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16/06/2023 | FRANCE | N°18/11609

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 juin 2023, 18/11609


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 Juin 2023



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11609 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SGK



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/00014





APPELANTE

Madame [J] [N] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]


représentée par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,

toque: 135

( bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/025244 du 26/09/2018 accordée par le bureau d'aide ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 Juin 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11609 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SGK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 15/00014

APPELANTE

Madame [J] [N] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,

toque: 135

( bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/025244 du 26/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS )

INTIMEE

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 2])

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par [J] [N], épouse [I], (l'assurée) d'un jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'assurée a été victime d'un accident du travail le 23 mars 2013. La déclaration établie le 25 mars 2013 mentionnait : « [L'assurée] est tombée en raison d'une dénivellation du trottoir au niveau de la bouche d'eau ». Le certificat médical initial établi le 25 mars 2013 constatait des « Douleur pied gauche ' entorse poignet gauche ' Douleur genou gauche », et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 26 mars 2013.

L'assurée a transmis un certificat médical de prolongation le 11 décembre 2013 pour une « Tendinite de De Quervain poignet gauche (...) ' douleur poignet, coude épaule gauches » que la caisse a refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels en l'absence de lien avec l'accident du travail du 23 mars 2013. L'assurée ayant contesté ce refus, la caisse a mis en oeuvre une expertise technique prévue aux articles L. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Au vu des conclusions de cette expertise, la caisse a notifié le 29 octobre 2014 à l'assurée le maintien de sa décision de refus de prise en charge.

Après avoir saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision, laquelle a rejeté son recours le 22 octobre 2014, l'assurée a porté le litige le 30 décembre 2014 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Par jugement avant dire droit du 29 mai 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a ordonné une expertise confiée au docteur [O] aux fins de déterminer si les lésions du 11 décembre 2013 étaient en lien avec l'accident du travail du 25 mars 2013.

L'expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 22 juillet 2017.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, par jugement du 15 mars 2018, a :

- Homologué dans ses limites le rapport du docteur [O] ;

- Débouté l'assurée de son recours ;

- Dit fondée la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 29 octobre 2014 ;

- Dit qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'accident du travail dont a été victime le 23 mars 2013 l'assurée et les lésions et troubles invoqués par le certificat médical du 11 décembre 2013 ;

- Débouté l'assurée de sa demande de prise en charge des lésions et troubles invoqués par le certificat médical du 11 décembre 2013 au titre de la législation sur les risques professionnels ;

- Laissé les frais d'expertise à la charge de la caisse en application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les conclusions de l'expert étaient claires, précises, étayées et dénuées d'ambiguïté et qu'elles n'étaient pas contestées par l'assurée et qu'en conséquence il y avait lieu d'homologuer le rapport d'expertise.

Le jugement lui ayant été notifié le 20 avril 2018, l'assurée en a interjeté appel le 16 octobre 2018.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'assurée demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- La recevoir en son recours ;

- Annuler la décision du 20 octobre 2014 de la commission de recours amiable ;

En conséquence,

- Ordonner une expertise permettant de déterminer d'une part s'il existe un lien de causalité entre l'accident du travail dont elle a été victime le 23 mars 2013 et les lésions et troubles invoqués par le certificat médical du 11 décembre 2013 et d'autre part si les lésions et troubles invoqués par ce même certificat médical relèvent de la législation sur les risques professionnels ;

- Laisser les frais d'expertise à la caisse ;

- Condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, au visa des articles L.141-1 et R.141-1 et suivants du code de la sécurité sociale et des pièces versées aux débats, de :

- Confirmer le jugement du 15 mars 2018 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- Débouter l'assurée de toutes ses demandes ;

- Condamner l'assurée aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience par leur conseil et visées par le greffe pour un exposé complet des moyens et arguments développés et soutenus à l'audience.

La cour a soulevé d'office le moyen tiré de la recevabilité de l'appel en raison des dates rappelées dans son rapport.

SUR CE :

- Sur la recevabilité de l'appel

L'assurée soutient que son appel est recevable au motif qu'elle a formé une demande d'aide juridictionnelle le 11 mai 2018 à laquelle le bureau d'aide juridictionnelle a répondu par une décision d'octroi d'une aide totale le 26 septembre 2018, et qu'elle a ensuite interjeté appel le 16 octobre 2018, soit dans le mois de la décision.

La caisse réplique qu'il appartient à l'assurée de justifier la date du dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle afin de vérifier la recevabilité de son appel.

Il résulte des dispositions combinées des articles 538, 528 et 932 du code de procédure civile, que les parties peuvent interjeter appel dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, l'appel devant être porté devant le greffe de la cour.

En application de l'article 38 du décret du 19 septembre 1991, lorsqu'une action en justice doit être intentée dans un certain délai, elle est réputée intentée dans ledit délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai et que la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de refus est devenue définitive.

En l'espèce, il apparaît que :

- Le jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a été notifié à l'assurée par lettre recommandée, mentionnant les modalités et voies de recours, reçue le 20 avril 2018 ;

- L'assurée a déposé une demande d'aide juridictionnelle se rapportant à ce recours (N° 15-00014/B) le 11 mai 2018 (pièce non numérotée versée par l'assurée à l'audience) ;

- Le bureau d'aide juridictionnelle lui a accordé une aide totale par décision du 26 septembre 2018 (N° BAJ 2018/025244) (pièce non numérotée versée par l'assurée à l'audience).

Ainsi, l'assurée a sollicité l'aide juridictionnelle dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision querellée, soit dans le délai imparti pour relever appel du jugement, et le 26 septembre 2018, la décision d'accorder l'aide juridictionnelle à l'assurée étant rendue, cette dernière disposait d'un nouveau délai d'un mois pour saisir la cour d'appel.

L'appel de l'assurée a été interjeté le 16 octobre 2018 donc avant l'expiration du délai de forclusion d'un mois qui s'achevait le vendredi 26 octobre 2018.

Dans ces conditions l'appel formé par l'assurée doit être déclaré recevable.

- Sur le rapport d'expertise et la demande de nouvelle expertise

L'assurée fait valoir que le rapport d'expertise ne lui a pas été communiqué et qu'elle n'a pu en prendre connaissance qu'à l'audience du tribunal et que l'absence de communication de ce rapport d'expertise constitue une violation du principe du contradictoire justifiant l'infirmation du jugement.

La caisse réplique que les affirmations de l'assurée sont contredites par le jugement indiquant que le rapport d'expertise a été « notifié aux parties » ; qu'aucune pièce médicale pertinente ne vient contredire le rapport d'expertise et justifier sa demande de nouvelle expertise ; que le tribunal a acté le fait que l'assurée n'avait pas contesté les termes du rapport en première instance; que le rapport d'expertise est clair, précis et dénué d'ambiguïté en ce qu'il ne retrouve aucun signe post-traumatique sur les imageries mais une tendinopathie d'origine dégénérative antérieure à l'accident.

Il résulte des dispositions des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale que les contestations d'ordre médical opposant la caisse à l'assuré relatives notamment à l'état de ce dernier, donnent lieu à une expertise médicale technique dont les conclusions si elles procèdent d'une procédure régulière et sont claires, précises, dénuées d'ambiguïté, s'imposent aux parties ainsi qu'au juge du contentieux général de la sécurité sociale, qui ne dispose pas du pouvoir de régler une difficulté d'ordre médical.

Selon l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, devenu l'article R. 142-17-1, II., du code de la sécurité sociale, lorsque le différend porte sur une décision prise après mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L. 141-1, le tribunal peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande. Dans ce cas, les règles prévues aux articles R. 141-1 à R. 141-10 s'appliquent sous réserve des dispositions du présent article.

Il en résulte que soit les juges du fond, disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation, estiment que les conclusions de l'expert sont claires et précises ; ils sont alors tenus de tirer les conséquences légales qui en résultent sans pouvoir les discuter, sans préjudice de la possibilité d'ordonner une nouvelle expertise dont les conclusions s'imposeront dans les mêmes termes ;

soit ce n'est pas le cas et il leur appartient de recourir à un complément d'expertise, ou, sur la demande d'une partie, d'ordonner une nouvelle expertise technique.

Au cas particulier, sollicitant une nouvelle expertise, l'assurée se prévaut du non-respect du principe du contradictoire pour non communication du rapport d'expertise. Il apparaît que le rapport d'expertise a été adressé par le greffe du tribunal à l'assurée au [Adresse 1], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception revenue le 29 juillet 2017 avec la mention « pli avisé et non réclamé ». L'adresse correspondait à la dernière adresse connue de l'assurée, dès lors que ledit avis de réception ne comporte pas la mention cochée « destinataire inconnu à l'adresse ». En outre, l'assurée ne conteste pas l'adresse indiquée et mentionne dans sa déclaration d'appel du 16 octobre 2018 cette même adresse, laquelle était effective jusqu'à l'audience du 5 avril 2023 lors de laquelle elle indique son changement d'adresse. Le rapport d'expertise a également été adressé à son avocat, mais la preuve de la réception de ce rapport par ce dernier ne ressort pas des pièces du dossier.

Dans ces conditions, le rapport d'expertise a été adressé à la dernière adresse connue de l'assurée, dès lors qu'il lui appartenait de retirer son courrier. En outre, le rapport a été communiqué à l'assurée à l'audience du tribunal. L'intéressée n'a pas sollicité de renvoi après en avoir pris connaissance et n'a pas contesté les termes du rapport en cause devant les premiers juges.

Il s'ensuit que le moyen de l'assurée tiré du non-respect du principe contradictoire ne saurait prospérer.

Ne développant aucun autre moyen, sur le fond, l'assurée ne développe pas de contestation des conclusions de l'expert. Elle ne justifie donc nullement qu'il puisse être ordonné une nouvelle expertise.

Au surplus, il suffit de rappeler que le médecin expert a indiqué dans son rapport :

' V/ Examen clinique

(')

'Aux termes de cet examen on met en évidence d'un point de vue diagnostic :

'- une tendinopathie bilatérale des épaules de nature dégénérative

'- une ténosynovite de De Quervain main gauche d'origine non traumatique directe mais plutôt sollicitative

'- phénomènes fibromyalgiques dans un contexte sinistrosique.

'

'VI/ Discussion :

'Il apparaît en clair à la lumière de ce qui précède que les différentes mentions faites sur le certificat médical du 11 décembre 2013 :

'Ténosynovite de De Quervain, épaule gauche'

'

'N'ont pas de lien direct avec l'accident du travail du 23 mars 2013.

'

'Il a été démontré au niveau du paragraphe précédent que ces pathologies ont une évolution se faisant pour leur propre compte.

'

'VII/ Conclusion

'1/ Les lésions et troubles invoqués à la date du 11 décembre 2013 par [l'assurée] n'ont pas de lien direct avec l'accident du travail survenu le 23 mars 2013.

'2/ L'état de l'assurée est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident et évoluant pour son propre compte.' (Pièce n°8 de la caisse)

Les conclusions de l'expert sont claires, précises et dénuées d' ambiguïté et l'assurée ne démontre pas la nécessité d'ordonner une seconde mesure d'expertise. En conséquence, l'assurée sera déboutée de ses demandes.

La décision du premier juge doit être confirmée.

- Sur les frais d'expertise

L'assurée demande d'être exonérée du paiement des frais d'expertise en raison de la faiblesse de ses ressources et de l'équité.

La caisse réplique que le tribunal a laissé les frais d'expertise à la charge de l'organisme bien qu'ils concernent une expertise judiciaire.

Il résulte notamment des dispositions de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment de la désignation de l'expert que :

'(...)

'Sans préjudice des dispositions de l'article L. 442-8, les honoraires et frais, notamment d'examens complémentaires éventuels, liés à la nouvelle expertise ordonnée par le tribunal en application de l'article L. 141-2 sont mis à la charge de la partie qui succombe, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

'(...)'

La caisse sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Les premiers juges ont mis les frais d'expertise à la charge de la caisse. Le jugement sera donc confirmé également sur ce point.

L'assurée sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel interjeté par [J] [N], épouse [I], à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 15 mars 2018 ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE [J] [N], épouse [I] de sa demande de nouvelle expertise ;

CONDAMNE [J] [N], épouse [I], aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

La présidente La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/11609
Date de la décision : 16/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-16;18.11609 ?
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