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15/06/2023 | FRANCE | N°19/09018

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 juin 2023, 19/09018


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09018 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQMA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00224





APPELANT

Monsieur [E] [D]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Rep

résenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833





INTIMEE

SELARL GARNIER-[P] prise en la personne de Me [T] [P] ès qualité de mandataire liquidateur de...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09018 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQMA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00224

APPELANT

Monsieur [E] [D]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Nicolas BORDACAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833

INTIMEE

SELARL GARNIER-[P] prise en la personne de Me [T] [P] ès qualité de mandataire liquidateur de la société ALLIANCE CLIM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de MEAUX

PARTIE INTERVENANTE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE,

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Monsieur [D] a été embauché le 1er mars 2013 par la société Air Confor solaire suivant contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier Energies renouvelables, plombier chauffagiste, statut ouvrier, niveau 1 position 2 coefficient 170.

Son contrat a été transféré au sein de la société Alliance Clim avec laquelle un nouveau contrat est établi lui conférant les fonctions d'adjoint technique chauffage/plomberie/ENR, statut technicien, niveau F à compter du 1er mai 2016 et prévoyant une convention forfait de 218 jours par an.

La moyenne des rémunérations mensuelles servant au calcul des demandes ressort à 2.577,37 euros.

La convention collective applicable est celle des entreprises du bâtiment complétée par le protocole d'accord Seine-et-Marne.

M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 22 décembre 2017 aux torts de l'employeur.

Par jugement en date du 11 mars 2019 du Tribunal de commerce, la société Alliance Clim a fait l'objet d' une liquidation judiciaire, la Selarl Garnier [P], prise en la personne de Maître [T] [P] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux, lequel a par jugement du 17 juillet 2019:

- requalifié la prise d'acte de rupture du salarié en date du 22 décembre 2017 en démission,

- débouté M. [D] de sa demande de requalification de la prise d'acte de rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

- débouté M. [D] de sa demande d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents;

- débouté M. [D] de sa demande d'indemnité légale de licenciement;

- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement;

- condamné la SARL Alliance Clim à payer à M. [D] la somme de 2527 euros à titre de rappel de salaires et 252, 70 euros au titre des congés payés afférents;

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de jugement;

- condamné la société Alliance Clim à payer à M. [D] la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que cette somme portera intérêts à taux légal à compter du prononcé du jugement;

- ordonné à la SARL Alliance Clim à délivrer à M. [D] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent jugement et ce sous astreinte de 15 euros par jour et par document à compter de 15 jours après notification du présent jugement;

- dit que le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle;

- débouté la Sarl Alliance Clim de ses demandes reconventionnelles;

- condamné la Sarl Alliance Clim aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier du présent jugement;

- dit n' y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

M. [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée par la voie électronique le 16 août 2019.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 7 février 2023, M. [D] demande à la Cour de:

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de M. [D] devait produire les effets d'une démission ;

- confirmer le jugement dont il est fait appel en ce qu'il a condamné la société intimée à verser à M. [D] un rappel de salaire ;

Et statuant à nouveau sur les chefs incriminés,

- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [D] doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner l'inscription au passif de la société intimée et la prise en charge par les AGS des sommes suivantes :

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 12.886,85 euros;

Indemnité compensatrice de préavis 5.154,74 euros,

Congés payés afférents 515,47 euros,

Indemnité légale de licenciement 3.060,62 euros,

Rappel de salaires au titre de la majoration de 15% 2.527 euros, .

Congés payés afférents 252,70 euros,

Dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement 2.577,37 euros,

M. [D] sollicite également la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement à intervenir.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 3 février 2020, la Selarl Garnier-[P], prise en la personne de Maître [T] [P], demande à la Cour de:

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] [D] de sa demande de requalification de prise d'acte de rupture en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- infirmer ledit jugement en ce qu'il avait condamné la société Alliance Clim à payer à M. [E] [D] la somme de 2.527 euros à titre de rappels de salaire, outre les congés payés y afférents, pour 252,70 euros, et outre intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'orientation;

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement critiqué,

- juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [E] [D] doit s'analyser en une démission.

- débouter M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel,

- condamner M. [E] [D] à payer à la Selarl Garnier-[P], prise en la personne de Maître [T] [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Alliance Clim la somme de 2.577,37 euros au titre du préavis non effectué;

A titre subsidiaire, si la Cour devait entrer en voie de fixation et considérer que la prise d'acte de rupture doit être requalifiée en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en cas de fixation de dommages et intérêts au passif de la liquidation judiciaire,

- dire ce que de droit concernant les indemnités compensatrices de préavis et les congés payés y afférents,

- débouter M. [E] [D] de toute demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des dommages et intérêts fixés au passif de la liquidation judiciaire à l'équivalent d'un mois de salaire, soit 2.577,37 euros;

En tout état de cause,

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS CGEA de Châlon sur Saône dans les limites de sa garantie légale;

- condamner M. [E] [D] à payer à la Selarl Garnier [P], prise en la personne de Maître [T] [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Alliance Clim, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

- condamner M. [E] [D] aux dépens, en ce compris les frais d'exécution.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 17 février 2023, l'Unédic Délégation Ags CGEA de Chalon sur Saône demande à la Cour de:

Sur les demandes de M. [D],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] des indemnités de ruptures sollicités;

- infirmer le jugement sur les demandes de rappels de salaire et congés payés afférents

En conséquence,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

Sur la garantie de l'AGS

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

-dire et juger qu'en application de l'article L.3253-8 5 , la garantie de l'AGS ne couvre les créances de nature salariales éventuellement dues au cours de la période d'observation que dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail;

- dire et juger que les sommes éventuellement dues au cours de cette période seront plafonnées dans les conditions prévues à l'article D.3253-2 du Code du travail;

- En conséquence, dire et juger que toute fixation au passif de la procédure collective de créances de nature salariales au-delà de cette double limite sera inopposable à l'AGS;

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie;

- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du Code du travail.

-statuer ce que de droit quant aux frais d'instance (dont les dépens) sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'Unédic AGS.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été déclarée close le 22 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prise d' acte de la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Pour que la rupture produise les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis par le salarié, sur qui pèse la charge de la preuve, mais constituer, pris dans leur ensemble, des manquements suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Toutefois, le salarié n'est pas fondé à obtenir une indemnité à raison de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

En l'espèce, par courrier du 22 décembre 2017, M. [D] a notifié à la société Alliance Clim la prise acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

" Je reviens vers vous car je rencontre de grandes difficultés dans l'exercice de mon contrat de travail lesquelles m'empêchent d'exercer mes fonctions.

Pour rappel j'ai initialement débuté ma relation de travail avec la société Air Confort Solaire en qualité de plombier chauffagiste à compter du 1er mars 2013.

Suite à mon transfert au sein de votre entreprise, un nouveau contrat de travail a été conclu le 25 mai 2016 afin de modifier mes fonctions en qualité d'adjoint technique chauffage/plomberie/ENR-Statut technicien (niveau F).

Ce contrat prévoyait l'instauration d'une convention de forfait en jours.

Ainsi en application de la convention collective je devais bénéficier d'une majoration de salaire de quinze pour cent prévue pour les ETAM ayant conclu une convention individuelle de forfaits-jours.

Or, cette majoration ne m'a été appliquée qu'à compter du mois d'août 2017.

Par ailleurs, j'ai également effectué de nombreuses heures supplémentaires et heures de nuits dont je n'ai jamais été rémunéré.

J'ai à ce titre régulièrement été privé des temps de repos minimum.

En outre, je n'ai jamais bénéficié d'entretiens annuels pourtant obligatoires pour les salariés ayant conclu une convention de forfait.

Mon contrat de travail prévoyait également le versement d'une prime mensuelle calculée en fonction du chiffre d'affaires de la société, lequel n'a jamais été porté à ma connaissance.

J'ai tenté en vain de solliciter de vos services une explication.

Face à votre volonté de ne pas régulariser ma situation, je suis contraint de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs' ".

A l'appui de sa prise d' acte, M. [D] invoque en conséquence les manquements suivants de la société Alliance Clim :

-le défaut d'application à compter du contrat de travail conclu le 25 mai 2016 instaurant une convention de forfait en jour de la majoration de salaire de 15% prévue par la convention collective applicable ;

- l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires et heures de nuit dont il n'a pas été rémunéré et la privation des temps de repos minimum ;

- l'absence d'entretiens annuels ;

- le défaut de transmission du chiffre d'affaires de la société sur lequel la prime mensuelle était calculée.

Il convient de préciser que M. [D] ne forme pas de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs mais évoque leur réalisation au titre des manquements de l'employeur pour justifier la prise d'acte de la rupture.

La Selarl Granier [P], es qualité de mandataire liquidateur, conteste tout manquement aux motifs que :

- le salarié a attendu plus de quinze mois avant d'émettre la moindre contestation ;

- les motifs avancés au titre de la prise d'acte de la rupture sont injustifiés,

- certains griefs allégués dans la lettre de prise d'acte de rupture ne font l'objet d'aucune demande chiffrée, ni indemnitaire ;

- les faits et pièces font présumer que M. [D] a procédé à l'organisation d'une démission en la maquillant ;

- la poursuite du contrat de travail était une volonté réelle de l'employeur qui a tout mis en 'uvre, non seulement pour motiver le salarié à demeurer dans les effectifs de la société mais également pour dialoguer avec lui ;

- en tout état de cause si un manquement de l'employeur devait être constaté celui-ci n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

*Sur les griefs tenant au défaut d'application de la majoration de 15%, la réalisation d'heures supplémentaires et le défaut d'entretien annuel

L'article L. 3121-46 du code du travail prévoit qu'un entretien annuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

Aux termes du contrat de travail reprenant les dispositions de la convention collective applicable, il était prévu au titre de la durée du travail que " compte tenu de ses responsabilités, de sa fonction d'encadrement, des missions exercées et notamment un rythme d'activité qui s'organise par relation directe avec la clientèle et ses exigences ; les chantiers ainsi que des déplacements nécessaires, les horaires et la durée du travail du salarié ne peuvent être prédéterminés. Il bénéficie d'une réelle et autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et ne peut suivre l'horaire collectif.

Par conséquent, en application de l'article 4.2.9 de la convention collective national du bâtiment-Etam- la durée du travail du salarié est de 218 jours par an, incluant la journée de solidarité..

La situation du salarié sera examinée lors d'un entretien au moins annuel avec son supérieur hiérarchique. Cet entretien portera sur la charge de travail du salarié et l'amplitude de ses journées d'activité, qui doivent rester dans les limites raisonnables, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié.. ".

En l'espèce, alors que le salarié bénéficiant d'une convention de forfait de 218 jours depuis le 1er mai 2016, il n'a pas bénéficié d'entretien annuel en application de l'article L. 3121-46 précité et des dispositions du code du travail.

Il en découle que la conventon lui est inopposable et qu'uen demande au titre des heures supplémentaires est possible.

M. [D] reproche à la société Alliance Clim son rythme de travail, mettant en avant la réalisation 'd'heures supplémentaires et de nuit " et l'absence de temps de repos minimum.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant

Force est de constater que M. [D] ne sollicite pas le paiement d'heures supplémentaires mais la prise d'acte de la rupture en raison notamment de la réalisation d'heures supplémentaires.

Il verse plusieurs attestations émanant pour certains de salariés ayant été licenciés par la société faisant état en termes généraux de ce que M. [D] a effectué des heures supplémentaires non payées et des heures de nuit (attestations de Messieurs [B] et [Y], salariés de l'entreprise), qu'il a été servi par une serveuse d'un restaurant très souvent " au service de 20 heures avant sa prise de poste ", que M. [D] dépassait largement les heures réglementaires ", " il était courant de la voir prendre son travail le soir vers 17 heures et continuer à travailler jusqu'au lendemain, voir 4 heures d'affilée et certains jours dormir dans son camion " (attestations de Messieurs [Z] [J] et [V], agents de sécurité).

M. [D] adressait un courrier daté du 10 octobre 2017 à son employeur aux termes duquel il faisait valoir qu'il devrait bénéficier du règlement d'heures supplémentaires et des majorations pour les heures de nuit puisqu'entre janvier 2016 et mai 2017 il exécutait entre 70 heures et 80 heures de travail hebdomadaire en moyenne enchaînant au moins 2 à 3 fois par semaine le travail de nuit après une journée de travail , de jour sans que les 11 heures de repos entre 2 séquences prévues par sn contrat de travail ne soient respectés puis enchaînant à nouveau le travail de jour après un bref repos.

Au-delà des attestations qui ne sont pas circonstanciées, M. [D] ne rapporte pas des éléments suffisamment précis quant à des heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Aux termes du courrier du 10 octobre 2017, M. [D] réclamait la majoration de 15 % prévu par la convention collective correspondant à un nombre d'heures supplémentaires " raisonnable ".

Il s'évince de l'examen des bulletins de salaire que l'employeur a procédé à une régularisation de la rémunération forfaitaire à hauteur de 2611 euros en août 2017 en sus de la rémunération dite de base et a versé à compter de cette date une " majoration forfait " de 363 euros.

Le reliquat s'élève donc selon les termes du dispositif des écritures du salarié à la somme de 2527 euros, outre les congés payés afférents.

Toutefois, la somme ainsi arrêtée, réclamée également au titre de rappel de salaire, alors que l'employeur avait procédé en partie à une régalurisation et avait versé des primes assez conséquentes à son salarié à plusieurs reprises en complément, ne saurait être jugée de nature à empêcher la poursuite de la relation contractuelle.

Il n'est par ailleurs pas contesté qu'en méconnaissance de l'article L. 3121-46 du code du travail, M. [D] n'a pas eu d'entretien annuel individuel. Toutefois, il doit être observé que M. [D], qui était soumis au régime du forfait en jours depuis mai 2016, c'est-à-dire depuis un an, n'a à aucun moment hormis lors de sa prise d'acte émis la moindre contestation de ce chef de sorte qu'il ne saurait être admis que ce manquement, certes imputable à l'employeur, présente au regard de sa courte durée une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

*Sur le grief tenant à l'absence de communication du chiffre d'affaires de la société

M. [D] fait grief à son employeur de ne pas lui avoir communiqué le chiffre d'affaires conditionnant sa rémunération variable

En matière de rémunération variable, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [D] précise que 's'ajoutera au salaire fixe une rémunération variable dont les conditions seront fixés par avenant pour chaque exercice en fonction des objectifs convenus, du potentiel et de l'évolution du secteur du salarié, de la politique commerciale de la société Alliance Clim.

Pour la première année, cette variable s'établit comme suit :

-une prime mensuelle brute sur le chiffre d'affaires hors taxes mensuel réalisé par l'entreprise Alliance Clim le mois précédent ;

Si le chiffre d'affaires est inférieur à 70.000 euros 0 euros ;

Si le chiffre d'affaires est supérieur à 70.000 euros et inférieur à 80.000 euros prime de 80 euros ;

Si le chiffre d'affaires est supérieur à 80.000 euros et inférieur à 90.000 euros prime de 130 euros ;

Si le chiffre d'affaires est supérieur à 90.000 euros et inférieur à 100.000 euros prime de 200 euros ;

Si le chiffre d'affaires et supérieur à 100.000 euros mais inférieur à 150 000 euros prime de 380 euros ;

Si le chiffre d'affaires est supérieur à 150 000 euros prime de 500 euros.

La rémunération variable ici présentée porte sur des notions de chiffre d'affaires à périmètre constant.

De ce fait la structure comme les modalités de la rémunération de M. [D] seront nécessairement amenées à varier d'un exercice sur l'autre pour permettre de rester en conformité avec la politique commerciale de la société mais également aux contraintes et objectifs économiques du secteur sur lequel il sera demandé au salarié d'intervenir.

Dans le cadre du plan de rémunération variable évoqué ci-dessus, M. [D] sera assujetti à des objectifs fixés annuellement par l'employeur après discussion avec le salarié , en tenant compte notamment du potentiel du secteur, des clients et prospects existants, des résultats antérieurs et de la situation du marché.

Si au 1er avril de chaque année il n'y a aucun accord entre les parties concernant la rémunération variable alors les plafonds et planchers resteront inchangés'.

Il n'est pas démontré que l'employeur a communiqué au salarié le chiffre d'affaires lui permettant de calculer sa prime variable.Toutefois, aucune disposition ne lui imposait de le faire par écrit.

Toutefois, le mandataire fait état de ce que l'employeur rencontrait et échangeait régulièrement avec ses salariés, en ce compris M. [D], pour évoquer l'activité de l'entreprise.

Au delà de ces échanges et réunions d'information qui sont établis par les pièces versées aux débats, il ressort de l'examen des bulletins de salaire produits que M. [D] a perçu au titre de primes sur le chiffre d'affaires les sommes suivantes:

- 380 euros en juillet 2016;

- 80 euros en septembre 2016;

- 80 euros en décembre 2016;

- 500 euros en janvier 2017;

- 200 euros en avril 2017;

- 80 euros en juin 2017;

outre des primes exceptionnelles de 200 euros en novembre 2016, 900 euros en décembre 2016 et 550 euros en mars 2017.

Ainsi que le souligne le conseil de prud'hommes dont la motivation doit être approuvée, les montants perçus correspondent à ceux déterminés par les dispositions du contrat de travail applicables.

Il s'en évince que le manquement de l'employeur de communiquer le chiffre d'affaires ne peut être retenu.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'approuver le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de M. [D] produisait les effets d'une démission et l'a débouté de ses demandes consécutives à une prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera dès lors confirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaires

Ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, la convention collective applicable prévoit que ' le salaire minimum conventionnel correspondant à la qualification ETAM ayant conclu une convention individuelle de forfait jours est majoré de 15%.

En l'espèce, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, M. [D] réclame la somme de 2527 euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents, somme qui a été retenue par les premiers juges.

Le mandataire conclut pour sa part que les 15 % sont compris dans la rémunération versée à compter du mois de mai 2016 aux motifs que l'employeur a intégré ces 15% en augmentant le salaire de plus de 21 %.

Toutefois, ainsi que jugé par le conseil de prud'hommes, l'employeur a effectué un remboursement partiel suite à la réclamation du salarié et a attribué à compter d'août 2017 cette indemnité figurant sur les bulletins de salaire à titre de ' majoration forfait 15%', reconnaissant ainsi que cette somme doit être versée en sus du salaire de base, outre les congés payés afférents.

La créance sera par voie d'infirmation du jugement fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Sur les autres demandes

Le mandataire liquidateur es qualités devra remettre un bulletin de salaire conforme au présent arrêt.

La présente décision est opposable à l'Unédic l'Unédic Délégation Ags CGEA de Chalon sur Saône dans les termes des articles L.3253 et suivants du code du travail et ce dans la limite de sa garantie.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation économique de l'entreprise et à l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

Les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Alliance Clim à payer à M. [D] la somme de 2527 euros à titre de rappel de salaire et 252, 70 euros au titre des congés payés afférents et ordonné à la Sarl Alliance Clim de délivrer à M. [D] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes au présent jugement et ce sous astreinte de 15 euros par jour et par document à compter de 15 jours après notification du présent jugement et dit que le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une nouvelle;

L'INFIRMANT de ces chefs;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

FIXE les créances de M. [E] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société Alliance Clim aux sommes suivantes:

2527 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la majoration de 15%;

252, 70 euros bruts au titre des congés payés afférents;

PRECISE que les jugements d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majoration,

DIT la présente décision opposable à l'Unédic l'Unédic Délégation Ags CGEA de Chalon sur Saône dans les termes des articles L.3253 et suivants du code du travail et ce dans la limite de sa garantié;

ORDONNE à la Selarl Garnier-[P] prise en la personne de Me [T] [P] es qualité de mandataire liquidateur de la société Alliance Clim de remettre à M. [E] [D] un bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles;

DIT que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure;

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/09018
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;19.09018 ?
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