La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2023 | FRANCE | N°18/11610

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 18/11610


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11610 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SGM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/02253





APPELANTE

Madame [O] [E] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,

toque : 135

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/025246 du 26/09/2018 accordée par le bureau d'a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11610 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SGM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/02253

APPELANTE

Madame [O] [E] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,

toque : 135

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/025246 du 26/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 3])

[Adresse 1]

SERVICE CONTENTIEUX

[Localité 3]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par [O] [E], épouse [J], (l'assurée) d'un jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La caisse a informé l'assurée que les indemnités journalières du régime maladie ne lui seraient plus versées à compter du 1er février 2015 et qu'elle était apte à la reprise d'une activité professionnelle à compter de cette date. L'assurée ayant contesté ce refus, la caisse a mis en oeuvre une expertise technique prévue aux articles L. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Au vu des conclusions de cette expertise confiée au docteur [V], la caisse a notifié le 3 juillet 2015 à l'assurée le maintien de sa décision de refus de prise en charge.

Après avoir saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision, laquelle a rejeté son recours le 7 octobre 2015, l'assurée a porté le litige le 11 décembre 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Par jugement du 27 juin 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a ordonné une expertise confiée au docteur [P] aux fins de déterminer si son état de santé lui permettait la reprise d'une activité professionnelle quelconque au 1er février 2015.

L'assurée ne s'étant pas présentée aux réunions d'expertise les 20 septembre 2017 et 29 septembre 2017, l'expert a établi un rapport de carence le 29 septembre 2017.

L'assurée a demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 28 septembre 2017 le changement de l'expert, qui lui a été refusé par ordonnance du 11 octobre 2017.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, par jugement du 8 février 2018, a:

- constaté la carence de l'assurée aux réunions d'expertise ;

- rejeté le recours comme mal fondé ;

- confirmé la décision du 14 octobre 2015 de la commission de recours amiable ;

- dit que l'assurée peut reprendre une activité quelconque à la date du 1er février 2015 ;

- condamné l'assurée à régler les frais d'expertise.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que l'expert désigné n'a pas pu procéder aux opérations d'expertise car l'assurée ne s'est ni présentée aux réunions d'expertise des 20 septembre 2017 et 29 septembre 2017, ni excusée ou manifestée, et que l'expert a établi pour ce motif un procès-verbal de carence.

Le jugement lui ayant été notifié le 17 avril 2018, l'assurée en a interjeté appel le 16 octobre 2018.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'assurée demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- la recevoir en son recours ;

- annuler la décision du 14 octobre 2015 de la commission de recours amiable ;

En conséquence,

- ordonner une expertise permettant de déterminer si son état de santé lui permettait la reprise d'une activité professionnelle quelconque au 1er février 2015 :

- laisser les frais d'expertise à la caisse ;

- condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, au visa des articles L.141-1 et R.141-1 et suivants du code de la sécurité sociale et des pièces versées aux débats, de :

- confirmer le jugement du 8 février 2018 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter l'assurée de toutes ses demandes ;

- condamner l'assurée aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience par leur conseil et visées par le greffe pour un exposé complet des moyens et arguments développés et soutenus à l'audience.

La cour a soulevé d'office le moyen tiré de la recevabilité de l'appel en raison des dates rappelées dans son rapport.

SUR CE :

- Sur la recevabilité de l'appel

L'assurée soutient que son appel est recevable au motif qu'elle a formé une demande d'aide juridictionnelle le 11 mai 2018 à laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a répondu par une décision d'octroi d'une aide totale le 26 septembre 2018, et qu'elle a ensuite interjeté appel le 16 octobre 2018, soit dans le mois de la décision.

La caisse réplique qu'il appartient à l'assurée de justifier la date du dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle afin de vérifier la recevabilité de son appel.

Il résulte des dispositions combinées des articles 538, 528 et 932 du code de procédure civile, que les parties peuvent interjeter appel dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, l'appel devant être porté devant le greffe de la cour.

En application de l'article 38 du décret du 19 septembre 1991, lorsqu'une action en justice doit être intentée dans un certain délai, elle est réputée intentée dans ledit délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai et que la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de refus est devenue définitive.

En l'espèce, il apparaît que :

- le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a été notifié à l'assurée par lettre recommandée, mentionnant les modalités et voies de recours, reçue le 17 avril 2018 ;

- l'assurée a déposé une demande d'aide juridictionnelle se rapportant à ce recours (N° 15-02253/B) le 11 mai 2018 (pièce non numérotée versée par l'assurée à l'audience) ;

- le bureau d'aide juridictionnelle lui a accordé une aide totale par décision du 26 septembre 2018 (N° BAJ 2018/025246) (pièce non numérotée versée par l'assurée à l'audience).

Ainsi, l'assurée a sollicité l'aide juridictionnelle dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision querellée, soit dans le délai imparti pour relever appel du jugement, et le 26 septembre 2018, la décision d'accorder l'aide juridictionnelle à l'assurée étant rendue, cette dernière disposait d'un nouveau délai d'un mois pour saisir la cour d'appel.

L'appel de l'assurée a été interjeté le 16 octobre 2018 donc avant l'expiration du délai de forclusion d'un mois qui s'achevait le vendredi 26 octobre 2018.

Dans ces conditions l'appel formé par l'assurée doit être déclaré recevable.

Sur le procès verbal de carence et la demande de nouvelle expertise

L'assurée fait valoir que l'expert désigné par le tribunal était déjà intervenu dans le cadre d'une expertise la concernant dont la contestation était pendante devant la même juridiction, ce qui était susceptible de faire naître un doute légitime sur son impartialité et sa neutralité ; que le tribunal a refusé par ordonnance sa demande de changement d'expert, ce qui a rendu impossible la conduite de l'expertise ; que l'impossibilité de réaliser l'expertise ne lui est donc pas imputable.

La caisse réplique que l'ordonnance de rejet de dessaisissement de l'expert du 11 octobre 2017 n'a pas été contestée par l'assurée ; que le fait de solliciter le remplacement de l'expert n'empêchait pas l'assurée de se présenter aux opérations d'expertise ou de demander à l'expert leur suspension dans l'attente de la décision du tribunal ; que l'assurée a été convoquée deux fois mais ne s'est ni présentée ni excusée ; que l'assurée ne produit aucune pièce médicale pertinente venant contredire le rapport d'expertise.

L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

« L'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1 de continuer ou de reprendre le travail [...] »

En application de l'article L. 315-2 du code de la sécurité, lorsqu'à la suite à l'examen de l'assuré, le service du contrôle médical considère que la prescription d'arrêt de travail n'est pas ou plus médicalement justifiée, la caisse est tenue de suspendre le versement des indemnités journalières. Si l'assuré conteste cette décision pour un motif médical, la caisse doit mettre en oeuvre une expertise médicale technique prévue à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale et les conclusions de cette expertise s'imposent à elle.

Il résulte des dispositions des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale que les contestations d'ordre médical opposant la caisse à l'assuré relatives notamment à l'état de ce dernier, donnent lieu à une expertise médicale technique dont les conclusions si elles procèdent d'une procédure régulière et sont claires, précises et dénuées d'ambiguïté, s'imposent aux parties ainsi qu'au juge du contentieux général de la sécurité sociale, qui ne dispose pas du pouvoir de régler une difficulté d'ordre médical.

Selon l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, devenu l'article R. 142-17-1, II., du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L. 141-1, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande. Dans ce cas, les règles prévues aux articles R. 141-1 à R. 141-10 s'appliquent sous réserve des dispositions du présent article.

Il en résulte que soit les juges du fond, disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation, estiment que les conclusions de l'expert sont claires et précises ; ils sont alors tenus de tirer les conséquences légales qui en résultent sans pouvoir les discuter, sans préjudice de la possibilité d'ordonner une nouvelle expertise dont les conclusions s'imposeront dans les mêmes termes ;

soit ce n'est pas le cas et il leur appartient de recourir à un complément d'expertise, ou, sur la demande d'une partie, d'ordonner une nouvelle expertise technique.

Au cas particulier, il convient de relever qu'une expertise médicale technique a déjà été diligentée le 5 juin 2015 ainsi qu'il résulte de la pièce n°1 des productions de la caisse qui fait état de l'énoncé de la question posée à l'expert, le docteur [V], à savoir « Dire si l'état de santé de l'assurée lui permettait de reprendre un activité professionnelle quelconque, à la date du 01/02/2015 », et que l'expert a répondu « oui » à cette question.

Le tribunal a ordonné une expertise par jugement du 27 juin 2017.

Selon le procès-verbal de carence du docteur [P], l'assurée a été convoquée aux réunions d'expertise des 20 septembre 2017 et 29 septembre 2017 mais ne s'est pas présentée ni ne s'est excusée.

L'assurée a sollicité le 28 septembre 2017 le remplacement de l'expert, la tribunal a rejeté sa demande par ordonnance du 11 octobre 2017.

Il convient d'observer que l'ordonnance développe que le dossier dont l'assurée se prévaut porte sur la question du lien entre les lésions et troubles invoqués à la date du 11 décembre 2013 et l'accident du travail du 23 mars 2013 alors que le présent dossier porte sur la question de savoir si son état de santé lui permettait la reprise d'une activité professionnelle au 1er février 2015. Il s'ensuit qu'il a été constaté que le présent litige est différent du premier et est insusceptible de remettre en cause l'impartialité de l'expert de sorte qu'il n'y a donc aucun motif légitime justifiant le changement de l'expert.

La cour relève que la mesure d'expertise médicale ordonnée par le tribunal n'a pu être mise en oeuvre, l'assurée ne s'étant pas présentée aux deux convocations de l'expert et ce sans motif légitime, lequel a adressé au tribunal un rapport de carence.

Dès lors, l'assurée ne versant aucune nouvelle pièce médicale susceptible de remettre en cause l'expertise technique diligentée par le docteur [V] le 5 juin 2015, elle ne démontre pas la nécessité d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise. En conséquence,l'assurée sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

La décision du premier juge doit être confirmée.

Sur les frais d'expertise

L'assurée demande d'être exonérée du paiement des frais d'expertise en raison de la faiblesse de ses ressources et de l'équité.

La caisse réplique que c'est une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le tribunal, de sorte que rien ne justifie qu'ils soient supportés par l'organisme.

Il résulte des dispositions de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment de la désignation de l'expert que :

"(...)

"Sans préjudice des dispositions de l'article L. 442-8, les honoraires et frais, notamment d'examens complémentaires éventuels, liés à la nouvelle expertise ordonnée par le tribunal en application de l'article L.141-2 sont mis à la charge de la partie qui succombe, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

"(...)"

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis les frais d'expertise à la charge de l'assurée.

L'assurée sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel interjeté par [O] [E], épouse [J], à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 8 février 2018;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE [O] [E], épouse [J], de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE [O] [E], épouse [J], aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11610
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;18.11610 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award