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15/06/2023 | FRANCE | N°21/11390

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 15 juin 2023, 21/11390


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11390 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4MM



Décision déférée à la Cour : jugement du 13 avril 2021 - tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 18/11893



APPELANTS



Madame [K] [Z] veuve [B]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Née l

e [Date naissance 4] 1935 à [Localité 18]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée par Me Laure M...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11390 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4MM

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 avril 2021 - tribunal judiciaire de BOBIGNY RG n° 18/11893

APPELANTS

Madame [K] [Z] veuve [B]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Née le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 18]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée par Me Laure MUSITELLI, avocat au barreau de MEAUX

Monsieur [P] [B]

[Adresse 14]

[Localité 9]

Né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 17]

Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assisté par Me Laure MUSITELLI, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEES

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du [Adresse 2] représenté par son syndic la SAS MEMMO IMMOBILIER

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assité par Me Sarah ABITBOL, avocat au barreau de CRETEIL.

S.A.S. INTER MUTUELLES ENTREPRISES

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Eric CALLON de la SELEURL CALLON Avocat & Conseil, avocat au barreau de PARIS, toque : R273

S.A.R.L. GSTE

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représentée par Me Pierre-Philippe FRANC de la SELEURL SELARLU CABINET FRANC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0189

CPAM DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 février 2016, Mme [K] [Z] veuve [B], alors âgée de 81 ans, demeurant au 3ème étage d'un immeuble en copropriété situé au [Adresse 2] à [Localité 12] (93), s'est blessée en chutant dans les escaliers des parties communes.

Par ordonnance du 18 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a désigné le Docteur [O] [U] en qualité d'expert médical, lequel a déposé son rapport le 5 juin 2018.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2018, Mme [K] [Z] veuve [B] et ses enfants, M. [P] [B] et Mme [F] [B] épouse [G] (les consorts [B]) ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] à [Localité 12] (le syndicat des copropriétaires), la société Inter mutuelles entreprises, assureur de la copropriété, la société Gestion syndic transactions (la société GSTE), syndic de l'immeuble à la date de l'accident, en responsabilité et indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 16]-[Localité 15]-Seine Maritime (la CPAM de [Localité 8]-[Localité 16]-[Localité 15]-Seine Maritime).

Par jugement du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- débouté les consorts [B] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné in solidum les consorts [B] aux dépens de l'instance,

- condamné in solidum les consorts [B] à payer au syndicat représenté par la société Jouffroy, à la société GSTE et à la société inter mutuelles une somme de 8 000 euros, à chacun, au titre des frais irrépétibles,

- débouté la CPAM de [Localité 8]-[Localité 16]-[Localité 15]-Seine Maritime de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 18 juin 2021, Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant chacune de ses dispositions, étant observé que Mme [F] [B] épouse [G] n'est ni appelante ni intimée.

Par acte d'huissier en date du 19 octobre 2021, ils ont assigné la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM de Seine-Saint-Denis) à laquelle Mme [K] [Z] veuve [B] était affiliée à la date de l'accident.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état, saisi par Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] d'un incident de communication de pièces, a :

- constaté que la demande de communication sous astreinte des pièces visées dans les conclusions d'intimée de la société GSTE notifiées le 25 octobre 2021 est devenue sans objet,

- rejeté la demande Mme [K] [Z] veuve [B] et de M. [P] [B] tendant à voir condamner sous astreinte le syndicat des copropriétaires et la société GSTE à produire les pièces visées dans la sommation de communiquer du 2 février 2022,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B], notifiées le 25 janvier 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1242 et du code civil,

Vu les articles 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu l'article 555 du code de procédure civile,

- déclarer les consorts [B] recevables et bien fondés en leur appel,

- les déclarer recevables et bien fondés en leur intervention forcée à l'encontre de la CPAM de Seine-Saint-Denis,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny du 13 avril 2021,

Statuant à nouveau,

- juger le syndicat, la société inter mutuelles et la société GSTE responsables de la chute de Mme [K] [Z] veuve [B] survenue le 25 février 2016,

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, la société Inter mutuelles entreprises et la société GSTE à indemniser Mme [K] [Z] veuve [B] des préjudices subis, tels que détaillés ci-dessous :

- préjudices patrimoniaux temporaires

- frais divers

* frais d'expertise : 1 500 euros

* frais d'assistance par un médecin-conseil : 2 000 euros

* frais d'assistance temporaire par une tierce personne : 11 300 euros

- préjudices patrimoniaux permanents

* frais d'assistance permanente par une tierce personne : 49 825 euros

- préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- déficit fonctionnel temporaire : 4 200 euros

- souffrances endurées : 15 000 euros

- préjudices extra-patrimoniaux permanents

- déficit fonctionnel permanent : 21 600 euros

- préjudice d'agrément : 5 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

- préjudices matériels

- perte de chance de vendre son appartement à un meilleur prix : 52 500 euros

- règlement de 6 mois de loyers : 9 600 euros

total : 174 025 euros

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, la société Inter mutuelles entreprises et la société GSTE à indemniser M. [P] [B] du préjudice moral subi à hauteur de 5 000 euros,

- juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes concernant Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B],

- débouter la société Inter mutuelles entreprises de ses demandes concernant Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B],

- débouter la société GSTE de ses demandes concernant Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B],

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, la société Inter mutuelles entreprises et la société GSTE à régler à Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires, la société Inter mutuelles entreprises et la société GSTE aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Laure Musitelli, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun à la CPAM de [Localité 8]-[Localité 16]-[Localité 15]-Seine Maritime et à la CPAM de Seine-Saint-Denis.

Vu les conclusions de la société GSTE, notifiées le 25 octobre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

A titre principal,

- confirmer le jugement,

- condamner solidairement les consorts [B] à payer à la société GSTE la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- ramener les demandes de Mme [K] [Z] veuve [B] à de plus justes proportions,

- débouter M. [P] [B] et Mme [F] [B] de leurs demandes.

Vu les conclusions du syndicat des copropriétaires, notifiées le 7 février 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,

Vu l'ancien article 1384, alinéa 1, du code civil,

Vu les anciens articles 1315 et suivants du code civil,

- recevoir le syndicat des copropriétaires en ses fins, demandes, conclusions,

l'y déclarant bien-fondé :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny,

- débouter les consorts [B] de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

- minorer significativement les demandes formulées par Mme [K] [Z] veuve [B],

- débouter M. [P] [B] de sa demande d'indemnisation de son préjudice,

- condamner in solidum les sociétés GSTE et Inter mutuelles entreprises à relever et garantir le syndicat des copropriétaires la totalité des condamnations mises à sa charge,

En toute hypothèse,

- condamner tout succombant à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Inter mutuelles entreprises, notifiées le 5 mars 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement contesté en ce qu'il a débouté les consorts [B] de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter les consorts [B] et la CPAM [de Seine-Sain-Denis] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- condamner la société GSTE à garantir la société Inter mutuelles entreprises de la totalité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge,

- réduire l'indemnisation de Mme [K] [Z] veuve [B] et de M. [P] [B] à de plus justes proportions,

Quoi qu'il en soit,

- condamner Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Callon.

Vu les conclusions de la CPAM de Seine-Saint-Denis, notifiées le 24 mars 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article L.376- du code de la sécurité sociale,

- recevoir la CPAM de Seine-Saint-Denis en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

- dire et juger que la CPAM de Seine-Saint-Denis s'en rapporte quant au mérite de l'appel de Mme [K] [Z] veuve [B],

Dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement critiqué,

- dire et juger la CPAM de Seine-Saint-Denis recevable et bien fondée à solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes,

- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice, la société GSTE et de la société Inter mutuelles entreprises à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis, à due concurrence de l'indemnité réparant l'intégrité physique de la victime, la somme de 43 139, 58 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice, la société GSTE et la société Inter mutuelles entreprises à verser à la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner également les mêmes aux dépens d'appel dont distraction au profit de la société Bossu & Associés, avocats, et ce, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] fondent leur action sur les dispositions de l'article 1384, alinéa 1, devenue 1242, alinéa 1, du code civil, relatives à la responsabilité des choses qu'on a sous sa garde et sur celle de l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Ils font valoir que le 25 février 2016, l'ascenseur de l'immeuble étant hors service, Mme [K] [Z] veuve [B] a été contrainte d'emprunter les escaliers qui n'étaient pas éclairés, qu'elle a chuté au bas de ces escaliers et à été retrouvée gisant à leur pied par un voisin, M. [W], par M. [P] [B], puis par les pompiers de [Localité 17].

Ils précisent avoir appris par la suite que le syndic de la copropriété de l'époque, la société GSTE, n'avait pas réglé une facture d'électricité.

Ils soutiennent que l'absence de lumière dans les escaliers permet d'établir leur caractère anormal et que le défaut d'entretien résulte, d'une part, de l'absence de dispositions prises pour permettre aux occupants d'emprunter les parties communes afin de sortir de chez eux en toute sécurité, au besoin en prévoyant une solution d'éclairage de secours, d'autre part, du défaut d'information suffisante des occupants sur la coupure d'électricité et ses risques.

Le syndicat des copropriétaires objecte que les appelants invoquent sans le prouver que l'électricité avait été préalablement coupée, que l'ascenseur ne fonctionnait pas et que la chute de Mme [K] [Z] veuve [B] est en lien de causalité avec cette absence alléguée de lumière; il ajoute que le témoignage de M. [P] [B] qui n'était pas présent au moment de l'accident et qui est partie à la procédure n'est pas crédible.

La société Inter mutuelle entreprises, assureur de la copropriété, fait observer que l'unique attestation produite émane du fils de la victime et a été rédigée plus de 5 ans après les faits, que face au manque de précisions sur les circonstances de la chute et en l'absence de témoin, il n'est pas possible d'établir avec certitude que les locaux ou leur infrastructure sont la cause de l'accident, qu'en outre, Mme [K] [Z] veuve [B] étant tombée dans les escaliers dans l'après-midi, la cage d'escalier n'était pas plongée dans le noir mais éclairée par la lumière naturelle.

Elle estime que Mme [K] [Z] veuve [B] ne rapporte pas la preuve de l'anormalité de l'escalier, et de son rôle actif dans sa chute, de sorte que le régime de responsabilité du fait des choses n'est pas applicable.

Elle ajoute que la chute de Mme [K] [Z] veuve [B] a nécessairement eu lieu avant 15 h 57, heure figurant sur le rapport d'intervention des urgences, que s'agissant de la coupure d'électricité, aucun élément ne permet de connaître son heure exacte, que si tant est que cette chute ait pour origine une absence d'éclairage, il s'est écoulé au maximum quelques heures entre la coupure et la chute de l'appelante, délai insuffisant pour que le syndicat des copropriétaires puisse mettre en oeuvre des mesures de prévention ou d'information.

Sur ce, aux termes de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil, « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

Ce texte institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, dont ce dernier ne peut s'exonérer totalement qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère, du fait d'un tiers ou d'une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure et partiellement en démontrant l'existence d'une faute de la victime ayant contribué à son dommage.

S'agissant d'une chose inerte, il incombe à la victime d'établir que cette chose a été l'instrument du dommage en raison de son mauvais état, de sa défectuosité, de son défaut d'entretien ou de sa position anormale, cette preuve pouvant être rapportée par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique.

Aux termes de l'article 14 de la loi du n° 65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-101du 30 octobre 2019, qui est applicable au litige, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien de l'immeuble.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires prévue par ce texte suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre le défaut d'entretien ou le vice de construction et le dommage subi par la victime.

En l'espèce, si la matérialité de la chute de Mme [K] [Z] veuve [B] dans l'escalier de la copropriété est établie par le rapport d'intervention de la brigade des sapeurs pompiers de [Localité 17] dont il résulte qu'à la suite d'un appel reçu le 25 février 2016 à 14 h 57, une équipe est intervenue dans l'immeuble du [Adresse 2] à [Localité 12] et a constaté sur place qu'une femme de 81 ans était allongée dans les escaliers et aurait chuté de 4 ou 5 marches, les circonstances exactes de cette chute ne sont, en revanche, pas démontrées.

En premier lieu, il n'est produit aucune attestation émanant d'un témoin direct de l'accident.

En second lieu, si les échanges entre M. [P] [B] et la société GSTE ainsi que le courriel d'un occupant de l'immeuble, M. [W], permettent d'établir que le jour des faits la société EDF a procédé à une coupure l'électricité dans toutes les parties communes de l'immeuble sans mettre d'affichage pour prévenir les copropriétaires, il n'est pas démontré, en l'absence de production de photographies des lieux ou d'un constat d'huissier, qu'à l'heure de l'accident, survenu dans l'après-midi, l'escalier litigieux n'était pas suffisamment éclairé par la lumière naturelle, alors que selon les conclusions des appelants, Mme [K] [Z] veuve [B], qui occupait un appartement situé au 3ème étage, a chuté alors qu'elle arrivait au bas de l'escalier commun.

L'attestation de M. [P] [B] suivant laquelle sa mère aurait descendu les escaliers avec une lampe de poche et qu'il aurait utilisé cette même lampe pour guider les pompiers, établie le 14 juin 2021, cinq ans après les faits, ne présente pas de garantie suffisante de crédibilité.

Il n'est pas démontré, dans ces conditions, que l'escalier litigieux a été l'instrument du dommage ni que le défaut d'entretien allégué est en lien de causalité avec la chute de la victime.

Le jugement qui a débouté Mme [K] [Z] veuve [B], M. [P] [B] ainsi que la CPAM de leurs demandes formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires sera confirmé.

Sur la responsabilité de la société GSTE, ancien syndic de la copropriété

Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] fondent leur action sur les dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et sur les dispositions de l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Ils font valoir que la société GSTE a commis des fautes dans l'accomplissement de sa mission, en omettant d'informer les résidents de l'immeuble de la coupure d'électricité et des risques encourus, et en ne prenant aucune disposition pour mettre en place un éclairage de secours.

La société GSTE objecte qu'elle a toujours satisfait à ses obligations à l'égard de la société EDF, laquelle n'a pas respecté les formalités prévues par le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau, ce dont elle s'est plaint dans une lettre du 26 février 2016, demeurée sans réponse.

Sur ce, aux termes de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Selon l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] produisent une facture d'électricité en date du 16 février 2016 adressée à la société GSTE (pièce n° 2.1) faisant état au recto d'une somme à payer ayant le 2 mars 2016 d'un montant de 1 167,62 euros «compte tenu de la situation de votre compte » et au verso de l'application de pénalités de retard d'un montant de 4,90 euros et d'une indemnité forfaitaire de 40 euros en raison du retard de paiement de la facture 10033927212 du 17 décembre 2015.

Dans une lettre adressée le 26 février 2016 à la société ERDF, gestionnaire du réseau, la société GSTE a affirmé, sans qu'aucun élément ne permette de remettre en cause la véracité de cette déclaration, que la seule facture en sa possession était celle du 16 février 2016 payable au 2 mars 2016 d'un montant de 1 167,62 euros, reprenant une facture antérieure qui n'a jamais été reçue et qui n'a été suivie d'aucune relance, ni d'aucun affichage préalable apposé dans les parties communes, tel que prévu par l'article 8 du décret n° 2008-780 du 13 août 2008.

L'article 8 du décret n° 2008-780 du 13 août 2008 auquel la société GSTE se réfère prévoit en effet, dans sa rédaction applicable à la cause, que lorsque la facture d'électricité du contrat relatif aux parties communes d'un immeuble n'a pas été acquittée à la date limite de paiement, le fournisseur informe, par courrier, le syndic de l'immeuble qu'à défaut de règlement dans un délai supplémentaire d'un mois sa fourniture pourra être suspendue et que le fournisseur d'électricité ne peut procéder à la coupure qu'après apposition d'un nouveau rappel dans les parties communes de l'immeuble.

Or, il ressort du courriel de M. [W] que le 25 février 2016, la société EDF a fait procéder à une coupure de l'électricité sans mettre d'affichage pour prévenir les copropriétaires.

Il n'est pas ainsi établi de faute de la société GSTE dans la gestion de la copropriété.

En outre s'agissant d'une coupure d'électricité survenue brutalement, sans relance ni affichage et dont la durée exacte n'est pas établie, il ne peut être reproché à la société GSTE de ne pas avoir mis en oeuvre de mesures d'information ou de prévention.

Enfin, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, il n'est pas établi que l'absence d'éclairage électrique dans l'escalier soit à l'origine de la chute de Mme [K] [Z] veuve [B].

Le jugement qui a débouté Mme [K] [Z] veuve [B], M. [P] [B] ainsi que la CPAM de leurs demandes formées à l'encontre de la société GSTE sera confirmé.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] qui succombent en leur recours, seront condamnés aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Mme [K] [Z] veuve [B] et M. [P] [B] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/11390
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.11390 ?
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