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15/06/2023 | FRANCE | N°22/19042

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 15 juin 2023, 22/19042


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19042 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVUD



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/52871





APPELANTE



S.A.R.L. CASANOVA, RCS de Paris sous le n°439 158 965, prise

en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Laurent CHAPOT, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19042 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVUD

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/52871

APPELANTE

S.A.R.L. CASANOVA, RCS de Paris sous le n°439 158 965, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent CHAPOT, avocat au barreau de PARIS, toque : G0787

Assistée à l'audience par Me Milena DELPIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0438

INTIMEE

S.C.I. ROMI, RCS de Paris sous le n°434 479 929, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christian FOURN, avocat au barreau de PARIS, toque : J064

Assistée à l'audience par Me Hélène LE VOURC'H, avocat au barreau de PARIS, toque : J064

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 30 juin 2005, la SCI Romi a donné à bail commercial à M. [E], aux droits duquel se trouve la société Casanova, des locaux commerciaux situés [Adresse 4] à [Localité 2].

Le bail a été renouvelé le 20 mars 2016 à effet du 1er juillet 2014.

Le 9 septembre 2021, la bailleresse a fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 12.258,91 euros représentant des loyers et charges arrêtés au mois de septembre 2021 inclus.

Par acte du 24 février 2022, la SCI Romi a fait assigner la société Casanova devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire depuis le 9 octobre 2021,

- dire et juger que la société Casanova est devenue à compter du 10 octobre 2021 occupante sans droit ni titre des locaux loués,

- ordonner l'expulsion sans délais de la société Casanova et celle de tous occupants de son chef des lieux loués, avec l'assistance d'un commissaire de police et de la force publique, si besoin est,

- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux dans un garde-meubles en garantie des sommes qui pourraient être dues,

- condamner à titre provisionnel la société Casanova à lui verser la somme de 16.991,61 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation impayés arrêtés au mois de février 2022 inclus, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2021, date du commandement de payer,

- condamner à titre provisionnel la société Casanova à lui verser une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer TVA et charges comprises, à compter du 1er mars 2022 jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner la société Casanova au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer.

En défense, la société Casanova a sollicité à titre principal le rejet des demandes, en tout état de cause la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi d'un échéancier de paiement de 24 mois et la condamnation de la SCI Romi à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 12 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la date du 9 octobre 2021 ;

- condamné la société Casanova à payer à la SCI Romi la somme provisionnelle de 21.085,14 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation arrêté au mois de septembre 2022 inclus ;

- rejeté la demande de délais de paiement ;

- ordonné l'expulsion de la 'SCI Romi' et de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail situés [Adresse 4] à [Localité 2] avec, le cas échéant, le concours d'un serrurier et de la force publique ;

- rappelé que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société Casanova à payer à la SCI Romi une indemnité d'occupation mensuelle, à titre provisionnel, égale au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, augmenté des charges et taxes, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Casanova aux dépens, en ce compris le coût du commandement du 9 septembre 2021 ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Une ordonnance rectificative a été rendue par le premier juge le 16 décembre 2022.

Par déclaration du 9 novembre 2022, la société Casanova a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 17 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Casanova demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1343-5 et suivants du code civil, de l'article L. 145-41 du code de commerce et des articles 696, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- constater que l'ordonnance de référé ordonne l'expulsion de la SCI Romi et non de la société Casanova ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 12 octobre 2022, RG n°22/52871, en ce qu'elle a :

constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la date du 9 octobre 2021,

condamné celle-ci à payer à la SCI Romi la somme provisionnelle de 21.085,14 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation arrêté au mois de septembre 2022 inclus et ordonné l'expulsion de la SCI Romi des locaux donnés à bail situés [Adresse 4] à [Localité 2] avec, le cas échéant, le concours d'un serrurier et de la force publique,

rappelé que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

condamné celle-ci à payer à la SCI Romi une indemnité d'occupation mensuelle, à titre provisionnel, égale au montant du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, augmenté des charges et taxes, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés ;

et statuant à nouveau,

- débouter la société Romi de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- lui accorder un délai de 24 mois pour le règlement de toutes sommes qui pourraient être allouées à l'intimée, et ce après l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Romi à lui payer une somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Romi aux dépens, dont distraction au profit de Maître Laurent Chapot, avocat, qui sera autorisé à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Casanova soutient en substance :

- que le bailleur a délivré le commandement de payer et mis en oeuvre la clause résolutoire du bail de mauvaise foi, à l'issue de la crise sanitaire alors que les commerces avaient été fermés ; qu'il existe une contestation sérieuse au sens des articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

- qu'à titre subsidiaire, l'octroi d'un délai de paiement échelonné sur vingt-quatre mois est justifié par sa situation financière difficile résultant du contexte de crise sanitaire.

Dans ses conclusions remises le 29 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Romi demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article 1103 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 12 octobre 2022 et l'ordonnance rectificative du 16 décembre 2022 ;

- déclarer la société Casanova mal fondée en ses demandes et l'en débouter ;

- condamner enfin la société Casanova à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.

La société Romi soutient en substance :

- qu'à ce jour, la situation locative ne s'est pas améliorée, au contraire, dès lors que la société Casanova reste redevable de la somme de 25.452,28 euros, terme du mois de mars 2023 inclus ;

- qu'elle a proposé un échéancier à son locataire le 30 mars 2021, sans réponse ; que malgré l'importance de l'arriéré antérieur à cette date, elle avait décidé de ne pas délivrer à son locataire le moindre commandement de payer dans le contexte de la crise sanitaire ;

- que la société Casanova n'est pas en mesure de respecter un quelconque échéancier, sa dette locative continuant de s'accroître.

SUR CE LA COUR

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, il sera relevé :

- que la société appelante ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois, faisant cependant valoir que le commandement de payer du 9 septembre 2021 aurait été délivré de mauvaise foi par la société bailleresse, à raison de la crise sanitaire du covid-19 et de l'absence de proposition de mise en place d'un échéancier ;

- que le bailleur réplique cependant à juste titre que l'ensemble des sommes dues n'ont pas été réglées au cours de la période allant de mars 2020 à mars 2021, sans que, pour autant, ne soit délivré un commandement de payer, et qu'un échéancier a été proposé par courrier du 30 mars 2021, les parties ne s'étant finalement pas mises d'accord sur ses modalités ;

- que le commandement de payer n'apparaît pas avoir été délivré de mauvaise foi ;

- que, dans ces conditions, la société preneuse n'ayant pas réglé les sommes dues dans le mois suivant le commandement de payer, la clause résolutoire apparaît bien acquise, avec toutes les conséquences de droit constatées par le premier juge, son maintien dans les lieux étant à l'évidence un trouble manifestement illicite, l'obligation de quitter les lieux étant à tout le moins non sérieusement contestable ;

- qu'il n'y a pas lieu d'accorder des délais à la société appelante, étant observé que la dette locative s'est aggravée depuis la décision du premier juge, s'établissant désormais à la somme de 25.452,58 euros (pièce 10 intimée), le loyer courant n'étant plus réglé depuis le 23 septembre 2022 ; que la société Casanova, qui ne démontre pas être en capacité de procéder au règlement de la dette, ne peut être qualifiée de débiteur de bonne foi.

Aussi, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

Les circonstances de l'espèce commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel dans les conditions indiquées au dispositif, l'appelante étant condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties, en ce compris la demande de délais formée par la SARL Casanova ;

Condamne la SARL Casanova à verser à la SCI Romi la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la SARL Casanova aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/19042
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.19042 ?
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