La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2023 | FRANCE | N°19/08516

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 19/08516


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08516 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANXG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/01003





APPELANTE

SA [5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparante, non représentée

, ayant pour conseil Me Mikael PELAN, avocat au barreau de PARIS, toque L0081





INTIMEE

CPAM 92 - HAUTS DE SEINE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Mme [S] [K] en vert...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08516 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANXG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/01003

APPELANTE

SA [5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Mikael PELAN, avocat au barreau de PARIS, toque L0081

INTIMEE

CPAM 92 - HAUTS DE SEINE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Mme [S] [K] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme. Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M.Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A. [5] (la société) d'un jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [M] [L] (l'assuré) a déclaré avoir été victime d'un accident le 27 février 2017 ; que la S.A. [5] a établi la déclaration d'accident du travail le 6 mars 2017 en indiquant qu'il s'agissait d'une tentative de suicide ; que le 24 avril 2017, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine a notifié à la S.A. [5] sa décision de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le 1er juin 2017, la S.A. [5] a saisi la commission de recours amiable ; que suite au rejet de son recours, elle a saisi le 5 mars 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Le 1er janvier 2019, le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement en date du 4 juillet 2019, le tribunal a :

rejeté le recours ;

dit opposable à la S.A. [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail dont a été victime M. [M] [L] le 27 février 2017 ainsi que tous les soins et arrêts de travail consécutifs audit accident ;

condamné la S.A. [5] aux dépens.

Le tribunal a retenu que l'employeur avait indiqué émettre des réserves sur le caractère professionnel de l'accident mais que les pièces du dossier permettaient d'établir l'existence d'un fait soudain survenu dans le temps et sur le lieu de travail et que l'employeur ne démontrait pas de cause extérieure.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 10 juillet 2019 à la S.A. [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 5 août 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A. [5] demande à la cour de :

dire l'appel recevable et fondé ;

y faisant droit :

la déclarer recevable en ses demandes, fins et conclusions ;

infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

rejeté le recours de la S.A. [5] ;

dit opposable à la S.A. [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail dont a été victime M. [M] [L] le 27 février 2017, ainsi que tous les soins et arrêts de travail consécutifs audit accident;

condamné la S.A. [5] aux dépens ;

et statuant à nouveau :

dire et juger qu'elle a émis des réserves motivées à la déclaration d'un accident du travail par M. [M] [L] ;

constater que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine a manqué à son obligation de mettre en 'uvre une instruction contradictoire ;

lui déclarer la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine inopposable ;

juger que l'accident du travail déclaré par M. [M] [L] n'est pas établi ;

en tout état de cause,

annuler la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine du 4 janvier 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

condamner la S.A. [5] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 3 avril 2023 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

- Sur l'existence de réserves motivées :

La S.A. [5] expose qu'au stade des réserves, il est uniquement demandé à l'employeur de faire part de ses propres constatations et non d'apporter la preuve que l'accident n'a pu se produire au temps et au lieu du travail ou prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'elle a procédé à la transmission de la déclaration d'accident du travail le 6 mars 2017 et a exprimé, dans le courrier qui l'accompagne, les plus grandes réserves quant à l'origine professionnelle de cet événement ; que son courrier était explicite ; qu'elle est en droit de s'interroger sur la matérialité de l'accident de M. [M] [L], compte tenu de son comportement consistant à se présenter de façon tout à fait naturelle sur son lieu de travail le lendemain de cet événement ; qu'elle a remis en cause les circonstances de temps et de lieu puisqu'elle conteste le fait qu'un accident se soit produit le 27 février 2017 dans ses locaux en se fondant sur l'absence de lésion constatée par certificat médical ; qu'elle a également remis en cause le caractère soudain des éléments décrits par son salarié.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine réplique que dans sa lettre jointe à la déclaration d'accident du travail, la société ne s'est bornée qu'à relater les circonstances de l'accident sans apporter d'éléments de nature à remettre en cause la réalité du fait accidentel ou son caractère professionnel, ni d'éléments de nature à mettre en doute les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère.

Il résulte des dispositions de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, que : « En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».

Les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. L'employeur, au stade de la recevabilité des réserves, n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé.

Dès lors que les réserves se conforment à leur objet, elles s'analysent comme des réserves motivées, peu important la pertinence ou la qualité de la motivation.

En conséquence, lorsque l'employeur a formulé en temps utile de telles réserves, la caisse ne peut prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable.

En l'espèce, le 6 mars 2017, la société établit une déclaration d'accident du travail pour des faits survenus le 27 février 2017 à 16 h 10, son salarié, M. [M] [L], ayant commis une tentative de suicide.

Le même jour, la société adresse une correspondance portant émission de réserves sur le caractère professionnel de l'accident. La lettre indique les circonstances dans lesquelles l'assuré a été découvert par son manager endormi sur son lieu de travail et les secours ont été prévenus. La lettre conclut dans les termes suivants : A notre sens, ces événements ne correspondent pas à la définition d'un accident du travail dans la mesure où il ne s'agit pas d'un fait accidentel et qu'il n'y a aucun lien avec le travail.

Aucune lésion n'est établie par un certificat médical. Les événements décrits par (l'assuré) n'ont pas de caractère soudain, celui-ci s'étant seulement endormi sur son lieu de travail.

Par ailleurs, (l'assuré) n'apporte aucune preuve d'un lien entre son endormissement et son travail.

En l'espèce, la société ne conteste pas les circonstances de temps et de lieu de la découverte de l'assuré endormi sur son lieu de travail mais nie l'existence même d'un fait accidentel et tout lien avec le travail.

En conséquence, les réserves émises par la société présentaient un caractère suffisamment motivé pour obliger la caisse à diligenter l'enquête prévue par les textes.

En ne le faisant pas, elle n'a pas respecté les règles de procédure de reconnaissance de l'accident du travail de telle sorte que la décision de prise en charge doit être déclarée inopposable à la société.

- sur l'existence d'un accident du travail

La S.A. [5] expose que l'accident déclaré par M. [M] [L] ne repose sur aucun élément matérialisant la réalisation d'un événement soudain survenu au temps et lieu de travail caractérisant l'accident du travail ; qu'aucune pièce médicale n'a été déposée ; que l'incident a lieu le 27 février 2017, lorsque l'assuré est retrouvé endormi sur son bureau par son manager ; qu'aucun témoin n'est présent à ce moment sur les lieux ; que personne ne sait pourquoi, ni comment il s'est retrouvé dans cette situation ; que la chronologie des faits est pour le moins surprenante ; qu'elle a toujours tout mis en 'uvre pour permettre l'épanouissement professionnel de son salarié.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine réplique que l'accident est survenu sur le lieu de travail de M. [M] [L], pendant ses horaires de travail; que par ailleurs, dans sa lettre accompagnant la déclaration d'accident du travail, l'employeur a confirmé que son salarié a été retrouvé profondément endormi à son poste de travail par son manager qui l'a réveillé ; qu'elle a donc légitimement estimé que ces éléments constituaient suffisamment de présomptions graves, précises et concordantes sur la matérialité des faits et que l'assuré pouvait bénéficier de la présomption d'imputabilité, à défaut d'élément probant permettant de la détruire ; que la société ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail susceptible de faire échec à l'application de la présomption d'imputabilité.

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n° 132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).

En l'espèce, l'existence d'un malaise au travail résulte de la découverte de l'assuré trouvé endormi par son manager à son lieu de travail durant le temps de travail le 27 février 2017 à 16 h 10. Le certificat médical initial établi par le docteur [R] [H], psychiatre, le 28 février 2017 mentionne l'existence d'un syndrome dépressif avec TS dans un contexte de burn out.

Ce certificat médical confirme donc les déclarations du salarié faite à son manager sur l'ingestion de médicaments antérieurement à son malaise.

Ces éléments objectifs caractérisent donc, au-delà des déclarations de l'assuré, l'existence d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail. Il appartient donc à la sociéét de démontrer une cause totalement étrangère au travail.

Les documents présentés par cette dernière ne démontrent pas l'existence d'une cause étrangère, dès lors qu'ils tendent simplement à prouver la prise en charge du mal-être de son salarié.

Dès lors, la société ne démontre pas l'absence d'accident du travail, même si la reconnaissance de ce dernier lui est inopposable.

- sur l'annulation de la décision de la commission de recours amiable

La société ne démontrant aucun motif d'annulation de la décision, qui ne pourrait résulter que d'un défaut de motivation, la demande sera rejetée.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine, qui succombe partiellement au regard de la décision d'inopposabilité rendue, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ,

DÉCLARE recevable l'appel de la S.A. [5] ;

INFIRME le jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau :

DÉCLARE inopposable à la S.A. [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail dont a été victime M. [M] [L] le 27 février 2017 ainsi que tous les soins et arrêts de travail consécutifs audit accident ;

Y additant :

DIT que les faits du 27 février 2017 constituent un accident du travail inopposable à la S.A. [5] ;

DÉBOUTE la S.A. [5] de sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/08516
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.08516 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award