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15/06/2023 | FRANCE | N°22/18860

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 15 juin 2023, 22/18860


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18860 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVFH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 20 / 58179





APPELANT



M. [M] [V]



[Adresse 2]

[Localité

5]



Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté à l'audience par Me David ELBAZ, substituant Me Cyril BELLA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18860 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVFH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 20 / 58179

APPELANT

M. [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté à l'audience par Me David ELBAZ, substituant Me Cyril BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G50

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 7], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [Z] [X], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

Substitué à l'audience par Me Claire LITAUDON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit délivré le 6 novembre 2020, la Ville de [Localité 7] a fait citer M. [V] devant le tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 5] (Bât, escalier 1, deuxième étage, lot n°17).

Par jugement du 14 décembre 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 7] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 21 janvier 2022 et renvoyée à l'audience du 11 mars 2022 compte tenu de la saisine de la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme.

Dans le dernier état de ses prétentions, la Ville de [Localité 7] sollicitait :

à titre principal,

- la condamnation du défendeur au paiement d'une amende civile de 50.000 euros dont le produit lui sera intégralement versé au titre des dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte de 335 euros par jour de retard à compter du délai à fixer par le tribunal qui s'en réservera la liquidation ;

à titre subsidiaire,

- la condamnation du défendeur au paiement d'une amende civile de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, dont le produit lui sera intégralement versé ;

en tout état de cause,

- la condamnation au paiement d'une amende civile de 10.000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code du tourisme, dont le produit lui sera intégralement versé ;

- sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En réponse, le défendeur concluait au rejet des prétention adverses et à titre subsidiaire à la limitation de l'amende civile à la somme d'un euro.

Par jugement contradictoire du 13 avril 2022, le magistrat saisi a :

- condamné M. [V] à payer une amende civile de 15.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] au titre de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonné le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] à [Localité 5] (Bât A, Escalier 1, 2ème étage, lot 17) sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision au défendeur, pour une durée maximale de douze mois ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamné M. [V] à payer à la Ville de [Localité 7] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné M. [V] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 8 novembre 2022, M. [V] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 13 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour, au visa des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation et de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter la mairie de [Localité 7] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la mairie de [Localité 7] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal entrait en voie de condamnation à son encontre,

- ramener l'amende à de plus justes proportions ;

- condamner celui-ci à une amende civile de 1 euro ;

- débouter la Ville de [Localité 7] de toute demande plus ample ou contraire.

M. [V] soutient en substance :

- que la preuve de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 n'est pas rapportée dès lors que la fiche H2 est datée du 10 février 1970, que la date du début de location indiquée sur le document est barrée et qu'elle mentionne le lot n°11 alors que lot litigieux est le n°17 ;

- qu'au demeurant le local litigieux constitue sa résidence principale comme l'atteste la déclaration en ligne du 20 janvier 2019 ; que les notions de domicile fiscal et de résidence ne sont pas synonymes si bien qu'une personne peut avoir son lieu de résidence principale dans un endroit et son domicile fiscal dans un autre ; que la charge de la preuve repose sur la Ville de [Localité 7], qui ne parvient pas à démontrer qu'il avait sa résidence principale ailleurs qu'au [Adresse 2] ;

- que, subsidiairement, il sollicite une réduction de l'amende à un euro symbolique eu égard à sa bonne foi, à son faible enrichissement résultant de l'opération et à ses faibles ressources ;

- qu'il a bien transmis les nuitées à la commune à partir du site airbnb, même s'il a eu des difficultés à obtenir celles du site booking.

Dans ses conclusions remises le 13 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, de l'article 492-1 du code de procédure civile, des articles L. 631-7, L. 632-1 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M. [V] ;

- juger celle-ci, prise en la personne de Mme la Maire de [Localité 7], recevable en son appel incident, et en ses conclusions et l'y en juger bien fondée ;

- confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 13 avril 2022 par le vice-président au tribunal judiciaire de Paris agissant par délégation du président du tribunal, en ce que le juge a :

condamné M. [V] à payer une amende civile dont le produit lui sera versé au titre de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

ordonné le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] à [Localité 5] (Bât A, Escalier 1, 2ème étage, lot 17) sous astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision au défendeur, pour une durée maximale de douze mois,

dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte,

condamné M. [V] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [V] aux dépens,

rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit ;

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 13 avril 2022 par le vice-président au tribunal judiciaire de Paris agissant par délégation du président du tribunal, en ce que le juge a :

fixé à 15.000 euros le montant de l'amende civile,

rejeté le surplus des demandes ;

statuant de nouveau,

- condamner M. [V] à payer une amende civile d'un montant de 50.000 euros dont le produit lui sera versé au titre de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que M. [V] a enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code de tourisme en ne transmettant le nombre de jours au cours desquels l'appartement a été loué dans le mois qui a suivi la demande ;

- condamner M. [V] à payer une amende civile de 10.000 euros de l'article L. 324-1-1 V du code de tourisme et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé ;

en tout état de cause,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [V] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [V] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La Ville de [Localité 7] soutient en substance :

- que le local en cause est à usage d'habitation, comme cela résulte de la déclaration H2 qui mentionne l'identité d'un locataire et le montant du loyer au 1er janvier 1970 ;

- que le local constitue la résidence secondaire du défendeur qui échoue à nouveau à démontrer qu'il s'agissait de sa résidence principale en 2018, 2019 et 2020 ; qu'en tout état de cause, le bien a été loué 179 nuitées en 2019 ce qui exclut la qualification de résidence principale ;

- qu'il l'a offert à la location de courte durée à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, de sorte qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en changeant l'usage du bien sans autorisation préalable ;

- que l'appelant n'a pas transmis le nombre de nuitées alors que le bien était déclaré comme sa résidence principale.

SUR CE LA COUR

Sur l'infraction aux dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, s'agissant d'abord de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970, il est versé aux débats une fiche H2, remplie par la propriétaire de l'époque Mme [S] le 10 février 1970, et qui fait explicitement état de ce qu'au 1er janvier 1970, le logement était loué à Mme [U] (pièce 3).

Il est en outre bien précisé que les pièces du logement sont affectées exclusivement à l'habitation.

C'est en vain sur ce point que l'appelant expose que le numéro du lot indiqué serait inexact, alors que la mention litigieuse, comme l'explique l'intimée, correspond en réalité au terme 'Loc 11', soit une référence interne sans rapport avec la numérotation des lots, et que la consistance du logement décrit correspond au logement contrôlé ([Adresse 2], bâtiment A, deuxième étage, 24 m² à rapprocher avec la superficie indiquée lors du contrôle, 25 m², la différence d'un mètre carré ne posant dans ce contexte aucune difficulté).

La Ville de [Localité 7] relève aussi valablement que, compte tenu du registre cadastral et du relevé de propriété, le bien en cause n'a fait l'objet d'aucun changement d'usage depuis le 1er janvier 1970, que le bien demeure affecté à usage d'habitation et qu'aucune demande de changement d'usage ni compensation n'ont été effectuées (pièces 1 et 3).

Les parties s'opposent aussi sur la circonstance que le logement constituerait la résidence principale du loueur.

Il sera à cet égard observé :

- que les services fiscaux ont indiqué (pièce 10) que M. [V] résidait au [Adresse 1] à [Localité 5] ;

- qu'au regard notamment du constat complémentaire du 20 décembre 2021 (pièce 12), le bien apparaît avoir été loué 179 nuitées en 2019, la qualification de résidence principale ne pouvant être retenue pour un logement occupé moins de huit mois par an ;

- que, comme l'a rappelé le premier juge, la déclaration en ligne ou l'attestation EDF ne démontrent pas la réalité d'une domiciliation, la circonstance qu'un procès-verbal de recherches infructueuses ait été dressé au [Adresse 1] ne donnant aucun élément sur la réalité de la domiciliation au [Adresse 2], ce d'autant que l'appelant est aussi propriétaire d'un bien au [Adresse 3] ;

- que, sur le site airbnb, il était aussi indiqué que l'hôte, 'étant à proximité', pourra répondre à toutes les demandes des locataires, ce qui suppose qu'il n'habite pas dans le logement en cause ;

- qu'enfin, M. [V] n'apporte aucun nouveau justificatif à hauteur d'appel pour indiquer qu'il résiderait dans le logement en cause.

C'est donc à juste titre qu'il a été considéré que le logement en question ne constitue pas la résidence principale de l'appelant.

S'agissant des locations de courte durée, les constats de l'agent assermenté de la ville établissent à tout le moins :

- que l'annonce du site booking.com comporte 18 commentaires pour les mois d'avril à novembre 2019 ;

- que, sur le site airbnb, l'annonce comporte 11 commentaires allant de décembre 2018 à octobre 2019 ;

- que les sites d'annonce ont par ailleurs transmis les relevés de nuitées (pièce 12), l'agent de la ville relevant ainsi 179 nuitées en 2019 et 69 en 2020.

Ainsi, le logement, pourtant à usage d'habitation, a bien été loué à une clientèle de passage pour de courtes durées, de manière non conforme au code de la construction et de l'habitation.

En dernier lieu, s'agissant du montant de l'amende à prononcer à l'encontre du propriétaire, il faut rappeler que la législation poursuit un objectif d'intérêt général, visant à lutter contre la pénurie de logements à [Localité 7], dans la mesure où certains logements à usage d'habitation ne font plus l'objet de baux classiques.

M. [V], dont la responsabilité est encourue en sa qualité de propriétaire, ne peut non plus prétendre ignorer la réglementation applicable.

Il est ici établi que le bien a été loué pour de courtes durées depuis décembre 2018.

Il faut aussi rappeler que le coût de la compensation aurait été de 50.000 euros, comme le rappelle la commune.

Cependant, force est aussi de constater :

- que, comme rappelé par le premier juge, la location pour de courtes durées a cessé au début de l'année 2020, la période ayant ainsi été limitée ;

- que l'appelant observe aussi, en se fondant sur le récapitulatif de réservations d'airbnb, que le tarif moyen était plutôt autour de 120 euros par nuit ;

- qu'ainsi, l'estimation de la Ville de [Localité 7] - recette mensuelle, pour une nuitée à 167,50 euros et un taux d'occupation moyen de 22,5 nuits, de 3.768 euros - doit être ramenée de plus justes proportions - une nuitée à 120 euros correspondant à une recette mensuelle de 2.700 euros -, certes toujours à comparer avec les 865 euros mensuels compte tenu du loyer de référence pour une location classique.

Dans ces conditions, l'amende civile a été justement fixée à la somme de 15.000 euros par le premier juge, amende prenant aussi en compte les revenus allégués de l'appelant, 2.200 euros par mois.

La demande de retour à l'habitation a également été à juste titre ordonnée par le premier juge, étant relevé que, malgré les divers constats produits par la ville, l'appelant se limite à faire valoir qu'il aurait cessé les locations, sans verser aucune pièce sur ce point.

Sur l'infraction aux dispositions des articles L. 324-1-1 IV et L. 324-1-1 V du code du tourisme

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

En l'espèce, s'agissant de l'infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission relative au nombre de jours loués, il sera relevé que l'obligation de transmission de l'article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l'article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d'un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé :

- que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d'une amende, doivent s'interpréter strictement ;

- que l'article L. 324-1-1 IV, constitué de deux alinéas, doit s'analyser en son ensemble ;

- que la transmission du nombre de jours vise à établir si la limite des 120 jours a été dépassée, de sorte que cette disposition concerne bien logiquement les résidences principales, astreintes à cette limite.

Le logement en cause n'est pas ici la résidence principale de l'appelant, comme il a été rappelé ci-avant.

Les conditions pour prononcer une amende en application de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ne sont donc pas remplies, comme l'a justement indiqué le premier juge, nonobstant la déclaration réalisée par l'appelant.

La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] sur ce point.

Sur les autres demandes

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision entreprise sera confirmée en tous ses éléments.

A hauteur d'appel, l'appelant devra indemniser l'intimée pour les frais non répétibles exposés et sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [V] à verser la Ville de [Localité 7] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne M. [M] [V] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18860
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.18860 ?
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