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16/06/2023 | FRANCE | N°19/06542

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 19/06542


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CACG3



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 17/01436





APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie SCETBON

GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substituée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque: P0346





INTIMEE

CPAM 06 - ALPES MARITIMES

[Adresse 3]

[Localité 1]

repr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CACG3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'EVRY RG n° 17/01436

APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie SCETBON GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346 substituée par Me Olivia COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, toque: P0346

INTIMEE

CPAM 06 - ALPES MARITIMES

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme. Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M.Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.S. [5] (la société) à d'un jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Evry dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [M] [P] (l'assuré) a été victime d'un accident le 12 juin 2017 que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ; que la S.A.S. [5] a formé un recours devant la commission de recours amiable aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident et des arrêts de travail de prolongation et de soins prescrits subséquemment ; que faute de réponse de la commission, elle a saisi le 20 novembre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry.

Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance d'Evry le 1er janvier 2019.

Par jugement en date du 16 mai 2019, le tribunal a :

- déclaré la S.A.S. [5] recevable en son recours mais mal fondé ;

- débouté la S.A.S. [5] de l'ensemble de ses demandes au titre de l'accident du travail en date du 12 juin 2017 dont son salarié, M. [M] [P], a été victime ;

- condamné la S.A.S. [5] aux dépens.

Le tribunal a jugé que la lettre de réserves n'était pas suffisamment motivée. Il a retenu que la matérialité de l'accident était établie par un faisceau d'indices : information de l'employeur dix minutes après l'accident, certificat médical du même jour en cohérence avec les lésions décrites par le salarié comme étant consécutives à son accident. Il a retenu la présomption d'imputabilité des soins et arrêts à l'accident et écarté l'analyse du médecin conseil de la société faute de preuve d'un état antérieur évoluant pour son propre compte ou d'une cause extérieure.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 23 mai 2019 à la S.A.S. [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 21 juin 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [5] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son recours ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Evry le 16 mai 2019 ;

à titre principal,

- constater qu'elle a émis des réserves motivées sur les circonstances de temps et de lieu du travail ;

- constater que malgré ces réserves motivées, la caisse primaire n'a pas diligenté d'instruction au contradictoire de l'employeur ;

- constater dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas respecté les dispositions des articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale à son égard ;

à titre subsidiaire,

- constater qu'il n'existe aucun faisceau d'indices graves précis et concordants justifiant la survenance d'un prétendu fait accidentel qui serait survenu le 4 novembre 2008 ;

- constater que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes ne parvient pas à établir la matérialité du fait accidentel du 12 juin 2017 ;

en conséquence,

- dire et juger que la décision de la caisse primaire des Alpes Maritimes de prendre en charge l'accident du 12 juin 2017 déclaré par M. [M] [P] lui est inopposable ainsi que l'ensemble des prestations qui lui ont été rattachées ;

à titre très subsidiaire,

- constater que les prestations servies à l'assuré, M. [M] [P], lui font grief au travers de l'augmentation de ses taux de cotisation accidents du travail ;

- constater que l'employeur rapporte la preuve de l'absence d'imputabilité à la lésion initiale des arrêts de travail pris en charge postérieurement au 21 août 2017 ;

en conséquence,

- lui déclarer inopposables les arrêts de travail et soins pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'accident de M. [M] [P] postérieurement au 21 août 2017 ;

à titre infiniment subsidiaire :

- constater qu'il existe un litige d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du travail du 12 juin 2017 déclaré par M. [M] [P] ;

-ordonner à la Caisse de transmettre au médecin désigné par elle la totalité des documents administratifs et médicaux justifiant la prise en charge des prestations ;

avant dire droit :

- ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert avec pour mission de :

- convoquer contradictoirement les parties,

- prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [M] [P] établi par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes au titre de l'accident du 12 juin 2017,

- déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l'accident,

- fixer la durée des arrêts de travail en relation directe et exclusive avec ces lésions,

- dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,

- en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident,

- fixer la date de consolidation des seules lésions consécutives à l'accident à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte.

Par conclusions écrites déposées avant l'audience et communiquées à son contradicteur, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes, dispensée de comparution, demande à la cour de :

- débouter la S.A.S. [5] de l'ensemble de ses demandes ;

- déclarer opposable à la S.A.S. [5] la totalité de l'indemnisation de l'accident dont a été victime M. [M] [P] le 12 juin 2017.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 3 avril 2023 que la S.A.S. [5] a soutenue oralement.

SUR CE

- Sur la lettre de réserves

La S.A.S. [5] expose avoir établi une déclaration d'accident du travail, dans les termes suivants : « Date : 12.06.2017 Heure : 09h20 Activité : Le salarié nous déclare : « j'ai levé mon bras gauche pour monter dans le crabe (engin), j'ai eu une douleur au niveau de l'épaule » ; Eventuelles réserves motivées : aucun témoin oculaire la matérialité repose que sur les seules déclarations du salarié » ; qu'elle a émis des réserves motivées afférentes à la matérialité de l'accident, donc à son existence et ces circonstances ; que la Cour de cassation a très récemment rappelé que la simple absence de témoins, eut-elle été invoquée en l'absence de toute incohérence de temps ou de lieu, est suffisante à considérer que l'employeur avait émis des réserves sur la matérialité même du fait accidentel ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes aurait ainsi dû diligenter une instruction en adressant un questionnaire tant à l'employeur qu'à l'assuré ; que toute inobservation d'une formalité résultant des dispositions des articles R 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale entraîne l'inopposabilité de la décision qui en résulte, à l'égard de l'employeur.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes réplique que le contenu de la lettre ne saurait être reconnu comme constituant des réserves motivées ; qu'en effet, les réserves motivées ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'elles doivent énoncer des arguments susceptibles de jeter un doute sur le caractère professionnel de l'accident ; que ce n'est pas le cas dans cette affaire ; que dans la jurisprudence, citée par le conseil de la société, l'absence de témoin a été considérée comme une réserve motivée ; que, cependant, dans les cas d'espèce, il s'agissait d'accident du travail où la victime avait déclaré tardivement son accident et qui se sont produit durant la pause déjeuner ; que tel n'est pas le cas de l'espèce ; qu'elle n'avait donc pas à diligenter de mesure d'instruction.

Il résulte des dispositions de l'article R 441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, que : « En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».

Les réserves motivées visées par ce texte, s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. L'employeur, au stade de la recevabilité des réserves, n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé.

Dès lors que les réserves se conforment à leur objet, elles s'analysent comme des réserves motivées, peu important la pertinence ou la qualité de la motivation.

En conséquence, lorsque l'employeur a formulé en temps utile de telles réserves, la caisse ne peut prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable.

En l'espèce, la société a déclaré le 15 mai 2017 un accident dont l'assuré s'est dit victime le 13 mai 2017 à 17 heures et qui lui a été signalé le 15 mai 2017 à 16 h 23, les circonstances étant les suivantes : l'assuré déclare : j'ai ressenti ne douleur en déplaçant des planches. Il était joint un certificat médical du 12 juin 2017 faisant état d'un blocage de l'épaule gauche sans fracture.

Le 13 juin 2017, elle déclare un accident dont l'assuré s'est dit victime le 12 juin 2017 à 9 h 20 et qui lui a été signalé le même jour à 9 h 30 dans les termes suivant : j'ai levé mon bras gauche pour monter dans le crabe (engin) ; j'ai eu une douleur au niveau de l'épaule.

L'employeur a émis des réserves dans les termes suivants : aucune témoin oculaire ; la matérialité (ne) repose que sur les seules déclarations du salarié.

Les réserves émises tendant à remettre en question la matérialité de l'accident du travail en l'absence de témoins et du fait que seules les déclarations du salarié en attestaient de l'existence, constituent des réserves motivées au sens du texte précité, peu important que l'employeur, en l'espèce, ne rapporte pas dans le courrier de preuve de ce que le faisceau d'indices constitué par la caisse est inopérant pour maintenir la présomption d'imputabilité.

Dès lors, la caisse devait diligenter l'enquête prévue. En ne le faisant pas, elle a violé le texte susvisé, sa décision devant être déclarée inopposable à la société. Le jugement déféré sera donc infirmé en ses dispositions soumises à la cour.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la S.A.S. [5] ;

INFIRME le jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Evry en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau :

DÉCLARE inopposable à la S.A.S. [5] la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes de reconnaissance de l'accident du travail dont a été victime M. [M] [P] le 12 juin 2017 ;

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes-Maritimes aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/06542
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.06542 ?
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