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15/06/2023 | FRANCE | N°23/00268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 15 juin 2023, 23/00268


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00268 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG33M



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Novembre 2022 -Président du TJ de paris - RG n° 22/57067





APPELANTE



S.A.R.L. ON AURA TOUT VU, RCS de Paris sous le n°421 505 3

63, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Thomas GHIDINI, avocat au barreau de VA...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00268 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG33M

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Novembre 2022 -Président du TJ de paris - RG n° 22/57067

APPELANTE

S.A.R.L. ON AURA TOUT VU, RCS de Paris sous le n°421 505 363, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas GHIDINI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : G0115

Assistée à l'audience par Me Florence GLADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : A130

INTIMEE

S.C.I. PARDES PATRIMOINE, RCS de Paris sous le n°447 748 286, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0051

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte en date du 14 février 2011, la société Pardes Patrimoine, qui vient aux droits de la société Montpensier Palais Royal, a donné à bail, à titre commercial, à la société On aura tout vu des locaux dans un ensemble immobilier, sis [Adresse 2], à [Localité 4].

Le bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er juillet 2011 pour se terminer le 30 juin 2020. La société On aura tout vu a cessé de payer ses loyers entre les mains du bailleur.

La société Pardes Patrimoine a fait délivrer un commandement de payer les loyers, par exploit en date du 16 juin 2022.

Par acte du 29 août 2022, la société Pardes Patrimoine a fait assigner la société On aura tout vu devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de, notamment :

- faire constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

- ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

- ordonner la séquestration et le transport des meubles ;

- condamner la société On aura tout vu au paiement d'une provision de 76.627,71 euros, au titre de l'arriéré au mois d'août 2022, d'une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle égale au montant du loyer et de la provision sur charges et jusqu'à libération définitive des lieux ;

- condamner la société On aura tout vu à payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, incluant le coût du commandement.

Par ordonnance réputée contradictoire du 16 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 16 juillet 2022 ;

- ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société On aura tout vu et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 2], à [Localité 4] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;- rappelé que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les disposition des articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société On aura tout vu, à compter de la résiliation du bail du 17 juillet 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamné par provision la société On aura tout vu à payer à la société Pardes Patrimoine la somme de 79.627,71 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés arrêtés au 24 août 2022 (terme du mois d'août 2022 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2022 sur 74.703,03 euros et à compter du 29 août 2022 sur le surplus ;

- condamné la société On aura tout vu aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

- condamné la société On aura tout vu à payer à la société Pardes Patrimoine la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 16 décembre 2022, la société On aura tout vu a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 16 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société On aura tout vu demande à la cour de :

- la recevoir en son appel ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

subsidiairement,

- constater que la créance n'est pas certaine ;

- constater les difficultés économiques de la société ;

- constater les six dégâts des eaux depuis deux ans sans intervention du propriétaire ;

- ordonner la suspension de la clause résolutoire et autoriser la société On aura tout vu à se libérer de sa dette en 18 mois en sus du loyer courant ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La société On aura tout vu expose en substance :

- que le locataire a fait son possible pour régler ses loyers malgré six dégâts des eaux depuis deux ans sans intervention du propriétaire ;

- que le courrier de révision du loyer comporte plusieurs erreurs, tant de date qu'au niveau des indices ;

- qu'il ressort de l'attestation de l'expert-comptable de la société que cette dernière n'a toujours pas retrouvé son niveau d'activité qu'elle avait avant la pandémie.

Dans ses conclusions remises le 11 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Pardes Patrimoine demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de l'article L.145-41 du code de commerce, de :

- confirmer l'ordonnance du 16 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

y rajoutant,

- condamner la société On aura tout vu à titre de provision à la somme de 89.416,99 euros pour les loyers et charges impayés à avril 2023 inclus ;

- débouter la société On aura tout vu de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société On aura tout vu à payer à la société Pardes Patrimoine la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La société Pardes Patrimoine expose en substance :

- que l'appelante prétend, sans en apporter la moindre preuve, avoir été victime de six dégâts des eaux, depuis 2020 ;

- que Pardes Patrimoine n'a jamais reçu aucun courrier du locataire avant le 27 février 2023 et le 6 mars 2023 où il est porté à sa connaissance, pour la première fois, un dégât des eaux ;

- que l'objet du litige ne porte pas sur la révision du loyer ni sur la fixation du prix du bail renouvelé, mais sur des loyers et charges impayés qui n'ont jamais été contestés ; qu'en conséquence, toute la discussion portant sur la révision triennale du loyer et sur l'application de l'indice est totalement étrangère à l'objet du litige ; que la créance apparaît certaine.

SUR CE LA COUR

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, s'agissant d'abord de l'acquisition de la clause résolutoire, la société appelante fait état de ce qu'elle aurait été victime de six dégâts des eaux depuis deux ans, sans intervention du propriétaire.

Elle verse aux débats des courriels accompagnés de photographies, des factures de travaux et une décision d'amende de l'inspection du travail du 31 mars 2021 pour divers manquements dans les installations mises à disposition des travailleurs.

L'appelante ne démontre toutefois pas qu'elle aurait été dans l'incapacité d'exploiter les locaux, ce qui établirait une exception d'inexécution, ni que le bailleur aurait délivré le commandement de payer de mauvaise foi, étant observé que le rapport de l'inspection de travail concerne plusieurs manquements de la société appelante et que Pardes Patrimoine objecte valablement qu'elle n'a pas reçu de courrier de sa locataire avant le 27 février 2023, postérieurement à la délivrance du commandement de payer.

Par ailleurs, s'il est fait état d'un litige relatif aux modalités de révision du loyer, la SARL On aura tout vu ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois, ne serait-ce qu'à hauteur des sommes déduction faite de la supposée erreur sur la révision du loyer.

Le commandement de payer trouve ainsi sa pleine efficacité, la créance étant en toute hypothèse partiellement fondée et n'ayant pas donné lieu à règlement par la locataire.

Il sera donc constaté l'acquisition de la clause résolutoire.

Sur le montant de la provision, la société Pardes Patrimoine sollicite l'actualisation de la condamnation provisionnelle à hauteur de 89.416,99 euros, produisant pour ce faire un décompte actualisé (mois d'avril 2023 inclus).

La société On aura tout vu fait toujours état d'une erreur sur la révision du loyer.

Il sera rappelé :

- que la société Pardes Patrimoine est devenue propriétaire des locaux le 29 mars 2017, après que l'ancien propriétaire a conclu un renouvellement du bail à effet du 1er juillet 2011 ;

- qu'il était prévu une révision triennale, avec l'indice ICC 3T 2010, un loyer progressif (36.000 euros HT HC, 39.000 euros HT HC à compter du 1er janvier 2012, 42.000 euros HT HC à compter du 1er juillet 2012) ;

- que le bailleur précise avoir notifié le 27 avril 2017 sa volonté de procéder à la révision triennale du loyer à compter du 1er juillet 2017 ; que la locataire conteste la révision opérée, relevant surtout, outre une erreur de date (1er mai au lieu du 1er juillet) et deux erreurs d'indices, la prise en compte d'un mauvais loyer de référence, qui aurait dû être pour la société preneuse la somme de 36.000 euros (et non les paliers ultérieurs) ; que la société On aura tout vu estime ainsi que le loyer a été augmenté indûment de 307,58 euros par mois depuis juillet 2017 ;

- que Pardes Patrimoine ne peut certes à cet égard arguer de ce qu'il s'agirait d'une discussion relevant des juges du fond, alors que l'existence d'une contestation sérieuse commande de ramener l'obligation de paiement à sa hauteur non sérieusement contestable ;

- que, cependant, il est également constant qu'aux termes de l'article L. 145-60 du code de commerce, les actions exercées en matière de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé se prescrivent par deux ans ;

- que, dès lors, la contestation n'apparaît pas sérieuse, le juge des loyers commerciaux n'ayant pas été saisi du litige entre les parties, toute action de la société preneuse, eu égard à la date de révision, étant désormais prescrite ;

- qu'il y a lieu dès lors de condamner l'appelante à verser à l'intimée la somme provisionnelle résultant de l'actualisation des sommes dues, l'arriéré n'étant pas autrement contesté.

Enfin, sur les délais, l'appelante verse une attestation d'expert-comptable, en date du 24 février 2023, selon laquelle son chiffre d'affaires a été de 387.856 euros en 2019, de 77.535 euros en 2020 et de 79.839,25 euros en 2021.

Il sera observé que les difficultés financières de la société sont persistantes, que l'arriéré augmente et que On aura tout vu ne démontre pas qu'elle soit en capacité de reprendre de manière pérenne le règlement des loyers.

La demande de délais sera rejetée.

Aussi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision sera confirmée en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, sauf à actualiser le montant des sommes dues et à rejeter la demande de délais.

La société appelante sera condamnée aux dépens, les circonstances de l'espèce et la situation des parties commandant de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à actualiser le montant de la condamnation provisionnelle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL On aura tout vu à verser à la SCI Pardes Patrimoine à titre provisionnel la somme de 89.416,99 euros, arriéré dû jusqu'à avril 2023 inclus ;

Rejette la demande de suspension des effets de la clause résolutoire ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la SARL On aura tout vu aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 23/00268
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;23.00268 ?
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