La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2023 | FRANCE | N°19/06505

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 19/06505


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06505 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB6J



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 16/00694





APPELANTE

LA SOCIÉTÉ [5]

Gestion des Risques Professionnels

[Adresse 1]

[Loca

lité 2]

représentée par Me Bertrand PATRIGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0073





INTIMEE

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/06505 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB6J

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 16/00694

APPELANTE

LA SOCIÉTÉ [5]

Gestion des Risques Professionnels

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bertrand PATRIGEON, avocat au barreau de PARIS, toque : K0073

INTIMEE

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme. Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M.Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.S. [5] (la société) d'un jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Meaux dans un litige l'opposant à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [F] [B] (l'assurée) a été victime d'un accident le 16 mai 2016 que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ; que la S.A.S. [5] a contesté la décision de prise en charge ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, elle a formé son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux.

Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance de Meaux le 1er janvier 2019.

Par jugement en date du 27 mai 2019, le tribunal a :

rejeté la demande présentée par la S.A.S. [5] ;

dit que la décision prise par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne le 7 juin 2016, de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 10 mai 2016 au préjudice de Mme [F] [B] est régulière et opposable à la S.A.S. [5] ;

dit que le jugement demeurait sans dépens.

Le tribunal a retenu que la preuve de l'accident du travail résultait des éléments produits par la caisse et que l'employeur ne détruisait pas la présomption d'imputabilité des soins et arrêts à l'accident, le médecin-conseil de la société n'émettant qu'un simple doute.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 3 juin 2019 à la S.A.S. [5] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 13 juin 2019.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat la S.A.S. [5] demande à la cour de :

à titre principal

déclarer le recours recevable ;

lui déclarer inopposables les arrêts de travail délivrés à Mme [F] [B] et qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 10 mai 2016 ;

à titre subsidiaire

lui déclarer inopposables les arrêts de travail délivrés à Mme [F] [B] et qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 10 mai 2016 ;

et à cette fin avant dire droit

ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces et nommer un expert avec pour mission de :

retracer l'évolution des lésions de Mme [F] [B] ;

dire si l'ensemble des lésions de Mme [F] [B] sont en relation directe et unique avec son accident du travail du 10 mai 2016 ;

dire si l'évolution des lésions de Mme [F] [B] est due à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte, à un nouveau fait accidentel, ou un état séquellaire,

déterminer quels sont les arrêts de travail et lésions directement et uniquement imputables à l'accident 10 mai 2016 dont a été victime Mme [F] [B] ;

fixer la date de consolidation des lésions dont a souffert Mme [F] [B] suite à son accident de travail en date du 10 mai 2016 ;

dire que l'expert convoquera les parties à une réunion contradictoire, afin de recueillir leurs éventuelles observations sur les documents médicaux ;

dire que l'expert devra en outre communiquer aux parties un pré-rapport et solliciter de ces dernières la communication d'éventuels dires, préalablement à la rédaction du rapport définitif ;

ordonner au service médical de la Caisse primaire de communiquer, l'ensemble des documents médicaux constituant le dossier de Mme [F] [B] à l'expert qui sera désigné ;

dire et juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne en application des dispositions du nouvel article L.142-11 du code de la sécurité sociale.

Elle expose que compte tenu de la lésion initialement constatée dans la déclaration d'accident du travail et de la durée des arrêts de travail dont a bénéficié Mme [F] [B], il apparaît nécessaire de vérifier leur relation de causalité avec l'accident initial afin de déterminer avec exactitude les seuls arrêts à prendre en charge au titre de la législation professionnelle ; que l'accident survenu aurait occasionné à sa salariée des douleurs à l'épaule gauche ; que l'avis médico-légal à son médecin conseil conclut au fait qu'un simple étirement musculaire ne conduit pas à une durée d'arrêt de travail de 576 jours ; qu'il existe donc un état antérieur indépendant de l'accident du travail qui évolue pour son propre compte ; que l'ensemble des éléments relevés par son médecin-conseil laisse apparaître une réelle question d'ordre médicale que seule une mesure d'expertise permettra de trancher ; que l'avis du médecin-conseil de la Caisse ne s'impose qu'à elle.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne demande à la cour de :

confirmer le jugement du 27 mai 2019 en toute ses dispositions ;

débouter la S.A.S. [5] de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la S.A.S. [5] aux dépens.

Elle expose que la Cour de cassation a abandonné la notion de continuité de symptômes et de soins et précisé que la présomption d'imputabilité s'appliquait jusqu'à la consolidation, dès lors qu'un arrêt de travail avait été initialement prescrit ; que l'assurée s'est initialement vu prescrire un arrêt de travail de 7 jours, du 11 au 18 mai 2016, de sorte que la présomption d'imputabilité a incontestablement vocation à s'appliquer jusqu'à la consolidation de son état de santé, fixé par le médecin conseil au 7 juillet 2018 ; que sauf à inverser la charge de la preuve, ce n'est pas à la caisse de prouver que les soins et arrêts de travail pris en charge sont exclusivement imputables à l'accident du travail mais à l'employeur de justifier que lesdits soins et arrêts sont exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail de l'assurée ; que le Docteur [T] tente vainement de renverser la charge de la preuve en indiquant une durée excessive d'arrêts de travail en l'absence de justification résultant de documents médicaux ; que le caractère prétendument anormal de la durée d'incapacité prise en charge par rapport à un barème médical ou de l'avis de son médecin conseil délivré sans examen médical du salarié n'est pas non plus suffisant pour renverser la présomption d'imputabilité ; que quand bien même l'existence d'un état antérieur documenté aurait été démontrée par le médecin conseil de l'appelante, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il doit faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle s'il a été révélé ou aggravé par l'accident et bénéficie de la présomption d'imputabilité.

SUR CE :

En l'espèce, la matérialité de l'accident du travail du 10 mai 2016 n'est pas discutée.

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime. Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655 ). La cour ne peut, sans inverser la charge de la preuve demander à la caisse de produire les motifs médicaux ayant justifié de la continuité des soins et arrêts prescrits sur l'ensemble de la période. (2e Civ., 10 novembre 2022, pourvoi n° 21-14.508). Il en résulte que l'employeur ne peut reprocher à la Caisse d'avoir pris en charge sur toute la période couverte par la présomption d'imputabilité les conséquences de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle s'il n'apporte pas lui même la démonstration de l'absence de lien.

Ainsi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l'accident (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-24.945) et à l'ensemble des arrêts de travail, qu'il soient continus ou non.

En outre, les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables lorsque la demande de prise en charge porte sur de nouvelles lésions survenues avant consolidation et déclarées au titre de l'accident du travail initial. (Civ.2: 24 juin 2021 n°19-25.850).

Selon le certificat médical initial du 11 mai 2016, Mme [F] [B] présente une lésion musculaire du grand dentelé et du sterno-cléido-mastoïdien gauche. La salarié s'est vu prescrire un arrêt de travail initial qui a été renouvelé jusqu'à la date de consolidation.

La présomption d'imputabilité des soins et arrêts à l'accident, jusqu'à la consolidation, est donc établie.

Il appartient donc à l'employeur de démontrer l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte ou d'une cause étrangère.

En l'espèce, l'avis médical du docteur [T], médecin conseil de la S.A.S. [5], ne raisonne que sur la durée des arrêts de travail, lui apparaissant anormalement longue, pour présumer de l'existence d'un état antérieur qu'il ne nomme pas.

Ce document ne permet pas d'établir l'existence d'un litige d'ordre médical nécessitant le recours à l'expertise. Il n'établit pas de cause extérieure ni ne prouve d'état pathologique préexistant, qui plus est évoluant pour son propre compte, de telle sorte que la S.A.S. [5] succombe à renverser la présomption d'imputabilité.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées ; le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté d'ordonner une mesure d'instruction demandée par une partie, sans qu'il ne soit contraint d'y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu'issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par plus qu'une violation du principe d'égalité des armes.

Ainsi, l'avis du médecin conseil de la société et les considérations générales sur la durée des arrêts de travail sont insuffisants en l'espèce à caractériser tant un différend d'ordre médical qu'un élément de nature à accréditer l'existence d'une cause propre à renverser la présomption d'imputabilité qui s'attache à la lésion initiale, à ses suites et à ses éventuelles complications ultérieures.

Il convient en conséquence de débouter l'employeur de ses demandes tant d'expertise que d'inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêts de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

La S.A.S. [5], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la S.A.S. [5] ;

CONFIRME le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Meaux en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE la S.A.S. [5] de sa demande d'expertise ;

CONDAMNE la S.A.S. [5] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/06505
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;19.06505 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award