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15/06/2023 | FRANCE | N°21/05088

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 15 juin 2023, 21/05088


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05088 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ52



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/03468



APPELANTE



Madame [S] [K] épouse [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 06 Juill

et 1984 à [Localité 5] (Maroc)



Représentée par Me Sylvie EX-IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 155





INTIMEE



S.A.S.U. MAE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05088 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ52

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/03468

APPELANTE

Madame [S] [K] épouse [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 06 Juillet 1984 à [Localité 5] (Maroc)

Représentée par Me Sylvie EX-IGNOTIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque: PC 155

INTIMEE

S.A.S.U. MAE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le vendredi 7 avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats

ARRÊT :

- rendu par défaut,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [S] [K] épouse [J] a été engagée par la société MAE [Localité 6], ci-après la société, en qualité de responsable de boutique à compter du 7 septembre 2019 selon la salariée et du 30 octobre 2019 selon la société.

Un contrat de travail à durée déterminée daté du 1er novembre 2019 à effet du 30 octobre 2019 a été établi mais n'a pas été signé par Mme [J].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la couture parisienne.

La société occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 19 février 2020, Mme [J] a établi une lettre de démission.

Le 22 février 2020, elle a déposé plainte pour avoir en particulier subi le 19 février 2020 des propos discriminants de la part de son employeur

Le 22 février 2020, la salariée a été placée en arrêt de travail pour anxiété, son arrêt ayant été prolongé jusqu'au 15 mars suivant.

C'est dans ces circonstances que Mme [J] a saisi le 19 mai 2020 le conseil de prud'hommes de Paris afin notamment que sa relation de travail soit qualifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 septembre 2019 et qu'il soit jugé que sa démission produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par jugement du 26 avril 2021 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a :

- jugé que le contrat de travail à durée indéterminée démarre le 7 septembre 2019 au lieu du 30 octobre 2019 ;

- condamné la société à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

* 296,04 euros à titre de salaire pour le mois de septembre 2019 ;

* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise à Mme [J] des documents sociaux conformes à la décision ;

- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société au paiement des entiers dépens.

Par déclaration transmise le 8 juin 2021 par voie électronique, Mme [J] a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 12 mai 2021.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 septembre 2021, Mme [J] demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en ses fins et prétentions,

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes tendant à :

* juger que la démission ne procède pas d'une volonté claire et non équivoque,

* juger que la démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

' indemnité de requalification : 1 539,45 euros,

' dommages et intérêts pour l'absence de visite médicale d'information et de prévention : 1 539,45 euros,

' dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 539,45 euros,

' salaires de septembre à décembre 2019 : 6 157,80 euros outre 615,78 euros au titre des congés payés afférents,

' dommages et intérêts pour rupture abusive : 9 236,70 euros,

' dommages et intérêts pour travail dissimulé : 9 236,70 euros,

' paiement des heures supplémentaires (186 h x 25 %) : 2 538,48 euros outre la somme de 235,84 euros au titre des congés payés afférents,

' paiement des tickets restaurant de septembre au 21 février '2019" : 1 740 euros,

' dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté : 2 000 euros,

' dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 2 000 euros,

' article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

* condamner la société à lui remettre les documents suivants sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document : certificat de travail, attestation pôle emploi, bulletin de salaire, septembre, octobre, novembre 2019 et février 2020, bulletins rectifiés de l'embauche jusqu'à la fin des relations contractuelles,

* juger que les sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et qu'ils seront majorés selon l'article L 313-3 du code monétaire et financier,

* ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

statuant à nouveau,

- condamner la société au paiement des sommes de :

* 18 105,48 euros à titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 12 070,32 euros à titre de rappel des salaires sur la période courant du mois de septembre à décembre 2019, outre la somme de 1 207,03 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 358,48 euros à titre de rappel des heures supplémentaires, outre la somme de 235,84 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 017,58 euros à titre d'indemnité pour absence de visite médicale d'information et de prévention,

* 2 000 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de loyauté,

* 754,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3 017,58 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à remettre à Mme [J] ses documents de fin de contrat rectifiés (fiches de paies, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de 10 jours à compter de la notification du 'jugement' à intervenir,

en tout état de cause,

- condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros à Mme [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

La déclaration d'appel a été signifiée à l'intimée par acte d'huissier du 27 août 2021 remis suivant les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile. Les conclusions lui ont été signifiées par acte d'huissier du 20 septembre 2021 délivré selon les mêmes modalités. Elle n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera rendu par défaut conformément l'article 473 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 de ce code, il est renvoyé aux conclusions de l'appelante susvisées pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, étant rappelé qu'en application de l'article 954 du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a jugé que le contrat de travail à durée indéterminée a démarré le 7 septembre 2019 au lieu du 30 octobre 2019.

La déclaration d'appel mentionne que l'appel tend à l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande d'indemnité de requalification et de celle relative aux tickets restaurant mais cette dernière ne développe aucun moyen de ces chefs et ne réclame pas en appel cette indemnité et le paiement de tickets restaurant. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée sur ces points.

Sur le rappel de salaires sur la période de septembre à décembre 2019 et les congés payés afférents

Le conseil de prud'hommes a retenu que Mme [J] fournissait des éléments de preuve justifiant de cinq jours de travail effectués en septembre 2019, les 7, 10, 19, 20 et 28 septembre 2019, qu'elle n'avait travaillé que deux jours en octobre 2019 pour lesquels elle avait été payée, qu'en novembre 2019, il était fait état dans le bulletin de paie d'une absence sur la totalité du mois et qu'en décembre 2019, elle avait perçu un acompte de 1 000 euros et reçu un salaire au vu de son bulletin de salaire. Le jugement a ainsi alloué à Mme [J] la somme de 296,04 euros au titre des jours travaillés de septembre 2019 et l'a déboutée pour le surplus de la demande.

Mme [J] fait valoir qu'elle a été embauchée en qualité de responsable de boutique coefficient 120 échelon 2 mais que ce niveau n'existe pas dans la convention collective de la couture parisienne. Elle soutient qu'elle relève du groupe 5 niveau B et que le salaire minimum à compter du 1er janvier 2019 pour une responsable de boutique d'un tel niveau est de 36 211 euros. Elle prétend qu'elle a continuellement exercé ses fonctions à temps plein à partir du 7 septembre 2019, y compris en novembre 2019, en se prévalant de divers éléments en ce sens dont des attestations. Elle ajoute que l'employeur ne rapporte pas la preuve du paiement du salaire sur cette période. Elle réclame la somme de 12 070,32 euros représentant quatre mois de salaire, outre 1 207,03 euros au titre des congés payés afférents.

Selon l'avenant du 21 février 2000 à l'accord sur les classifications, relatif au positionnement des emplois repères relevant de la convention collective de la couture parisienne mentionnée sur les bulletins de salaire, le responsable de boutique optimise les résultats de la boutique en animant l'équipe de vente, en fidélisant et développant la clientèle dans le cadre de la stratégie commerciale et d'image de la maison. Il relève du groupe 5/6. L'accord du 21 février 2000 relatif aux classifications précise que sont classés dans le niveau B les salariés qui ont une maîtrise de l'ensemble des techniques requises par leur emploi et de leurs conditions normales d'application susceptibles d'être rencontrées dans les différentes situations.

La cour observe que le conseil de prud'hommes a retenu au titre des faits constants que Mme [J] a été recrutée en qualité de responsable de magasin. Elle relève en outre que le contrat de travail écrit daté du 1er novembre 2019 certes non signé par Mme [J] mais établi par la société porte sur un poste de responsable de boutique, que les bulletins de paye à partir de janvier 2020 indiquent un emploi de responsable des ventes échelon 2 coefficient 120 et que les documents de fin de contrat délivrés par l'employeur font aussi état d'un emploi de responsable des ventes. L'appelante fait valoir à juste titre que le coefficient 120 échelon 2 indiqué sur ses bulletins de paye n'existe pas dans la convention collective de la couture parisienne. La cour déduit des éléments précités que Mme [J] exerçait des fonctions de responsable de boutique depuis le début du contrat de travail et qu'elle relève du groupe 5 niveau B.

Il résulte de l'avenant n°14 du 23 avril 2019 relatif aux rémunérations minimales annuelles garanties au 1er janvier 2019 que le salaire annuel brut correspondant est de 36 211 euros brut, soit un montant mensuel brut de 3 017,58 euros.

Dès lors que le conseil de prud'hommes a retenu que le contrat de travail à durée indéterminée a démarré le 7 septembre 2019 et à défaut de contrat écrit signé, le contrat est présumé à temps complet.

Par ailleurs, aucune retenue sur salaire ne peut être effectuée si l'inexécution du travail est imputable à l'employeur et non au salarié resté à sa disposition. Il incombe à l'employeur de prouver qu'il a fourni du travail au salarié mais que celui-ci ne l'a pas exécuté ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

Au cas présent, il n'est pas établi par la société que Mme [J] n'a pas exécuté son travail et n'est pas restée à sa disposition du 7 septembre à fin octobre 2019. En conséquence, l'intégralité du salaire pour cette période est due. Si le bulletin de salaire de novembre 2019 mentionne que la salariée a été absente tout le mois, cette seule indication est insuffisante à justifier de l'inexécution de son travail par Mme [J], ce d'autant plus que le SMS par lequel ce bulletin lui a été transmis, qui émane de '[L]', soit le prénom de Mme [U] qui était la présidente de la société, précise 'Le Pb c'est que le comptable a mis comme si tu étais absente'.

Dès lors, le salaire de novembre 2019 est également dû. Enfin, si Mme [J] a sollicité et obtenu l'accord de la société pour le versement d'un acompte de 1 000 euros à valoir sur le salaire de décembre 2019, il n'est pas prouvé que cette somme et le restant du salaire de décembre 2019 lui ont été payés, ni non plus que celui pour les deux derniers jours d'octobre 2019 a été acquitté alors que la charge de la preuve du règlement du salaire incombe exclusivement à l'employeur et que la délivrance d'un bulletin de paie est insuffisante à rapporter cette preuve.

Il s'ensuit que la société doit être condamnée à payer à Mme [J] la somme de 11 366,21 euros à titre de rappel de salaire du 7 septembre 2019 au 31 décembre 2019 ainsi que la somme de 1 136,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents

Mme [J] soutient qu'elle devait être présente 6 jours sur 7 dans les locaux de l'entreprise et qu'elle a effectué bien plus que 35 heures par semaine. Elle en veut pour preuves divers éléments dont des attestations versées aux débats. Elle sollicite au titre des heures supplémentaires un rappel de salaire de 2 358,48 euros outre la somme de 235,84 euros au titre des congés payés afférents.

Le conseil de prud'hommes a rejeté ces demandes au motif que Mme [J] n'apportait pas de relevé précis prouvant qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, Mme [J] invoque qu'elle aurait travaillé 'bien plus que 35 heures par semaine', 6 jours sur 7, sans préciser ses horaires, ni ses jours de travail et sans indiquer le nombre d'heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées hebdomadairement ou mensuellement. Elle produit :

- une attestation signée par Mme [U] indiquant qu'elle était présente le 19 septembre 2019 à 6 heures pour réaliser un inventaire ;

- une attestation de Mme [W] qui indique qu'à l'époque elle travaillait en face et qu'elle a vu Mme [J] en poste au sein de la boutique Mae depuis septembre 2019 du lundi au mercredi et les vendredis et samedis, soit seulement 5 jours sur 7 ;

- une attestation de M. [F] qui indique qu'il travaillait aussi en face et qu'il a vu Mme [J] en poste au sein de la boutique Mae depuis septembre 2019 du lundi au jeudi ainsi que le samedi. Cependant, cette attestation est totalement dactylographiée et le titre de séjour qui l'accompagne ne comporte pas la signature de M. [F]. Cette attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure ne présente pas des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour ;

- une attestation de Mme [Z] dans laquelle celle-ci indique avoir été témoin de la présence de Mme [J] au sein de la boutique MAE [Localité 6] en qualité de responsable des ventes, qu'elle a été en contact pour la première fois avec elle le 26 septembre 2019 pour un poste de vendeuse chinoise dans la boutique et qu'elle a travaillé en qualité de vendeuse free lance du 21 octobre au 12 novembre 2019 sous la responsabilité directe de Mme [J] qui travaillait 6 jours sur 7 sur l'ensemble des horaires d'ouverture de la boutique. Mais cette attestation est en partie dactylographiée, n'est pas signée et le titre de séjour l'accompagnant ne comprend pas non plus signature de Mme [Z]. Compte tenu de ces importantes non conformités à l'article 202 précité; l'attestation de Mme [Z] n'apparaît pas probante ;

- une attestation de M. [I] mais qui n'évoque pas le temps de travail de Mme [J].

La cour estime que cette dernière ne présente pas à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Mme [J] fait valoir qu'elle a continuellement exercé ses fonctions à compter du 7 septembre 2019 et qu'elle devait être présente 6 jours sur 7. Elle soutient aussi que la société n'a jamais justifié de la déclaration préalable à l'embauche la concernant et souligne qu'elle ne lui a pas remis de bulletin de salaire du 7 septembre au 30 octobre 2019. Elle réclame une indemnité de 18 105,48 euros sur le fondement de l'article L. 8221-5 du code du travail.

Le conseil de prud'hommes n'a pas retenu l'élément intentionnel du travail dissimulé compte tenu du faible nombre de jours supposés travaillés par Mme [J] en septembre 2019, non consécutifs.

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail,

est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Au cas présent, la société ne justifie pas avoir procédé à la déclaration préalable à l'embauche telle que prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail. En outre, elle n'a pas délivré à Mme [J] de bulletin de paie pour le mois de septembre 2019 et celui du mois d'octobre 2019 ne vise que la période du 30 au 31 octobre 2019, mentionnant seulement 10,11 heures de travail, alors que Mme [J] a commencé à travailler dès le 7 septembre 2019. L'élément matériel du travail dissimulé est établi. L'élément intentionnel l'est aussi, la société s'étant soustraite à plusieurs obligations prévues à l'article L. 8221-5 alors qu'elle a embauché Mme [J] à compter du 7 septembre 2019 en qualité de responsable de boutique et que celle-ci a commencé à travailler dès cette date.

En conséquence, la société sera condamnée à payer à Mme [J] l'indemnité fixée à l'article L. 8223-1 de ce code d'un montant de 18 105,48 euros, le jugement étant de ce chef infirmé.

Sur l'indemnité pour absence de visite médicale d'information et de prévention

Mme [J] soutient n'avoir jamais bénéficié de cette visite prévue à l'article R. 4624-10 code du travail et avoir subi un préjudice lié à cette carence, réclamant une indemnisation à hauteur de 3 017,58 euros à ce titre.

Le conseil de prud'hommes a débouté Mme [J] de cette demande faute de preuve d'un dommage subi du fait de l'absence de visite médicale d'embauche pour un poste ne présentant pas de risque et d'un lien de causalité avec la dégradation de son état de santé.

Aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail, tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

L'article R.4624-11 du même code dispose que la visite d'information et de prévention dont bénéficie le travailleur est individuelle. Elle a notamment pour objet :

1° D'interroger le salarié sur son état de santé ;

2° De l'informer sur les risques éventuels auxquels l'expose son poste de travail ;

3° De le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en 'uvre ;

4° D'identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;

5° De l'informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d'une visite à sa demande avec le médecin du travail.

Au cas présent, selon les énonciations du jugement, la société reconnaît ne pas avoir fait le nécessaire pour organiser cette visite dans les trois mois suivant l'embauche. Celle-ci a eu lieu le 7 septembre 2019 alors que Mme [J] a démissionné le 19 février 2020. La société a ainsi manqué à son obligation sans motif légitime.

L'objectif de cette visite étant de participer au suivi de l'état de santé du travailleur et d'assurer sa santé et sa sécurité, le non-respect des exigences en la matière porte atteinte à celles-ci. Mme [J] est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi de ce fait, lequel sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant aussi infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté

Mme [J] reproche à l'employeur d'avoir mis en place des moyens de contrôle importants en utilisant notamment le système de vidéo protection ou en demandant aux salariés de se surveiller entre eux. Or, elle soutient que l'obligation de loyauté pesant sur l'employeur lui interdit d'utiliser des moyens déloyaux dans l'usage de son droit de contrôle de l'activité de son personnel. Elle réclame de ce chef une indemnisation à hauteur de 2 000 euros.

Les premiers juges ont débouté Mme [J] de cette demande faute d'éléments suffisants, d'explication sur le préjudice lié à un manquement à l'obligation de loyauté et de justification du montant réclamé.

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La bonne foi étant présumée, la salariée doit prouver la déloyauté ou la mauvaise foi de l'employeur.

Mme [J] s'appuie sur son procès-verbal de dépôt de plainte dans lequel elle indique que sa responsable, Mme [U], a regardé un message qu'elle avait reçu sur son téléphone, qu'elle l'a fait surveiller par une collègue et a fait appel à un technicien pour mettre en marche les caméras du magasin sans avoir consulté les salariés au préalable, ni leur avoir fait signer les documents 'en accord avec la CNIL'. Mais ce document qui ne fait sur ce point que relater les propres déclarations de Mme [J] n'est en lui-même pas suffisamment probant.

L'appelante invoque aussi l'attestation de M. [I] mais qui n'évoque nullement les faits de surveillance et de contrôle ci-dessus visés.

Par voie de conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

Sur la démission

Mme [J] soutient qu'elle a subi des pressions de son employeur depuis novembre 2019, ce dernier ayant refusé de lui remettre ses bulletins de paie ainsi qu'un contrat de travail conforme à son poste réel et de lui faire passer une visite médicale d'embauche et lui ayant finalement remis des bulletins de paie ne correspondant ni à la qualification de son poste, ni à la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre. Elle fait aussi grief à l'employeur d'avoir eu à plusieurs reprises un comportement déplacé et insultant à son encontre avant sa démission, en voulant pour preuves sa plainte, un mail dont l'officier de police a pu constater la réalité contenant des propos discriminants à son égard et l'attestation de M. [I]. Elle ajoute avoir rapidement adressé, le 16 mars 2020, une lettre de rétractation à son employeur, à tout le moins une précision sur les motifs de sa démission. Elle en déduit que sa démission est équivoque et qu'elle n'a pas procédé d'une volonté libre exempte de pression de l'employeur de sorte qu'elle doit être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes a écarté le caractère équivoque de la démission, notant qu'aucun grief n'était énoncé dans la lettre de démission, que le courrier du 16 mars 2020 était tardif et que la plainte de Mme [J] contre son employeur avait été classée sans suite faute de preuve suffisante.

La démission est l'acte par lequel le salarié fait connaître à l'employeur sa décision de rompre le contrat de travail. Elle doit résulter d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail.

La démission est considérée comme équivoque lorsque la lettre de démission fait état de contestations ou d'une réclamation du salarié non satisfaite.

Une démission notifiée sans réserve à l'employeur peut néanmoins être qualifiée d'équivoque a posteriori lorsque le salarié remet en cause celle-ci dans un délai raisonnable et prouve qu'un différend antérieur ou contemporain à la rupture l'opposait à son employeur.

La démission équivoque constitue une prise d'acte et produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Au cas présent, la lettre de démission établie le 19 février 2020 ne contient aucun réserve, ni motif, Mme [J] ayant seulement donné sa démission avec un mois de préavis, soit un départ le 19 mars suivant.

Mme [J] justifie toutefois avoir, le 16 mars 2020, adressé un courriel à la société en indiquant qu'elle avait été contrainte de démissionner à la suite des reproches répétés de son employeur, de ses insultes et de ses accusations (au motif qu'elle aurait reçu un cadeau), faisant également état de retards de paiement. Ce courriel est intervenu moins d'un mois après la lettre de démission. En outre, Mme [J] produit sa plainte déposée par elle le 22 février 2022, seulement trois jours après sa démission, pour reprocher à l'employeur ses mesures de contrôle et de surveillance et ses propos discriminants par lesquels il l'avait accusée le 19 février 2020 de recevoir comme cadeau de clients un Coran, ce qui l'exposait à être fiché 'S'. Cette plainte fait aussi état de propos tenus par l'employeur en la personne de Mme [U] le 18 février 2020 où en entrant dans la boutique, celle-ci avait dit 'Putain ça pue l'arabe' et d'un mail envoyé par cette dernière une semaine avant indiquant que 'les arabes ne faisaient pas luxe'. Enfin, il est avéré que Mme [J] n'a pas signé le contrat de travail écrit daté du 1er novembre 2019 préparé par l'employeur, lui a réclamé par SMS les bulletins de paie de septembre, octobre et novembre 2019 sur la base salariale convenue et que par un courriel du 28 décembre 2019, elle a sollicité auprès de son employeur un paiement régulier entre le 28 et le 4 du mois suivant afin de pouvoir payer son loyer sans retard. Il est ainsi établi que des différends antérieurs et contemporains de la rupture opposaient Mme [J] à la société, ce dont il suit que la démission est équivoque et constitue une prise d'acte.

Il résulte de ce qui précède que la société n'a jamais délivré à Mme [J] de bulletin de paie pour le mois de septembre 2019, ni pour le mois d'octobre 2019 hormis un bulletin pour deux jours du 30 au 31 octobre 2019. Elle n'a jamais organisé non plus de visite médicale d'information et de prévention en faveur de Mme [J]. Les bulletins de paie délivrés à cette dernière font état jusqu'en décembre 2019 d'un emploi d'assistante qui n'était pas celui de Mme [J]. Celui de novembre 2019 mentionne une absence tout le mois et quasiment aucune rémunération alors que le salaire de novembre 2019 était dû. Le contrat de travail préparé par la société mentionne une date d'embauche au 30 octobre 2019, non conforme à la réalité, et le coefficient 120 échelon 2 ainsi qu'une rémunération de 1 525 euros brut ne correspondant pas à la grille fixée par la convention collective applicable. Tous les bulletins de salaire indiquent aussi un salaire de base d'un peu plus de 1 500 euros brut par mois, très largement inférieur à celui qui était dû de 3 017,58 euros brut.

Les griefs ci-dessus visés sont nombreux et caractérisent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les faits dénoncés dans la plainte de Mme [J] sont établis, il sera jugé que la démission constituant une prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

- sur l'indemnité légale de licenciement :

Mme [J] sollicite une indemnité légale de licenciement de 754,40 euros.

Aux termes de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Mme [J] ne disposait pas d'une ancienneté de 8 mois ininterrompus au service de la société de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande.

- sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mme [J] réclame à ce titre la somme de 3 017,58 euros.

Le conseil de prud'hommes a débouté Mme [J] de sa demande.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail s'agissant d'une salariée qui avait une ancienneté inférieure à une année complète et dont l'entreprise occupait habituellement moins de 11 salariés, Mme [J] peut prétendre à une indemnité maximale d'un mois de salaire brut. Compte tenu de son âge (née en 1984), de son ancienneté de quelques mois, de sa situation financière difficile postérieurement à la rupture de son contrat (mais celle-ci ayant débuté avant) et de l'absence de justification de sa situation au regard de l'emploi dans les mois ayant suivi la perte de son travail, il sera alloué à Mme [J] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et remise tardive des documents de fin de contrat

Mme [J] a relevé appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ces demandes mais ne développe pas de moyens de ces chefs et ne réitère pas devant la cour lesdites prétentions. Le jugement sera donc confirmé sur ces points.

Sur les intérêts au taux légal

La cour rappelle que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la remise des documents

La société sera condamnée à remettre à Mme [J] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt. Le jugement sera infirmé sur ce point, étant précisé qu'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Sur les dépens et frais irrépétibles

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société aux dépens et à payer à Mme [J] la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

La société sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] la somme de 2 000 euros pour la procédure d'appel au même titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société MAE à payer à Mme [J] la somme de 296,04 euros à titre de rappel de salaire ;

- débouté Mme [J] de ses demandes visant à juger que la démission produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'information et de prévention, de dommages et intérêts pour rupture abusive et de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- ordonné la remise de documents sociaux conformes au jugement ;

LE CONFIRME en ses autres dispositions déférées à la cour ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

DIT que la démission constitue une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société MAE [Localité 6] à payer à Mme [J] les sommes de :

- 11 366,21 euros à titre de rappel de salaire du 7 septembre 2019 au 31 décembre 2019 et 1 136,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents,

- 18 105,48 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 300 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'information et de prévention,

- 2 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE à la société MAE [Localité 6] de remettre à Mme [J] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société MAE [Localité 6] à payer à Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

DÉBOUTE Mme [J] de toute autre demande ;

CONDAMNE la société MAE [Localité 6] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/05088
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.05088 ?
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