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15/06/2023 | FRANCE | N°19/08988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 juin 2023, 19/08988


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° 334, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08988 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQHQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 17/00672





APPELANTE



Madame [L] [M]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Bintou DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMEES



Société SAMSIC I,

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe SUARD, avocat au barreau de PARI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° 334, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08988 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQHQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 17/00672

APPELANTE

Madame [L] [M]

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Bintou DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEES

Société SAMSIC I,

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe SUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0536

Société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL SA

[Adresse 9]

[Localité 13]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

SELARL A&M AJ ASSOCIES prise en la personne de Me [P] [O] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

SELARL AJRS prise en la personne de Me [G] [C] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

SCP MJC2 A prise en la personne de Me [X] [S] en qualité de mandataire judiciaire de la SA PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

SELAFA MJA prise en la personne de Me [B] [U] en qualité de mandataire judiciaire de la SA PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Thibaud DESSALLIEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1003

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Mme [L] [M] a été engagée en qualité d'agent de service à temps partiel le 17 mai 2004 par la société SEMS. Elle a été affectée sur le site EDF de [Localité 15].

Par application de l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté, à la suite de la reprise de ce marché par la société Samsic I à compter du 1er novembre 2013, Mme [M] est devenue salariée de cette dernière à hauteur de 20 heures de travail par semaine.

Aux termes d'un avenant du 7 avril 2016, la durée de travail de Mme [M] a été augmentée et elle a été ainsi affectée sur le site de [Localité 15] de l'OGF 91 pour 2 heures par semaine. Mme [M] percevait ainsi un salaire mensuel brut de 1 001,96 euros pour 22 heures de travail par semaine.

Le 1er avril 2017, la société Samsic I a perdu le marché du site OGF 91 au profit de la société PEI (Propreté Environnement Industriel).

Les deux sociétés comptent plus de dix salariés et appliquent les dispositions de la convention collective des entreprises de propreté.

Le 30 avril 2017, le contrat commercial de prestation de nettoyage avec EDF a pris fin à la suite de la fermeture du site de [Localité 15].

Estimant que la société Samsic I ne lui fournissait plus de travail depuis plusieurs mois, Mme [M] a saisi le conseil de Prud'hommes d'Evry-Courcouronnes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par requête du 17 août 2017.

La société Samsic I a convoqué Mme [M] à un entretien préalable au licenciement par courrier daté du 27 septembre 2017 au motif de son absence sur le site de sa nouvelle affectation à [Localité 14]. Elle a été licenciée pour faute grave par courrier du 3 novembre 2017.

La société PEI a également convoqué Mme [M] à un entretien préalable de licenciement fixé au 21 novembre 2017, puis l'a licenciée par courrier du 18 décembre 2017 également pour absence injustifiée et prolongée depuis le 1er avril 2017 sur le site OGF 91.

Par jugement du 11 juillet 2019, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [L] [M] est justifié,

- débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Samsic I de sa demande reconventionnelle,

- laissé les entiers dépens à la charge de Mme [M].

La société Propreté Environnement Industriel a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 30 avril 2018 puis d'un plan de sauvegarde arrêté par jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 juillet 2019, avec désignation de Me [C] [G], la SELARL A&M AJ Associés en la personne de Me [O] [P], commissaires à l'exécution du plan et maintien de la SELAFA MJA en la personne de Me [U] [B] et la SCP [S] [X] comme mandataires judiciaires.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 12 août 2019, Mme [M] a interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 13 février 2023, Mme [M] demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et se faisant :

A titre principal :

- requalifier son licenciement en un licenciement nul et condamner la société SAMSIC à lui payer les sommes suivantes :

3 673,85 € nets à titre d'indemnité de licenciement

2 003,92 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 200,39 € de congés payés afférents

250,49 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

364,16 € à titre de rappel de salaire d'avril à juillet 2017 et 36,42 € de congés payés afférents

2 645,55 € à titre de rappel de salaire du 18 août 2017 au 3 novembre 2017 et 264,55 € de congés payés afférents

21 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 3 novembre 2017 et condamner la société SAMSIC à lui payer les mêmes sommes, ainsi que 21 000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire :

- requalifier le licenciement de madame [M] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société SAMSIC à lui payer les mêmes sommes ;

En tout état de cause :

- condamner la société PEI à lui payer la somme de 2 000 € nets à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- condamner la société SAMSIC à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SAMSIC aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 30 décembre 2019, la société SAMSIC I demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Sur la demande de résiliation judicaire du contrat de travail :

- Constater que Mme [M] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un manquement suffisamment grave et rendant impossible la poursuite du contrat de travail à l'encontre de son employeur pouvant ainsi justifier la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

En conséquence,

- Débouter Mme [M] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Sur le licenciement de Mme [M] :

- Débouter Mme [M] de sa demande de nullité du licenciement,

- Débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,

À titre principal,

- Dire et juger bien-fondé le licenciement pour faute grave de Mme [M] ;

- Débouter Mme [M] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la Cour considérait que le comportement de Mme [M] n'est pas constitutif d'une faute grave :

- juger que le licenciement de Mme [M] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Débouter Mme [M] de sa demande tendant à l'allocation de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre infiniment subsidiaire,

Si, par extraordinaire, la Cour devait estimer que le licenciement de Mme [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Vu le défaut caractérisé de la preuve d'un préjudice supérieur au minimum légal prévu à l'article L.1235-3 du Code du travail,

- Limiter strictement l'allocation de dommages intérêts éventuellement dus à Mme [M] à la somme de 5.075,40 €, soit 6 mois de salaires ;

En tout état de cause :

- Débouter Mme [M] de ses autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- Condamner Mme [M] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 28 janvier 2020, la société Propreté Environnement Industriel, la SELARL AJRS en la personne de Me [C] [G], la SELARL A&M Associés en la personne de Me [O] [P], ès qualités de Commissaires à l'exécution du plan, la SELAFA MJA en la personne de Me [U] [B] et la SCP [S] [X], en qualité de mandataires judiciaires de la société PEI, demandent à la cour de:

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

- Constater que la mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcée par la société PEI à l'encontre de Mme [M] était justifiée,

- Constater le caractère infondé de la demande de Mme [M] sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, tant sur le principe que sur le quantum et l'absence de preuve de tout préjudice

- Débouter Mme [M] de toutes ses demandes fins et conclusions vis à vis de la société PEI

A titre subsidiaire et si par impossible la Cour envisageait de réformer le jugement et décidait d'accorder une quelconque somme à Madame [M] en condamnant la société PEI:

Constater que Mme [M] ne remplissait aucunement les conditions pour être transférée au sein de la société PEI et que la société Samsic n'aurait jamais dû inclure son dossier dans le transfert

Dire et juger que la société Samsic est responsable de la situation résultant vis à vis de la société PEI du transfert du contrat de travail de Mme [M],

En conséquence:

Condamner la société Samsic à relever et garantir la société PEI de toute condamnation prononcée en faveur de Madame [M],

Condamner Mme [M] ou subsidiairement la société SAMSIC à payer à la société PEI la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 8 mars 2023.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du licenciement

Mme [M] soutient que son licenciement est en réalité une mesure de rétorsion à l'action en justice qu'elle a introduite à l'encontre de son employeur et qui doit donc être annulé. Elle expose en substance que depuis le mois d'avril 2017, elle n'a pu exercer ses fonctions sur le site OGF 91 que la société Samsic avait perdu et que le 2 mai 2017 elle a également appris par un salarié de la société EDF que le site était définitivement fermé ; qu'elle n'a alors plus perçu la totalité de ses salaires et que ce n'est qu'à la suite du courrier de son conseil le 29 mai 2017 que la société Samsic a répondu qu'elle aurait refusé sa nouvelle affectation et qu'elle aurait dû prendre un nouveau poste le 15 mai 2017, ce qu'elle conteste ; qu'ainsi, elle a reçu un courrier de convocation à entretien préalable deux jours seulement après que le Conseil de Prud'hommes a convoqué les parties le 25 septembre 2017 à l'audience de conciliation et la société Samsic ne justifie d'aucun fait fautif postérieur à la demande de résiliation judiciaire.

La société Samsic I rétorque que l'absence injustifiée de Mme [M] sur le site de sa nouvelle affectation à Bondoufle a commencé avant la saisine du Conseil de Prud'hommes et a perduré jusqu'à son licenciement et que c'est ce manquement caractérisé et prolongé de Mme [M] à ses obligations résultant du contrat de travail qui fonde le licenciement.

***

Est nul le licenciement d'un salarié intervenu en violation d'une liberté fondamentale telle que celle d'ester en justice.

Il ressort des pièces produites aux débats que la salariée a été licenciée par la société Samsic pour absence injustifiée sur le site de sa nouvelle affectation et après plusieurs mises en demeure de rejoindre son poste, notamment du 11 août 2017.

Il en découle que lorsque la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail par requête du 17 août 2017, elle avait déjà été informée par son employeur de sa nouvelle affectation qu'elle a refusé de rejoindre, refus maintenu lors de l'engagement de la procédure de licenciement.

Par conséquent, il ne peut être utilement soutenu que l'engagement de cette procédure par courrier du 27 septembre 2017 serait en réalité une mesure de rétorsion à l'égard de la salariée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité.

Sur la demande de résiliation judiciaire

La salariée fonde sa demande de résiliation sur plusieurs manquements de la société Samsic à son égard. Elle fait valoir en substance que la société Samsic a manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté en lui appliquant frauduleusement l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté, que son employeur a également modifié sans son accord son contrat de travail en réduisant son temps de travail sur le lieu de sa nouvelle affectation et enfin a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle.

La société Samsic I conteste tout manquement suffisamment grave de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Elle précise notamment avoir signé avec Mme [M] un avenant au contrat de travail le 1er avril 2017 actant de la réduction de son temps de travail du fait de son transfert partiel au sein de la société PEI et qu'ainsi elle n'a pas modifié unilatéralement le contrat de travail de la salariée.

***

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation est fondée.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de1'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article 1222-1 du code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

L'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté afférent à la perte de marchés stipule que :

« L'entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l'entreprise sortante dès qu'elle obtient ses coordonnées. Elle doit également informer le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel de l'attribution d'un nouveau marché.

Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100% du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :

A'Appartenir expressément :

' soit à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois «exploitation» de la classification nationale des emplois (AS, AQS, ATQS et CE) et passer sur le marché concerné 30% de son

temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante ;

' soit à l'un des 2 premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification

nationale des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné (')».

Il ressort des pièces contractuelles que par avenant au contrat de travail en date du 7 avril 2016, la durée de travail a été portée à 95,33 heures mensuelles pour un salaire brut mensuel de 947,58 euros, Mme [M] étant affectée comme suit :

- site d'OGF 91 à [Localité 15] pour 2 heures par semaine (mardi et jeudi) ;

- site EDF dans la même commune pour 20 heures par semaine du lundi au vendredi de 17h à 21h.

Or, s'il n'est pas contesté que la société Samsic I a perdu le marché OGF à compter du 1er avril 2017 au profit de la société PEI, cette perte de marché n'entraînait pas un transfert partiel du contrat de travail de la salariée puisque celle-ci occupait sur le site OGF moins de 30% de son temps de travail total (2 heures hebdomadaires sur 22).

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Samsic I, Mme [M] n'est pas devenue salariée de la société PEI pour une durée de 2 heures hebdomadaires par l'effet de la convention collective et son temps de travail devait être maintenu en son sein pour 22 heures hebdomadaires.

Par ailleurs, si la société Samsic produit un avenant au contrat de travail en date du 1er avril 2017 mentionnant une diminution des heures de travail de la salariée de 22 à 20 heures hebdomadaires, force est de constater que cet avenant ne mentionne pas la perte du marché OGF pour 2 heures par semaine et il n'est produit aucun courrier alors adressé à la salariée que ce soit de la société Samsic I ou de la société PEI l'informant de la perte du marché et de son transfert (même erroné) au sein de cette dernière.

En effet, ce n'est que par courrier du 7 juillet 2017, en réponse à la correspondance du conseil de Mme [M], que la société Samsic I l'informait que le marché OGF était désormais attribué à la société PEI et par courrier du 18 juillet 2017, que cette dernière lui écrivait pour lui demander de justifier de son absence depuis le 1er avril 2017.

Enfin, si l'avenant du 1er avril 2017 produit par la société Samsic I porte une signature similaire à celles de Mme [M] figurant sur les contrats précédents, force est de constater l'absence de la mention 'lu et approuvé' pourtant requise et alors que la salariée, de nationalité malienne, soutient sans être contredite qu'elle ne savait ni lire ni écrire et que sa fille l'accompagnait pour ses démarches administratives.

Il découle de ces éléments que quand bien même la salariée aurait signé l'avenant du 1er avril 2017, la cause de la réduction de son temps de travail de 22 à 20 heures hebdomadaires, telle qu'affirmée par la société Samsic I est erronée, ce que ne pouvait ignorer cette dernière qui pratique régulièrement les transferts de contrat dans le cadre de l'annexe 7 de la convention collective applicable à son activité.

Ainsi, il s'en déduit que c'est en violation de son obligation de loyauté et de bonne foi que la société Samsic I a réduit le temps de travail de la salariée, réduction qui a également eu pour effet de diminuer son salaire mensuel.

Ce comportement déloyal de la société Samsic I est suffisamment grave pour empêcher à lui seul la poursuite du contrat de travail de la salariée et il sera donc fait droit à la demande de résiliation judiciaire qui produira effet le 3 novembre 2017, date de la rupture du contrat.

Sur les demandes pécuniaires

Sur le rappel de salaires

Mme [M] sollicite, d'une part, le paiement des 2 heures hebdomadaires qui ne lui ont pas été payées par son employeur du mois d'avril 2017 au mois de juillet 2017 pour une somme de 364,16 euros (sur la base de 91,01 euros par mois) et, d'autre part, un rappel de salaires du 18 août 2017 au 3 novembre 2017, aucune rémunération ne lui ayant été versée sur cette période, pour une somme totale de 2 645,55 euros (sur la base d'un salaire mensuel de 1001,96 euros).

La société Samsic I s'oppose à cette demande.

Il ressort des fiches de paie et il n'est pas contesté que la société Samsic I a versé à Mme [M] jusqu'en mars 2017 la somme mensuelle de 1001,96 euros bruts correspondant à 22 heures par semaine, puis entre avril et juin 2017 la somme de 910,95 euros correspondant à 20 heures hebdomadaire et enfin aucun salaire au delà.

Sur la première période, c'est en violation des dispositions de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté afférent à la perte de marchés que la société Samsic I a réduit le temps de travail de Mme [M] de 2 heures par semaine, aux termes d'un avenant qui ne peut être opposé à cette dernière dans le contexte précédemment décrit de déloyauté et d'absence d'information donnée à la salariée sur la perte du contrat OGF.

La société Samsic I sera donc condamnée au paiement de la somme réclamée sur cette première période, soit 364,16 euros bruts et les congés payés afférents.

Sur la seconde période, la société Samsic I fait valoir à juste titre que le contrat de travail de Mme [M] signé le 4 novembre 2013 contenait une clause de mobilité mentionnant qu'elle pouvait être affectée sur d'autres sites dans le département de l'Essonne et dans les départements limitrophes.

Il est établi qu'à compter du 30 avril 2017 le contrat commercial de prestation de nettoyage du site EDF de [Localité 15] a pris fin, le site ayant été fermé définitivement et la société Samsic I produit un courrier recommandé du 2 mai 2017 reçu par la salariée le lendemain, aux termes duquel Mme [M] était informée de cette fermeture et de sa nouvelle affectation sur le site STEF situé à [Localité 14] (Essonne) à compter du 15 mai 2017 avec les mêmes horaires que sa précédente affectation.

La société justifie également avoir adressé plusieurs lettres recommandées à la salariée ou à son conseil les 7 juillet 2017, 11 et 23 août 2017 proposant une rupture conventionnelle ou demandant, à défaut d'accord, que Mme [M] prenne ses fonctions.

Or, cette dernière soutient à tort que cette affectation ne portant que sur 20 heures au lieu de 22 elle était en droit de la refuser. En effet, même en présence d'une contestation sur le temps de travail de la salariée, cette question est distincte de celle des affectations et en l'occurrence le poste sur lequel elle a été affectée pour 20 heures se situait dans le secteur géographique prévu par sa clause de mobilité et qui plus est aux mêmes horaires que le poste précédent.

Ainsi, la nouvelle affectation sur le site STEF à [Localité 14] constituait un simple changement des conditions de travail, et non une modification du contrat de travail, ledit changement s'imposait donc à Mme [M].

Il en découle que sur cette seconde période, en l'absence de tout travail effectif pour les 20 heures affectées régulièrement au site de [Localité 14], Mme [M] ne peut obtenir que le paiement des deux heures hebdomadaires qui lui ont été retirées à tort et pour lesquelles aucune affectation n'a été proposée par la société Samsic, soit la somme de 228,98 euros bruts et les congés payés afférents.

Au total, le rappel de salaires s'élève à la somme de 593,14 euros bruts et les congés payés afférents.

Sur les indemnités de rupture

La résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [M] ayant plus de deux ans d'ancienneté, son indemnité compensatrice de préavis est égale à deux mois de salaire sur la base de 22 heures mensuelles, soit 2 003,92 euros bruts, outre 200, 39 euros de congés payés afférents.

Eu égard à son ancienneté de 13 ans et six mois, elle a droit également à une indemnité légale de licenciement de 2 185,72 euros, compte tenu de la moyenne des salaires versés sur les douze derniers mois (rappel inclus), plus favorable que la moyenne des trois derniers.

Mme [M] réclame également la somme de 250,49 euros à titre d'indemnité de congés payés pour 7,5 jours sans plus de précision sur le fondement de cette demande qui sera donc rejetée.

Par ailleurs, l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la cause dispose que lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l'article.

Pour une ancienneté de 13 ans, l'indemnité minimale s'élève à 3 mois de salaire brut et l'indemnité maximale est de 11,5 mois.

Eu égard à l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail, à son salaire moyen sur les douze derniers mois, à son ancienneté et à sa situation personnelle postérieure à la rupture (attestation de Pôle emploi de versement de l'ARE), il convient de lui allouer la somme de 6.200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, selon l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La société sera ainsi condamnée à rembourser les indemnités versées à Mme [M] à hauteur de 6 mois.

Sur la demande à l'égard de la société PEI

La salariée soutient que la société PEI a prêté son concours à la société Samsic afin de créer une situation de confusion et pour lui imposer une application frauduleuse de l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté puisqu'elle ne remplissait pas les conditions conventionnelles de transfert de son contrat de travail.

L'article 1240 du code civil dispose que : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Si la société PEI justifie avoir établi un avenant au contrat de travail au nom de Mme [M], force est de constater qu'elle ne justifie pas avoir informé la salariée de sa reprise du marché OGF en avril 2017, ni de la mise à sa disposition de cet avenant et ce n'est que le 18 juillet 2017 soit plusieurs mois après la reprise du marché qu'elle a adressé un courrier à Mme [M] pour lui reprocher son absence.

Cette carence d'information à l'égard de Mme [M] qui restait dans l'ignorance de sa situation lui a causé un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 300 euros.

Toutefois, comme le rappelle la société PEI, Mme [M] ne remplissait pas les conditions du transfert conventionnel et c'est donc à tort que la société Samsic I l'a incluse dans le personnel devant être transféré.

Il y a donc lieu de condamner la société Samsic I à garantir le paiement de cette somme.

Sur les demandes accessoires

La société Samsic I qui succombe supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par la salariée à hauteur de 2 000 euros. Les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant':

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Mme [M] à la société Samsic I à la date du 3 novembre 2017, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Samsic I à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

593,14 euros bruts à titre de rappel de salaire d'avril à novembre 2017 et 59,31 euros bruts de congés payés afférents,

2 185,72 euros à titre d'indemnité de licenciement,

2 003,92 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 200,39 euros bruts de congés payés afférents,

6 200 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Samsic I à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée à hauteur de six mois ;

CONDAMNE la société PEI à payer à Mme [M] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société Samsic I à garantir la société PEI du paiement de cette somme ;

CONDAMNE la société Samsic I aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/08988
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;19.08988 ?
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