La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2023 | FRANCE | N°19/06669

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 19/06669


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06669 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADEG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00670





APPELANTE

CPAM 77 - SEINE ET MARNE

[Localité 2]

représenté par Me Florence KATO, a

vocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901



INTIMEE

Société MAJ

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny CAF...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06669 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADEG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00670

APPELANTE

CPAM 77 - SEINE ET MARNE

[Localité 2]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

Société MAJ

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme. Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M.Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Geffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne (la caisse) d'un jugement rendu le 16 mi 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A. MAJ (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [T] [D] (l'assuré), salarié de la S.A. MAJ, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 21 février 2018 ; que l'assuré a indiqué qu'en déchargeant un chariot de son camion, la rampe a glissé et que le chariot a basculé ; qu'en voulant le retenir, il s'est blessé à la cheville droite et au pectoral gauche ; que le certificat médical initial du 21 février 2018 mentionne une entorse à la cheville droite avec impotence fonctionnelle ; que la S.A. MAJ a fait parvenir le 23 février 2018 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne une lettre de réserves ; que le 25 avril 2018, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne a notifié à la société la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; que le 21 juin 2018, la société a saisi la commission de recours amiable ; que le 1er octobre 2018, la caisse à notifié à M. [T] [D] une date de consolidation au 31 août 2018 ; qu'en l'absence de réponse de la commission de recours amiable, la S.A. MAJ a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 21 septembre 2018.

Le dossier a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance le 1er janvier 2019.

Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal a :

déclaré recevable le recours de la S.A. MAJ ;

constaté que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne ne démontre pas la matérialité de l'accident survenu le 21 février 2018 à M. [T] [D] ;

déclaré inopposable à la S.A. MAJ la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu le 21 février 2018 à M. [T] [D] ainsi que tous les arrêts et soins y afférents ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le tribunal a relevé que la Caisse, malgré les réserves circonstanciées émises par l'employeur, n'a pas diligenté d'enquête approfondie en ne recueillant aucun témoignage en dehors des déclarations du salarié et de l'employeur ; qu'alors que M. [T] [D] avait été victime d'un accident lors d'un match de football, il aurait été nécessaire de recueillir des témoignages afin de connaître la nature des lésions alors subies et alors que le certificat médical initial ne mentionne que la blessure à la cheville, usuelle en la matière.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 12 juin 2019 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 25 juin 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne demande à la cour de :

infirmer le jugement du 16 mai 2019 en toutes ses dispositions ;

en conséquence.

débouter la S.A. MAJ de toutes ses demandes ;

déclarer opposable à la S.A. MAJ la décision du 25 avril 2018 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident déclaré par M. [T] [D] ;

condamner la S.A. MAJ aux entiers dépens.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne expose qu'il résulte tant de la déclaration d'accident du travail que des questionnaires remplis par l'assuré et la société que l'assuré a avisé son employeur de la survenance d'un accident au retour de sa tournée du matin, à 12h15 ; que l'accident a été mentionné dans le registre des accidents du travail bénins, le jour même sous le n° 2 ; que l'assuré s'est rendu au Grand hôpital de [4] le jour de l'accident, où il a été constaté : Entorse cheville droite - Impotence fonctionnelle ; que les lésions reportées sur le certificat médical initial sont parfaitement cohérentes avec le mécanisme accidentel décrit dans la déclaration d'accident du travail et le questionnaire rempli par l'assuré ; que l'absence de témoin ne fait pas obstacle à elle seule à la reconnaissance d'un accident du travail, les éléments susvisés constituant des présomptions précises graves et concordantes ; que la circonstance que le salarié ait continué à travailler après s'être blessé n'est pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité de la lésion au travail ; que les contestations de la S.A. MAJ ne sont étayées d'aucune pièce ; qu'il n'était donc pas nécessaire d'approfondir l'enquête en interrogeant les salariés ayant participé au match de football, l'employeur ayant la liberté de produire des attestations.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A. MAJ demande à la cour de :

constater que la procédure d'instruction menée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne ne permet pas de démontrer la survenance d'un fait accidentel au temps et au lieu du travail ;

en déduire que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail ne peut trouver à s'appliquer ;

en conséquence

confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 16 mai 2019, ayant déclaré inopposable à la société MAJ la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail dont aurait été victime M. [T] [D] le 21 février 2018.

Elle expose que M. [T] [D] a indiqué à s'être blessé lors de la livraison d'un client à 07h50 ce mercredi 21 février 2018 ; qu'il n'a pas interrompu son travail dans les suites immédiates de cet accident ; qu'il a terminé normalement ses livraisons ; qu'à 12h15, à son retour de tournée, il a demandé au service du personnel d'inscrire l'incident au registre des accidents du travail bénins ; qu'il a alors été examiné par Mme [S] [Y] ; que cette dernière a constaté, sur le pectoral gauche, la présence d'un hématome de couleur jaune ; qu'elle a relevé que cet hématome était déjà en voie de guérison et qu'il ne semblait pas être une conséquence de l'incident survenu. selon les dires du salarié le matin même ; que c'est ce qu'elle a indiqué dans son courrier de réserves ; qu'il est avéré que plusieurs salariés, dont l'assuré, se sont retrouvés après le travail pour jouer au football le mardi 20 février 2018, soit la veille du prétendu accident ; qu'ils ont indiqué que l'assuré se serait blessé à cette occasion ; que les versions de celui-ci et de son employeur étaient manifestement contradictoires ; qu'il appartenait donc à la caisse de procéder à de véritables investigations afin d'établir la matérialité de l'accident ; que c'est à elle qu'il incombait d'interroger les personnes citées par l'employeur dans son courrier de réserves ; que la présomption d'imputabilité ne peut servir à pallier les lacunes de la procédure d'instruction.

SUR CE :

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n° 132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d'un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail du 23 février 2018 mentionne que l'assuré a indiqué avoir été victime le 21 février 2018 à 7 h 50 d'un accident du travail à la crèche les petits avions, dans les termes suivants : le salarié déclare qu'en déchargeant un chariot de son camion, la rampe a glissé et le chariot a basculé. En voulant le retenir, le salarié s'est blessé à la cheville droite et au pectoral gauche. Il est rapporté des douleurs à la malléole et au talon droit ainsi qu'un hématome de couleur jaune sur le pectoral gauche. Le certificat médical joint, en date du 21 février 2018, indique une entorse de la cheville droite -impotence fonctionnelle et prescrit un arrêt de travail.

A la suite des réserves de la société dans un courrier du 23 février 2018, imputant les lésions à un match de football joué la veille, la caisse a diligenté une enquête en adressant un questionnaire à l'assuré et à la société.

L'assuré a maintenu sa version et la société a relaté les circonstances de la déclaration au retour de ce dernier dans ses locaux.

A aucun moment, tant dans la lettre de réserves que dans la réponse au questionnaire, la société ne cite le nom de témoins directs du match de football dont l'existence est alléguée. C'est donc vainement qu'elle reproche à la caisse de ne pas avoir poussé son enquête dès lors qu'elle ne lui donnait pas la possibilité de le faire : le témoignage de M. [R] [E] dont elle fait état dans sa lettre de réserves et qu'elle ne produit pas n'est qu'indirect, puisqu'il est l'auteur d'une enquête interne que la société n'a pas jointe à sa réponse au questionnaire. La caisse n'avait donc pas obligation de l'interroger et ne pouvait solliciter le témoignage des salariés non cités. De même, la société ne dépose pas le témoignage de la salariée qui a inscrit l'accident sur le registre des accidents bénins et ne délivre aucune copie dudit registre.

Sans autre formulation de grief par la société, la caisse a donc respecté la procédure.

Relativement à la matérialité de l'accident, la lésion prise en charge est l'entorse à la cheville mentionnée dans le certificat médical.

S'il n'existe pas de témoins de l'accident, celui-ci a été signalé à la société dès le retour de l'assuré dans les locaux et a fait l'objet d'une constatation médicale le jour même. Les constatations sont en concordance avec ce que l'assuré a déclaré. L'enquête confirme que l'assuré a déclaré à la société l'accident dont il a été victime et l'inscription par un salarié de la société au registre des accidents bénins.

En l'état de ce faisceau d'indices objectifs, la caisse prouve, en dehors des simples déclarations de l'assuré l'apparition d'une lésion au temps et eu lieu de travail. Il appartient donc à la société de renverser la présomption ainsi établie en démontrant la cause étrangère.

En l'espèce, la société en reste à des allégations non étayées par des témoignages circonstanciés, ne permettant pas de démontrer de cause totalement étrangère au travail.

Le jugement sera donc infirmé et la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne de prise en charge de l'accident du travail de M. [T] [D] survenu le 21 février 2018 sera déclarée opposable à la S.A. MAJ.

La S.A. MAJ, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne ;

INFIRME le jugement rendu le 16 mi 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau :

DÉCLARE opposable à la S.A. MAJ la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne de prise en charge de l'accident du travail de M. [T] [D] survenu le 21 février 2018 ;

CONDAMNE la S.A. MAJ aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/06669
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.06669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award