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16/06/2023 | FRANCE | N°20/05329

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 20/05329


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 JUIN 2023



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05329 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHVE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 juin 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/03543





APPELANTE

S.A. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avoc

at au barreau de LYON, toque : 653, substitué par Me Françoise SEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0547





INTIMÉE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'INDRE ET LOIRE

Service des Affa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/05329 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHVE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 juin 2020 par le pôle social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/03543

APPELANTE

S.A. [5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON, toque : 653, substitué par Me Françoise SEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0547

INTIMÉE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'INDRE ET LOIRE

Service des Affaires Juridiques

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Natacha PINOY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller

Madame Natacha PINOY, conseillère

Greffier : Madame Alisson POISSON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5] (la société) d'un jugement rendu le 26 juin 2020 par le service contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire (37) (la caisse).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [P] [E], salarié de la société [5] en qualité de régleur de fabrication, a déclaré le 21 février 2018 une maladie professionnelle faisant état d'une surdité. Un certificat médical initial mentionnant cette maladie professionnelle avait été établi le 5 février 2018.

Par courrier du 26 décembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre et Loire a pris en charge cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels précisant que cette maladie « Hypoacousie de perception » relevait du tableau n°42 « atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels .

Par courrier du 23 avril 2019, la caisse a notifié à la société [5] sa décision de fixer le taux d'incapacité permanente partielle à 10%, à compter du 6 février 2018, la consolidation des lésions ayant été fixée au 5 février 2018 par le médecin conseil. Dans les conclusions médicales, le médecin mentionne « pour séquelles de perte auditive avec acouphènes ».

La société a contesté cette décision devant la commission médicale de recours amiable (CRMA) de la caisse, qui l'a confirmée.

Par requête adressée le 25 novembre 2019 au greffe du service du contentieux social du tribunal de grande instance de Bobigny, la société [5] a saisi ce tribunal en contestation du taux d'incapacité permanente partielle retenu par la Caisse.

A défaut de conciliation possible, l'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 10 mars 2020 du service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- déclaré recevable le recours de la société [5] ;

- a débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'expertise médicale par application de l'article R.142-16 du code de la sécurité sociale ;

- confirmé en conséquence la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre et Loire du 23 avril 2019, notifiant à la société [5] la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle résultant des séquelles de sa maladie professionnelle du 5 février 2018 à hauteur de 10% ;

- condamné la société [5] aux dépens de l'instance.

Le jugement lui ayant été notifié le 6 juillet 2020, la société [5] en a interjeté appel par courrier du 10 août 2020.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 26 juin 2020 dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu le mémoire médical établi par le Docteur [L] [Z],

juger que le taux attribué à M. [P] [E] doit être ramené à 8 % dans les rapports entre la concluante et la caisse primaire,

A titre subsidiaire et si la cour s'estimait insuffisamment informée

- ordonner une expertise médicale judiciaire ou une consultation médicale à l'audience, le litige intéressant les seuls rapports Caisse/Employeur afin de se prononcer sur le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [P] [E] ensuite de sa maladie professionnelle du 5 février 2018,

Le cas échéant, nommer tel expert avec pour mission de :

convoquer les parties aux opérations d'expertise,

prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [P] [E] établi par la Caisse primaire qui lui aura été préalablement transmis à la demande du greffe,

fixer le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [P] [E] ensuite de sa maladie professionnelle du 5 février 2018,

notifier au médecin conseil de la société [5], le docteur [L] [Z], le rapport d'expertise sous pli fermé avec la mention " confidentiel "

En tout état de cause,

renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu sur l'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle,

réduire à de plus justes proportions le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [P] [E] ensuite de sa maladie professionnelle du 5 février 2018.

Au soutien de son appel, la société [5] fait valoir pour l'essentiel qu'il convient de fixer le taux d'IPP de M. [P] [E] à hauteur de 8% relevant que le médecin-conseil n'a procédé à aucun examen clinique, l'analyse du dossier et l'évaluation des séquelles ne se faisant que sur pièces. Elle expose que le médecin-conseil a évalué le taux d'incapacité concernant le déficit auditif sur la base d'un audiogramme, conformément aux préconisations du barème mais qu'il évalue également des séquelles au titre des acouphènes, alors qu'il n'y a eu aucun examen clinique et que les doléances du blessé, à la date de consolidation, ne sont pas rapportées ; que le taux de 8% pour le déficit audiométrique, est conforme aux préconisations du barème ; qu'en l'absence d'interrogatoire du blessé, on ne dispose d'aucune information sur les caractéristiques de ces acouphènes et, notamment, sur le retentissement sur le sommeil ; que dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir un taux d'incapacité à ce titre ; que le tribunal sans prendre avis d'un médecin-consultant a une interprétation du barème qui parait erronée ne correspondant ni à l'analyse littérale du texte ni à l'interprétation médicale de celui-ci ; que le tribunal a considéré que le retentissement sur le sommeil n'est pas exigé, alors que c'est une disposition expresse permettant de fixer le quantum du taux attribuable. Elle expose que le médecin du travail indique que M. [P] [E] « commence » à souffrir de son hypoacousie « en plus » de ses acouphènes, ce qui signifie que les acouphènes étaient préexistants à l'hypoacousie et que leur lien avec la maladie professionnelle est des plus incertain, le terme de « souffrance » n'est que l'expression de l'apparition d'une symptomatologie sans que l'on puisse évoquer un syndrome douloureux qui ferait l'objet d'un traitement antalgique ; que la confortation de l'évaluation du taux par l'avis de la CMRA, qui n'a procédé à aucune analyse médicale ne parait pas relever d'une évaluation sérieuse ; que la société entend ainsi se rapporter aux observations de son médecin conseil, le docteur [L] [Z], qui considère que le taux médical de 10 % a été surévalué par le médecin conseil de la caisse et que les séquelles propres à l'accident du travail de l'assuré devront être minorées. Elle relève que si le médecin conseil a évalué à juste titre un taux d'IPP de 8 % en indemnisation des séquelles résultant du déficit auditif, il ne justifie pas de l'attribution du taux d'IPP supplémentaire de 2 % qui viendrait indemniser les séquelles au titre des acouphènes ; qu'alors que le barème, cité par le docteur [L] [Z], impose d'évaluer le taux d'incapacité résultant des acouphènes en considération de leur durée, leur intensité et leur retentissement sur le sommeil, ainsi que sur l'état général, moral et psychique, le médecin conseil de la caisse s'est contenté d'appliquer la fourchette basse du barème, sans même avoir procédé à un interrogatoire du salarié. A titre subsidiaire, elle sollicite la mise en 'uvre d'une expertise médicale et demande l'infirmation du jugement entrepris.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire (37) demande à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 26 juin 2020 ;

- dire que le taux d'incapacité permanente partielle de 10% retenu au titre des séquelles indemnisables de l'accident de travail dont a été victime M. [P] [E] a été justement évalué ;

- débouter en conséquence la société [5] de sa demande ;

- confirmer la décision de la caisse primaire.

En réplique la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire (37) fait valoir pour l'essentiel que le taux d'incapacité permanente partielle de 10% est à retenir, soutenant que la fixation à 10% du taux médical d'incapacité permanente partielle au titre des séquelles indemnisables de sa maladie professionnelle a été déterminée suite à la transmission des constatations et évaluations réalisées par le médecin conseil lors de l'examen de l'assuré ; que suite à cet examen, le médecin a estimé que M. [P] [E] devait se voir reconnaître un taux médical d'incapacité permanente partielle de 10 % au titre des séquelles constatées ayant relevé chez l'assuré des séquelles d'exposition aux bruits avec hypoacousie bilatérale (dont le déficit est calculé sur les courbes osseuses) associé à des acouphènes ; que selon le chapitre 5.5.2 « surdité» du barème indicatif et en appliquant les coefficients de pondération, le déficit de pondération est en l'espèce pour chaque oreille de:

Oreille droite : (2 X 15 + 4 X 10 + 3 X 55+ 1 X 75° /10 = - 31 dB

Oreille gauche : (2 X 15 + 4 X 5 + 3 X 50 + 1 x 75) / 10 = - 27.5 dB

Elle soutient qu'en croisant les données du tableau du barème, le taux d'incapacité permanente partielle à retenir est de 8% ; que le docteur [Z] confirme lui-même que ce taux est conforme aux préconisations du barème ; que le chapitre 5.5.3 prévoit un taux de 2 à 5% en cas d'acouphènes associés gênant le sommeil accompagnant une baisse de l'acuité auditive. Elle relève que c'est à juste titre que le tribunal a conclu que l'existence d'acouphènes et de douleur était établie et qu'un taux de 2% correspondant à la fourchette basse du barème indicatif en présence d'acouphènes gênant le sommeil était correctement évalué ; qu'ainsi, le taux de 8 + 2 = 10% n'est pas surévalué et le médecin conseil a parfaitement respecté le barème concernant toutes les séquelles en fixant le taux à 10%, étant observé que la commission médicale de recours amiable a confirmé la décision de la caisse et a retenu le taux de 10% ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en réaffirmant le taux d'incapacité permanente opposable à l'employeur à 10%.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du mardi 4 avril 2023, et soutenues oralement par les parties.

SUR CE :

- Sur le taux d'incapacité permanente partielle

Aux termes de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale « le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité (...) »

Aux termes de l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale, « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

« Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

« La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident. Le double de cette décision est envoyé à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail.

« La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l'aide d'un formulaire annexé à la notification, s'ils demandent l'envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d'une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l'article R. 434-31.

« La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales ».

Les barèmes prennent en compte les éléments médicaux et socio professionnels constatés à la date de la consolidation. Les séquelles sont appréciées en partant du taux moyen proposé par le barème, éventuellement modifié par des estimations en plus ou en moins résultant de l'état général, de l'âge, ainsi que des facultés physiques et mentales.

En l'espèce, M. [P] [E] exerçait la profession de régleur de fabrication au sein de la société [5] à la date de déclaration de sa maladie professionnelle le 5 février 2018.

La situation médicale de M. [P] [E] a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, et la consolidation des lésions a été fixée au 5 février 2018 par le médecin conseil. L'assuré était alors âgé de 59 ans à la date de consolidation.

Les séquelles définitives de la maladie de M. [P] [E] ont été évaluées par le médecin conseil à 10% et le tribunal judiciaire de Bobigny a confirmé ce taux d'incapacité permanente partielle (IPP) le jugeant justifié.

L'employeur de M. [P] [E], la société [5] a sollicité une révision du taux d'IPP retenu par la caisse à la baisse, estimant que celui-ci doit être fixé à 8%. Le taux est donc l'objet de la contestation. Si la société accepte un taux de 8% relevant dans ses écritures que le médecin conseil de la caisse a évalué à juste titre un taux d'IPP de 8% en indemnisation des séquelles résultant du déficit auditif, elle soutient que la caisse ne justifie pas de l'attribution d'un taux supplémentaire de 2% qui viendrait indemniser les séquelles au titre des acouphènes.

Il convient de relever que le taux d'incapacité permanente partielle, objet de la contestation, doit être évalué tel qu'il existait à la date de consolidation de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle suite à la décision de la caisse, les situations postérieures à cette date de consolidation ne pouvant pas être prises en considération par les juridictions. Par ailleurs, seules les réparations dues au titre des séquelles définitives d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle peuvent faire l'objet d'une contestation, les séquelles imputables à un accident de travail ou une maladie professionnelle non encore consolidé ne pouvant pas être contestées. Enfin, lorsque les juridictions sont saisies d'une contestation du taux d'incapacité permanente partielle attribué à un salarié victime d'accident de travail ou d'une maladie professionnelle, seules les séquelles imputables à l'accident ou à la maladie peuvent être prises en considération par ces juridictions pour apprécier l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle.

La fixation à 10% du taux global d'incapacité permanente partielle, au titre des séquelles indemnisables de la maladie de M. [P] [E] a été déterminée suite à la transmission des constatations et évaluations réalisées par le médecin conseil.

Le médecin conseil a estimé que M. [P] [E] devait se voir attribuer un taux d'incapacité permanente partielle global de 10%, soit 8% en raison d'un définit audiométrique, auquel il a ajouté un taux de 2% pour les acouphènes, ce dernier taux correspondant à la fourchette basse préconisée par le barème qui mentionne qu'il peut aller jusqu'à 5%.

En effet, le barème indicatif des invalidités prévoit, au chapitre 5.5.3 « ACOUPHÈNES » qu'en général, les acouphènes d'origine traumatique (bourdonnements, sifflements, tintements, etc.), n'existent pas à l'état isolé, c'est-à-dire, en dehors de tout déficit auditif ; mais ils ne sont pas expressément conditionnés par un déficit important. Souvent, ils échappent à tous contrôles objectifs : ils ne seront pris en considération que si le sujet a manifesté par ailleurs une bonne foi évidente au cours de l'examen acoumétrique. Il sera tenu compte, pour l'estimation du taux d'incapacité, de leur durée, de leur intensité, de leur retentissement sur le sommeil, voire sur l'état général, moral et psychique.

- Acouphène gênant le sommeil, accompagnant une baisse de l'acuité auditive 2 à 5

Ce taux s'ajoute par simple addition à celui afférent à la surdité (en cas de troubles psychiques, se reporter au chapitre " Crâne et système nerveux ") ».

En ce qui concerne le taux de 8% au titre du déficit auditif, le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente conclut au regard de l'audiogramme annexé, à un déficit de 31 db pour l'oreille droite et de 27,5 db pour l'oreille gauche.

La société, ne remet pas en cause ce taux de 8% dans ses écritures, relevant que son médecin a noté que « ce taux de 8% pour le déficit audiométrique, est conforme au barème », mais conteste le taux supplémentaire de 2% retenu au titre des acouphènes.

Au soutien de sa contestation, la société produit l'avis médical du 3 octobre 2019 de son médecin-conseil, le docteur [L] [Z] qui estime que le médecin conseil de la caisse « évalue également des séquelles au titre des acouphènes, alors qu'il n 'y a eu aucun examen clinique et que les doléances du blessé, à la date de consolidation, ne sont pas rapportées ». Ce médecin considère « qu'en l'absence d'interrogatoire du blessé, on ne dispose d'aucune information sur les caractéristiques de ces acouphènes et, notamment, sur le retentissement sur le sommeil », de sorte que « dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir un taux d'incapacité à ce titre ». Il soutient que s'agissant des acouphènes, « leur durée est inconnue, leur intensité n'est pas précisée, le retentissement sur le sommeil n'est pas déclaré, le retentissement sur l'état général, moral et psychique n'apparaît nulle part ». Le médecin expert de la société en conclut « de ramener le taux d'incapacité à 8% ».

Il convient tout d'abord de relever, au sujet de ce taux supplémentaire au titre des acouphènes associés, que le barème d'invalidité en matière d'accidents du travail en son chapitre 5.5. préconise un taux de 2 à 5 % en présence « d'acouphène gênant le sommeil, accompagnant une baisse de l'acuité auditive ». S'il reste « indicatif » pour déterminer le montant du taux applicable, ce barème précise expressément qu'« il sera tenu compte, pour l'estimation du taux d'incapacité, de leur durée, de leur intensité, de leur retentissement sur le sommeil, voire sur l'état général, moral et psychique ». Cela induit la nécessite de donner des éléments d'informations sur les caractéristiques des acouphènes et leur incidence, à l'appui du taux à retenir.

Or, il résulte du rapport médical d'évaluation du 13 mars 2019 du médecin conseil de la caisse au sujet du taux d'incapacité permanente que celui-ci précise que « l'indemnisation des séquelles : conformément au Barème indicatif d'invalidité accidents du travail ' maladies professionnelles le déficit auditif indemnisable sera évalué sur l'audiométrie tonale en conduction osseuse, en appliquant les coefficients de pondération (2,4,3,1) aux déficits mesurées sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz, OG = 27.Db. Donc suivant la courbe IP = 8%. Auquel se rajoute pour les acouphènes 2%, soit IP de 8 + 2 = 10% ».

Ainsi si ce rapport explicite bien le taux de 8% retenu pour le déficit auditif de l'assuré, il indique juste qu'il faut ajouter 2% pour les acouphènes sans davantage d'explication, la mention du rapport dans « l'observation médicale » qui dit que « l'avis du médecin du travail, le docteur [N] 05/04/2016 », l'assuré « commence à souffrir de son hypoacousie en plus de ses acouphènes », restant insuffisante pour caractériser la nécessité de retenir un taux supplémentaire pour les acouphènes à celui du déficit auditif.

Ainsi, il résulte des éléments de la procédure que le taux supplémentaire de 2% n'est pas explicité, les explications données par le médecin conseil de la caisse dans son rapport étant insuffisantes quant aux raisons qui l'ont conduit à retenir ce taux supplémentaire de 2%, même pris dans sa fourchette basse.

En conséquence, il n'y a pas lieu de retenir un taux supplémentaire de 2% au titre des acouphènes, et le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P] [E] opposable à l'employeur, la société [5], sera ramené à 8%.

Le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 26 juin 2020 sera infirmé de ce chef.

- Sur les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire (37), succombant en cette instance, devra en supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE l'appel de la société [5] recevable ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 26 juin 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que le taux d'incapacité permanente partielle de M. [P] [E] opposable à la société [5] est fixé à 8% ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire (37) aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 20/05329
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;20.05329 ?
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