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15/06/2023 | FRANCE | N°19/08983

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 15 juin 2023, 19/08983


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 15 JUIN 2023



(n° 333, 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08983 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQG6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juin 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/06771





APPELANTE

Madame [X] [Z] épouse [K]

[Adresse 1]
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Représentée par Me Nadia TIGZIM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1340





INTIMÉE

SAS NEO-SOFT SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Elodie STIERLEN...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 15 JUIN 2023

(n° 333, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08983 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQG6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juin 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/06771

APPELANTE

Madame [X] [Z] épouse [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadia TIGZIM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1340

INTIMÉE

SAS NEO-SOFT SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Elodie STIERLEN, avocat au barreau de RENNES, toque : 27

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

Mme [X] [Z] épouse [K] (ci-après Mme [Z]) a été engagée à compter du 28 juillet 2008 par contrat de travail à durée indéterminée par la société Néo-Soft Services, en qualité d'ingénieur informatique.

La société, spécialisée dans le secteur d'activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques, emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective dite Syntec.

A la suite de la naissance de son deuxième enfant et après un congé parental, Mme [Z] a obtenu la réduction de son temps de travail à 32 heures par semaine dans le cadre d'un congé parental d'éducation à temps partiel à compter de sa reprise le 1er janvier 2016 et ce jusqu'au 1er janvier 2017.

Le 21 octobre 2014 a été signé un accord GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) au sein de la société Néo-Soft Services comprenant notamment des dispositions relatives à la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.

Le 4 janvier 2016, Mme [Z] a bénéficié d'un rendez-vous relatif à sa situation d'inter-contrat où elle indiquait à son employeur deux zones de mobilité possibles : le Centre et le Nord-Ouest.

Le 15 février 2016, l'employeur a transmis à la salariée une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, relative à son lieu de travail en étendant le périmètre de sa mobilité aux régions Centre et Nord-Ouest.

Mme [Z] n'a pas répondu à cette proposition.

Le 22 novembre 2016, la société Néo-Soft Services a adressé à la salariée un projet de mission à effectuer sur [Localité 3], précisant qu'il s'agissait de la mise en 'uvre de sa mobilité GPEC.

Le 24 novembre 2016, la société Néo-Soft Services a informé Mme [Z] du retour positif du client et de sa volonté d'un début de mission au 5 décembre 2016.

Le lendemain, la salariée a été placée en arrêt maladie jusqu'au 11 décembre 2016, lequel sera renouvelé jusqu'à la rupture du contrat.

Par un mail en date du 30 novembre 2016, puis un courrier recommandé du 2 décembre 2016, la salariée a indiqué à son employeur, d'une part, ne pas correspondre au profil recherché par le client et, d'autre part, que cette mission n'était pas compatible avec sa vie personnelle.

Des échanges ont eu lieu entre les parties, la société Néo-Soft Services considérant quant à elle que la salariée avait accepté la clause de mobilité, que l'organisation logistique permettait de répondre à ses contraintes familiales et enfin que son profil correspondait parfaitement à la mission du client.

La salariée ayant maintenu son refus, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 6 février 2017.

Par courrier du 9 février 2017, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 18 août 2017.

Par jugement contradictoire du 12 juin 2019, le conseil de prud'hommes a :

- Fixé le salaire de Mme [Z] à 3236,17 euros,

- Requalifié la faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société Néo-Soft Services à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

9169,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

9708,51 euros à titre d'indemnité de préavis et 970,85 euros pour les congés afférents,

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- Rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (3236,17 euros),

1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes,

- Débouté la société Néo Soft Services de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 12 août 2019, Mme [Z] épouse [K] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 18 juillet 2022, Mme [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de faute grave,

- réformer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement intervenu en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- juger que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

- fixer la moyenne de son salaire brut à 3.930,06 euros,

- condamner la société Neo-Soft à lui verser les sommes suivantes :

11.790,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.179 euros au titre des congés payés afférents,

11.244,33 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

39.300 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner l'employeur à modifier les documents liés à la rupture du contrat de travail,

- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de l'instance et que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner la rectification des documents légaux,

- condamner la société Neo-Soft au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 7 mars 2023, la société Néo-Soft Services demande à la cour de :

A titre principal

- juger que la clause de mobilité prévue au contrat en application de l'accord GPEC du 14 octobre 2014 est applicable et opposable à Mme [X] [K],

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 15 avril 2019,

- juger que le licenciement de Mme [X] [K] repose sur une faute grave suite au refus par cette dernière de la mobilité prévue dans le cadre de ladite clause,

- juger que la mise en oeuvre de la clause a été faite dans l'intérêt de la société Néo-Soft Services et était proportionnée au but poursuivi,

- débouter Mme [Z] de ses demandes tendant à se voir verser une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 15 avril 2019,

- juger que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 3.236,16 euros,

- retenir les montants détaillés dans les présentes écritures (moyenne de salaire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement),

A titre infiniment subsidiaire

- réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts alloués,

En tout état de cause

- la débouter de sa demande de 4.000 euros fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la requérante aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 8 mars 2023.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement en date du 9 février 2017 qui fixe les limites du litige fait grief à Mme [Z] :

- d'avoir refusé une mission de chef de projet fonctionnel au sein de la MAIF à [Localité 3] qui correspondait à son profil et ce, après un échange téléphonique le 23 novembre 2016 avec le directeur d'agence de [Localité 3] et le chef de projet MAIF et retour positif de ce dernier, la date de démarrage étant fixée au 28 novembre 2016 puis reportée au 5 décembre 2016, au 12 décembre 2016 et enfin au 30 janvier 2017 suite à la prolongation de l'arrêt maladie de la salariée du 10 janvier 2017,

- d'avoir, suite à l'entretien du 26 janvier 2017 destiné à faire le point sur les modalités de son départ à [Localité 3], expressément exprimé son refus d'engagement de la mission, et ce alors que la mission devait se dérouler en région Centre-Ouest, région qui faisait partie des lieux d'affectation choisis par elle-même dans le cadre du plan de mobilité interne négociée de Néo-Soft et alors qu'en situation d'inter contrat depuis le 04 janvier 2016 soit plus d'un an, sa conduite a mis en cause la bonne marche du service et son obligation de travail, d'adaptation aux missions et de respect des directives, a nui grandement à l'image de la société et a engagé de lourdes pertes financières, son refus de mission étant illégitime puisqu'elle correspondait au profil.

Au soutien de son appel, Mme [Z] fait valoir que son licenciement est injustifié et considère, d'une part, que le refus de sa mission ne saurait être constitutif d'une faute grave en raison d'une mise en 'uvre déloyale de la clause de mobilité portant une atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale, et, d'autre part, que son licenciement ne reposerait pas sur une cause réelle et sérieuse puisque la clause de mobilité ne lui était pas applicable, que le poste recherché était en inadéquation avec son profil et que son refus n'a eu aucune répercussion sur le fonctionnement normal de l'entreprise.

La société Néo-Soft Services expose au contraire que la clause de mobilité que Mme [Z] a acceptée a été mise en 'uvre dans l'intérêt de l'entreprise, sans aucun abus de droit de sa part et que dans ces conditions, le refus de la salariée d'être affectée à une mission sur [Localité 3] constituait un manquement à ses obligations contractuelles justifiant son licenciement.

***

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une faute grave.

La clause de mobilité est la clause par laquelle le salarié accepte par avance de pouvoir être affecté sur un autre lieu de travail, sans que cette affectation constitue une modification dudit contrat. Une mutation peut ainsi être imposée unilatéralement par l'employeur à son salarié, qui ne saurait la refuser, à la condition que la clause de mobilité soit mise en 'uvre dans l'intérêt de l'entreprise, sans abus de droit ni détournement de pouvoir de la part de l'employeur et seule la mise en 'uvre abusive de la clause de mobilité est de nature à rendre légitime le refus du salarié et à remettre en cause le licenciement prononcé par l'employeur.

Enfin, la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la clause de mobilité a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

En application de l'article L. 2242-21 du code du travail, tel qu'en vigueur lors de la conclusion de l'accord GPEC au sein de la société Néo-Soft Services : « L'employeur peut engager une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs' et l'article L. 2242-33 alinéa 3 précise que « Lorsque, après une phase de concertation permettant à l'employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun des salariés potentiellement concernés, l'employeur souhaite mettre en 'uvre une mesure individuelle de mobilité prévue par l'accord conclu au titre du présent article, il recueille l'accord du salarié selon la procédure prévue à l'article L. 1222-6», ce dernier mentionnant que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat pour un motif économique il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée et à défaut de réponse dans le délai d'un mois le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

L'accord GPEC conclu au sein de la société le 21 octobre 2014 prévoyait à son article 5 que la zone géographique de mobilité interne a pour finalité de rendre le collaborateur mobile sur deux régions, laquelle sera définie par le directeur d'unité après consultation du salarié et à son article 6 que la mobilité interne négociée était mise en place pour 'les collaborateurs qui sont en situation d'inter-contrat depuis 40 jours, consécutifs ou non, sur les 60 derniers jours ouvrés (hors hypothèses de suspension du contrat de travail, notamment... congés parentaux ou de maternité)' et que 'cette mobilité ne s'appliquera pas lorsqu'aucune mission n'aura pu être proposée au collaborateur sur sa zone naturelle de travail pendant cette période de 60 jours ouvrés', ajoutant que un mois avant l'éventuelle mise en oeuvre de la mobilité, le collaborateur en sera informé par la remise d'un écrit accompagnée d'un entretien RH.

En l'occurrence, il ressort des pièces produites la chronologie suivante :

- Mme [Z] était en congé parental jusqu'au 1er janvier 2016,

- lors de son rendez-vous d'inter-contrat du 4 janvier 2016, Mme [Z] a signé la charte de l'inter-contrat et a mentionné au titre des zones de mobilité les zones 2 et 3,

- par lettre recommandée du 15 février 2016, la société a informé la salariée qu'elle avait décidé de mettre en oeuvre l'accord de mobilité individuelle sur les régions 2 et 3 et qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître son acceptation ou son refus concernant le changement de son lieu de travail, précisant qu'à défaut de réponse elle était réputée avoir accepté la modification, qu'en cas d'acceptation elle serait mobile sur les deux régions et qu'en cas de refus la société pourrait être amenée à envisager son licenciement pour motif économique.

Or, comme souligné par l'appelante, à la date du 15 février 2016, Mme [Z] n'était pas en situation d'inter-contrat depuis 40 jours sur 'les 60 derniers jours ouvrés' puisqu'elle n'avait repris son poste que le 1er janvier 2016, soit depuis moins de 60 jours et en outre la mobilité interne ne pouvait être déclenchée dans la mesure où aucune mission ne lui a été proposée dans sa zone naturelle de travail (clause de mobilité contractuelle sur la région parisienne) durant cette période de 60 jours ouvrés, la société soutenant de manière inopérante et sans en justifier que ses démarches visant à trouver une mission sur la zone Ile-De-France n'ont pu aboutir sur une proposition de mission.

Ainsi, même si Mme [Z] n'a pas refusé la clause de mobilité qui lui était proposée en s'abstenant de répondre au courrier qui lui a été remis le 15 février 2016, ladite clause mise en oeuvre en dehors des prévisions de l'accord GPEC doit lui être déclarée inopposable.

Il ne peut donc lui être reproché d'avoir refusé une mutation chez un client à [Localité 3], situé en dehors de sa zone de mobilité contractuelle limitée à la région parisienne.

Par ailleurs et en tout état de cause, à supposer que la clause de mobilité élargie à deux régions lui soit opposable, force est de constater que la société a mis en oeuvre la mobilité dans des conditions exemptes de bonne foi.

En effet, lors de la phase de concertation ayant vocation à prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de Mme [Z] du 4 janvier 2016, celle-ci qui revenait d'un congé parental, avait spécifiquement mentionné au point : 'Freins à la mobilité', sa 'vie familiale'et également à l'item sur le souhait de poste : 'AMOA fonctionnel'.

Or :

- par mail du 22 novembre 2016 a été adressé à la salariée le descriptif d'un poste à pourvoir à [Localité 3] au sein de la MAIF, ledit document mentionnant le poste de 'chef de projet fonctionnel Cisco' sur une durée de deux ans ;

- par mail du 24 novembre 2016, la salariée était informée que l'entretien avec le client s'avérant positif, la mission devait démarrer le lundi 5 décembre 2016 ;

- par différents messages, la salariée, alors placée en arrêt de travail, a fait valoir la distance de 400 kilomètres entre son domicile et [Localité 3] et sa situation familiale, à savoir mère de deux enfants, le plus jeune étant alors âgé de 23 mois.

La société, qui soutient avoir pris en compte les contraintes de la salariée, lui a indiqué dans un mail du 6 décembre 2016 l'organisation logistique suivante : un aller-retour [Localité 4] [Localité 3] par semaine, avec un départ le lundi et le retour le vendredi après midi avec une chambre d'hôtel du mardi au jeudi soir.

Or, cette organisation est manifestement inadaptée à la situation de la salariée et entraîne une atteinte grave à sa vie personnelle et familiale, étant rappelé qu'elle est la mère de deux enfants dont un en bas âge.

Enfin, la salariée justifie que peu de temps après son licenciement, deux offres d'emploi de «chef de projet MOA» sur [Localité 4] ont été postées par son employeur.

Il découle de ses observations que la société a mis en oeuvre la clause de mobilité interne de manière abusive.

Le refus de Mme [Z] de rejoindre son affectation à [Localité 3] ne saurait, là encore, être abusif.

Le licenciement prononcé à son encontre pour motif disciplinaire est donc sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires

L'employeur affirme que la moyenne de salaire des 12 derniers mois de Mme [Z] s'élève à 3 236,17 euros, alors que la salariée revendique un salaire s'élevant à la somme de 3.930,06 euros se décomposant comme suit : 3.493,57 euros de salaire mensuel et 436,49 euros d'heures mensualisées.

Comme soutenu par Mme [Z], qui se réfère à un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne, le calcul de l'indemnité de licenciement lorsque le salarié est en congé parental à temps partiel doit s'effectuer sur la base de sa rémunération à temps complet.

A la date du prononcé de son licenciement le 9 février 2017, la moyenne brute du salaire de Mme [Z], qui se trouvait alors à nouveau à temps plein, s'élevait à la somme de 3.930,06 euros selon les mentions de sa fiche de paie. Elle présentait alors une ancienneté de 8 années et 7 mois dans l'entreprise, du 16 juillet 2008 au 9 février 2017.

Il convient en conséquence de lui allouer une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois calculée sur cette base salariale, puisque l'indemnité doit correspondre à la rémunération qu'aurait perçue la salariée si elle avait poursuivi son travail au sein de l'entreprise, soit la somme de 11 790,18 euros bruts, outre les congés payés de 1 179 euros bruts, ainsi qu'une indemnité de licenciement de 11.244,33 euros en application de l'article 19 de la convention collective Syntec.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable aux faits de l'espèce, 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois'.

Eu égard à l'ancienneté et à l'âge de la salariée à la date de la rupture du contrat, de la rémunération qui lui était versée, et en l'absence d'éléments sur sa situation postérieure au licenciement, le préjudice résultant du licenciement injustifié sera fixé à la somme de 23 600 euros.

Enfin, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à la salariée licenciée, du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires

La société qui succombe supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par la salariée à hauteur de 2 000 euros, en sus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Néo-Soft Services à verser à Mme [Z] 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société au paiement des entiers dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant':

DIT que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Néo-Soft Services à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :

11.790,18 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1.179 euros bruts au titre des congés payés afférents,

11.244,33 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

23.600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les créances de nature salariales portent intérêts à compter de la convocation de la société devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

ORDONNE à la société de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées le cas échéant à la salariée, du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

ORDONNE à la société de remettre à Mme [Z] une attestation Pôle emploi, une fiche de paie récapitulative et un solde de tout compte conformes à la présente décision,

CONDAMNE la société aux dépens.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/08983
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;19.08983 ?
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