activités de bricolage, arrêter de restaurer une maison dans la Creuse et interrompre sa pratique du vélo et et de la marche à pied.

Il résulte des attestations de M. [K] et M. [F] [Z] du 4 mars 2016 que M. [O] [W] aimait effectuer régulièrement de longues marches à la campagne et s'adonnait beaucoup au bricolage, restaurant une maison dans la Creuse, et que M. [O] [W], a, compte tenu de son état de santé, dû interrompre ces activités.

L'expert judiciaire reconnaît l'existence d'un préjudice d'agrément, la poursuite de ces activités étant rendue impossible en raison de la fatigabilité accrue de M. [O] [W] à l'effort du fait de son essoufflement immédiat.

Le préjudice d'agrément sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3.000 euros.

- Sur le préjudice sexuel :

Le préjudice sexuel comprend notamment le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même, qui repose sur la perte du plaisir à son accomplissement, du fait notamment de la perte de la capacité physique à le réaliser.

Il n'est pas sérieusement contestable que, du fait de sa dyspnée invalidante entraînant une fatigabilité accrue, M. [O] [W] éprouve une gêne dans la réalisation de l'acte sexuel, les déclarations de M. [O] [W] sur la réduction de la fréquence et de la qualité de ses rapports sexuels étant cohérentes, tandis que l'expert reconnait l'existence d'un préjudice sexuel.

Ce poste de préjudice a été correctement indemnisé par les premiers juges par l'allocation d'une indemnité de 2.000 euros.

- Sur l'action récursoire de la caisse :

Aux termes de l'article L.452-3-1 du code de sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L. 452-3.

La société [10] sera donc condamnée à rembourser à la caisse les indemités allouées à M. [O] [W].

Le jugement sera confirmé en ce que la société [10] a été condamnée à verser à la caisse la somme dont elle a fait l'avance au titre des frais de l'expertise judiciaire, ceux-ci devant être supportés par la société.

- Sur les frais et dépens :

La société [10], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Le jugement sera confirmé du chef de l'indemnité de 1.500 euros allouée à M. [O] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner à hauteur d'appel la société [10] à payer à M. [O] [W] et à la caisse respectivement 2.000 et 1.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ,

DECLARE l'appel recevable,

CONFIRME le jugement rendu le 10 février 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en toutes ses dispositions sauf en celles ayant fixé l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à 1.350 euros, débouté M. [O] [W] de sa demande au titre de la souffrance morale qui doit s'analyser en un préjudice permanent exceptionnel et fixé l'indemnisation du préjudice d'agrément à 2.000 euros,

Statuant à nouveau,

FIXE l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à 1.574,77 euros,

FIXE l'indemnisation du préjudice permanent exceptionnel d'anxiété subi par M. [O] [W] à 15.000 euros,

FIXE l'indemnisation du préjudice d'agrément à 3.000 euros,

CONDAMNE la société [10] à rembourser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne l'ensemble des sommes qu'elle aura versées au titre du présent arrêt,

CONDAMNE la société [10] aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société [10] à payer à M. [O] [W] une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société [10] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 21/02811
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;21.02811 ?
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