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15/06/2023 | FRANCE | N°21/07036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 15 juin 2023, 21/07036


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n°2023/ , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07036 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE3R



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01551



APPELANT



Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le 16 Février 1987 à [L

ocalité 3]



Représenté par Me Abdelaziz MIMOUN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 89



INTIMEE



S.A. MAJ

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Pauline BLANDIN, avocat ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n°2023/ , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07036 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEE3R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/01551

APPELANT

Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le 16 Février 1987 à [Localité 3]

Représenté par Me Abdelaziz MIMOUN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 89

INTIMEE

S.A. MAJ

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pauline BLANDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0586

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [N] a été engagé par la société Blanchisserie Poulard aux droits de laquelle vient la société MAJ en qualité d'agent de service PL par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 juin 2013 prévoyant que dans le cadre d'une convention de forfait, sa rémunération brute serait de 1 756,19 euros pour un forfait mensuel de 162,50 heures incluant 10,83 heures supplémentaires.

Le 3 juin 2016, M. [N] a été victime d'un accident du travail. Un arrêt de travail lui a été délivré jusqu'au 31 octobre 2016.

Le 3 novembre 2016, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré apte à ses fonctions mais avec aménagement de poste. Le 8 novembre 2016, à l'issue d'une visite supplémentaire, le médecin du travail a déclaré M. [N] apte, sans restriction.

Le 10 novembre 2016, M. [N] a été victime d'un nouvel accident du travail. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 22 septembre 2018.

Le 1er octobre 2018, lors d'une visite de reprise, le médecin du travail a délivré un avis d'aptitude accompagné d'un document faisant état de mesures individuelles faites par le médecin du travail après échange avec l'employeur.

Le 16 octobre 2018, M. [N] a déclaré une rechute de son accident du travail du 10 novembre 2016 qui a finalement été prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail aux termes d'une lettre de l'assurance maladie du 21 janvier 2019. M. [N] a de nouveau été placé en arrêt de travail jusqu'au 9 janvier 2019.

Le 10 janvier 2019, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [N] inapte avec dispense pour l'employeur de l'obligation de reclassement, l'état de santé du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

M. [N] a été convoqué par lettre du 11 janvier 2019 à un entretien préalable fixé au 22 janvier 2019 puis licencié pour inaptitude avec obstacle à tout reclassement selon un courrier du 29 janvier suivant.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie.

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 5 juillet 2019, le conseil de la société a adressé au conseil de M. [N] un chèque d'un montant de 1 240,69 euros au titre de la régularisation de la clause de non-concurrence ainsi que le bulletin de paie correspondant.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [N] a saisi le 15 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 23 juin 2021 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- fixé la moyenne des salaires à la somme de 2 190,52 euros ;

- dit que la convention de forfait reste opposable à M. [N] jusqu'à la rupture de son contrat ;

- condamné la société à verser à M. [N] les sommes suivantes :

* 683,40 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

* 1 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

avec intérêts au taux légal qui court à compter de la notification du jugement

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 30 juillet 2021, M. [N] a relevé appel de ce jugement dont il a reçu notification le 30 juin 2021.

Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 8 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* fixé la moyenne des salaires à la somme de 2 190,52 euros,

* dit que la convention reste opposable à M. [N] jusqu'à la rupture de son contrat de travail,

* condamné la société à verser à M. [N] 'aux seules sommes' de 683,40 euros au titre de rappel de l'indemnité légale de licenciement,

* débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

statuant de nouveau,

- fixer à la somme de 2 988,81 euros, le salaire brut moyen ;

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 911,55 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 91,15 euros au titre des congés payés afférents,

* 170 euros à titre de rappel de prime de vacances et 17 euros au titre des congés payés afférents,

* 170 euros à titre de 'prime de vacances Année' et 17 euros au titre des congés payés afférents,

* 300 euros à titre de prime exceptionnelle et 30 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 615,79 euros au titre du paiement de l'indemnité de non-concurrence et 561,57 euros,

* 14 233,26 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et 1 423,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 8 343,74 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos et 834,37 euros au titre des congés payés afférents ;

* 17 932,86 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 18 636,81 euros à titre de dommages et intérêts pour minoration des indemnités journalières de sécurité sociale,

* 3 007,33 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ou, subsidiairement, 2 128,88 euros,

* 2 141,02 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et 214,10 euros au titre des congés payés y afférents ou, subsidiairement, 544,44 euros et 54,44 euros,

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux entiers dépens y compris ceux d'exécution ainsi que les honoraires d'huissier.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 1er décembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- débouter M. [N] de son appel ;

- la recevoir en son appel incident ;

y faisant droit,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [N] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 et aux dépens ;

- confirmer le jugement sur le surplus ;

- condamner M. [N] à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le rappel de primes et les congés payés afférents

Au visa des articles L. 1226-7 et L. 1132-1 du code du travail et de l'article 9.5 de la convention collective applicable, M. [N] soutient que si l'employeur peut tenir compte des absences pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles légalement assimilées à du temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution et que la prime d'ancienneté est due à tous les salariés même absents, cette prime n'étant pas liée au travail effectif mais à la durée de présence dans l'entreprise. Il en conclut qu'il ne pouvait être écarté du bénéfice de la prime d'ancienneté en raison de son absence pour accident du travail et que différentes primes lui sont dues, soit :

- rappel de prime d'ancienneté et congés payés afférents : 911,55 euros et 91,15 euros sur la base de 30,90 euros entre les 15 août 2016 et 31 janvier 2019 ;

- rappel de la prime de vacances pour 2018 et congés payés afférents : 170 euros et 17 euros ;

- prime exceptionnelle et congés payés afférents : 300 euros et 30 euros, l'appelant indiquant avoir été privé de cette prime accordée aux salariés à la suite du mouvement des gilets jaunes et qui s'élève à 300 euros selon le bulletin de salaire d'un de ses collègues de travail.

La société s'oppose aux demandes pour les motifs suivants :

- sur la prime d'ancienneté : l'accord d'entreprise de la société Poulard instaurant cette prime prévoit en son article 5 qu' 'en cas d'absence du salarié le versement de la prime d'ancienneté suit les règles de versement du salaire'. Or, à compter de septembre 2016, M. [N] n'a plus bénéficié du maintien de son salaire de sorte qu'il n'a perçu une prime d'ancienneté que jusqu'au 15 août 2016 puis du 3 au 11 novembre 2016. En outre, son nouvel accident du travail à compter du 11 novembre 2016 n'a pas donné lieu à maintien du salaire puisque ses droits avaient déjà été consommés au titre du premier arrêt.

- sur la prime de vacances : cette prime prévue par accord collectif est versée sur le bulletin de paie de juin aux salariés et est corrélée aux jours de présence sur la période juin N -1 / mai N en ce que les arrêts travail de plus d'un an sont considérés comme des absences, ce qui est le cas de M. [N] à compter du 4 juin 2017, et que la prime n'est pas due au-delà de 4 mois continus ou discontinus d'absence, ce qui était le cas de M. [N] en 2018.

- sur la prime exceptionnelle : cette prime instaurée suite à la réunion du comité central d'entreprise du 15 février 2019 était soumise à une condition de présence sur la période du 1er janvier au 30 novembre 2018, seuls les arrêts de travail de moins d'un an étant assimilés à du temps de travail effectif. Or, sur cette période, M. [N] a totalisé plus de 274 jours d'absence de sorte que conformément à l'accord, sa prime est soumise à un abattement de 120 euros, soit une prime restant due de 130 euros qui lui a été réglée.

- sur la prime d'ancienneté :

L'article L. 1226-7 du code du travail dispose en son dernier alinéa que la durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise.

Il en résulte qu'en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, la durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise, ce qui comprend la prime d'ancienneté.

En l'espèce, la société ne saurait donc valablement opposer à M. [N] l'article 5 de l'accord d'entreprise sur la prime d'ancienneté de la société Poulard qui énonce 'En cas d'absence du salarié, le versement de la prime d'ancienneté suit les règles de versement du salaire' dès lors qu'il a été placé en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail du 3 juin 2016 au 31 octobre 2016 puis du 10 novembre 2016 au 22 septembre 2018 et que son dernier arrêt de travail a aussi été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Les parties s'accordent pour affirmer que M. [N] n'a plus perçu de prime au delà du 15 août 2016, sauf pour la société à préciser que cette prime a été versée du 3 au 11 novembre 2016. Toutefois, cette dernière ne produisant aucun élément de nature à prouver le paiement effectif de la prime sur cette période, M. [N] est fondé à réclamer un rappel de prime d'ancienneté sur la base de 30,90 euros par mois du 15 août 2016 à fin janvier 2019, représentant 911,55 euros, outre la somme de 91,15 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ces chefs.

- sur la prime de vacances pour l'année 2018 :

La prime de vacances est prévue par l'accord sur la négociation annuelle obligatoire de la société MAJ qui énonce :

'Cette prime sera versée au salarié bénéficiant d'une ancienneté d'un an à la date de son versement, soit au 30 juin de chaque année.

Des abattements sur le montant de la prime seront pratiqués pour les absences autres que celles assimilées à du travail effectif c'est-à-dire celle ci après énumérées :

' Arrêt de travail de moins d'un an suite accident du travail,

' congés payés,

' congés pour événements familiaux,

' congés maternité, congé de paternité et congés pour événements familiaux

' contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires,

- stage de formation professionnelle.

La période de référence pour la prise en compte des absences pour la prime de vacances de l'année elle est : 1er juin de l'année N-1 au 31 mai de l'année N.

Le salarié ne bénéficiera pas de prime au-delà de quatre mois, continus ou discontinus, d'absence.'.

En application de l'article L. 1226-7 dernier alinéa précité, s'agissant également d'un avantage lié à l'ancienneté dans l'entreprise, la durée des périodes de suspension consécutives à l'accident du travail doit être prise en compte. En conséquence, M. [N] est fondé en sa demande de rappel de prime de vacances 2018 pour un montant de 170 euros outre 17 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce sens.

- sur la prime exceptionnelle :

Au soutien de cette demande, M. [N] produit un bulletin de paie établi par la société MAJ pour le mois de novembre 2018 concernant un agent de service qui mentionne une prime exceptionnelle de 300 euros brut alors que la prime exceptionnelle à laquelle se réfère la société porte sur une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de 250 euros versée avec le salaire de décembre 2018 sur décision unilatérale de l'entreprise, prime dont les caractéristiques sont détaillées dans le compte-rendu du comité central d'entreprise du 15 février 2019.

Compte tenu notamment de la date de versement de cette prime et de son montant, elle est incontestablement étrangère à celle revendiquée par M. [N], payée en novembre 2018 et d'un montant de 300 euros. Or, ce dernier ne prouve pas en quoi la gratification mentionnée sur le bulletin de salaire précité a un caractère obligatoire pour l'employeur. En effet, il n'établit pas l'existence d'une convention ou accord collectif en ce sens, ni d'un usage dans l'entreprise (l'unique bulletin communiqué étant insuffisant à caractériser les critères cumulatifs de l'usage de constance, fixité et généralité), ni d'un engagement unilatéral de l'employeur pour cette prime de 300 euros versée en novembre 2018. Il doit être débouté de ses demandes de rappel de prime et d'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

M. [N] rappelle qu'une clause de non concurrence était prévue à son contrat de travail fixant une indemnisation à hauteur de 1 123,15 euros pour le salarié alors qu'en cas de manquement de ce dernier à l'obligation de non concurrence, celui-ci est redevable d'une pénalité de 5 615,79 euros, montant sans commune mesure. Or il fait valoir que le principe en matière de clause de non concurrence est celui de la proportionnalité. Dès lors, il réclame la somme de 5 615,79 euros à titre d'indemnité de non concurrence outre celle de 561,57 euros au titre des congés payés afférents.

La société réplique avoir versé le 5 juillet 2019 à M. [N] la somme de 1 123,15 euros au titre de la clause de non concurrence et celle de 112,32 euros au titre des congés payés afférents. Elle prétend avoir ainsi satisfait à son obligation.

Si une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle, le juge ne peut, sous couvert de l'appréciation du caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire invoquée par le salarié, substituer son appréciation du montant de cette contrepartie à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de l'annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu'il estime justifiée.

De plus, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l'engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d'activité concurrente à celle de son ancien employeur, et ne constituant pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, elle ne s'analyse pas en une clause pénale. Elle ne peut donc être révisée par le juge.

En l'espèce, le contrat de travail contient la clause suivante :

'Compte tenu de la nature de vos fonctions en cas de résiliation du présent contrat pour quelque cause que ce soit et sous réserve de justifier d'une ancienneté minimale de 6 mois à la date de cessation effective de vos fonctions vous vous interdisez d'engager vos services auprès d'une entreprise de location de linge de vêtements de travail d'appareils sanitaires ou de distribution de boissons et de vous intéresser directement ou indirectement à toute affaire susceptible de nous faire concurrence dans la zone de distribution de notre établissement à savoir les départements 92 95 78 91 94 75. Cette interdiction durera 4 mois à compter de la cessation effective de vos fonctions.

En contrepartie de cette interdiction vous percevrez après la cessation effective de vos fonctions et pendant toute la durée de votre obligation de non-concurrence une indemnité spéciale forfaitaire mensuelle égale à 15% de votre dernier salaire mensuel brut de base.

Toute violation de l'interdiction de concurrence libérera immédiatement notre société du versement de cette contrepartie et vous rendra redevable automatiquement du remboursement des sommes que vous auriez perçues à ce titre ainsi que d'une pénalité fixée à 3 mois de votre dernier salaire mensuel brut de base pénalité due pour chaque infraction constatée sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle. Le paiement de cette pénalité ne porte pas atteinte au droit que notre société se réserve de vous poursuivre en remboursement du préjudice effectivement subi.'.

Quand bien même le montant de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, dont les parties s'accordent à considérer qu'il s'élève à 1 123,15 euros, serait disproportionné comme le soutient l'appelant, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'augmenter ce montant qui a été convenu par les parties et qui ne constitue pas une clause pénale. La société justifiant en outre avoir adressé le 5 juillet 2019 un chèque de 1 240,69 euros correspondant au montant de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents et le salarié n'invoquant pas l'absence de preuve de ce paiement, M. [N] sera débouté de sa demande, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur les rappels d'heures supplémentaires et de repos compensateurs

- sur le moyen tiré de la prescription :

Le conseil de prud'hommes a retenu que les demandes de rappel de salaires antérieures au mois de mai 2016 sont prescrites.

Au visa de l'article L. 3245-1 du code du travail, la société soutient que les demandes d'heures supplémentaires relatives aux années 2013, 2014 et 2015 sont prescrites et que la demande ne peut porter que sur les 3 années précédant la rupture du contrat, soit à partir du 22 janvier 2016.

M. [N] réplique que le délai de prescription n'a pas commencé à courir dès lors qu'il ne peut avoir connu de façon suffisamment précise l'existence de sa créance avant le prononcé par l'autorité judiciaire de l'inopposabilité de la convention de forfait.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.

Il en est de même en cas d'action fondée sur l'inopposabilité d'une convention de forfait.

En l'espèce, M. [N] invoque notamment au soutien de sa demande de rappel de salaire l'inopposabilité de la convention de forfait le liant à l'employeur de sorte que sont applicables les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail selon lesquelles l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La rupture du contrat datant du 29 janvier 2019, la demande au titre des heures supplémentaires n'est recevable que pour les sommes dues au titre des trois années avant. La société indiquant elle-même qu'elle peut porter sur les sommes dues à partir du 22 janvier 2016, la demande sera déclarée irrecevable pour les sommes dues antérieurement à cette date.

- sur l'inopposabilité de la convention de forfait :

M. [N] soutient que la convention de forfait contenue dans son contrat de travail signé avec la société Blanchisserie Poulard lui est inopposable pour les motifs suivants :

- la société MAJ et lui-même auraient dû régulariser une nouvelle convention de forfait en heures à compter du mois d'octobre 2014, date à laquelle le société MAJ est devenue son nouvel employeur, si d'ailleurs un accord d'entreprise conclu au sein de la société MAJ prévoit la conclusion de telles conventions ;

- la convention de forfait est inopposable en l'absence de détermination de la rémunération minimale applicable dans l'entreprise ; la rémunération forfaitaire prévue dans le contrat du 3 juin 2013 méconnaît les dispositions de l'article L. 3121-41 du code du travail car elle s'élève à 1 756,19 euros alors qu'au titre de ses fonctions d'intérimaire, il disposait d'une rémunération mensuelle de 1 802,40 euros pour le même nombre d'heures ;

- la société n'apporte pas la preuve requise par L. 3121-39 du code du travail.

La société réplique que :

- l'application de conventions de forfait aux agents de service était prévue dans l'accord sur la durée du travail signé au sein de la société Poulard le 24 janvier 2008 et comme le prévoit l'accord du 3 février 2015 portant sur la poursuite des accords conclus au sein de la blanchisserie Poulard consécutivement à sa fusion avec la société MAJ, cet accord a continué à s'appliquer, outre que la société MAJ disposait aussi d'un accord d'entreprise signé en 2008 prévoyant des conventions de forfait pour les chauffeurs livreurs agents de service ;

- la société Poulard n'était pas tenue par l'application du taux horaire retenu par l'agence d'intérim et le taux horaire applicable au contrat du 3 juin 2013 est conforme aux minima sociaux.

Selon l'article L.3121-39 du code du travail dans sa version issue de la loi du 20 août 2008, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

L'article L. 3121-40 du même code dans sa version issue de la même loi dispose que la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.

Il s'ensuit que la convention de forfait en heures sur le mois suppose une convention établie par écrit ayant reçu l'accord du salarié mais ne nécessite pas un accord collectif, contrairement à la convention de forfait annuel qui est subordonnée à l'existence d'un accord collectif. Or, le contrat de travail de M. [N] prévoit une convention individuelle de forfait en heures sur le mois de sorte que la jurisprudence invoquée par ce dernier qui porte sur une convention de forfait en jours n'est pas applicable et que la convention de forfait en heures sur le mois conclue avec la société Blanchisserie Poulard n'a pas été modifiée et a continué à s'appliquer après le transfert du contrat de travail au sein de la société MAJ, sans nécessité de la signature d'une nouvelle convention de forfait en heures sur le mois et peu important l'existence ou non au sein de la société MAJ d'un accord collectif prévoyant la conclusion de conventions de forfait en heures sur le mois.

Selon L. 3121-41 du code du travail dans sa version issue de la loi du 20 août 2008, la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L. 3121-22.

Cette condition est une condition de validité de la convention de forfait.

La convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires. Il appartient à l'employeur qui se prévaut de l'existence d'une convention de forfait d'en apporter la preuve. La convention de forfait doit préciser le salaire de base utilisé pour le calcul des heures supplémentaires.

En l'occurrence, ainsi que le fait valoir l'appelant, la rémunération minimale applicable dans l'entreprise n'est pas déterminée. Si la société affirme que le taux horaire applicable au contrat de travail du 3 juin 2013 (10,80 euros) est conforme aux minima sociaux, la cour note que ce taux horaire n'est pas précisé dans le contrat de travail incluant la convention de forfait, que les minima sociaux ne correspondent pas nécessairement à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise et qu'il n'est fourni aucune précision, ni justification concernant cette rémunération minimale applicable dans l'entreprise. Partant, la convention de forfait n'est pas valable et ne peut être retenue.

- sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents :

M. [N] soutient d'une part que compte tenu de l'inopposabilité de la convention de forfait, la rémunération de 1756,19 euros correspond à 151,67 heures, soit un taux horaire de 11,57 euros. Il réclame à ce titre 11,57 x 2,5 × 125 % x 106 semaines = 3 832,56 euros outre 383,25 euros au titre des congés payés afférents. Il prétend d'autre part que de manière très régulière il a réalisé des nuits, donc des heures supplémentaires, la nuit du samedi au dimanche et que ces heures supplémentaires n'ont jamais été payées en tant que telles mais ont donné lieu au versement d'une prime spéciale de 124 euros par samedi travaillé. Sur la base d'un décompte mensuel, il avance avoir travaillé 735 heures s'ajoutant aux 2,5 heures contractuelles. Il est dû selon lui à ce titre 10 629,93 euros, outre 1 062,99 euros au titre des congés payés afférents. Au total il réclame un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 14 233,26 euros et 1 423,32 euros à titre de congés payés afférents.

La société s'oppose à la demande, contestant l'inopposabilité de la convention de forfait, arguant de la prescription et niant l'exécution d'heures supplémentaires dans la nuit du samedi au dimanche en observant l'absence de preuve rapportée à ce titre.

Du fait de la prescription ci-dessus retenue, la demande ne peut porter que sur des heures supplémentaires effectuées à partir du 22 janvier 2016.

Les bulletins de salaire de M. [N] mentionnent 162,50 heures de travail par mois, soit 10,83 heures supplémentaires par mois ou 2,5 heures par semaine. Compte tenu de l'inopposabilité de la convention de forfait, M. [N] est fondé à prétendre que la rémunération de 1 756,19 euros correspond à 151,67 heures soit un taux horaire de 11,57 euros. Dans la limite de la prescription, il est dû à ce titre à M. [N] la somme suivante : 11,57 x 2,5 x 125% x 32,31 = 1 168,21 euros outre 116,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [N] fournit un décompte dans ses conclusions et pièces précisant le nombre de samedis travaillés mois par mois et dont il résulte que le nombre d'heures travaillées par samedi est de 7,5 heures. Il présente ce faisant des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant observé que les mois où il aurait réalisé des heures de travail le samedi, son bulletin de paie mentionne une prime spéciale d'un montant d'environ 124 euros pour un seul samedi et d'un montant supérieur en cas de nombre de samedis plus important. Or, la société ne fournit aucun élément, se bornant à contester tout samedi travaillé et ne donnant aucune explication quant aux primes spéciales ci-dessus relevées.

Dans ces conditions, la cour retient dans les limites de la prescription qu'à partir du 22 janvier 2016, M. [N] a travaillé 5 samedis représentant 37,5 heures. Sur la base du même taux horaire que ci-dessus et de la même majoration, il est dû à ce titre un rappel de salaire de 542,34 euros outre l'indemnité compensatrice des congés payés afférents de 54,23 euros.

Au total, la société est condamnée à payer à M. [N] un rappel de salaire de 1 710,55 euros et une indemnité compensatrice des congés payés afférents de 171,05 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

- sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos :

M. [N] réclame la somme de 8 343,74 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et celle de 834,37 euros au titre des congés payés afférents en application de l'article L. 3121-11 du code du travail et compte tenu d'un contingent annuel d'heures supplémentaires de 130.

La société s'oppose à la demande dans la mesure où elle est dans la dépendance de celle du rappel au titre des heures supplémentaires.

Il résulte des énonciations précédentes que seules ont été retenues des heures supplémentaires accomplies à compter du 22 janvier 2016 alors que les demandes au titre des contreparties obligatoires en repos portent sur les années 2013, 2014 et 2015. Partant, ces demandes seront rejetées, le jugement étant de ce chef confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé

M. [N] sollicite des dommages et intérêts pour travail dissimulé à hauteur de 17 932,88 euros sur la base d'un salaire brut moyen de 2 988,81 euros en faisant valoir en substance que la société le sollicitait pour qu'il travaille 6 nuits sur 7 en lui faisant exécuter des heures de travail quasiment tous les samedis et que l'élément intentionnel du défaut de mention des heures supplémentaires est caractérisé au regard en particulier de la multiplication des heures réalisées.

La société s'oppose à la demande faute d'élément intentionnel.

En application de l'article L. 8221-5 2° du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

En l'espèce, ne sont pas mentionnées sur les bulletins de paie les heures de travail accomplies le samedi. Il résulte de ce qui précède que du 22 janvier 2016 à fin mai 2016, 37,5 heures supplémentaires ont été décomptées à ce titre, ce qui constitue un nombre important d'heures supplémentaires au regard de la courte période en cause. La cour relève en outre la mention d'une prime spéciale les mois où ces heures ont été réalisées. Compte tenu des ces éléments, le caractère intentionnel de la dissimulation est avéré.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Les parties s'accordent pour retenir que le salaire brut moyen des 12 derniers mois travaillés s'est élevé à 2 190,52 euros. Compte tenu des énonciations précédentes, notamment du rappel de salaire pour heures supplémentaires accordé, et du fait que les heures supplémentaires étaient régulièrement accomplies, le salaire brut moyen doit être fixé, heures supplémentaires comprises, à 2 378,52 euros (2 190,52 + 188). La société sera condamnée à payer une indemnité pour travail dissimulé de 14 271,12 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour minoration des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS)

M. [N] soutient qu'au titre de sa prise en charge des accidents du travail et de la rechute, son employeur a fait mention d'un salaire brut de 2 046,47 euros largement inférieur à celui qu'il revendique et qu'il a été privé d'IJSS importantes du fait de la carence de l'employeur. Il réclame à titre de dommages et intérêts la somme de 13 550,92 euros représentant la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir et ce qu'il a perçu.

La société conclut au rejet de la demande au motif qu'elle est dans la dépendance des heures supplémentaires alléguées.

En application de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il résulte des attestations de salaire versées aux débats par M. [N] qui ont été établies par la société en vue de la prise en charge de l'accident du travail par la Sécurité sociale que l'employeur a mentionné un salaire brut de référence de 2 046,47 euros alors qu'il s'élève à 2 378,52 euros, soit un écart défavorable au salarié de 16,22%. Cette mention inexacte constitue une faute de l'employeur.

Or, c'est sur la base de ce document que l'assurance maladie calcule les indemnités journalières, le salaire étant divisé par 30,42 pour déterminer le salaire journalier de base et l'indemnité journalière étant égale à 60% du 1er au 28ème jour puis à 80% à partir du 29ème dans la limite d'un plafond

M. [N] justifie par l'attestation de paiement des indemnités journalières qu'il a perçu du 6 juin 2016 au 9 janvier 2019 des indemnités journalières d'un montant de 42 991,50 euros. Or, en fonction de son salaire brut réel, il lui était dû 49 964,72 euros (42 991,50 euros x 1,1622).

M. [N] justifie ainsi d'un préjudice en lien de causalité avec la faute ci-dessus retenue. La société sera donc condamnée à lui payer la somme de 6 973,22 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la minoration des IJSS, le jugement étant de ce chef infirmé.

Sur le licenciement

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'[...] Faisant suite à notre entretien du 22 Janvier 2019, nous vous notifions par la présente la rupture de votre contrat de travail à compter du 31 Janvier 2019.

Nous vous rappelons ci-dessous les motifs nous ayant contraints à vous licencier et qui vous ont été exposés lors de notre entretien.

Suite à vos arrêts de travail pour raison médicales depuis le 11 novembre 2016, le médecin du travail vous a déclaré, à l'issue d'une seule visite médicale en date du 10 janvier 2019 : 'l'état de santé de Monsieur [N] fait obstacle à tout reclassement dans la société MAJ inapte'.

Les conclusions du médecin du travail nous placent dans l'impossibilité de vous maintenir au poste d'agent de service poids-lourd que vous occupiez précédemment.

Conformément à l'article L.1226-12 du code du travail, la mention expresse dans l'avis du médecin du travail selon laquelle votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, nous contraint à rompre votre contrat de travail sans avoir à rechercher un emploi de reclassement.

C'est ce constat qui nous amène à vous notifier votre licenciement.

Nous vous informons que votre certificat de travail, votre attestation Pôle emploi et votre solde de tout compte vous serons envoyés par courrier recommandé le 1er février 2019. [...]'

M. [N] soutient que l'inaptitude résulte d'une procédure irrégulière affectant le fond du licenciement en ce que :

- la visite de reprise a duré moins de 17 minutes et que les obligations relatives à l'étude de poste et des conditions de travail n'ont pas été réalisées ;

- le comité social et économique (CSE) n'a pas été consulté.

La société rétorque que le licenciement pour inaptitude a été réalisé sur la base d'un avis médical qu'il appartenait à M. [N] de contester devant le conseil de prud'hommes s'il l'estimait irrégulier et qu'à défaut de reclassement possible, la consultation du CSE n'était pas requise.

Aux termes de l'article L. 4624-7 I du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 29 mars 2018, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes en la forme des référés d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.

L'article R. 4624-45 du même code, dans ses dispositions issues du décret du 15 décembre 2017, prévoit qu'en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail.

Il en résulte que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant la formation de référé du conseil de prud'hommes qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, cet avis s'impose aux parties.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude rendu le 10 janvier 2019 par le médecin du travail mentionne les voies et délai de recours. Ainsi, la régularité de l'avis ne pouvait plus être contestée et cet avis s'impose aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l'étude de poste.

L'article L. 1226-10 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. (...).

L'article L. 1226-12 du même code précise que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter le comité économique et social.

Or, en l'occurrence, l'avis d'inaptitude du 10 janvier 2019 mentionne que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi de sorte que M. [N] ne peut se plaindre d'un défaut de consultation de cette institution.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel des indemnités de rupture

- sur le rappel de l'indemnité légale de licenciement

M. [N] sollicite un rappel d'indemnité légale de licenciement de 3 007,33 euros sur la base du salaire recalculé à 2 988,81 euros et, à titre subsidiaire, de 2 128,88 euros sur la base du salaire de 2 190,52 euros.

La société s'oppose à la demande principale dès lors qu'elle conteste la demande au titre des heures supplémentaires. S'agissant de la demande subsidiaire, elle fait valoir avoir admis une erreur de calcul et devoir la somme de 683,40 euros au titre du complément d'indemnité légale de licenciement, sollicitant la confirmation du jugement qui l'a condamnée à cette somme.

Aux termes de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R. 1234-1 du même code dispose que l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Selon l'article R. 1234-2 de ce code, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

En l'espèce, l'ancienneté à prendre en considération est de 5 ans et 8 mois et il convient de tenir compte d'un salaire de 2 378,52 euros, la rémunération à retenir étant celle qui précède l'arrêt et que M. [N] aurait dû percevoir si l'employeur n'avait pas manqué à ses obligations. Il en résulte que l'indemnité légale de licenciement qui fait l'objet de la demande du salarié s'élève à 3 369,57 euros, inférieure à la somme de 5 538,74 euros que M. [N] reconnaît avoir perçue. Néanmoins, la société concluant à la confirmation du jugement qui l'a condamnée à payer un rappel de 683,40 euros à ce titre, le jugement sera de ce chef confirmé.

- sur le rappel au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents:

M. [N] soutient que la société est redevable d'un complément de :

- à titre principal, 2 141,02 euros outre 214,10 euros au titre des congés payés, sur la base d'un salaire recalculé à 2 988,81 euros ;

- à titre subsidiaire, 544,44 euros outre 54,44 euros au titre des congés payés, sur la base d'un salaire de 2 190,52 euros.

La société conclut au rejet des demandes qui sont dans la dépendance de celle relative aux heures supplémentaires.

La société ne conteste pas devoir une indemnité compensatrice et a versé une indemnité au titre du préavis non effectué de 3 836,60 euros, M. [N] réclamant un solde à ce titre.

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Au cas présent la durée du préavis est de deux mois. Le montant dû est celui du montant des salaires que le salarié aurait perçus si le préavis avait été effectué, soit 4 757,04 euros. La société sera condamnée à payer ladite somme diminuée de celle de 3 836,60 euros, soit 920,44 euros outre 92,04 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé en ces sens.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes de prime exceptionnelle, de contrepartie financière de la clause de non concurrence et des congés payés afférents, de contrepartie obligatoire en repos ainsi que de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a  condamné la société MAJ à payer à M. [N] la somme de 683,40 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

DÉCLARE irrecevable comme prescrite la demande au titre des heures supplémentaires pour les sommes dues antérieurement au 22 janvier 2016 ;

CONDAMNE la société MAJ à payer à M. [N] les sommes suivantes :

- 911,55 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et 91,15 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- 170 euros au titre de la prime de vacances 2018 et 17 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- 1 710,55 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et 171,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- 14 271,12 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 6 973,22 euros à titre de dommages et intérêts pour minoration des indemnités journalières de la Sécurité sociale ;

- 920,44 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis outre 92,04 euros au titre des congés payés afférents ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la société MAJ aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/07036
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.07036 ?
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