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15/06/2023 | FRANCE | N°21/04928

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 15 juin 2023, 21/04928


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° 2023/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04928 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZHC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00412





APPELANTE



S.A.R.L. BOUCHERIE DE [Localité 2]

[Adresse 3]



[Localité 2]



Représentée par Me Karen DEVIN, avocat au barreau d'AUXERRE





INTIMÉE



Madame [G] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Florence FREDJ-CATEL,...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° 2023/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04928 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZHC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00412

APPELANTE

S.A.R.L. BOUCHERIE DE [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Karen DEVIN, avocat au barreau d'AUXERRE

INTIMÉE

Madame [G] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 juillet 2011 à effet du 15 juin 2011, la société Boucherie de [Localité 2] (ci-après la société) a embauché Mme [G] [M] en qualité de vendeuse polyvalente, niveau II échelon A moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 980 euros pour 151,67 heures à laquelle s'ajoutait la rémunération des heures supplémentaires ' la durée hebdomadaire de travail étant fixée à 38 heures.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Par lettre recommandée datée du 20 mars 2018, Mme [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La salariée a présenté un arrêt de travail du 20 mars au 13 avril 2018.

Sollicitant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicitant un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et un rappel de prime, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 20 avril 2018.

Par jugement du 16 mars 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

- requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à verser à Mme [M] les sommes suivantes :

* 3 823,14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 4 531,14 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 453,11 euros à titre de congés payés afférents ;

* 9 970,55 euros à titre de rappel de salaire (heures supplémentaires) pour la période allant de 2015 à 2018 ;

* 997,05 euros à titre de congés payés afférents ;

* 4 661,10 euros à titre de rappel de primes ;

* 466,11 euros au titre des congés payés afférents ;

- dit que ces sommes seraient assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de jugement, soit le 28 avril 2018 ;

* 15 860 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 13 593,42 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-1 du code civil ;

- ordonné la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat travail, d'un bulletin de salaire rectifiés conformes ;

- fixé une astreinte de 10 euros par jour et par document à compter du trentième jour suivant la notification du jugement ;

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 mars 1996 devront être supportées par elle ;

- condamné la société aux dépens, y compris aux éventuels frais d'exécution du jugement par voie d'huissier.

Par déclaration du 2 juin 2021, la société a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

et, statuant à nouveau,

- dire et juger que, du fait de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail au 20 mars 2018, la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires de Mme [M] antérieure au 21 mars 2015 est prescrite ;

- dire et juger que Mme [M] ne rapporte pas la preuve de la réalité et du quantum des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies sans en être payée ;

- dire et juger que Mme [M] ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires sur demande de son employeur ou du fait des nécessités de son travail ;

- dire et juger que Mme [M] n'établit pas que son employeur aurait eu connaissance des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies et qu'il aurait volontairement refusé de les lui payer ;

- dire et juger que Mme [M] n'établit pas le caractère moral et matériel de l'infraction de travail dissimulé ;

- dire et juger que la prime dont Mme [M] sollicite des rappels ne constituait pas un élément normal et permanent du salaire et ne lui était donc acquise ni dans son principe ni dans son quantum ;

- dire et juger que Mme [M] n'établit pas la réalité des griefs faits à son employeur et visés dans son courrier de prise d'acte de rupture du 20 mars 2018 ;

- dire et juger que Mme [M] ne démontre pas l'existence d'un lien entre son état de santé et ses conditions de travail ;

- dire et juger que, de l'aveu même de Mme [M] dans son courrier de prise d'acte de rupture, les manquements qu'elle reproche à son employeur à l'appui de celle-ci étaient anciens de sorte qu'ils ne faisaient manifestement pas obstacle à la poursuite de son contrat de travail et ainsi ne pouvaient justifier la prise d'acte de rupture de son contrat ;

- dire et juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme [M] doit s'analyser en une démission ;

en conséquence, à titre principal,

- débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

- la condamner à lui verser la somme de 2 061,67 euros à titre d'indemnité de nature à compenser le préavis non effectué ;

à titre très infiniment subsidiaire,

s'agissant de la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- dire et juger que les plannings versés aux débats par Mme [M] ne concernent qu'une partie de l'année 2017 ;

- débouter Mme [M] de ses demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires au titre des années 2015, 2016 et 2018, ainsi que du 1er au 15 janvier 2017, du 23 au 29 janvier 2017, du 20 au 26 février 2017, du 6 au 12 mars 2017, du 27 mars 2 avril 2017, et du 30 octobre 19 novembre 2017, en l'absence de planning produit ou en raison de plannings illisibles ;

- dire et juger que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires de Mme [M] doit être réduite de 32,5 heures supplémentaires majorées à 25 % au titre de l'année 2017, soit la somme de 552,22 euros bruts ;

en conséquence,

- dire et juger que la demande de rappel d'heures supplémentaires de Mme [M] ne saurait excéder la somme de 2 709,86 euros ;

- débouter Mme [M] du surplus de ses demandes ;

s'agissant de la demande de rappel de prime ;

- dire et juger que, sur la base du montant de 258,93 euros de prime mensuelle dont Mme [M] réclame le paiement mensuel, le rappel de prime auquel elle pourrait prétendre ne saurait excéder les sommes de :

* 258,76 euros pour l'année 2016 (puisque, selon elle, elle aurait dû percevoir un total de 3 107,16 euros alors qu'elle a perçu un total de primes à hauteur de 2 848,40 euros) ;

* 3 107,16 euros pour l'année 2017 ;

* 684,91 euros pour l'année 2018 (puisqu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 20 mars 2018 et ne peut donc solliciter, comme elle le fait, le versement de quatre mois de primes pour cette année 2018 mais, au plus et au prorata de son temps de travail, 258,93 euros pour le mois de janvier, autant pour le mois de février et 258,93 x 20/31 = 167,05 euros pour le mois de mars 2018) ;

en conséquence,

- dire et juger que la demande de rappel d'heures supplémentaires de Mme [M] ne saurait excéder la somme de 4 050,83 euros ;

- débouter Mme [M] du surplus de ses demandes,

s'agissant de l'indemnité liée à l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail,

- dire et juger que Mme [M] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice particulier résultant de la rupture de son contrat de travail et de nature à lui permettre l'octroi d'une indemnité supérieure à celle prévue par les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail soit, eu égard à son ancienneté, trois mois de salaire ;

- dire et juger que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [M] ne saurait excéder la somme de 6 797,14 euros ;

- débouter Mme [M] du surplus de ses demandes ;

en tout état de cause,

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance ;

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- condamner Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [M] demande à la cour de :

- juger recevable son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture est requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles formulées à son encontre ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

* 3 823,14 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 4 531,14 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 453,11 euros au titre des congés payés afférents ;

* rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période des années 2015 à 2018, outre les congés payés afférents : sur ce point juger, cependant, que le montant des heures supplémentaires sera ramené à la somme de 9 698,67 euros, outre congés payés afférents 969,87 euros ;

* 4 661,10 euros au titre d'un rappel de prime ;

* 466,11 euros au titre des congés payés afférents ;

assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation devant le bureau de jugement, soit à compter du 28 avril 2018 ;

* 13 593,42 euros au titre de l'indemnité pour le travail dissimulé ;

* 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

assorties des intérêts à compter du prononcé du jugement du 16 mars 2021 ;

* ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-1 du code civil ;

- juger que la prescription pour la période antérieure au 21 mars 2015 est acquise et, en conséquence, condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

* 9 698,67 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période des années 2015 à 2018 ;

* 969,87 euros au titre des congés payés afférents ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée des sommes relatives aux dommages et intérêts pour préjudice moral ;

statuant de nouveau,

- réviser le quantum des dommages et intérêts qui lui avaient été octroyés en réparation du préjudice subi pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et juger que ceux-ci devront être fixés à la somme de 30 000 euros ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 15 860 euros ;

- infirmer le jugement sur l'absence de condamnation pour les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ' préjudice non-professionnel et condamner la société à lui payer la somme de 10 000 euros ;

en tout état de cause,

- ordonner la délivrance de bulletins de salaire, attestation Pôle emploi, certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte, et d'en fixer une autre au besoin ;

- condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution ;

- juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations ordonnées, dans l'hypothèse où l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier, conformément à l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution, devra être supporté par le débiteur en supplément de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

La société soutient, en premier lieu, que la demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires est partiellement prescrite sur le fondement de l'article L. 3245-1 du code du travail. A cet égard, elle fait valoir que le contrat de travail a été rompu par la prise d'acte de la rupture le 20 mars 2018 de sorte que le rappel de salaire ne peut remonter au-delà du 21 mars 2015.

La société soutient ensuite que Mme [M] n'établit pas le quantum d'heures supplémentaires dont elle demande paiement. Elle fait valoir que Mme [M] produit :

- des décomptes d'heures unilatéralement établis, manuscrits et hebdomadaires, qui ne donnent aucune indication concrète sur les heures prétendument effectuées et qui ne lui permettent pas de répondre utilement ;

- des plannings qui ne concernent qu'une partie de l'année 2017, les autres plannings étant illisibles ou sans date ;

- des courriers de contestation et de réclamations d'heures supplémentaires dont elle n'a jamais été destinataire.

La société fait encore valoir que les temps de pause ne figurent pas sur ces plannings et que les horaires mentionnés ne coïncident pas avec les horaires d'ouverture de la boucherie et de son poste de vendeuse. Ainsi, selon l'employeur, le calcul d'heures supplémentaires doit être d'emblée réduit de 32,5 heures supplémentaires majorées à 25% au titre de l'année 2017 (soit de la somme de 552,22 euros) et le débouté s'impose pour l'année 2015 non couverte par la prescription et les années 2016 et 2018 en l'absence d'éléments suffisamment précis et crédibles. En tout état de cause, la société souligne que la durée de travail hebdomadaire de Mme [M] était de 38 heures pour tenir compte des horaires d'ouverture de la boucherie et du nombre de salariés en poste et qu'elle n'a jamais accompli 42 heures de travail par semaine.

Enfin, la société soutient que Mme [M] ne démontre pas qu'elle aurait effectuées de telles heures supplémentaires à la demande de l'employeur ou du fait des nécessités de service et que, pendant six ans, elle ne s'est d'ailleurs jamais plainte d'effectuer de telles heures supplémentaires.

Ce à quoi Mme [M] réplique qu'elle a accompli sept heures supplémentaires chaque semaine et qu'elle verse aux débats un décompte des heures effectuées de 2015 à 2018, les plannings établis par l'employeur ainsi qu'une contestation et réclamation au titre de ces heures tant auprès de l'employeur que de l'inspection du travail.

Elle fait valoir qu'au vu de sa fiche de poste, ses tâches n'étaient pas limitées à la vente ou à la tenue de la caisse pendant les horaires d'ouverture de la boucherie mais que ses journées de travail commençaient en réalité à 7 heures ou 8 heures et se terminaient vers 20 heures ou 20 heures 30. Elle fait également valoir que les 38 heures contractuellement prévues n'étaient pas suffisantes pour réaliser l'ensemble des tâches qui lui incombaient. Elle précise qu'elle a décompté des heures supplémentaires revendiquées son temps de pause de deux heures par jour. Mme [M] estime donc produire un faisceau d'indices concordants établissant qu'elle accomplissait des heures supplémentaires de manière régulière non réglées par l'employeur et qu'il appartient à celui-ci d'apporter la contradiction aux éléments apportés par elle par d'autres moyens que de simples allégations.

Mme [M] convient que la rupture du contrat de travail est intervenue le 20 mars 2018, quels que soient les effets produits par la prise d'acte de la rupture du contrat, de sorte que, eu égard à la prescription invoquée par l'employeur sur le fondement de l'article L. 3245-1 du code du travail, sa demande ne peut pas remonter au-delà du 21 mars 2015. Elle précise avoir ramené le quantum de sa demande à la somme de 2 446,76 euros bruts pour la période du 23 mars au 31 décembre 2015. Elle précise, en revanche, maintenir les montants sollicités pour les années 2016, 2017 et 2018 respectivement aux sommes suivantes : 3 126,41 euros, 2 854,55 euros (dont des heures supplémentaires à 50% à hauteur de 744,22 euros) et 526,73 euros.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

* sur la prescription partielle de la demande

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La prise d'acte entraîne la rupture immédiate du contrat de travail.

Or, en l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que le contrat de travail a été rompu le 20 mars 2018. Dès lors, en application de l'article L. 3245-1 précité, Mme [M] est irrecevable à solliciter le paiement d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 21 mars 2015.

* sur le fond

A l'appui de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, Mme [M] verse aux débats :

- des photographies de plannings hebdomadaires avec son prénom et celui des autres salariés et généralement le numéro de la semaine ; l'année n'est visible que sur certaines de ces copies ;

- un décompte manuscrit établi par elle faisant ressortir semaine par semaine entre le 23 mars 2015 et le 18 mars 2018 le nombre d'heures supplémentaires accomplies et le nombre d'heures supplémentaires payées ainsi que la majoration applicable et le montant du rappel de salaire ;

- une lettre recommandée réceptionnée par la DIRECCTE le 19 décembre 2017 cosignée par cinq salariés dont elle dans lequel ces salariés informent l'inspection du travail qu'ils accomplissent 42 heures par semaine et que seules 12 heures sur les 28 heures effectuées chaque mois leur sont réglées par l'employeur.

Le fait que l'année ne soit pas visible sur l'ensemble des plannings produits est sans incidence dès lors qu'il ne s'agit du seul élément produit par Mme [M]. Celle-ci verse, en effet, aux débats un décompte détaillé, semaine après semaine sur trois ans et justifie de l'habitude de l'employeur d'établir des plannings hebdomadaires avec les horaires de chaque salarié.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Or, force est de constater que l'employeur ne produit aucun élément, à commencer par les plannings litigieux établis par lui au cours de la période considérée.

Partant, eu égard à l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à Mme [M] la somme de 8 952 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires entre le 23 mars 2015 et le 18 mars 2018, outre la somme de 895,20 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera donc infirmée sur le quantum.

* sur le rappel de prime

La société soutient que la prime revendiquée par la salariée ne constituait pas un élément normal et permanent de sa rémunération de sorte que la demande de rappel pour les mois où elle en a été privée n'est pas fondée. Elle fait valoir que les primes et gratifications ne constituent pas un élément du salaire si elles ne sont pas obligatoires et qu'il en est ainsi d'une prime de résultats, d'un bonus variable ou d'une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. La société fait également valoir qu'il n'y a pas eu d'engagement unilatéral de sa part d'accorder aux termes d'un écrit un avantage aux salariés. La société fait encore valoir que les trois critères cumulatifs de l'usage d'entreprise ne sont pas réunis en l'espèce. Elle rappelle que la prime litigieuse n'était prévue ni au contrat de travail ni dans la convention collective.

Ce à quoi Mme [M] réplique que la prime mensuelle dont elle se prévaut était une prime de motivation ou prime de résultats selon les intitulés retenus sur les bulletins de salaire et que cette prime lui était régulièrement versée jusqu'à ce qu'en juillet 2016, l'employeur en réduise unilatéralement le montant en la divisant par deux et la supprime à compter de novembre 2016. Mme [M] fait valoir que le versement de cette prime résultait d'un usage et que la prime doit être considérée comme un élément de sa rémunération correspondant à un travail effectif, eu égard à la fixité et au montant de cette prime ainsi qu'à la régularité de son versement. Mme [M] fait également valoir qu'en tout état de cause, le versement de cette rémunération résulte d'un engagement unilatéral de l'employeur ne pouvant être dénoncé qu'explicitement et au terme d'un délai raisonnable ' ce que l'employeur n'a pas fait.

En l'espèce, la prime litigieuse n'est prévue ni par le contrat de travail ni par la convention collective. En présence d'une divergence des parties sur la qualification de la prime - à savoir gratification bénévole selon l'employeur, gratification résultant d'un usage dans l'entreprise ou d'un engagement unilatéral de l'employeur selon la salariée - il appartient à la cour de qualifier cette prime.

Or, il ressort de l'examen des bulletins de salaire produits par Mme [M] que celle-ci a perçu les primes suivantes :

- en 2015 : une « prime résultats » en mars de 517,63 euros ; une « prime résultats » en juin de 387,87 euros ; une « prime encouragement » en décembre de 452,53 euros ;

- en 2016 : une « prime résultat » de 258,95 euros en janvier, de 258,93 euros en février, de 776,80 euros en mars ; une « prime de motivation » de 258,95 euros en avril, de 258,95 euros en mai, de 258,95 euros en juin, de 129,49 euros en juillet, de 129,49 euros en août ; une « prime exceptionnelle » de 388,42 euros en septembre et une « prime de résultat » de 129,49 euros en octobre.

* sur l'existence d'un usage dans l'entreprise

Pour être qualifié d'usage, la prime doit remplir trois critères cumulatifs. En effet, il doit s'agir d'une pratique constante, fixe et générale.

Or, Mme [M] allègue sans toutefois démontrer l'existence d'un tel usage dans l'entreprise. Au-delà même de l'intitulé des primes, il n'est produit aucun élément sur les modalités de calcul des primes exposées précédemment et le caractère général de leur versement.

De plus, entre mars 2015 et octobre 2016, les versements ne présentent pas les caractères de constance et de fixité requis pour qu'un usage soit reconnu.

Partant, la cour conclut à l'absence de caractérisation d'un usage dans l'entreprise.

* sur l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur

Mme [M] ne verse aux débats aucun écrit constatant un tel engagement. A cet égard, le courrier non daté ' dont l'authenticité est d'ailleurs contestée par la société ' produit par la salariée et évoquant une augmentation de son salaire net de 200 euros à compter du 1er décembre 2015 ne peut s'analyser comme la consécration d'un engagement unilatéral de l'employeur. En l'occurrence, il ne ressort pas des éléments soumis à la cour que la salariée percevait régulièrement, même à partir de 2015 soit plusieurs années après son embauche, la prime dont elle se plaint d'avoir été privée à partir du mois de novembre 2016. En l'absence de constance et de régularité des versements, la prime revendiquée par Mme [M] ne résulte donc pas d'un engagement unilatéral de l'employeur.

En conséquence, la prime litigieuse réclamée à hauteur de 258,95 euros par mois pour la période de novembre 2016 jusqu'à la rupture du contrat de travail ne s'analyse pas en un élément de la rémunération de la salariée mais en une libéralité que l'employeur a pu diminuer puis supprimer à sa guise.

Mme [M] sera donc déboutée de sa demande de rappel de primes et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur le travail dissimulé

La société soutient qu'il ne peut lui être reproché un travail dissimulé dès lors que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires n'est pas fondée et que, même dans l'hypothèse où la cour accueillerait partiellement la demande de la salariée au titre des heures supplémentaires, le délit de travail dissimulé n'en serait pas pour autant caractérisé, faute de démontrer la volonté de l'employeur de dissimuler de telles heures.

Ce à quoi Mme [M] réplique que l'employeur l'a sciemment fait travailler sans lui verser la rémunération correspondant à toutes les heures supplémentaires et que ce non-paiement faisait partie de la politique de l'entreprise puisque cinq salariés ont effectivement dénoncé cette pratique à l'inspection du travail et au directeur général-fondateur de la société.

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, la cour a retenu un nombre d'heures supplémentaires non réglées sur trois ans conséquent compte tenu de la somme allouée à la salariée. L'importance de ces heures supplémentaires suffit à caractériser l'élément intentionnel requis pour conclure à l'existence d'un travail dissimulé.

Par conséquent, la société sera condamnée à payer à Mme [M] une somme de 13 593,42 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, dans la limite du quantum de la somme demandée. La décision des premiers juges sera donc confirmée.

Sur la rupture du contrat de travail

* sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat.

Sauf dans les cas où le régime probatoire est inversé à raison du manquement allégué, il appartient au salarié de rapporter la preuve du ou des manquement(s) suffisamment grave(s) allégué(s) empêchant la poursuite du contrat de travail.

Mme [M] invoque plusieurs manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles pour faire produire à la prise d'acte de la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- le non-paiement de la totalité des heures travaillées ;

- le non-respect des règles sur le repos hebdomadaire obligatoire ;

- le non-respect des règles relatives aux « DLC » imposant des man'uvres inappropriées ;

- des agissements managériaux dégradants et humiliants (violences verbales, insultes) et leur incidence sur sa santé.

Ce à quoi la société réplique qu'aucun des griefs n'est justifié et que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission. Elle réplique également qu'aux dires de la salariée, ces griefs existaient et perduraient depuis plusieurs années de sorte qu'ils n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.

* sur le grief tiré du non-paiement de la totalité des heures travaillées

La cour ayant retenu précédemment l'existence d'heures supplémentaires non payées sur la période non prescrite entre le 23 mars 2015 et le 20 mars 2018, le premier grief invoqué par Mme [M] à l'appui de sa prise d'acte est établi.

* sur le grief tiré du non-respect des règles sur le repos hebdomadaire obligatoire

En matière de repos, la charge de la preuve repose sur l'employeur. Il appartient donc à celui-ci de démontrer que, contrairement à ce que soutient Mme [M], le repos hebdomadaire obligatoire a été respecté.

Or, la société ne produit aucun élément de nature à justifier le respect de son obligation résultant des articles L. 3132-1, L. 3132-2 et L. 3132-13 du code du travail.

Dès lors, le deuxième grief invoqué par Mme [M] à l'appui de sa prise d'acte est établi.

* sur le troisième grief tiré du non-respect des dates limites de consommation obligeant à des man'uvres inappropriées

Mme [M], qui se borne à produire des photographies dont les circonstances de prise ne sont pas étayées, ne justifie pas, d'une part, du non-respect des dates limites de consommation et, d'autre part, des man'uvres inappropriées - au demeurant non précisées - que ce non-respect engendrait pour la salariée.

Dès lors, le troisième grief invoqué par Mme [M] à l'appui de sa prise d'acte n'est pas établi.

* sur le quatrième grief tiré des agissements managériaux dégradants et humiliants

Au soutien de ce grief, Mme [M] se prévaut de deux attestations :

- l'une de Mme [E] [P] qui n'est pas signée et qui est donc sans valeur juridique ;

- l'autre signée mais dont le nom de la personne n'est pas clairement lisible.

Outre que cette dernière attestation ne remplit pas les conditions requises par l'article 202 du code civil, son contenu ne porte pas sur les insultes et le manque de respect imputés à l'employeur.

Par ailleurs, le courrier collectif signé de cinq salariés et adressée au fondateur de la Boucherie du B'uf tricolore en octobre 2017 pour dénoncer un harcèlement moral de la part de M. [T] [B], gérant de la société, outre qu'il n'est pas invoqué par Mme [M], n'est pas conforté par des attestations émanant des signataires.

Dès lors, le dernier grief invoqué par Mme [M] à l'appui de sa prise d'acte n'est pas établi.

Les deux premiers griefs qui sont établis et qui ont perduré dans le temps jusqu'à la date de la prise d'acte sont suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Partant, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences

* sur l'indemnité compensatrice de préavis 

La société qui a conclu à l'infirmation de ce chef du jugement ne conclut pas néanmoins sur le quantum de cette indemnité tandis que Mme [M] a sollicité la confirmation du jugement à ce titre.

Suivant l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose :

Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [M] correspond au montant des salaires et avantages que la salariée aurait perçus si elle avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de deux mois, soit la somme de 4 531,14 euros dans la limite du quantum de la somme demandée, outre la somme de 453,11 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

Corollairement, la société sera déboutée de sa demande en paiement d'une somme destinée à compenser le préavis que Mme [M] n'a pas exécuté dès lors que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision des premiers juges sera également confirmée à ce titre.

* sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

La société qui a conclu à l'infirmation de ce chef du jugement ne conclut pas néanmoins sur le quantum de cette indemnité tandis que Mme [M] a sollicité la confirmation du jugement à ce titre.

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail et de l'article 35 de la convention collective, Mme [M] est fondée à obtenir une indemnité conventionnelle de licenciement égale à 3 823,14 euros, dans la limite du quantum de la somme demandée. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

* sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La société fait valoir que la somme réclamée par Mme [M] excède le barème légal et que la salariée n'avait pas justifiée en première instance de sa situation. La société observe que Mme [M] produit désormais des éléments qui établissent qu'elle a retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée à compter du 14 mai 2018. La société en conclut que si la salariée était fondée à percevoir une telle indemnité, son montant devrait en être limité à trois mois de salaire.

Ce à quoi Mme [M] réplique qu'elle a subi un préjudice important du fait de la rupture totalement imputable à l'employeur. Elle fait valoir que sa situation financière a été compliquée à la suite de la rupture du contrat de travail et qu'elle a eu des difficultés à retrouver un nouvel emploi. A cet égard, elle produit un contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 mai 2018 en qualité d'employée commerciale. Toutefois, sans s'expliquer sur les circonstances de la rupture de ce contrat, elle justifie ensuite d'une succession de contrats à durée déterminée (six) passés avec le Grand Hôpital de l'[4] pour les périodes suivantes : du 17 septembre au 31 octobre 2019 ; du 1er novembre au 31 janvier 2020 ; du 1er février au 31 juillet 2020 ; du 1er août au 31 janvier 2021 ; du 1er février au 31 juillet 2021 ; du 1er août 2021 au 31 janvier 2022.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la rupture du contrat de travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau soit en l'espèce entre trois et sept mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 48 ans - de son ancienneté - plus de six ans - de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications il sera alloué à Mme [M], en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 15 860 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera donc confirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

La société devra remettre à Mme [M] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision sans qu'il n'y ait lieu d'assortir l'injonction d'une astreinte.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Mme [M] soutient que la rupture de son contrat de travail a revêtu un caractère vexatoire notamment au regard de l'attitude injurieuse de l'employeur qui a eu sur l'ensemble des salariés des répercussions sur leur état de santé et que ce préjudice est distinct du préjudice professionnel subi.

Ce à quoi la société réplique que Mme [M] ne justifie ni du comportement vexatoire de l'employeur ni d'un préjudice moral ni d'un lien de causalité entre les deux.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, Mme [M] ne caractérise pas le caractère vexatoire de la rupture de son contrat de travail ' étant observé que la cour a jugé le grief tiré des agissements managériaux dégradants et humiliants non établi.

Mme [M] sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et la décision des premiers juges sera confirmée.

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société sera condamnée aux dépens en appel et la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à supporter les dépens de première instance.

La société sera également condamnée à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. La décision des premiers juges sur ces mêmes frais sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

CONFIRME le jugement sauf sur le quantum du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et sur le rappel de prime ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE Mme [G] [M] irrecevable partiellement en sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires à savoir pour la période antérieure au 21 mars 2015 ;

CONDAMNE la société Boucherie de [Localité 2] à payer à Mme [G] [M] les sommes suivantes :

- 8 952 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 895,20 euros au titre des congés payés afférents ;

DÉBOUTE Mme [G] [M] de sa demande de rappel de prime ;

ORDONNE à la société Boucherie de [Localité 2] de remettre à Mme [M] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la société Boucherie de [Localité 2] de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [G] [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités ;

CONDAMNE la société Boucherie de [Localité 2] à payer à Mme [G] [M] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Boucherie de [Localité 2] aux dépens sans autre précision.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/04928
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.04928 ?
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