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16/06/2023 | FRANCE | N°19/10383

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 19/10383


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 JUIN 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10383 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZFS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01578





APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 1]

[Adress

e 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [L] en vertu d'un pouvoir spécial



INTIMÉE

LA [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10383 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZFS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01578

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mme [L] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE

LA [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller

Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 12 mai 2023, prorogé au 16 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-d'Oise (la caisse) d'un jugement rendu le 16 septembre 2019 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A. [6] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que [Z] [U] (l'assurée), salariée de la société en qualité de blanchisseuse, a transmis à la caisse une déclaration de maladie professionnelle en date du 6 octobre 2014 visant un « syndrome du canal carpien bilatéral ' tableau 57 C », à laquelle était joint un certificat médical initial du 11 août 2014 mentionnant un « syndrome du canal carpien bilatéral tableau 57 C ».

Le 9 avril 2015, après instruction, la caisse a pris en charge d'une part un « syndrome du canal carpien droit » et d'autre part « un syndrome du canal carpien gauche », pathologies déclarées par l'assurée au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Après avoir saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'opposabilité à son égard de ces décisions reconnaissant le caractère professionnel de la double pathologie, sur décision implicite de rejet, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 21 août 2015, pour voir juger à titre principal que les décisions de prise en charge des maladies professionnelles lui sont inopposables.

Par ordonnance du 24 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité de Bobigny a radié l'affaire du rôle. L'affaire a été réinscrite au rôle à la demande de la société. Le dossier a été transmis au tribunal de grande instance de Bobigny le 1er janvier 2019.

Par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclaré recevable et bien fondé le recours de la société ;

- en conséquence déclaré la décision de prise en charge par la caisse en date du 9 avril 2015 de la maladie déclarée par l'assurée le 11 août 2014 inopposable à la société ;

- rappelé que la procédure est gratuite et sans frais en application l'ancien article R. 144-10, alinéa premier, du code de la sécurité sociale.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que le délai de prise en charge entre la fin de l'exposition professionnelle et la date de la première constatation médicale de la maladie du syndrome du canal carpien est de 30 jours ; que la caisse ne produit pas le certificat médical du 5 février 2014 établi par le docteur [W] mentionné par les médecins-conseils au sein des colloques administratifs ; qu'elle invoque le secret médical qui ne permet pas au service administratif d'accéder aux pièces médicales des dossiers ; que tous les documents versés par la caisse font référence en entête à une maladie professionnelle du 11 août 2014 ; qu'en refusant de communiquer le certificat sur lequel elle se fonde pour retenir une date de première constatation médicale antérieure au certificat médical produit, la caisse ne permet pas au tribunal ainsi qu'à la société de vérifier que ledit certificat médical fait effectivement état de la même maladie que celle mentionnée dans le certificat médical du 11 août 2014 ; qu'en conséquence il convient de considérer que la maladie a été médicalement constatée pour la première fois lors de l'établissement du certificat médical du 11 août 2014, de sorte que les conditions du tableau 57C des maladies professionnelles n'étaient pas remplies, en l'espèce la condition tenant au délai de prise en charge ; qu'en n'ayant pas saisi le comité de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse ne pouvait donc pas reconnaître le caractère professionnel de la maladie en cause.

La caisse à laquelle le jugement a été notifié le 20 septembre 2019, en a interjeté appel le 10 octobre 2019.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil la caisse demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 16 septembre 2019 ;

Statuant à nouveau,

- déclarer opposables à la société les décisions de la caisse en date du 9 avril 2015 reconnaissant le caractère professionnel du syndrome du canal carpien bilatéral déclaré par l'assurée ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Elle fait valoir en substance que :

- l'assurée a cessé d'être exposée au risque à compter du 4 juin 2014 ;

- Il ressort des colloques médico-administratifs et des synthèses des enquêtes maladie professionnelle que la date de première constatation médicale de la pathologie a été fixée au 5 février 2014, soit bien antérieurement à la date d'expiration du délai de prise en charge ;

- les premiers juges ont considéré que tous les documents versés faisant référence en entête à une maladie professionnelle du 11 août 2014 et le certificat médical du 5 février 2014 n'étant pas produit, la date de première constatation médicale était celle du certificat médical initial du 11 août 2014 ;

- néanmoins, les services administratifs de la caisse ne sont pas en possession des pièces médicales soumises au secret médical ;

- il convient de se référer aux informations fournies par le médecin-conseil dans le cadre du colloque médico-administratif, médecin dont la bonne foi ne saurait être remise en cause sans aucun fondement par l'employeur ;

- le code de la sécurité sociale donne à ce médecin compétence pour fixer seul la date de première constatation médicale ;

- la date de maladie professionnelle figurant sur ses correspondances est celle du certificat médical initial afin de permettre une gestion administrative uniforme du contentieux ;

- les références administratives du dossier sont créées à la réception de la déclaration de maladie professionnelle et permettent de commencer l'étude du dossier ;

- c'est lors de l'instruction que le médecin-conseil, après consultation des pièces médicales, détermine la date de première consultation médicale qui peut s'avérer antérieure à celle du certificat médical initial ;

- la Cour de cassation maintient sa position rappelant que la première constatation médicale de la maladie professionnelle concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie et qu'elle n'est pas soumise aux mêmes exigences de formes que le certificat médical initial ;

- la jurisprudence de la cour de céans confirme cette position ;

- si le certificat médical du 5 février 2014, soumis au secret médical, ne pouvait donc pas faire l'objet de communication, elle produit toutefois le justificatif de la consultation médicale du 5 février 2014 conformément à la position adoptée par la cour de céans.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- constater que la caisse n'établit pas le respect de la condition tenant au délai de prise en charge de 30 jours alors que la charge de la preuve lui incombe ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 16 septembre 2019, lui ayant déclaré inopposable la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des maladies de l'assurée du 11 août 2014 (n° 11/08/14 et 11/28/14) ;

- débouter la caisse de l'intégralité de ses demandes.

La société se prévaut en substance de ce que :

- l'assurée a déclaré deux maladies professionnelles du tableau 57C par certificat médical du 11 août 2014 ;

- l'assurée était en arrêt maladie et n'était plus exposée au risque depuis le 4 juin 2014 ;

- néanmoins, le délai de prise en charge de ces maladies est de 30 jours ;

- elle ne conteste pas que le service médical puisse retenir une date antérieure à celle proposée par le médecin traitant sur le certificat médical initial, mais celle-ci doit correspondre à la date d'un examen, d'une consultation médicale ou d'un arrêt maladie antérieur pour le même motif, ce qu'il appartient à la caisse de justifier ;

- au cas d'espèce les seuls éléments produits sont les colloques médico-administratifs précisant que la date de première constatation médicale aurait été fixée au regard d'un certificat du docteur [W] attestant d'une consultation le 5 février 2014 ;

- il est surprenant de constater que les deux colloques, signés par deux médecins distincts, mentionnent cette phrase identique ;

- il est fait seulement état d'une consultation de 5 février 2014 sans que le motif de la visite ne soit précisé ;

- à cette date l'assurée était en arrêt de travail pour deux maladies professionnelles touchant également le poignet et les doigts (MP du 2 décembre 2013 - ténosynovite de De Quervain droite et gauche) ;

- l'assurée le mentionne d'ailleurs dans ses questionnaires ;

- à défaut de production du certificat médical du 5 février 2014 rien ne permet de savoir si celui-ci faisait effectivement référence au syndrome du canal carpien droit et gauche objet de la présente instance ;

- ainsi il est impossible de savoir si la consultation du 5 février 2014 était liée aux maladies du 11 août 2014 ou à celles du 2 décembre 2013 ;

- ainsi, la condition tenant au délai de prise en charge n'étant pas remplie la caisse ne pouvait pas prendre en charge les maladies sans transmettre les dossiers au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

- c'est ce qu'a jugé la cour de céans dans un arrêt du 5 janvier 2022 (RG 17/07107).

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties et visées par le greffe le 6 mars 2023 pour un exposé complet des moyens proposés au soutien de leurs prétentions.

SUR CE :

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles retenu sont remplies.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le syndrome du canal carpien droit et gauche, déclarés par l'assurée est visée au tableau n° 57C des maladies professionnelles, lequel prévoit un délai de prise en charge de 30 jours.

Il est constant que l'assurée a cessé d'être exposée au risque le 4 juin 2014, date du dernier jour travaillé de cette dernière.

Le certificat médical initial établi par le professeur [Y] [V], du service des pathologies professionnelles et environnementales de l'hôpital [5], mentionnant la maladie « syndrome du canal carpien bilatéral EMG 25-7-14 Tab 57C (RC) » est en date du 11 août 2014 et fait mention d'une date de première constatation médicale du 22 mars 2014, dont la caisse ne se prévaut pas à ses écritures et qui en tout état de cause n'a pas été retenue par le médecin-conseil de cette dernière, lequel a retenu au titre de la première constatation médicale la date du 5 février 2014.

En effet, il résulte des deux colloques médico-administratifs du 2 avril 2015 établis par deux médecins distincts (pièces n° 6 de la caisse) que la date de première constatation médicale retenue par ces médecins-conseils est la même, à savoir le 5 février 2014, ces derniers faisant état tous deux au titre du document ayant permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée du « certificat du Dr [W] attestant d'une consultation le 05.02.14 ».

En effet, la mention du certificat médical du 5 février 2014 permettant au service médical de retenir cette date comme celle de la première constatation a été inscrite sur les colloques médico-administratifs le 20 janvier 2015 par le Dr D. [X] pour le syndrome du canal carpien droit et le 22 janvier 2015 par le Dr [K] pour le syndrome du canal carpien gauche, et les deux colloques ont été définitivement signés le 2 avril 2015 par le Dr D. [X].

La caisse produit en outre en pièce 11 de ses productions, l'image décompte établissant qu'elle a pris en charge une consultation médicale de l'assurée le 5 février 2014.

L'existence de la consultation en cause est donc incontestable.

Le certificat médical ayant été établi à l'occasion de cette consultation n'est pas versé au débat, la caisse se prévalant à bon droit de ce qu'il s'agit d'informations soumises au secret médical auxquelles les services administratifs n'ont pas accès.

En outre, l'électromyogramme (EMG) du 25 juillet 2014, auquel se réfère le médecin prescripteur comme date de première constatation dans le certificat médical initial n'est ni produit ni discuté par les parties. Néanmoins, la mention de cet examen à cette date corrobore une date de première constatation antérieure au 11 août 2014.

Il est donc constant que le service médical a expressément établi la date de première constatation médicale de la pathologie bilatérale sans tenir compte de la date du certificat médical initial ou de la date fixée par le médecin prescripteur mais au regard d'un élément médical extrinsèque dont l'existence est établie, peu important qu'il ne soit pas produit.

Par ailleurs, il est indifférent que la date administrative des maladies professionnelles soit celle du certificat médical initial du 11 août 2014, laquelle est attribuée lors de l'enregistrement de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée avant toute instruction de cette demande par le service médical qui seul peut ensuite fixer la date de première constatation médicale de la pathologie au regard du dossier médical de l'assurée.

Ces éléments en ce qu'ils établissent que l'assurée présentait un syndrome du canal carpien bilatéral avant le 11 août 2014, que l'assurée avait été placée en arrêt de travail avant cette date et que le service médical a pu déterminer la date de première constatation médicale sur la base d'un élément médical extrinsèque dont l'existence ne peut pas être sérieusement contestée, permettent de retenir la date fixée par le service médical, peu important que l'assurée ait été en outre en arrêt de travail pour deux autres pathologies touchant le poignet et les doigts en date du 2 décembre 2013 (ténosynovite de De Quervain droite et gauche), étant observé qu'un même certificat médical peut concerner plusieurs pathologies.

Au regard d'une date de première constatation au 5 février 2014, et d'une fin d'exposition au risque le 4 juin 2014, il convient de retenir que le délai de prise en charge est respecté.

En conséquence, par infirmation du jugement déféré, il convient de déclarer la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, des maladies de l'assurée déclarées le 6 octobre 2014, opposable à la société.

La société succombant en appel sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposables à la S.A. [6] les décisions de prise en charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-d'Oise, au titre de la législation professionnelle, prises le 9 avril 2015 (n° 11/08/14 et n° 11/28/14) du syndrome du canal carpien bilatéral de [Z] [U] déclaré le 6 octobre 2014 ;

DÉBOUTE la S.A. [6] de ses demandes ;

CONDAMNE la S.A. [6] aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/10383
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.10383 ?
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